Le contrat est par essence un instrument de liberté. Il concrétise la volonté des parties de créer entre elles des obligations, dans le respect de l’ordre public et des bonnes mœurs. L’article 6 du Code civil ivoirien et français consacre cette limite fondamentale en affirmant que « on ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs »[1][2]. Toutefois, cette liberté contractuelle est loin d’être absolue. Elle se trouve aujourd’hui encadrée par des règles impératives édictées notamment pour protéger la partie la plus faible, qu’il s’agisse d’un consommateur, d’un salarié ou d’un locataire.
Pour autant, il serait inexact d’en conclure que la rédaction contractuelle serait totalement corsetée. Bien au contraire, la pratique juridique et économique a montré une créativité constante des parties qui, face aux besoins concrets de leurs transactions, ont inventé des clauses nouvelles que la loi a parfois intégré ultérieurement dans son corpus. Ainsi, la question « que peut-on prévoir dans un contrat ? » appelle une réponse nuancée qui combine liberté contractuelle, limites légales et créativité pratique.
I. La liberté contractuelle comme principe fondamental
La liberté contractuelle repose sur un principe simple : chacun est libre de s’engager ou non, de choisir son cocontractant, de déterminer le contenu et la forme de son contrat, tant que celui-ci respecte la loi et l’ordre public[3]. Ce principe est inscrit à l’article 1102 du Code civil français, qui énonce que « chacun est libre de contracter ou de ne pas contracter, de choisir son cocontractant et de déterminer le contenu et la forme du contrat, dans les limites fixées par la loi »[4] ou l’article 1123 du code civil ivoirien qui dispose que toute personne peut contracter, si elle n’en est pas déclarée incapable par la loi[5]. La doctrine y voit l’une des expressions les plus achevées de l’autonomie de la volonté, pierre angulaire du droit des obligations[6].
Cependant, cette liberté connaît des limites :
- Les règles d’ordre public : certaines dispositions sont impératives et ne peuvent être écartées par la volonté des parties. Par exemple, dans un contrat de bail d’habitation, la durée minimale, les conditions de résiliation ou de révision du loyer sont strictement encadrées par la loi n°2019-576 du 26 juin 2019 en Côte d’Ivoire[7] et la loi du 6 juillet 1989 en France[8].
- Les bonnes mœurs : un contrat contraire aux bonnes mœurs est nul. Ainsi, un pacte de prostitution ou un contrat visant à frauder la loi est frappé de nullité absolue.
- La protection de la partie faible : le législateur impose parfois des clauses au profit de la partie réputée en position d’infériorité économique ou juridique (consommateur, salarié, locataire).
II. La créativité contractuelle : quelques exemples courants
En premier lieu, la clause de non-concurrence, une stipulation par laquelle une partie s’interdit d’exercer une activité susceptible de concurrencer son cocontractant. Cette clause trouve son utilité principalement dans les contrats de travail et dans les contrats de cession de fonds de commerce.
Pour être valable, la clause de non-concurrence doit respecter certaines conditions strictes posées par la jurisprudence :
- Elle doit être limitée dans le temps (par exemple deux ou trois ans).
- Elle doit être limitée géographiquement (un département, une ville, une région précise).
- Elle doit être proportionnée à l’objectif poursuivi, notamment la protection des intérêts légitimes de l’employeur ou de l’acquéreur du fonds de commerce.
- En matière salariale, elle doit donner lieu à une contrepartie financière[9].
Dans le cadre d’une cession de fonds de commerce, la clause de non-concurrence empêche le vendeur de s’installer immédiatement à proximité et de récupérer sa clientèle, au détriment de l’acquéreur qui a payé un prix incluant la valeur de la clientèle.
En plus de cela, il y a la clause de réserve de propriété, qui permet au vendeur de conserver la propriété de la chose vendue jusqu’au paiement intégral du prix par l’acheteur[10][11]. Cette clause présente un intérêt majeur en matière de ventes commerciales où le vendeur souhaite se prémunir contre l’insolvabilité éventuelle de l’acheteur.
Tant que le prix n’est pas totalement payé, la chose reste juridiquement la propriété du vendeur. En cas de défaut de paiement, celui-ci peut la revendiquer même si l’acheteur est en liquidation judiciaire[12]. Toutefois, la clause doit avoir été stipulée par écrit et acceptée par l’acheteur pour être opposable aux tiers[13].
Par ailleurs, d’autres clauses usuelles comme :
- La clause pénale : Elle fixe à l’avance le montant de l’indemnité due par une partie en cas d’inexécution de ses obligations. Elle présente un intérêt pratique pour éviter des discussions interminables sur le montant du préjudice subi.
- La clause limitative ou exonératoire de responsabilité : Elle vise à limiter ou exclure la responsabilité d’une partie en cas d’inexécution. Toutefois, elle est inopposable en cas de faute lourde ou dolosive, et elle ne peut exclure la responsabilité pour dommage corporel[14].
- La condition suspensive : Elle subordonne la naissance du contrat à la réalisation d’un événement futur et incertain (par exemple l’obtention d’un prêt immobilier).
- La clause résolutoire : Elle prévoit la résiliation automatique du contrat en cas d’inexécution d’une obligation.
- La clause de dédit : Elle permet à une partie de se dédire du contrat moyennant le paiement d’une somme convenue.
- La clause compromissoire et la clause attributive de juridiction : Elles organisent la compétence juridictionnelle ou arbitrale pour le règlement des litiges liés au contrat.
NB : De prochaines publications étudieront singulièrement chaque clause pour une meilleure compréhension.
III. La pratique contractuelle : entre innovation et encadrement juridique
La pratique professionnelle a souvent été à l’origine de clauses nouvelles, créées pour répondre à des besoins concrets non prévus initialement par le législateur. Ces innovations sont progressivement intégrées dans la législation lorsque leur utilité et leur sécurité juridique sont reconnues. Ainsi, la clause de réserve de propriété, largement utilisée dans la pratique commerciale, a été consacrée en droit français par la loi du 12 mai 1980 puis codifiée à l’article 2367 du Code civil français.
Toutefois, la rédaction de ces clauses requiert une grande rigueur. Comme l’enseigne la jurisprudence, le juge ne s’attache pas uniquement à la dénomination donnée à la clause ou au contrat, mais à son contenu réel et à ses effets pratiques[15]. Ainsi, une clause mal rédigée ou imprécise peut être réputée nulle ou inopposable, entraînant de graves conséquences pour la partie qui entendait s’en prévaloir.
Conclusion
La liberté contractuelle demeure un principe cardinal du droit des obligations. Elle permet aux parties d’adapter leur contrat à leurs besoins et à la spécificité de leur relation. Néanmoins, cette liberté s’exerce sous le contrôle vigilant de la loi, qui encadre certaines stipulations pour protéger l’ordre public et la partie faible. La pratique contractuelle, quant à elle, continue d’innover en créant des clauses toujours plus adaptées aux réalités économiques et sociales. Dans cette perspective, la rédaction précise, rigoureuse et conforme aux exigences légales demeure la clé d’une relation contractuelle équilibrée, sécurisée et efficace. Ainsi, le recours à un professionnel du droit reste un choix judicieux pour toute personne souhaitant éviter les pièges d’une rédaction approximative.
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Me Luc KOUASSI
Juriste Consultant Bilingue | Formateur | Spécialiste en rédaction de contrats, d’actes extrajudiciaires, d’articles juridiques et des questions relatives au droit du travail | Politiste | Bénévole humanitaire.
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[1] Code civil ivoirien, art. 6.
[2] Code civil français, art. 6.
[3] G. Cornu, Droit civil : Les obligations, Montchrestien, 14e éd., 2012, p. 79.
[4] Code civil français, art. 1102.
[5] Code civil ivoirien, art. 1123.
[6] F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Les obligations, Dalloz, 12e éd., 2018, p. 31.
[7] Loi ivoirienne n°2019-576 du 26 juin 2019 portant régime juridique du bail à usage d’habitation.
[8] Loi française du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs.
[9] Cass. soc., 10 juillet 2002, n° 00-45135.
[10] Code civil français, art. 2367.
[11] Ph. Malaurie et L. Aynès, Les obligations, LGDJ, 12e éd., 2021, p. 410.
[12] Cass. com., 12 juillet 1982, Bull. civ. IV, n° 225.
[13] Cass. com., 27 février 1996, Bull. civ. IV, n° 73.
[14] Cass. civ. 1ère, 29 janvier 1991, n° 88-18896.
[15] Cass. civ. 3ème, 11 juillet 2007, n° 06-16916.