Articles

Nos derniers articles

La ZLECAf en Afrique Centrale : Synergies économiques et défis de la propriété intellectuelle.

La Zone de Libre-Échange Continentale Africaine (ZLECAf) constitue l’une des initiatives les plus ambitieuses de l’intégration économique africaine depuis la création de l’Organisation mondiale du commerce. Avec 54 pays signataires et un marché potentiel de plus de 1,3 milliard de consommateurs, cette zone de libre-échange vise à créer un marché unique continental pour les marchandises et services, tout en facilitant la circulation des personnes et des capitaux conformément à la vision de l’Agenda 2063 : « L’Afrique que nous voulons ». L’Afrique centrale, riche de ses ressources naturelles et de sa position géostratégique, occupe une place particulière dans cette dynamique d’intégration. Le commerce intra-africain, qui a atteint 208 milliards de dollars en 2024 avec une croissance remarquable de 7,7% par rapport à 2023, témoigne du potentiel considérable de cette région dans le nouvel écosystème économique continental. Pour la République du Congo, traditionnellement dépendante des hydrocarbures qui représentent environ 90% de ses exportations, la ZLECAf représente à la fois une opportunité de diversification économique et un défi d’adaptation structurelle. Cette transformation nécessite une approche intégrée combinant la coopération régionale et la sécurisation des actifs intellectuels.

Une cartographie des complémentarités existantes (A) peut aider à optimiser les échanges dans une sous-région (B).

L’analyse des complémentarités économiques entre la République du Congo et ses voisins immédiats révèle un potentiel considérable de synergies sectorielles. Avec la République Démocratique du Congo, les opportunités se concentrent autour du secteur minier et des infrastructures de transport. Le projet emblématique du pont route-rail Kinshasa-Brazzaville, estimé à 550 millions de dollars et financé par la Banque africaine de développement à hauteur de 210 millions de dollars, illustre parfaitement cette dynamique. Ce pont de 1 575 mètres transformera les relations économiques sous- régionales en créant un corridor commercial intégré reliant l’arrière-pays de la RDC aux ports atlantiques.

Avec le Gabon, les synergies se matérialisent principalement dans le secteur forestier. Le Gabon, pays le plus forestier du continent avec 85% de sa superficie couverte par les forêts soit près de 21 millions d’hectares, peut développer avec le Congo des standards communs de certification forestière et des chaînes de transformation intégrées. Cette coopération forestière s’étend également aux domaines énergétiques, avec des potentiels hydroélectriques et gaziers ouvrant la voie à des projets d’interconnexion électrique régionale.

La coopération avec le Cameroun s’articule autour de l’agriculture et de l’agro- industrie. Le développement du corridor de transport Douala-Brazzaville via l’axe Sangmélima-Mintom-Lele-Ntam, désormais achevé, facilite les échanges et peut considérablement réduire les coûts logistiques régionaux. Avec la République Centrafricaine, malgré les défis sécuritaires, le projet « Corridor 13 », financé à hauteur de 282 millions de dollars par la Banque africaine de développement, vise à relier Pointe-Noire à N’Djamena, positionnant le Congo comme un transit naturel pour les exportations centrafricaines.

L’analyse des coûts actuels liés aux échanges transfrontaliers révèle des inefficiences majeures qui pénalisent la compétitivité régionale. Les coûts logistiques représentent actuellement 15 à 20% de la valeur des marchandises, contre 8 à 10% dans les corridors optimisés d’autres régions. Cette situation résulte de la multiplicité des contrôles douaniers, sanitaires et sécuritaires, ainsi que des temps d’attente aux frontières qui s’élèvent en moyenne à 3 à 5 jours.

Les projections économiques démontrent qu’une réduction de 30% de ces coûts, réalisable à travers l’harmonisation des procédures et l’amélioration des infrastructures, pourrait augmenter les échanges régionaux de 25 à 40%. Pour le Congo spécifiquement, cela représenterait une augmentation potentielle des exportations non-pétrolières de 50 à 80 millions de dollars annuellement. L’implémentation de guichets uniques régionaux et la digitalisation des procédures douanières pourraient générer des économies cumulées de 200 à 300 millions de dollars sur la période 2025-2030 pour l’ensemble des pays de la sous-région.

La CEMAC a d’ailleurs initié des réformes importantes dans cette direction. Lors de la 38ème session du Conseil des ministres de l’Union économique de l’Afrique centrale en octobre 2022, il a été décidé d’harmoniser les règlements douaniers et fiscaux, d’adopter le statut d’opérateur économique agréé (OEA) et de créer des bureaux de douane « juxtaposés » aux frontières. Ces mesures visent à réduire significativement les obstacles administratifs et les coûts de transaction dans l’espace CEMAC.

Il s’agit de faire une analyse sur le rôle catalyseur de l’OAPI d’une part (A), mais aussi de voir les défis auxquels les opérateurs économiques sont confrontés (B).

L’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle (OAPI), qui regroupe dix- sept (17) États, joue un rôle stratégique dans la sécurisation des actifs intellectuels à l’ère de la ZLECAf. À travers l’Accord de Bangui révisé (Acte de Bamako 2015), l’OAPI a élargi ses missions pour inclure la promotion de l’innovation technologique, la protection des indications géographiques, des expressions culturelles et des savoirs traditionnels. Cette uniformisation constitue un atout majeur pour les opérateurs économiques désireux de s’étendre à l’échelle continentale, car elle réduit les barrières administratives et juridiques dans un espace désormais ouvert par la ZLECAf.

Dans le contexte de la ZLECAf, la propriété intellectuelle devient un levier clé permettant aux opérateurs économiques de sécuriser leurs actifs immatériels, d’accéder à de nouveaux marchés et de se prémunir contre la contrefaçon et la concurrence déloyale. L’acquisition centralisée via l’OAPI permet qu’une seule démarche protège une innovation dans dix-sept pays, facilitant ainsi l’expansion rapide dans l’espace ZLECAf.

Malgré ce cadre juridique harmonisé, les opérateurs économiques de l’espace OAPI, en particulier les PME, font face à plusieurs obstacles : la complexité perçue de la propriété intellectuelle et les coûts élevés des procédures, le manque de sensibilisation et de formation sur la gestion des actifs immatériels, la difficulté d’accès au financement basé sur les titres de propriété intellectuelle, et la faible valorisation des droits obtenus.

La ZLECAf, en ouvrant les marchés et en intensifiant la concurrence intra- africaine, accentue la nécessité pour les entreprises de protéger leurs innovations, marques et savoir-faire. L’absence de protection expose les entreprises à la contrefaçon et à la dilution des avantages concurrentiels, tandis qu’une stratégie de propriété intellectuelle bien pensée permet d’optimiser la présence sur de nouveaux marchés, de sécuriser les partenariats et d’attirer les investissements.

L’OAPI accompagne cette dynamique par des formations spécialisées via son Académie de propriété intellectuelle, des mécanismes de financement en partenariat avec l’African Guarantee Fund, et des programmes de soutien à l’innovation. La valorisation des indications géographiques, comme le Poivre de Penja ou l’Attiéké des Lagunes, illustre le potentiel de monétisation des actifs intellectuels africains sur le marché continental. Les licences, franchises et accords de transfert de technologie deviennent des outils puissants pour conquérir de nouveaux marchés et générer des revenus additionnels.

L’analyse comparative des synergies économiques régionales et des enjeux de propriété intellectuelle révèle une convergence stratégique fondamentale : la réussite de la ZLECAf en Afrique centrale repose sur une approche intégrée combinant coopération infrastructurelle, protection intellectuelle et coordination politique. Les perspectives d’avenir s’articulent autour d’une triple dynamique. Premièrement, l’exploitation systématique des complémentarités sectorielles identifiées, particulièrement dans les domaines minier, forestier, agricole et logistique, peut créer des chaînes de valeur régionales compétitives sur le marché continental. Deuxièmement, la réduction drastique des coûts transfrontaliers à travers l’harmonisation des procédures et l’investissement dans les infrastructures partagées peut libérer le potentiel commercial de la sous-région. Troisièmement, l’optimisation de la gestion de la propriété intellectuelle via les mécanismes OAPI peut transformer les innovations locales en avantages concurrentiels durables. Les défis demeurent néanmoins considérables. Plus de 50% des entreprises africaines ne connaissent pas la ZLECAf et ses opportunités commerciales. Le commerce non enregistré représente encore 96% du commerce officiel dans la région CEMAC. Ces réalités appellent à un renforcement urgent des mécanismes de sensibilisation, de formation et d’accompagnement des opérateurs économiques.

Pour transformer la ZLECAf en un véritable levier de développement pour la République du Congo et l’ensemble de l’Afrique centrale, trois recommandations stratégiques s’imposent : l’accélération des projets d’infrastructures transfrontalières, l’harmonisation immédiate des politiques commerciales régionales, et l’intégration systématique de la propriété intellectuelle dans les stratégies d’entreprise. L’avenir de l’intégration économique africaine se joue dans la capacité des États à concrétiser cette vision partagée, transformant les défis de l’intégration en opportunités de développement durable et inclusif conforme à l’Agenda 2063 de l’Union africaine.


Par Président OBAMBI Wilfrid Vivien

Magistrat et Conseiller à la Cour d’Appel de Dolisie (Congo). Ancien Juge au Tribunal de Grande Instance de Pointe-Noire, il a également exercé la fonction de Président du Tribunal du travail de Pointe-Noire.

Il est par ailleurs Secrétaire adjoint du Réseau Africain des Magistrats de Propriété Intellectuelle (RAMPI), ainsi que Secrétaire chargé des affaires administratives, juridiques et du contentieux du Réseau des Experts en Propriété Intellectuelle du Congo (REPIC).

Enfin, il figure sur la liste des médiateurs neutres de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI).

Linkedin : https://linkedin.com/in/wilfrid-vivien-obambi

Que devient le contrat de travail des salariés lorsque l’entreprise change de mains ?

Le monde du travail est marqué par une dynamique constante de transformations économiques, juridiques et organisationnelles. Les entreprises, loin d’être des entités figées, connaissent des mutations profondes : fusions, ventes de fonds de commerce, successions, apports en société, etc. A cet effet, le droit du travail, une branche du droit social accorde une place prépondérante à la protection du salarié, considéré comme la partie « faible » dans la relation contractuelle. L’un des moments où cette protection prend tout son sens est celui du transfert d’entreprise, c’est-à-dire le passage d’une société ou d’un fonds de commerce d’un employeur à un autre. Dans de tels contextes, le salarié pourrait légitimement craindre une rupture ou une altération de son contrat de travail, alors même que ce changement lui est totalement extérieur et indépendant de sa volonté. Ces opérations, qui affectent l’identité de l’employeur, soulèvent une question essentielle : Que devient le contrat de travail des salariés lorsque l’entreprise change de mains ?

Afin d’éviter de transformer ces situations de restructurations économiques ou juridiques en une source d’instabilité pour les travailleurs, le Code du travail ivoirien, à travers ses articles 11.8 et 11.9, reprend le principe de continuité des contrats de travail. Ces dispositions sont d’ailleurs largement inspirées du droit comparé, notamment de l’article L. 1224-1 du Code du travail français, lequel a donné lieu à une abondante jurisprudence et une riche doctrine qui peuvent utilement éclairer le droit ivoirien en l’absence de contentieux significatifs sur la question[1].

L’enjeu est donc double : d’une part, assurer une sécurité juridique pour les salariés, en leur garantissant que le simple changement d’employeur n’entraîne pas la perte de leur emploi, et d’autre part, préserver une souplesse pour l’employeur repreneur, qui reste tenu par la loi mais conserve la possibilité d’aménager l’organisation de l’entreprise dans le respect des règles de rupture contractuelle.

L’analyse du régime du transfert d’entreprise en droit ivoirien mérite d’être approfondie afin de rendre accessibles ces mécanismes complexes, à la fois aux praticiens, aux universitaires, mais aussi aux salariés eux-mêmes qui pourraient s’interroger sur leurs droits en pareilles circonstances.

L’article 11.8 du Code du travail ivoirien prévoit que : « S’il survient un changement d’employeur, personne physique ou morale, par suite notamment de succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise »[2].

Cette disposition pose un principe clair : le transfert d’entreprise n’entraîne pas rupture du contrat de travail. Il s’agit d’un transfert automatique, qui s’impose aux parties, sans qu’il soit besoin d’un nouvel accord du salarié. En d’autres termes, l’arrivée d’un nouvel employeur ne modifie pas la situation contractuelle des salariés qui continuent d’exercer leurs fonctions dans les mêmes conditions, mais sous l’autorité d’une autre personne[3].

La finalité de ce mécanisme est la protection du salarié, qui ne saurait être victime des fluctuations économiques ou juridiques touchant son employeur. La continuité du contrat de travail est ainsi garantie, ce qui évite au salarié de se retrouver au chômage malgré sa parfaite disponibilité et compétence.

Ce mécanisme répond aussi à une logique d’ordre public social : même si le salarié préférait, dans certains cas, refuser de travailler pour un nouvel employeur, il ne dispose pas de ce droit d’opposition en principe[4].

Par ailleurs, notons que l’article 11.8 du code du travail ivoirien reprend quasiment mot pour mot l’article L. 1224-1 du Code du travail français, issu d’une directive européenne de 1977 (directive 77/187/CEE du 14 février 1977, remplacée par la directive 2001/23/CE). La jurisprudence française a eu l’occasion de préciser les contours de cette règle, et il est tout à fait pertinent d’y recourir pour l’interprétation du droit ivoirien.

Ainsi, en droit français, le transfert suppose trois conditions principales[5] :

  • L’existence d’une entité économique autonome, c’est-à-dire un ensemble organisé de personnes et d’éléments permettant l’exercice d’une activité ;
  • La continuité de l’activité après le transfert, c’est-à-dire que l’activité de l’entreprise ou du service subsiste ;
  • L’existence d’un changement effectif d’employeur.

Ces critères permettent de cerner les situations entrant dans le champ du transfert légal, et il est probable que la jurisprudence ivoirienne adopte une grille d’analyse similaire.

L’article 11.9, alinéa 2 du Code du travail ivoirien précise que : « Les salariés transférés ne peuvent prétendre à aucune indemnité du fait du changement d’employeur »[6].

Cette précision est importante en ce sens que le législateur ivoirien considère que, puisque le contrat se poursuit dans les mêmes conditions, il n’y a pas de rupture ouvrant droit à indemnité. La stabilité juridique du contrat prime donc sur la logique indemnitaire.

Cette solution se justifie à plusieurs titres :

  • D’abord, sur le plan juridique, il n’existe pas de rupture du contrat de travail. Or, en droit du travail, les indemnités compensatrices ou de licenciement sont exclusivement dues en cas de rupture imputable à l’employeur ou au salarié. En l’absence de rupture, aucune créance nouvelle ne naît[7][8].
  • Ensuite, sur le plan économique, l’objectif est de ne pas alourdir le coût des transferts d’entreprise par des charges sociales excessives, ce qui risquerait de décourager les opérations de reprise et donc de menacer davantage l’emploi.
  • Enfin, sur le plan social, l’accent est mis sur la continuité de l’emploi : la meilleure indemnité est, en réalité, la conservation du poste de travail.

Toutefois, cette règle peut susciter des frustrations chez certains salariés. Pour eux, le changement d’employeur n’est pas neutre : il peut signifier une nouvelle culture d’entreprise, des méthodes de gestion différentes, voire des conditions de travail plus exigeantes. Néanmoins, la philosophie du droit du travail est ici d’éviter le « licenciement déguisé » et de préserver les emplois. En France, la Cour de cassation a rappelé à plusieurs reprises que le transfert ne constituait ni une modification du contrat, ni une cause de rupture ouvrant droit à indemnité[9].

En pratique, l’absence d’indemnité n’interdit pas au salarié de réclamer réparation si, à la suite du transfert, ses droits sont effectivement violés (par exemple, baisse illégale de salaire, non-respect d’une convention collective, ou harcèlement lié à la réorganisation). Dans ces cas précis, le juge pourra accorder des dommages-intérêts, mais uniquement pour ces manquements, et non pour le transfert lui-même[10].

Il convient toutefois de souligner que le nouvel employeur hérite de l’ensemble des droits et obligations de l’ancien, mais il conserve la possibilité de rompre les contrats s’il justifie d’un motif légitime (économique ou disciplinaire).

En effet, le nouvel employeur ne choisit pas « à la carte » les obligations qu’il reprend : il est tenu de respecter l’intégralité du contrat de travail existant (rémunération, ancienneté, clauses particulières comme une prime d’ancienneté ou une clause de non-concurrence). De même, il doit appliquer les conventions collectives et usages en vigueur dans l’entreprise au moment du transfert[11].

Cette transmission totale des obligations peut parfois surprendre l’employeur repreneur, surtout s’il découvre a posteriori des avantages substantiels consentis aux salariés par son prédécesseur. Mais elle constitue une contrepartie logique de la continuité du contrat.

L’article 11.8 du Code du travail ivoirien n’empêche pas le nouvel employeur de procéder à des licenciements, mais ceux-ci doivent obéir au droit commun du licenciement, c’est-à-dire reposer sur une cause réelle et sérieuse[12][13]. Deux types de motifs peuvent être invoqués :

  • Des motifs économiques, lorsqu’une restructuration, une baisse d’activité ou une réorganisation s’impose ;
  • Des motifs disciplinaires ou personnels, si le salarié commet une faute grave, ou s’il démontre une insuffisance professionnelle.

Ainsi, le transfert protège contre la perte automatique d’emploi, mais pas contre un licenciement motivé et juridiquement encadré.

Par ailleurs, le régime du transfert d’entreprise cherche à concilier deux impératifs contradictoires : d’un côté, la stabilité des salariés, et de l’autre, la souplesse de gestion pour l’employeur. Si le nouvel employeur devait être privé de toute faculté de réorganisation, il pourrait être dissuadé de reprendre l’entreprise, ce qui mettrait en danger la survie de l’activité et donc l’emploi à long terme.

Ce mécanisme s’inscrit dans une logique de compromis, où la sécurité juridique des travailleurs s’articule avec la liberté de gestion de l’entrepreneur, dans l’intérêt global de l’économie nationale[14].

Le transfert d’entreprise en droit ivoirien repose sur une logique protectrice pour le salarié, en consacrant la continuité automatique des contrats de travail malgré le changement d’employeur. Directement inspiré du droit français et de la directive européenne de 2001, ce mécanisme évite que les restructurations économiques ne se traduisent par une vague de licenciements injustifiés.

Toutefois, la protection des salariés n’est pas absolue. Le nouvel employeur reste libre de licencier pour motif valable, et aucune indemnité n’est accordée aux salariés du seul fait du transfert. Ce régime traduit la volonté du législateur ivoirien de concilier deux impératifs : stabilité sociale et flexibilité économique.

À l’avenir, il serait souhaitable que la jurisprudence ivoirienne précise les contours de l’article 11.8, à l’image de la jurisprudence française, afin d’éclairer les praticiens et de garantir une meilleure prévisibilité du droit.

Pour vos besoins en la matière, veuillez contacter le Cabinet LDJ SARL : (+225) 27 23 23 21 64 / 05 96 11 90 94 / 01 52 90 45 19 (WhatsApp)

Achetez le Kit du travailleur (Guide pour connaître tous ses droits en tant que travailleur) au prix de 35500 FCFA en suivant ce lien https://cabinetldjsarl.com/formation/kit-du-travailleur-guide-pour-connaitre-tous-ses-droits-en-tant-que-travailleur/


Me Luc KOUASSI

Juriste Consultant Polyglotte| Formateur | Spécialiste en rédaction de contrats, d’actes extrajudiciaires, d’articles juridiques et des questions relatives au droit du travail | Politiste | Bénévole humanitaire.

denisjunior690@gmail.com / +225 07 795 704 35 / +90 539 115 55 28


[1] J.-P. Lhernould, Droit social européen et international, PUF, 4e édition, 2021, 598 p.

[2] Article 11.8, Code du travail ivoirien, Loi n° 2015-532 du 20 juillet 2015 portant Code du travail.

[3] M. Despax, Droit du travail, PUF, 2001, 128 p.

[4] F. Favennec-Héry, « La notion d’entité économique autonome », Dr. soc., 2001, p. 215.

[5] Cass. soc., 18 juill. 2000, Sté Sat, n° 98-41.258.

[6] Article 11.9, al. 2, Code du travail ivoirien, Loi n° 2015-532 du 20 juillet 2015 portant Code du travail.

[7] G. Couturier, Droit du travil : Les relations individuelles de travail, Tome 1, PUF, 1995, 568 p.

[8] G. Couturier, « La conclusion du contrat de travail : liberté contractuelle et encadrement normatif », in La négociation du contrat de travail, dir. B. Teyssié, Dalloz, coll. Thèmes et commentaires, 2004, p. 7.

[9] Cass. soc., 7 janv. 1981, Rabot-Dutilleul, Bull. civ. V, n° 4.

[10] OIT, Rapport sur la protection des travailleurs lors des restructurations d’entreprises, Genève, 2019.

[11] Cass. soc., 24 juin 1992, n° 89-43.254.

[12] A. Jeammaud, « La place du salarié individu dans le droit français du travail », in Le droit collectif du travail. Questions fondamentales évolutions récentes. Etudes en hommage à Mme le professeur H. Sinay, Peter Lang, 1994, p. 349.

[13] A. Jeammaud, « Les polyvalences du contrat de travail », in Les transformations du droit du travail, Etudes offertes à G. Lyon-Caen, Dalloz, 1989, p. 301.

[14] CJUE, 11 mars 1997, aff. C-13/95, Ayse Süzen.

100 sujets de thèse de doctorat en droit privé

Dans un contexte académique de plus en plus concurrentiel, choisir un thème doctoral original dans une matière peu exploitée est un choix stratégique. Cela permet non seulement de contribuer à la doctrine, mais aussi de se positionner comme expert d’un domaine innovant. Pour vous 100 sujets doctoraux répartis dans 10 matières rares et porteuses d’avenir en droit privé.

  1. La reconnaissance de la personnalité juridique de l’animal : enjeux et perspectives.
  2. La responsabilité civile pour souffrance animale : fondements et limites.
  3. Les animaux et le commerce international : régulation et protection juridique.
  4. Le statut juridique de l’animal dans les droits africains : étude comparée.
  5. La protection des animaux sauvages en captivité : cadre juridique et réformes nécessaires.
  6. Les animaux de compagnie et le droit de la consommation : vers un renforcement de la protection ?
  7. La faune urbaine et le droit des nuisances : étude critique.
  8. Les expérimentations animales : régulation éthique et juridique.
  9. La maltraitance animale : incriminations et sanctions pénales adaptées ?
  10. La place de l’animal dans le droit des successions : héritier ou bien transmis ?

  1. Le statut juridique de la dépouille mortelle : personne ou bien ?
  2. La crémation et ses implications en droit civil et coutumier.
  3. La propriété des sépultures : analyse historique et perspectives.
  4. Les contrats obsèques : efficacité et protection du consommateur.
  5. La gestion juridique des cimetières privés.
  6. Le transfert transfrontalier des dépouilles mortelles : problématique juridique et diplomatique.
  7. La responsabilité civile des opérateurs funéraires.
  8. La protection des rites funéraires traditionnels dans un État laïc.
  9. Les litiges successoraux liés au lieu d’inhumation.
  10. Les funérailles écologiques : cadre juridique et enjeux environnementaux.

  1. La protection des créations de mode par le droit d’auteur : suffisante ou à réformer ?
  2. Les marques olfactives et sonores dans l’industrie de la mode.
  3. Le fast fashion et la responsabilité sociétale des entreprises de mode.
  4. La contrefaçon dans la mode et les plateformes de e-commerce.
  5. Les contrats de licence et la valorisation des créations de mode.
  6. La mode numérique et les NFT : vers un nouveau paradigme juridique ?
  7. Le droit à l’image des mannequins et influenceurs : enjeux et limites.
  8. L’étiquetage écologique et la protection du consommateur dans la mode.
  9. La protection des secrets d’affaires dans l’industrie de la mode.
  10. La mode traditionnelle africaine et la protection des savoir-faire artisanaux.

  1. Le contrat minier en Afrique : entre attractivité et souveraineté.
  2. La clause de stabilité dans les contrats extractifs : enjeux et controverses.
  3. La responsabilité environnementale des entreprises minières.
  4. La transparence des industries extractives : effectivité et amélioration.
  5. Le contenu local dans l’industrie pétrolière : obligation ou incitation ?
  6. Les droits des communautés locales face aux projets extractifs.
  7. La fiscalité minière et pétrolière : justice fiscale et compétitivité.
  8. Les partenariats public-privé dans l’exploitation minière.
  9. La lutte contre la corruption dans le secteur extractif : étude comparative.
  10. L’impact des industries extractives sur les droits humains : cadre juridique protecteur ?

  1. La régulation juridique des énergies renouvelables en Afrique.
  2. L’autoproduction d’électricité et la libéralisation du secteur énergétique.
  3. La contractualisation dans les projets énergétiques : typologie et risques.
  4. Les smart grids et la responsabilité en cas de panne.
  5. La tarification sociale de l’énergie : vers un droit à l’énergie ?
  6. Les concessions d’électricité : régime juridique et défis.
  7. L’intégration régionale des marchés énergétiques en Afrique de l’Ouest.
  8. La transition énergétique et la protection des consommateurs.
  9. La gouvernance énergétique et la corruption : prévention juridique.
  10. La protection des investissements étrangers dans le secteur énergétique.

  1. La piraterie maritime et la sécurisation juridique du transport international.
  2. La responsabilité du transporteur maritime en cas de cyberattaque.
  3. Le dumping des navires : analyse juridique et environnementale.
  4. Les pavillons de complaisance et la protection des marins.
  5. La régulation juridique des zones portuaires franches.
  6. La pollution marine et la responsabilité civile des armateurs.
  7. Les assurances maritimes et la couverture des risques environnementaux.
  8. La sécurité portuaire et le cadre juridique international.
  9. La gestion des déchets marins : obligations des opérateurs portuaires.
  10. La place du droit coutumier maritime africain dans le droit positif.

  1. Les bâtiments intelligents et la responsabilité des constructeurs.
  2. Les matériaux écologiques et la conformité technique.
  3. La responsabilité décennale face aux innovations constructives.
  4. La garantie de parfait achèvement et la protection du maître d’ouvrage.
  5. La sous-traitance dans le BTP : encadrement juridique et pratiques.
  6. Les assurances construction et les risques émergents.
  7. Les contrats clés en main : étude critique.
  8. La réception des travaux et la gestion des réserves.
  9. La médiation comme mode privilégié de règlement des litiges de construction.
  10. Les normes environnementales dans la construction immobilière.

  1. La sécurité alimentaire et la responsabilité des producteurs.
  2. L’étiquetage nutritionnel : protection du consommateur et défis industriels.
  3. La bioéthique et les OGM : encadrement juridique et perspectives.
  4. Les indications géographiques africaines : valorisation et protection.
  5. La fraude alimentaire et la répression pénale.
  6. La fiscalité des produits alimentaires importés : justice ou protectionnisme ?
  7. La souveraineté alimentaire et le droit privé : quelles articulations ?
  8. La publicité alimentaire mensongère : encadrement juridique effectif ?
  9. La contractualisation dans les filières agroalimentaires.
  10. Les compléments alimentaires et la réglementation pharmaceutique.

  1. La régulation des loot boxes et la protection des consommateurs mineurs.
  2. Les casinos virtuels et la lutte contre le blanchiment d’argent.
  3. Le e-sport : statut juridique des joueurs professionnels.
  4. La fiscalité des gains de jeux d’argent numériques.
  5. Les paris sportifs et la prévention des manipulations.
  6. Les jeux vidéo violents et la responsabilité des éditeurs.
  7. La cybersécurité des plateformes de jeux en ligne.
  8. Le droit à l’image des streamers et joueurs professionnels.
  9. La propriété intellectuelle des avatars et objets virtuels.
  10. La régulation des influenceurs gamers et leurs partenariats publicitaires.

  1. L’édition génétique et le principe d’inviolabilité du corps humain.
  2. La télémédecine et la responsabilité médicale.
  3. La protection des données de santé sur les applications mobiles.
  4. La gestation pour autrui à visée thérapeutique : cadre juridique comparé.
  5. Le consentement éclairé dans les expérimentations biomédicales.
  6. La bioéthique des tests ADN commerciaux : enjeux juridiques.
  7. La recherche médicale et les conflits d’intérêts : régulation efficace ?
  8. La responsabilité médicale pour défaut de conseil sur les alternatives thérapeutiques.
  9. La cybersécurité des dossiers médicaux électroniques.
  10. Le droit à l’oubli numérique pour les personnes atteintes de maladies mentales.

Ces 100 sujets doctoraux en droit privé couvrent des matières rares mais stratégiques, alliant innovation, enjeux sociétaux et pertinence scientifique. Ils constituent un vivier puissant pour vos projets doctoraux, publications, formations et accompagnements d’étudiants.


Besoin d’approfondir l’un de ces sujets avec une problématique affinée, un plan doctoral complet et une bibliographie structurée ? Selon tes besoins et tes moyens, nous pouvons t’apporter notre aide. Contacte notre équipe pour un accompagnement rigoureux et stratégique.

Nos services en la matière :

  • Assistance pour la recherche d’un sujet et/ou un plan
  • Assistance pour la recherche d’un sujet, d’un plan et d’une bibliographie
  • Assistance dans la recherche d’un plan et d’une bibliographie
  • Assistance dans la rédaction du projet / protocole
  • Assistance pour la documentation
  • Assistance pour la correction
  • Assistance dans la rédaction et la documentation. 

Pour plus de détails, contactez-nous via WhatsApp : https://wa.me/message/VYDJGQP5VMVJL1

Autres contacts : (+225) 27 23 23 21 64 / 01 52 90 45 19 (WhatsApp) / 05 96 11 90 94 / 07 05 06 67 04 (WhatsApp) .

Dois-je nécessairement signer un document écrit pour qu’un contrat soit valable ? : Analyse doctrinale et pratique du rôle de l’écrit dans la validité et la preuve du contrat

La vie juridique et économique repose sur une multitude de contrats qui, chaque jour, organisent les rapports entre les individus, les entreprises et l’État. Ces contrats prennent des formes variées : contrats de travail, de vente, de prêt, de bail, d’assurance, etc. Pourtant, une question revient régulièrement, notamment dans la pratique : faut-il nécessairement un document écrit pour qu’un contrat soit valable ?

À première vue, on pourrait croire que tout contrat doit être signé et consigné par écrit pour exister. En réalité, il n’en est rien. Le principe fondamental du droit des obligations est que le contrat se forme par le simple échange des consentements, indépendamment d’un écrit (art. 1101 et 1103 du Code civil français ; art. 1121 et s. du Code civil ivoirien)[1]. Dès lors que les parties se sont mises d’accord sur les éléments essentiels de leur engagement (objet, prix, prestations), le contrat est né, même sans écrit. Ce principe illustre la force de la liberté contractuelle, que les auteurs qualifient parfois de « pierre angulaire du droit privé moderne »[2].

Cependant, si l’écrit n’est pas une condition de validité du contrat, il joue un rôle essentiel à un autre niveau : celui de la preuve. En cas de contestation, il ne suffit pas de dire qu’un accord a été conclu : il faut pouvoir en apporter la démonstration devant un juge. Or, dans un monde où les litiges sont nombreux, la preuve devient aussi importante que l’existence du contrat lui-même. Comme le rappelle Philippe Malaurie, « le contrat sans preuve est un contrat sans force »[3].

Dès lors, la question n’est pas tant de savoir si l’écrit est obligatoire, mais dans quelles hypothèses il l’est, et surtout pourquoi le droit impose parfois aux parties d’écrire ce qu’elles auraient pu se contenter de dire oralement. C’est cette tension entre principe et exceptions que nous allons examiner.

Nous verrons dans un premier temps que l’écrit n’est pas, en principe, une condition de validité du contrat, mais qu’il peut être exigé dans certains cas pour la formation même de l’acte (I). Dans un second temps, nous analyserons la fonction de l’écrit comme moyen de preuve, en distinguant les cas où il est indispensable de ceux où d’autres modes de preuve sont admis (II). Enfin, nous verrons que le droit contemporain, à travers des exceptions jurisprudentielles et législatives, reconnaît la possibilité d’assouplir cette exigence en admettant des preuves alternatives (III).

Le droit des contrats, dans sa tradition civiliste, repose sur le principe du consensualisme : un contrat est formé dès que les parties sont d’accord, indépendamment de la forme qu’il revêt[4]. Ce principe est un corollaire direct de la liberté contractuelle, qui laisse aux individus la possibilité d’organiser eux-mêmes leurs relations. Toutefois, à côté de ce principe, le législateur a prévu un certain nombre d’exceptions. Dans des hypothèses précises, il exige que le contrat soit non seulement conclu par un échange de consentements, mais aussi constaté par écrit. Dans ces cas, l’écrit n’est plus une simple commodité probatoire, il devient une véritable condition de validité du contrat : à défaut, celui-ci est inexistant ou requalifié.

Ces exceptions sont motivées par plusieurs considérations : protéger la partie faible (notamment en droit du travail), garantir la sécurité juridique (en droit commercial), ou encore informer et alerter les parties des conséquences de leurs engagements (en droit civil).

On distinguera ici trois grandes catégories de contrats dans lesquels l’écrit est imposé : les contrats de travail spéciaux (A), les contrats de cession d’entreprises et assimilés (B), et les contrats nécessitant une information renforcée des parties (C).

Le premier domaine dans lequel l’écrit est imposé par la loi est celui du droit du travail, et plus particulièrement en matière de contrat à durée déterminée (CDD). En principe, le contrat de travail est consensuel : il peut se former oralement, dès que l’employeur et le salarié sont d’accord sur la prestation et la rémunération[5]. Toutefois, lorsqu’il s’agit d’un CDD, la loi impose un écrit sous peine de requalification en contrat à durée indéterminée (CDI).

Ainsi, en Côte d’Ivoire, l’article 15.2 du Code du travail dispose que « le contrat de travail à durée déterminée doit être établi par écrit »[6]. De même, en droit français, l’article L1242-12 du Code du travail précise que « le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif ; à défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée »[7].

Cette exigence d’écrit poursuit une finalité protectrice : le CDD étant un contrat précaire par nature, il doit être encadré afin d’éviter les abus. L’absence d’écrit entraîne une sanction radicale : la requalification en CDI, plus protecteur pour le salarié, avec toutes les conséquences attachées (ancienneté, indemnités de rupture, etc.).

La jurisprudence française a été constante en ce sens : la Cour de cassation a jugé qu’un CDD non écrit est réputé à durée indéterminée, et que l’absence de mention précise du motif du recours au CDD conduit également à la requalification[8]. La doctrine ivoirienne suit la même logique, insistant sur le rôle de l’écrit comme instrument de protection sociale.

Un second domaine où l’écrit est requis est celui des contrats commerciaux relatifs aux entreprises. Plus précisément, la vente d’un fonds de commerce doit obligatoirement être constatée par écrit et comporter certaines mentions légales.

En droit français, l’article L141-1 du Code de commerce impose que l’acte de vente mentionne notamment : le nom du précédent vendeur, la date et la nature de son acte d’acquisition, le prix de cession des éléments incorporels, du matériel et des marchandises, le chiffre d’affaires et les résultats d’exploitation réalisés au cours des trois exercices précédents[9]. Ces mentions visent à protéger l’acquéreur en lui garantissant une information suffisante sur la valeur réelle de ce qu’il achète.

En l’absence de ces mentions obligatoires, le contrat n’est pas nécessairement nul, mais l’acquéreur dispose d’une action en nullité relative, destinée à le protéger contre une information défaillante. La jurisprudence considère en effet que l’écrit a ici une fonction informative autant que probatoire[10].

En Côte d’Ivoire, le droit OHADA, bien que moins détaillé que le Code de commerce français, prévoit également l’exigence d’un écrit dans la cession d’un fonds de commerce, notamment pour des raisons de publicité et d’opposabilité aux tiers[11]. Cette exigence s’inscrit dans une logique de sécurité des transactions commerciales, où la clarté et la certitude sont essentielles pour garantir la confiance des acteurs économiques.

Enfin, certains contrats doivent être conclus par écrit parce qu’ils engagent les parties dans des obligations lourdes ou à long terme. L’écrit est alors imposé comme instrument de réflexion et de protection contre la précipitation.

C’est notamment le cas en matière de crédit à la consommation, où la loi française (art. L312-18 du Code de la consommation) impose un écrit contenant l’ensemble des conditions financières du prêt (taux, durée, échéances, coût total)[12]. De même, dans le domaine du droit immobilier, le contrat de bail de plus de 12 ans doit être établi par acte notarié pour être publié au service de la publicité foncière[13].

L’écrit n’est donc pas ici un simple instrument de preuve, mais une condition d’efficacité de l’acte, parfois même de validité. Comme l’explique Jacques Ghestin, « l’écrit imposé par la loi ne vise pas seulement à constater le contrat : il a pour fonction d’éclairer les volontés, d’informer, et de limiter les risques d’abus »[14].

Ainsi, si le principe demeure que l’écrit n’est pas une condition de validité du contrat, il existe de nombreuses exceptions, justifiées par des considérations de protection, de sécurité ou d’information. L’exigence d’un écrit apparaît comme une limite au consensualisme, mais une limite qui se veut pragmatique et équilibrée, afin de répondre à des besoins sociaux et économiques concrets.

Si l’écrit n’est pas toujours exigé comme condition de validité du contrat, il conserve une place essentielle dans le droit des obligations en tant que moyen de preuve. En d’autres termes, même si un contrat peut exister valablement sans écrit, il reste souvent difficile d’en prouver l’existence ou le contenu devant le juge sans un support écrit. L’écrit devient alors le pivot de la sécurité juridique : il permet de fixer la mémoire des conventions et de prévenir les contestations.

Ce rôle probatoire de l’écrit s’inscrit dans une architecture législative précise. Le Code civil français comme le Code civil ivoirien organisent un régime général de la preuve des actes juridiques, fondé sur le principe selon lequel tout acte dépassant une certaine valeur doit être prouvé par écrit[15]. Toutefois, cette règle connaît des tempéraments, afin d’éviter qu’elle ne conduise à des injustices ou à une rigidité excessive.

Nous envisagerons donc, d’une part, la primauté de l’écrit en matière de preuve (A), puis, d’autre part, les exceptions et limites apportées à cette primauté (B).

En droit civil, l’écrit est traditionnellement considéré comme une preuve dite « parfaite », c’est-à-dire que le juge ne dispose en principe d’aucun pouvoir d’appréciation sur sa valeur, sauf en cas de contestation sur l’authenticité ou d’ambiguïté dans le contenu[16].

L’article 1359 du Code civil français pose une règle fondamentale : tout acte juridique portant sur une somme ou une valeur excédant un montant fixé par décret doit être prouvé par écrit, sous signature privée ou authentique. Le Code de procédure civil ivoirien reprend le même esprit en exigeant un écrit pour les actes juridiques dépassant la somme de 500 francs CFA. Ainsi, dans notre exemple introductif du prêt de dix millions de francs CFA consenti par M. EMBONPOINT à sa nièce, la loi exige en principe un écrit pour prouver le contrat.

L’écrit confère donc une stabilité aux relations contractuelles. Comme le souligne Philippe Malaurie, « l’écrit cristallise la convention, il fixe dans le temps l’accord des volontés et le soustrait aux incertitudes de la mémoire »[17].

Le droit distingue plusieurs types d’écrits pouvant servir de preuve :

  • L’acte authentique, rédigé par un officier public (notaire, officier d’état civil, huissier) et doté d’une force probante renforcée. Sa valeur probante s’impose au juge tant qu’il n’est pas attaqué par la voie de l’inscription de faux[18].
  • L’acte sous seing privé, établi par les parties elles-mêmes, qui n’a pas la même force probante que l’acte authentique mais reste une preuve parfaite, sauf si sa signature est contestée.
  • L’écrit électronique, désormais reconnu par les législations modernes (art. 1366 Code civil français), qui a la même valeur probante que l’écrit papier à condition que l’identité du signataire soit garantie et que le support assure l’intégrité du contenu[19].

Cette diversification des supports reflète une adaptation du droit aux évolutions technologiques et aux besoins des relations économiques contemporaines.

Le principe de la force probante de l’écrit se traduit également par la règle d’exclusivité : il ne peut être prouvé « outre ou contre un écrit » que par un autre écrit. L’article 1359, alinéa 2 du Code civil français dispose expressément que l’on ne peut pas établir par témoignage ou par présomptions ce qui contredit un acte écrit[20].

Cette règle a pour finalité de protéger la stabilité et la cohérence des relations contractuelles. Comme le rappelle la jurisprudence, admettre systématiquement la preuve par témoins contre un écrit reviendrait à vider ce dernier de sa substance et à fragiliser la sécurité juridique[21].

La rigueur de la règle du « tout écrit » ne pouvait toutefois être appliquée sans nuances, au risque de conduire à des injustices. C’est pourquoi le Code civil et la jurisprudence ont prévu plusieurs exceptions permettant de suppléer l’absence d’écrit ou de contourner l’exigence légale.

L’article 1360 du Code civil français prévoit que les règles de preuve par écrit « reçoivent exception en cas d’impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit ».

L’impossibilité matérielle vise des situations concrètes : par exemple, un contrat conclu dans l’urgence, comme lors d’une hospitalisation soudaine, où l’établissement d’un écrit aurait été impossible. L’impossibilité morale renvoie à des cas où la nature de la relation entre les parties rendait inapproprié de demander un écrit. La jurisprudence française a admis qu’un prêt conclu entre membres d’une même famille pouvait relever de cette exception, l’existence d’un lien affectif fort constituant une impossibilité morale de réclamer un écrit[22].

Dans l’affaire de M. EMBONPOINT, la relation familiale et affective avec sa nièce pourrait justifier l’absence d’écrit, et permettre au juge d’admettre des témoignages comme preuve du prêt.

Le même article 1360 prévoit deux autres cas d’exception : lorsque l’usage exclut l’écrit, et lorsque l’écrit a été perdu par force majeure.

  • Les usages : certains milieux professionnels ou certaines pratiques sociales n’impliquent pas la formalisation écrite des accords. Dans le commerce de détail, par exemple, les achats sont rarement constatés par un écrit.
  • La perte de l’écrit : lorsqu’un contrat avait bien été formalisé mais que l’écrit a été détruit accidentellement (incendie, inondation, etc.), la loi permet aux parties de recourir à d’autres modes de preuve.

L’article 1362 du Code civil français définit le commencement de preuve par écrit comme « tout écrit qui, émanant de celui qui conteste un acte ou de celui qu’il représente, rend vraisemblable ce qui est allégué ». Par exemple, une lettre, un courriel ou un reçu signé peuvent constituer un commencement de preuve par écrit.

Ce commencement doit toutefois être corroboré par un autre mode de preuve (témoignages, présomptions) pour emporter la conviction du juge. Ce mécanisme permet une certaine souplesse, tout en préservant la prééminence de l’écrit.

L’article 1361 du Code civil français admet que l’écrit peut être suppléé par des modes de preuve solennels tels que l’aveu judiciaire ou le serment décisoire. Ces mécanismes permettent d’éviter un formalisme excessif, tout en garantissant une valeur probatoire équivalente à l’écrit.

L’écrit apparaît ainsi comme le pilier de la preuve contractuelle : il constitue la preuve parfaite des conventions, et son absence expose les parties à de grandes difficultés probatoires. Toutefois, afin d’éviter que la rigueur de cette exigence ne mène à des injustices, la loi et la jurisprudence ont prévu de nombreuses exceptions, notamment en cas d’impossibilité morale, d’usages, ou par le recours au commencement de preuve par écrit.

Le système de preuve en droit civil illustre donc une tension permanente entre deux objectifs : la sécurité juridique par l’écrit et la souplesse des relations sociales et économiques.

Si l’écrit occupe une place centrale dans le système probatoire des contrats, il ne constitue pas l’unique instrument de preuve. Le droit civil, conscient de la diversité des situations de la vie sociale, a admis des modes de preuve supplétifs permettant de compléter ou, parfois, de remplacer l’écrit. Ces mécanismes viennent tempérer la rigidité de la règle du « tout écrit » et offrir une certaine souplesse aux parties, en particulier lorsqu’il leur est difficile d’obtenir un document écrit.

Ainsi, en dehors de l’écrit, les parties peuvent recourir à trois grands types de preuves supplétives : le témoignage, les présomptions et la preuve électronique. Chacun de ces modes, bien que moins « parfaits » que l’écrit, est encadré par la loi et la jurisprudence, afin de garantir un équilibre entre la recherche de vérité et la sécurité juridique.

Le témoignage consiste en la déclaration faite par une personne, sous serment, sur des faits dont elle a eu connaissance personnelle. Le Code civil français (art. 1381 et s.) comme le Code civil ivoirien reconnaissent le témoignage comme un mode de preuve recevable, mais qui demeure une preuve « imparfaite » : le juge conserve un pouvoir souverain d’appréciation sur sa valeur probante[23].

Ce caractère imparfait s’explique par les risques d’altération de la mémoire, de partialité ou encore de pressions exercées sur les témoins. Comme l’a souligné un arrêt ancien mais constant de la Cour de cassation, « le témoignage est une preuve sujette à caution, que le juge doit apprécier avec une particulière prudence »[24].

Le témoignage est souvent admis lorsque l’écrit fait défaut, mais uniquement dans les cas prévus par la loi, comme l’impossibilité morale d’obtenir un écrit (cf. supra). Dans l’affaire de M. EMBONPOINT, par exemple, les témoins présents au moment du prêt pourraient utilement attester de la réalité de l’accord verbal. Toutefois, ces témoignages n’auraient de valeur probante qu’à condition d’être corroborés par d’autres éléments (commencement de preuve par écrit, présomptions, etc.)[25].

La jurisprudence ivoirienne a également admis l’usage du témoignage pour suppléer un écrit lorsque les circonstances rendaient impossible la formalisation du contrat, notamment dans le cadre des relations familiales ou des échanges coutumiers.

La présomption se définit comme un raisonnement par lequel le juge déduit l’existence d’un fait inconnu à partir d’un fait connu. Le Code civil distingue deux catégories :

  • Les présomptions légales, prévues par la loi elle-même, qui s’imposent au juge (par exemple, la présomption de paternité du mari, art. 312 C. civ. fr.).
  • Les présomptions judiciaires, que le juge déduit librement de l’ensemble des circonstances de la cause (art. 1382 C. civ. fr.).

En matière contractuelle, ce sont principalement les présomptions judiciaires qui jouent un rôle, car elles permettent au juge de pallier l’absence d’écrit ou de confirmer un commencement de preuve.

Un exemple typique de présomption judiciaire est celui du paiement constaté par le créancier. Si celui-ci restitue volontairement une reconnaissance de dette ou un titre, le juge peut présumer que la dette a été payée.

Dans le cas de M. EMBONPOINT, si sa nièce avait adressé un message écrit ou tenu des propos reconnaissant le prêt, le juge pourrait, à partir de ce fait connu, présumer l’existence de l’accord initial. Cette utilisation des présomptions démontre leur rôle complémentaire dans l’architecture probatoire.

Les présomptions judiciaires ne valent que comme preuves imparfaites, soumises à l’appréciation souveraine des juges du fond[26]. Toutefois, elles constituent un outil précieux pour trancher des litiges où l’écrit fait défaut.

La révolution numérique a profondément bouleversé la notion d’écrit. Désormais, l’écrit ne se réduit plus au support papier. L’article 1366 du Code civil français dispose que « l’écrit sous forme électronique a la même force probante que l’écrit sur support papier », à condition que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et que l’intégrité du document soit garantie.

Le droit OHADA, dans l’Acte uniforme révisé sur le droit commercial général, a également reconnu la valeur juridique des communications électroniques dans les relations commerciales[27]. Cette évolution a été déterminante pour sécuriser les transactions modernes, notamment dans le commerce international et le secteur bancaire.

La signature électronique est l’élément central qui confère à l’écrit électronique sa force probante. La loi française (art. 1367 C. civ.) et la législation ivoirienne, à travers la loi n° 2013-546 relative aux transactions électroniques, encadrent strictement son usage. Pour être valable, la signature électronique doit être « fiable », ce qui implique un procédé d’identification garantissant le lien entre le signataire et l’acte signé[28].

Dans la pratique, les signatures électroniques certifiées par des tiers de confiance (par exemple, les certificats numériques délivrés par des autorités agréées) sont reconnues par les juridictions comme ayant une valeur probante équivalente à celle d’une signature manuscrite[29].

Si la preuve électronique constitue une avancée majeure, elle n’est pas exempte de difficultés. Les contestations portent souvent sur la sécurité du procédé (usurpation d’identité, altération du document) ou sur la pérennité des supports numériques. Comme l’a souligné un rapport de l’OHADA, « la preuve électronique appelle une vigilance accrue afin que la modernité technologique ne devienne pas une source d’insécurité juridique ».

Les modes de preuve supplétifs notamment témoignage, présomptions et preuve électronique démontrent que le système probatoire en droit civil n’est pas figé dans un formalisme rigide. Si l’écrit conserve la primauté, ces instruments permettent d’adapter la preuve aux réalités sociales, psychologiques et technologiques.

Ils participent ainsi à l’équilibre recherché entre sécurité juridique (garantie par l’écrit) et souplesse des rapports sociaux et économiques (assurée par les preuves supplétives).

L’étude de la question de savoir si un contrat doit nécessairement être constaté par écrit met en lumière les tensions permanentes du droit des obligations entre deux exigences contradictoires : d’une part, la sécurité juridique, qui impose la traçabilité et la précision des engagements contractuels, et, d’autre part, la souplesse des rapports sociaux, qui rend nécessaire la reconnaissance de formes alternatives de preuve.

En principe, le droit civil, qu’il soit français, ivoirien ou même dans l’espace OHADA, repose sur le principe du consensualisme : le contrat naît du simple échange de consentements, sans qu’un écrit soit exigé[30]. Ce principe, hérité du Code civil napoléonien de 1804 et repris dans le Code civil ivoirien (art. 1101 et s.), constitue une véritable conquête doctrinale, en ce qu’il consacre l’autonomie de la volonté comme fondement du droit des contrats[31]. Toutefois, cette autonomie se heurte à la nécessité de fixer des limites, notamment dans un souci de protection des parties les plus vulnérables et de préservation de l’ordre public économique.

Ainsi, dans un premier temps, nous avons constaté que l’écrit est parfois érigé en condition de validité du contrat, ce qui constitue une dérogation au consensualisme. C’est le cas, par exemple, du contrat de travail à durée déterminée en Côte d’Ivoire (art. 15.2 C. trav. CI) ou encore de la vente de fonds de commerce en France (art. L141-1 C. com. fr.), où l’exigence d’un écrit vise à éviter les litiges en fixant par avance les conditions essentielles de l’accord. Ces formalismes imposés traduisent une logique protectrice : protéger le salarié contre un contrat précaire non consenti, ou encore protéger l’acquéreur d’un fonds contre les pratiques abusives du vendeur.

Dans un second temps, nous avons relevé que l’écrit constitue avant tout un instrument probatoire, reconnu comme une preuve parfaite. Le Code civil français (art. 1359 et s.) et le Code civil ivoirien prévoient ainsi que les actes juridiques portant sur des sommes supérieures à un certain seuil (1 500 € en France, 500 F CFA en Côte d’Ivoire) doivent être prouvés par écrit. Cette exigence permet d’éviter la volatilité des engagements verbaux et d’assurer une sécurité dans les relations patrimoniales. Cependant, elle n’est pas absolue : le législateur admet des exceptions fondées sur l’impossibilité matérielle ou morale d’obtenir un écrit (art. 1360 C. civ. fr.), ainsi que sur l’usage social ou la force majeure. Cette souplesse reflète une adaptation pragmatique du droit à la réalité des rapports humains, notamment lorsqu’il s’agit de relations familiales empreintes de confiance, comme dans le cas fictif mais réaliste de M. EMBONPOINT et de sa nièce.

Dans un troisième temps, nous avons vu que d’autres modes de preuve supplétifs complètent l’écrit. Le témoignage, les présomptions judiciaires et la preuve électronique forment un ensemble hétérogène, mais nécessaire, de moyens permettant de pallier l’absence d’acte écrit. Si le témoignage et les présomptions appartiennent à la tradition classique du droit de la preuve, la reconnaissance de la preuve électronique marque une véritable révolution juridique, en phase avec la transformation numérique des échanges économiques. La consécration légale de l’écrit électronique et de la signature électronique, aussi bien en droit français (art. 1366 et 1367 C. civ.) qu’en droit ivoirien (loi n° 2013-546 relative aux transactions électroniques), ouvre la voie à une contractualisation dématérialisée et transfrontalière, tout en posant de nouveaux défis de sécurité et de fiabilité.

L’ensemble de ces développements met en évidence une dialectique fondamentale du droit des contrats : comment concilier la liberté contractuelle, expression de l’autonomie individuelle, avec la nécessité d’encadrer cette liberté pour protéger les plus faibles et garantir la sécurité juridique des échanges ? Cette question trouve un écho particulier dans les travaux doctrinaux contemporains qui insistent sur la dimension éthique et sociale du contrat. Comme le souligne Geneviève Viney, « la contractualisation moderne n’est plus seulement un acte privé, mais un fait social qui engage l’ensemble de la collectivité »[32].

Enfin, au-delà du bilan, une mise en perspective critique s’impose. Si l’écrit reste au cœur de la preuve contractuelle, son avenir pourrait être bouleversé par les évolutions technologiques. La preuve électronique, notamment à travers les smart contracts fondés sur la blockchain, pourrait redéfinir le rôle de l’écrit dans les années à venir[33]. Ces nouveaux instruments garantissent non seulement l’existence du contrat, mais automatisent aussi son exécution, réduisant encore davantage la place du juge dans l’interprétation des engagements. Toutefois, cette dématérialisation radicale soulève des inquiétudes quant à la protection des consommateurs, au respect de la vie privée et à la persistance des inégalités d’accès au numérique dans les pays en développement, y compris au sein de l’espace OHADA.

En définitive, la réponse à la question initiale doit-on nécessairement signer un document écrit pour qu’un contrat existe ? est nuancée. Le droit apporte une réponse claire : non, l’écrit n’est pas toujours nécessaire, mais il est souvent indispensable. Indispensable lorsqu’il conditionne la validité de certains contrats, indispensable lorsqu’il constitue la preuve principale d’un engagement, et indispensable enfin lorsqu’il rassure les parties elles-mêmes. Le contrat n’a donc pas besoin d’un écrit pour exister, mais il a besoin de l’écrit pour durer.

Pour vos besoins en la matière, veuillez contacter le Cabinet LDJ SARL : (+225) 27 23 23 21 64 / 05 96 11 90 94 / 01 52 90 45 19 (WhatsApp).

Achetez le Kit LDJ SMART PRO (+1000 Modèles de contrats, lettres, courriers…) au prix de 20500 FCFA en suivant ce lien https://cabinetldjsarl.com/formation/kit-ldj-smart-pro-1000-modeles-de-contrats-lettres-courriers/


Me Luc KOUASSI

Juriste Consultant Polyglotte| Formateur | Spécialiste en rédaction de contrats, d’actes extrajudiciaires, d’articles juridiques et des questions relatives au droit du travail | Politiste | Bénévole humanitaire.

denisjunior690@gmail.com / +225 07 795 704 35 / +90 539 115 55 28


[1] Code civil français, art. 1101 et 1103, Ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats ; Code civil ivoirien, art. 1121 et suivants.

[2] F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, Droit civil : Les obligations, 12e éd., Dalloz, 2022, p. 61 : « La liberté contractuelle constitue la pierre angulaire du droit des obligations et un instrument d’autonomie de la volonté ».

[3] Ph. Malaurie, L. Aynès, Les obligations, 11e éd., LGDJ, 2021, p. 312.

[4] J.-L. Aubert, É. Savaux, Droit des obligations, 15e éd., Sirey, 2020, p. 101.

[5] F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, Droit civil : Les obligations, 12e éd., Dalloz, 2022, p. 123.

[6] Code du travail ivoirien, art. 15.2.

[7] Code du travail français, art. L1242-12.

[8] Cass. soc., 21 sept. 2017, n° 16-15.033 : un CDD conclu sans écrit est réputé CDI. ; Cass. soc., 23 janv. 2008, n° 06-44.239 : absence de mention du motif = requalification en CDI.

[9] Code de commerce français, art. L141-1.

[10] Cass. com., 10 mai 1994, n° 92-17.525. Voir : M. Cabrillac, Droit commercial, Litec, 2020, p. 411.

[11] Acte uniforme OHADA relatif au droit commercial général, 2010, art. 135 et s.

[12] Code de la consommation français, art. L312-18.

[13] Code civil français, art. 1198, combiné avec Code de la construction et de l’habitation, art. L111-5.

[14] J. Ghestin, La formation du contrat, LGDJ, 1998, p. 512.

[15] Code civil français, art. 1359 ; Code civil ivoirien, art. 1102 et s.

[16] F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, Droit civil : Les obligations, 12e éd., Dalloz, 2022, p. 451.

[17] P. Malaurie, L. Aynès, P. Stoffel-Munck, Les obligations, 12e éd., LGDJ, 2021, p. 367.

[18] Code civil français, art. 1369 ; Cass. civ. 1re, 18 nov. 1997, n°95-18.210.

[19] Code civil français, art. 1366 : reconnaissance de l’écrit électronique. Voir : B. Fauvarque-Cosson, Le droit à l’épreuve du numérique, RTD civ., 2017, p. 451.

[20] Code civil français, art. 1359, al. 2.

[21] Cass. civ. 1re, 19 déc. 1995, n°93-20.561.

[22] Cass. civ. 1re, 25 févr. 1997, n°94-17.818 : impossibilité morale admise pour un prêt familial.

[23] Code civil français, art. 1381 et s. ; Code civil ivoirien

[24] Cass. civ. 1re, 12 juin 1911, DP 1912.1.45.

[25] Cass. civ. 1re, 25 févr. 1997, n°94-17.818 : admission de témoignages corroborés par un commencement de preuve par écrit.

[26] Cass. civ. 1re, 13 juill. 1983, n°82-11.419.

[27] Acte uniforme OHADA révisé portant sur le droit commercial général, 15 déc. 2010, art. 5.

[28] Code civil français, art. 1367 ; Loi ivoirienne n° 2013-546 du 30 juillet 2013 relative aux transactions électroniques.

[29] Cass. civ. 1re, 6 avr. 2016, n°15-11.048 : valeur probante d’une signature électronique certifiée.

[30] Code civil français, art. 1101 et 1102 ; Code civil ivoirien, art. 1134.

[31] R. Demogue, Traité des obligations en général, Paris, 1923, t. I, p. 17.

[32] G. Viney, La fonction sociale du contrat, RTD civ. 1998, p. 1.

[33] F. Ewald et M. Fleurbaey, Smart contracts et blockchain : quel avenir pour la preuve contractuelle ?, Revue des contrats, 2020, p. 215.

La suspension du contrat de travail en droit ivoirien : cadre juridique, implications pratiques et perspectives

Le contrat de travail, en tant qu’instrument juridique fondateur de la relation professionnelle, occupe une place prépondérante dans l’organisation sociale et économique moderne. Conçu comme l’acte par lequel une personne s’engage à mettre son activité au service d’autrui, sous un lien de subordination, moyennant rémunération, il constitue la base de l’économie salariée[1]. Sa fonction première est donc d’assurer l’échange entre travail et salaire, tout en encadrant juridiquement les rapports entre employeurs et travailleurs.

Toutefois, ce contrat n’évolue pas de manière uniforme et linéaire. S’il est naturellement destiné à s’exécuter dans la durée, des événements extérieurs ou des situations particulières peuvent en affecter temporairement l’exécution. C’est dans ce contexte qu’intervient la notion de suspension du contrat de travail, mécanisme juridique distinct de la rupture, qui occupe une place singulière dans la réglementation du travail.

La suspension se caractérise par une interruption provisoire des obligations principales des parties : le salarié cesse de fournir sa prestation de travail et, en principe, l’employeur est dispensé du paiement du salaire. Toutefois, le contrat n’est pas anéanti : le lien contractuel subsiste, en ce sens que des obligations accessoires continuent de peser sur les deux parties[2]. Par exemple, le salarié demeure tenu d’une obligation de loyauté, tandis que l’employeur conserve certaines obligations de sécurité et de protection[3]. Ainsi, la suspension est une sorte de « mise en veille » du contrat, qui vise à préserver l’équilibre entre la protection de la personne du travailleur et la pérennité des intérêts économiques de l’employeur.

Le législateur ivoirien, à l’instar du droit français dont il s’inspire largement, mais également dans le sillage des normes internationales, a élaboré un régime juridique précis de la suspension du contrat de travail. Le Code du travail ivoirien consacre en effet plusieurs dispositions aux cas de suspension, aux obligations procédurales et aux effets juridiques qui en découlent[4]. Ces règles s’articulent avec les conventions collectives et les usages professionnels, permettant ainsi une certaine adaptation aux réalités sociales et économiques du pays.

Il convient de souligner que la suspension du contrat de travail répond à une double finalité. D’une part, elle constitue une garantie pour le salarié, en lui permettant de faire face aux aléas de la vie notamment maladie, accident, maternité, service militaire, exercice de mandats publics, chômage technique, etc. sans perdre le bénéfice de son emploi. D’autre part, elle permet à l’employeur de ne pas supporter indéfiniment une charge salariale en l’absence de contrepartie productive, sauf exceptions prévues par la loi ou les conventions collectives[5]. Ce mécanisme de compromis exprime donc une volonté d’équilibre, en conjuguant le principe de continuité de l’entreprise et celui de protection sociale du travailleur.

L’étude de la suspension du contrat de travail en droit ivoirien met ainsi en lumière une construction juridique nuancée, qui n’est ni une pure imitation du modèle français ni une simple transposition des standards internationaux, mais bien une adaptation tenant compte des réalités locales, marquées par un marché du travail fragile, une protection sociale encore inégalement développée et une forte prégnance de l’économie informelle[6].

Dans cette perspective, la suspension du contrat de travail ne se limite pas à une simple interruption d’activité ; elle soulève une série d’interrogations. Quels sont les cas légaux de suspension et leur champ d’application exact ? Quelles obligations procédurales incombent aux parties au contrat durant cette période ? Quels sont les droits du salarié en matière d’indemnisation ? Quelles garanties entourent sa réintégration ou son reclassement à l’issue de la suspension ? Enfin, quelle place particulière occupe la figure du chômage technique, dans un contexte marqué par des crises économiques et sociales récurrentes ?

Ce sont à ces différentes questions que le présent article se propose de répondre, à travers une analyse structurée en cinq axes : les cas de suspension prévus par la loi (I), les obligations procédurales et justificatives qui en découlent (II), le régime indemnitaire applicable (III), les modalités de réintégration et de reclassement du salarié (IV), et enfin, la spécificité du chômage technique en droit ivoirien (V).

La suspension du contrat de travail constitue une figure juridique particulière qui ne met pas fin à la relation contractuelle, mais en interrompt provisoirement l’exécution des principales obligations. En droit ivoirien, les cas de suspension sont expressément prévus par la loi, ce qui évite tout arbitraire et confère une certaine sécurité juridique tant au salarié qu’à l’employeur. Ces hypothèses légales s’expliquent par la nécessité de protéger le salarié contre certains aléas de la vie ou d’adapter la relation de travail à des circonstances indépendantes de la volonté des parties. Elles s’articulent autour de quatre grandes catégories : la suspension liée au service militaire et aux obligations civiques (A), la suspension pour maladie et accident du travail (B), la suspension pour raisons personnelles, familiales ou judiciaires (C), et enfin la suspension pour motifs économiques (D) tels que le chômage technique.

Le droit ivoirien, à l’instar de nombreux droits contemporains, reconnaît que l’accomplissement de certaines obligations civiques ou militaires est de nature à suspendre l’exécution du contrat de travail. L’article 16.7 du Code du travail ivoirien dispose que le contrat est suspendu « pendant la durée du service militaire obligatoire ou de tout service national assimilé »[7]. Cette disposition traduit la volonté du législateur de concilier l’intérêt général, qui commande le respect des obligations nationales, et l’intérêt individuel du salarié, qui ne doit pas être pénalisé dans sa carrière professionnelle pour avoir accompli un devoir civique.

Il convient de souligner que la suspension pour cause de service militaire n’entraîne pas la rupture du contrat. L’employeur reste tenu de conserver le poste du salarié ou un emploi équivalent, de sorte que celui-ci retrouve sa place à l’issue de sa mission nationale[8]. Le salarié bénéficie donc d’une garantie de réintégration, même si, en pratique, le retour peut parfois poser des difficultés en raison des réorganisations internes à l’entreprise.

En outre, la suspension pour obligations civiques peut inclure d’autres situations, telles que la participation à un jury de cour d’assises, l’exercice de mandats électifs ou encore la convocation à témoigner dans le cadre judiciaire. Ces absences légalement justifiées s’imposent à l’employeur et ne peuvent donner lieu à des sanctions disciplinaires[9].

La maladie et l’accident constituent les causes les plus fréquentes de suspension du contrat de travail. Le Code du travail ivoirien prévoit que « le contrat est suspendu en cas d’absence du salarié justifiée par une maladie dûment constatée ou par un accident, qu’il soit ou non d’origine professionnelle »[10].

La suspension dans ce cas répond à une logique de protection sociale. En effet, la santé du salarié étant un droit fondamental reconnu tant par la Constitution ivoirienne que par les conventions internationales[11], il serait inéquitable qu’un travailleur perde son emploi en raison d’un état pathologique.

La procédure impose cependant au salarié de justifier son absence par un certificat médical délivré par une autorité compétente. À défaut, l’employeur peut considérer l’absence comme injustifiée et engager une procédure disciplinaire. Cette exigence de justification vise à prévenir les abus et à garantir un équilibre entre la protection du salarié et les intérêts économiques de l’entreprise.

L’accident du travail bénéficie, quant à lui, d’un régime particulier. L’article 66 et suivant du Code de prévoyance sociale prévoit la prise en charge des soins médicaux et le versement d’indemnités journalières par la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS)[12]. L’employeur reste tenu de déclarer l’accident dans les 48 heures, faute de quoi sa responsabilité peut être engagée[13].

Certaines situations personnelles ou familiales du salarié peuvent justifier une suspension temporaire du contrat de travail. Il s’agit par exemple du congé de maternité, du congé de paternité, ou encore du congé pour événements familiaux (décès d’un parent proche, mariage, etc.). Le Code du travail ivoirien prévoit expressément ces hypothèses dans ses articles relatifs aux congés exceptionnels[14].

Le congé de maternité occupe une place particulière. Conformément à l’article 23.6 du Code du travail, la salariée enceinte bénéficie d’un congé de 14 semaines, réparti avant et après l’accouchement[15]. Ce congé entraîne la suspension du contrat, mais le maintien du salaire est garanti par la CNPS, ce qui illustre la volonté de protéger la maternité en tant que droit fondamental.

Par ailleurs, la suspension peut résulter de situations judiciaires, telles que la détention provisoire du salarié. La jurisprudence ivoirienne admet que l’employeur peut suspendre le contrat dans l’attente de l’issue de la procédure, sans que cela ne constitue une rupture anticipée. Toutefois, si la détention se prolonge de manière excessive ou débouche sur une condamnation incompatible avec la poursuite du contrat, l’employeur peut envisager une rupture[16].

Enfin, le chômage technique constitue une cause de suspension à la fois particulière et sensible. Il se définit comme l’interruption temporaire de l’activité du salarié due à des difficultés économiques, conjoncturelles ou techniques rencontrées par l’entreprise[17].

En Côte d’Ivoire, l’article 16.11 nouveau du Code du travail prévoit expressément cette hypothèse, permettant à l’employeur de suspendre le contrat en cas de force majeure économique. Cette disposition vise à éviter des licenciements massifs en période de crise et à préserver l’outil de travail[18].

Cependant, cette suspension n’est pas totalement neutre pour le salarié. Si le salaire peut être suspendu, certaines conventions collectives imposent le versement d’indemnités compensatrices, destinées à garantir un minimum de subsistance. De plus, le recours au chômage technique doit être justifié par des raisons objectives, et souvent soumis à l’autorisation ou au contrôle de l’Inspection du travail[19].

Le chômage technique a pris une importance particulière lors de la pandémie de COVID-19, période durant laquelle de nombreuses entreprises ivoiriennes ont eu recours à ce mécanisme pour faire face à la baisse de leurs activités sans avoir à licencier massivement.

La suspension du contrat de travail n’est pas un état d’anomie juridique dans lequel les parties au contrat seraient libérées de toute contrainte. Bien au contraire, elle obéit à un régime procédural précis qui encadre les comportements des protagonistes et conditionne la régularité de la suspension. En effet, si l’événement générateur de la suspension (maladie, accident, service militaire, chômage technique, etc.) est extérieur à la volonté des parties, son déclenchement et sa gestion doivent être juridiquement encadrés. L’expérience montre que la plupart des litiges liés à la suspension ne découlent pas tant de la cause elle-même que du non-respect des obligations procédurales par le salarié ou par l’employeur.

Ainsi, trois axes majeurs permettent de comprendre les exigences procédurales de la suspension : l’information de l’employeur (A), la production des justificatifs et le contrôle médical (B), ainsi que la sanction des absences injustifiées (C).

Le premier devoir procédural pesant sur le salarié est celui d’informer son employeur dans un délai raisonnable de l’événement entraînant la suspension du contrat. Cette obligation est prioritaire car elle permet à l’employeur d’organiser la continuité de l’activité économique, de redistribuer les tâches au sein de l’entreprise ou de recourir, le cas échéant, à un remplacement temporaire.

En droit ivoirien, si la législation du travail n’énonce pas toujours de délai strict pour la notification, la pratique et la jurisprudence exigent que cette information intervienne « sans retard injustifié ». En cas de maladie, le salarié doit prévenir son employeur dès qu’il se trouve dans l’incapacité de travailler, généralement dans les 72 heures suivant l’arrêt ou 48 heures si cela doit être constaté par les services médicaux de l’entreprise[20]. L’article 18.14 du Code du travail ivoirien précise que « le travailleur est tenu d’aviser immédiatement l’employeur de toute absence motivée par une maladie ou un accident et d’en fournir la justification »[21].

Cette exigence procédurale participe de la bonne foi contractuelle, principe directeur des relations de travail. Elle trouve également son fondement dans les recommandations internationales, notamment la Convention n° 155 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), qui consacre l’obligation de coopération des travailleurs en matière de sécurité et de santé au travail[22].

À défaut d’information, l’absence du salarié peut être qualifiée d’injustifiée, exposant ce dernier à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement pour abandon de poste. La jurisprudence ivoirienne a ainsi jugé qu’un salarié absent plusieurs jours sans avoir informé son employeur, et sans fournir d’explications valables par la suite, commet une faute grave justifiant la rupture du contrat.

Au-delà de l’information initiale, la suspension pour cause de maladie ou d’accident impose au salarié de produire des justificatifs médicaux. Ces pièces permettent à l’employeur de s’assurer de la réalité de l’incapacité de travail et de sécuriser la gestion des absences. En droit ivoirien, le décret n°4 du 86-198  prévoit que le salarié doit présenter un certificat médical constatant son incapacité et indiquant la durée prévisible de celle-ci[23].

Le certificat médical revêt une importance capitale dans la mesure où il constitue la preuve écrite de l’événement déclencheur de la suspension. Sans ce document, l’absence est présumée injustifiée. En outre, pour prévenir les abus, la loi reconnaît à l’employeur un droit de contrôle : il peut solliciter une contre-visite médicale, effectuée par un médecin agréé, afin de vérifier la réalité de l’incapacité déclarée[24].

Cette faculté de contre-visite n’est pas une atteinte aux droits fondamentaux du salarié, mais une mesure de régulation visant à concilier la protection du salarié malade et la prévention des fraudes. La Cour de cassation française, dans une jurisprudence classique reprise par la doctrine ivoirienne, a affirmé que « l’employeur est en droit de faire contrôler la réalité de la maladie invoquée par le salarié absent »[25].

En revanche, le secret médical demeure protégé : le médecin contrôleur ne peut révéler à l’employeur que l’aptitude ou l’inaptitude du salarié à reprendre son poste, sans divulguer le diagnostic précis. Cette règle assure un équilibre entre le droit à la santé du salarié et les intérêts économiques de l’employeur.

Lorsque le salarié ne respecte pas ses obligations procédurales, défaut d’information, absence de justificatifs médicaux, refus du contrôle, son absence est qualifiée d’injustifiée. Dans ce cas, il n’y a pas suspension régulière du contrat, mais rupture potentielle du lien de confiance entre les parties.

L’absence injustifiée constitue une faute disciplinaire. Le droit positif ivoirien prévoit que le salarié peut être sanctionné pour tout manquement à ses obligations, y compris l’obligation de loyauté et d’assiduité[26]. En pratique, la sanction dépend de la gravité de la faute :

  • une absence ponctuelle et rapidement régularisée peut entraîner un simple avertissement,
  • une absence prolongée sans motif valable peut être assimilée à un abandon de poste et justifier un licenciement pour faute grave.

La jurisprudence ivoirienne assimile ainsi l’absence injustifiée prolongée à une rupture unilatérale du contrat imputable au salarié. Toutefois, le juge apprécie toujours la proportionnalité de la sanction : un licenciement prononcé alors que le salarié avait présenté ses justificatifs tardivement mais de manière crédible peut être jugé abusif.

En somme, l’absence injustifiée prive le salarié de la protection attachée au régime de suspension. Elle constitue non seulement une rupture de la discipline contractuelle, mais aussi une source d’insécurité pour l’entreprise.

Les obligations procédurales encadrant la suspension du contrat de travail apparaissent donc comme un garde-fou indispensable. Elles permettent de préserver la transparence et la confiance mutuelle entre salarié et employeur, tout en assurant l’équilibre entre la protection sociale du travailleur et la stabilité économique de l’entreprise. Leur non-respect bascule la suspension régulière dans une zone de conflictualité pouvant déboucher sur des sanctions lourdes, voire sur une rupture définitive du contrat.

La suspension du contrat de travail, bien qu’elle entraîne une interruption temporaire de l’exécution des obligations principales des parties, ne signifie pas pour autant une absence totale de droits pour le salarié. En effet, la législation et la pratique conventionnelle en Côte d’Ivoire prévoient divers mécanismes permettant d’assurer une certaine continuité de la protection sociale et financière du travailleur durant cette période particulière. Le régime indemnitaire applicable lors de la suspension du contrat de travail s’articule autour de trois principaux volets : les indemnités légales (A), les indemnités conventionnelles (B), et l’articulation avec la sécurité sociale et les organismes de prévoyance (C).

En droit ivoirien, certaines situations de suspension ouvrent droit au bénéfice d’indemnités légales directement prévues par le Code du travail. Ces indemnités sont obligatoires et visent à compenser partiellement la perte de rémunération du salarié suspendu[27].

Ainsi, dans les cas de suspension liés à la maladie ou à l’accident du travail, le salarié bénéficie d’indemnités journalières de sécurité sociale versées par la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale (CNPS), conformément aux dispositions du Code de prévoyance sociale[28]. Ces indemnités, calculées sur la base du salaire antérieur, visent à assurer un minimum vital au salarié privé de sa force de travail. La durée et le montant des prestations dépendent de la nature de l’incapacité, de son caractère temporaire ou permanent, ainsi que de la durée d’affiliation du travailleur au régime de sécurité sociale.

En matière de maternité, le droit ivoirien prévoit également le maintien du revenu de la salariée durant son congé légal. En effet, la salariée en congé de maternité a droit à des indemnités compensatoires versées par la CNPS[29]. Ces prestations constituent une garantie essentielle de la protection de la femme enceinte et de la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale.

Dans le cas de suspension pour obligations civiques (service militaire, participation à des missions électorales ou citoyennes), l’employeur devra verser une certaine indemnité considérée comme son salaire de présence, sauf dispositions spéciales[30]. Aussi, le salarié conserve-t-il son droit de réintégration à l’issue de la période d’absence, conformément aux règles protectrices du droit du travail[31].

Ainsi, le socle légal en matière d’indemnisation apparaît comme un mécanisme de protection sociale visant à éviter une précarisation excessive du salarié, tout en limitant la charge financière directe pour l’employeur.

Au-delà du minimum légal, les conventions collectives et accords d’entreprise peuvent renforcer la protection indemnitaire des salariés. En effet, dans un souci de justice sociale et de maintien de la paix au travail, les partenaires sociaux ont souvent prévu des dispositifs plus avantageux que ceux établis par la loi.

Les conventions collectives applicables dans certains secteurs en Côte d’Ivoire prévoient, par exemple, le maintien intégral ou partiel du salaire par l’employeur durant une période déterminée d’arrêt maladie[32]. Dans ce cas, l’indemnité légale de sécurité sociale se combine avec un complément versé par l’employeur afin que le salarié perçoive une rémunération proche de son salaire habituel. Ce mécanisme a pour objectif d’éviter une perte trop importante de revenu, qui pourrait fragiliser le salarié et sa famille.

De même, certaines entreprises mettent en place des régimes conventionnels d’assurance complémentaireou des caisses internes de solidarité, permettant de couvrir les périodes de suspension pour accident, maladie ou maternité. Ces dispositifs, bien que facultatifs, traduisent une volonté d’équilibrer la relation de travail et de renforcer l’attractivité de l’entreprise.

En outre, la pratique conventionnelle ivoirienne reconnaît, dans certains cas, le droit à des primes exceptionnelles lors de suspensions liées à des événements familiaux (décès d’un proche, mariage, naissance d’un enfant). Ces avantages, bien qu’indirects, participent à une conception élargie de l’indemnisation pendant la suspension du contrat de travail.

Ainsi, le régime indemnitaire conventionnel se présente comme un véritable facteur de complémentarité et de justice contractuelle, en consolidant le filet de sécurité offert par la législation.

Le régime indemnitaire de la suspension du contrat de travail en Côte d’Ivoire ne peut être compris sans prendre en compte l’articulation avec les mécanismes de sécurité sociale et les organismes de prévoyance. En effet, la protection du salarié suspendu repose sur un enchevêtrement de prestations légales, conventionnelles et assurantielles.

La CNPS joue un rôle central dans ce dispositif. Elle prend en charge les indemnités journalières en cas de maladie, d’accident du travail ou de maternité, ainsi que les rentes en cas d’incapacité permanente. L’efficacité de cette protection dépend toutefois de la régularité des déclarations et cotisations effectuées par l’employeur, ce qui constitue parfois une limite pratique dans un contexte marqué par l’ampleur du secteur informel[33].

Parallèlement, les organismes de prévoyance complémentaire, souvent mis en place par les grandes entreprises ou les branches professionnelles, interviennent pour combler les insuffisances du régime légal. Ces organismes peuvent offrir des garanties supplémentaires en matière de couverture médicale, d’assurance décès, d’invalidité ou de maintien du salaire. Le salarié bénéficie ainsi d’une protection plus étendue, adaptée aux réalités socio-économiques.

Enfin, cette articulation suppose une coordination entre les différents acteurs (employeur, CNPS, assurances complémentaires, syndicats). L’absence de coordination peut conduire à des chevauchements ou à des vides indemnitaires, préjudiciables au salarié. Le droit ivoirien, en s’inspirant des modèles européens et de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), s’efforce de promouvoir une meilleure cohérence entre les différents niveaux de protection[34].

Ainsi, le régime indemnitaire pendant la suspension du contrat de travail apparaît comme une construction progressive et pluraliste, visant à garantir la sécurité économique du salarié tout en tenant compte des contraintes de l’employeur.

Le régime indemnitaire de la suspension du contrat de travail en droit ivoirien illustre la volonté du législateur et des partenaires sociaux de concilier la continuité de la protection salariale avec la nécessaire flexibilité économique. Si les indemnités légales constituent le socle minimal de protection, les indemnités conventionnelles et l’intervention des organismes de prévoyance viennent renforcer cette sécurité. Cependant, des défis subsistent, notamment en ce qui concerne l’effectivité de ces mécanismes dans le secteur informel et la nécessité d’une coordination optimale entre les différents acteurs de la protection sociale.

La suspension du contrat de travail constitue une interruption temporaire des obligations réciproques de l’employeur et du salarié. Cependant, la fin de cette suspension pose des enjeux importants concernant le retour du salarié dans l’entreprise. La législation ivoirienne encadre rigoureusement cette étape afin de protéger le salarié tout en permettant à l’employeur d’assurer la continuité de l’activité. La reprise du travail à l’issue de la suspension s’articule autour de trois axes principaux : la réintégration du salarié apte (A), le reclassement du salarié inapte (B) et les conséquences de la durée excessive de la suspension pouvant conduire au licenciement (C).

Lorsque la suspension prend fin et que le salarié est médicalement apte à reprendre ses fonctions, le Code du travail ivoirien prévoit que l’employeur est tenu de le réintégrer dans les conditions antérieures à la suspension[35]. Cette règle vise à préserver le droit du salarié à retrouver son emploi et à éviter toute discrimination liée à l’interruption temporaire de son activité professionnelle.

En pratique, la réintégration implique que le salarié retrouve son poste, sa rémunération et ses avantages acquis avant la suspension. Le droit à l’ancienneté et aux congés payés reste, sauf dispositions contraires prévues par la loi ou par la convention collective. Toutefois, le droit ivoirien prévoit certaines limites. Le salarié ne bénéficie pas d’un droit automatique à réintégration si la durée de son absence excède six mois et que l’employeur a dû procéder à son remplacement effectif durant cette période[36]. Dans ce cas, l’employeur est légalement autorisé à procéder à un licenciement, sous réserve du respect des procédures légales de notification et de justification du motif.

La réintégration du salarié apte à reprendre ses fonctions constitue un élément clé de la protection sociale et professionnelle. Elle traduit l’équilibre que la législation ivoirienne cherche à instaurer entre la protection des travailleurs et la flexibilité nécessaire pour la gestion de l’entreprise.

Dans certaines situations, le salarié peut ne pas être en mesure de reprendre son poste initial à l’issue de la suspension. Cela peut résulter d’une inaptitude physique durable, d’un accident du travail ou d’une maladie prolongée. Dans ce cas, le Code du travail ivoirien impose à l’employeur une obligation de reclassement, en concertation avec les délégués du personnel[37].

Le reclassement consiste à identifier un poste compatible avec les capacités du salarié, en maintenant autant que possible son niveau de rémunération et ses avantages antérieurs[38]. Cette obligation traduit une approche protectrice et humaniste, qui tient compte non seulement des impératifs économiques de l’entreprise mais également de la dignité et de l’employabilité du salarié.

L’employeur doit documenter les démarches entreprises pour trouver un poste adapté et motiver toute décision de refus de réintégration au poste initial. Le non-respect de cette obligation peut entraîner des sanctions juridiques, notamment la requalification du licenciement en licenciement abusif, avec des indemnités compensatoires pour le salarié.

Le reclassement, au-delà de son rôle protecteur, constitue également un instrument de prévention du contentieux et de maintien de la cohésion sociale dans l’entreprise.

La législation ivoirienne encadre strictement les situations où la durée de la suspension dépasse certains seuils, afin de protéger l’employeur contre les contraintes d’organisation tout en garantissant la protection minimale du salarié. Ainsi, lorsqu’un salarié reste absent pour une période supérieure à six mois pour maladie ou accident (hors longue durée), et que l’employeur a été contraint de le remplacer, la réintégration automatique n’est plus garantie[39].

Dans ce cadre, le licenciement devient une option légale, à condition que l’employeur respecte les procédures prévues par le Code du travail, notamment la notification écrite et la justification du motif basé sur l’impossibilité matérielle de maintien du salarié dans son poste. Il est également prévu que, dans le cadre d’un licenciement collectif lié à des absences prolongées, l’employeur doit suivre la procédure prévue pour le licenciement économique collectif[40].

Il est important de souligner que le droit ivoirien distingue le licenciement justifié par la durée excessive de la suspension et le licenciement abusif. Dans ce dernier cas, le salarié peut saisir les juridictions compétentes pour obtenir réparation, y compris des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Ainsi, le régime de la suspension du contrat de travail met en évidence la volonté du législateur de concilier la protection des salariés, la sécurité de l’emploi et les impératifs économiques des employeurs, tout en offrant des instruments de prévention et de résolution des conflits.

La reprise du travail après une suspension constitue un moment critique de la relation de travail, nécessitant un équilibre subtil entre droits et obligations. La législation ivoirienne distingue clairement les salariés aptes, qui doivent être réintégrés, des salariés inaptes, pour lesquels un reclassement doit être envisagé. Enfin, elle encadre les situations où la durée excessive de la suspension peut justifier un licenciement, en imposant des garanties procédurales strictes. Ces dispositions témoignent d’une approche équilibrée, alliant protection du salarié et flexibilité organisationnelle, tout en s’inscrivant dans le cadre d’une pratique inspirée des standards internationaux en matière de droit du travail[41].

La suspension du contrat de travail occupe une place importante dans l’architecture juridique de la relation de travail en Côte d’Ivoire. Elle se situe à l’intersection entre la continuité normale du contrat et la rupture définitive, constituant ainsi un mécanisme souple permettant de concilier les droits du salarié et les impératifs de l’employeur. L’analyse détaillée des différentes facettes de la suspension, que ce soit en matière de causes légales, de procédures, de régime indemnitaire, de réintégration ou de chômage technique, révèle la complexité et la finesse de ce régime.

En premier lieu, les causes légales de suspension sont diversifiées et reflètent la volonté du législateur de protéger le salarié face aux aléas de la vie et aux obligations civiles ou militaires. Le service militaire, les maladies, les accidents du travail, les événements familiaux, ainsi que les périodes de chômage technique sont autant de situations dans lesquelles le salarié peut temporairement interrompre son activité professionnelle sans perdre ses droits fondamentaux. Ce régime assure une sécurité juridique pour le salarié tout en permettant à l’entreprise d’adapter son organisation de manière raisonnable.

Ensuite, les obligations procédurales imposées au salarié et à l’employeur garantissent la transparence et la régularité de la suspension. L’information de l’employeur, la fourniture de justificatifs médicaux et le contrôle par l’employeur constituent des garanties essentielles pour éviter les abus et protéger les deux parties. L’absence de respect de ces obligations peut entraîner des conséquences significatives, notamment la perte du bénéfice de la suspension et la possibilité de licenciement pour absence injustifiée.

Le régime indemnitaire constitue un autre aspect fondamental de la suspension. L’indemnisation légale prévoit le maintien partiel ou total de la rémunération dans certains cas (maladie, service militaire, accident), tandis que les conventions collectives peuvent renforcer cette protection par des dispositions plus favorables. L’articulation avec la sécurité sociale et les organismes de prévoyance sociale complète ce dispositif, garantissant que le salarié ne subisse pas une perte injustifiée de revenu et que ses droits sociaux soient préservés.

La réintégration et le reclassement des salariés suspendus démontrent l’approche équilibrée de la législation ivoirienne. Le salarié apte doit retrouver son poste et ses conditions de travail antérieures, tandis que le salarié inapte bénéficie d’un reclassement adapté à ses capacités, avec la participation des représentants du personnel. La loi prévoit également les cas où un licenciement peut être justifié, notamment lorsque la durée de la suspension excède six mois et que le poste a été remplacé. Cette régulation encadre les relations employeur-salarié et prévient les litiges liés au retour de l’activité.

Enfin, la suspension pour motifs économiques, notamment le chômage technique, illustre la capacité du régime légal à s’adapter aux réalités économiques et aux crises imprévues. Les règles strictes concernant la durée, le formalisme, les compensations salariales et le renouvellement montrent l’équilibre recherché entre flexibilité pour l’entreprise et protection du salarié.

Ainsi, la suspension du contrat de travail constitue un instrument juridique à la fois protecteur et adaptable, articulant sécurité pour le salarié et souplesse pour l’employeur. Elle reflète une approche moderne et équilibrée, inspirée des standards internationaux, mais adaptée aux spécificités socio-économiques de la Côte d’Ivoire. La maîtrise de ce mécanisme est essentielle tant pour les praticiens du droit que pour les acteurs économiques et sociaux, car elle conditionne la stabilité des relations de travail et la protection effective des droits fondamentaux des travailleurs.

Pour vos besoins en la matière, veuillez contacter le Cabinet LDJ SARL : (+225) 27 23 23 21 64 / 05 96 11 90 94 / 01 52 90 45 19 (WhatsApp)

Achetez le Kit du travailleur (Guide pour connaître tous ses droits en tant que travailleur) au prix de 35500 FCFA en suivant ce lien https://cabinetldjsarl.com/formation/kit-du-travailleur-guide-pour-connaitre-tous-ses-droits-en-tant-que-travailleur/


Me Luc KOUASSI

Juriste Consultant Polyglotte| Formateur | Spécialiste en rédaction de contrats, d’actes extrajudiciaires, d’articles juridiques et des questions relatives au droit du travail | Politiste | Bénévole humanitaire.

denisjunior690@gmail.com / +225 07 795 704 35 / +90 539 115 55 28


[1] Jean Mouly, Droit du travail, Relations individuelles, Breal, 8e édition, 2018, p. 112.

[2] Code du travail ivoirien, art. 16.7 à 16.11.

[3] Cass. soc., 2 oct. 2001, n° 99-43.334 : « La suspension du contrat de travail ne dispense pas le salarié de son obligation de loyauté ».

[4] Code du travail ivoirien, art. 16.7 et s.

[5] Alain Supiot, Critique du droit du travail, PUF, 2015, p. 221.

[6] BIT, Rapport sur le travail décent en Afrique de l’Ouest, Genève, 2019, p. 56.

[7] Code du travail ivoirien, art. 16.7 ; Article 32 de la convention collective interprofessionnelle.

[8] J.-P. Lhernould, Droit du travail comparé, Paris, Dalloz, 2019, p. 242.

[9] Cass. soc. fr., 16 févr. 1999, n° 96-44814.

[10] Code du travail ivoirien, art. 16.7.

[11] Constitution ivoirienne du 8 nov. 2016, art. 4 ; OIT, Convention n° 155 sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981.

[12] Code de prévoyance sociale de Côte d’Ivoire, art. 66 et s.

[13] Ibid., art. 71.

[14] Code du travail ivoirien, art. 16.8.

[15] Ibid., art. 23.6

[16] https://www.village-justice.com/articles/sort-contrat-travail-cas,18838.html

[17] Laurent Gamet, Le droit du travail ivoirien, L’Harmattan, 2018, p. 54.

[18] Code du travail ivoirien, art. 16.11 Nouveau.

[19] Inspection générale du travail, Rapport annuel sur la régulation des conflits collectifs, Abidjan, 2022.

[20] Convention collective interprofessionnelle, art. 28.

[21] Décret n°4 du 86-198 du 07 Mars 1996 relatif aux conditions de suspension du contrat pour maladie du travailleur, art. 4.

[22] Convention OIT n° 155 sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981, art. 19.

[23] Décret n°4 du 86-198 du 07 Mars 1996 relatif aux conditions de suspension du contrat pour maladie du travailleur, art. 7 et s.

[24] Ibid., art. 10.

[25] Cass. soc., 7 avril 1999, n° 97-41.264, Bull. civ. V, n° 168.

[26] Décret n°4 du 86-198 du 07 Mars 1996 relatif aux conditions de suspension du contrat pour maladie du travailleur, art. 9.

[27] Code du travail ivoirien, art. 16.9.

[28] Code de Prévoyance Sociale ivoirien, Loi n° 99-477 du 2 août 1999, art. 84 et s.

[29] Ibid., art. 44 et 47. ; Convention collective interprofessionnelle, art. 30.

[30] Décret n°96-199 du 07 Mars 1996 relatif aux droits et obligations du travailleur mobilisé, art. 4.

[31] Ibid., art. 5.

[32] Convention collective interprofessionnelle, art. 29.

[33] Banque Mondiale, Rapport sur le travail et l’informalité en Afrique de l’Ouest, Washington, 2021, p. 103.

[34] OIT, Convention n° 102 sur la sécurité sociale (norme minimum), 1952.

[35] Code du travail ivoirien, art. 16.9.

[36] Décret n°96-198 du 07 Mars 1996 relatif aux conditions de suspension du contrat pour maladie du travailleur, art. 13.

[37] Code du travail ivoirien, art. 16.9.

[38] K. Kouadio, Le reclassement du salarié en droit ivoirien, PUCI, Abidjan, 2019, p. 76.

[39] Code du travail ivoirien, art. 16.11.

[40] Ibid., art. 18.10 et s.

[41] OIT, Convention n° 158 sur le licenciement, Genève, 1982.

Peut-on m’empêcher de conclure un contrat ? : Analyse doctrinale et pratique des incapacités et interdictions contractuelles.

Le contrat occupe une place centrale dans l’édifice juridique contemporain. Fondé sur l’autonomie de la volonté, il traduit l’idée selon laquelle chacun est libre de décider s’il souhaite s’engager, avec qui, et dans quelles conditions. Cette conception, héritée du libéralisme juridique du XIXᵉ siècle, a conduit à ériger la liberté contractuelle en principe cardinal du droit des obligations. Ainsi, l’article 1102 du Code civil français dispose expressément que : « Chacun est libre de contracter ou de ne pas contracter, de choisir son cocontractant et de déterminer le contenu et la forme du contrat dans les limites fixées par la loi »[1]. Le Code civil ivoirien consacre la même logique en son article 1134, qui affirme la force obligatoire des conventions légalement formées et leur valeur normative pour les parties[2].

Cependant, cette liberté, bien qu’érigée en dogme, n’est nullement absolue. Dans certains cas, la loi ou le contrat lui-même peuvent limiter, encadrer ou même interdire la possibilité pour une personne de conclure un contrat. Dès lors, se pose une question de fond : jusqu’où peut-on restreindre la capacité à contracter sans porter atteinte au socle même de la liberté contractuelle ?

Deux sources principales d’empêchement apparaissent. D’une part, le contrat lui-même peut contenir des clauses restrictives, telles que la clause d’exclusivité, qui interdit au cocontractant de s’engager avec d’autres. D’autre part, la loi instaure des régimes d’incapacité (d’exercice ou de jouissance) et des interdictions contractuelles pour protéger les incapables, les tiers, ou plus largement l’ordre public.

L’étude de ces mécanismes permet de comprendre comment, dans une société où la liberté contractuelle est fondamentale, il est malgré tout possible et parfois nécessaire d’empêcher une personne de conclure un contrat.

Dans certaines situations, les parties peuvent convenir contractuellement de restrictions particulières, affectant la liberté de conclure d’autres contrats. Il s’agira ainsi, d’une part, d’analyser la logique de l’exclusivité contractuelle qui justifie de telles limitations (A), et d’autre part, d’examiner les limites imposées par le droit du travail et le droit civil afin de garantir l’équilibre entre liberté contractuelle et protection des parties (B).

Le premier mécanisme d’auto-limitation de la liberté contractuelle réside dans la possibilité, pour les parties, de prévoir qu’un contrat donné interdira à l’un des cocontractants d’en conclure un autre similaire. Cette pratique se manifeste notamment à travers la clause d’exclusivité, fréquemment insérée dans les contrats de travail ou de distribution.

Par exemple, un employeur peut exiger qu’un salarié consacre l’intégralité de son activité professionnelle à l’entreprise, en l’empêchant de travailler simultanément pour un autre employeur. Une telle clause d’exclusivité limite donc la liberté du salarié de contracter avec un tiers. En droit français, la Cour de cassation a admis la validité de ce type de clause, à condition qu’elle soit indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, justifiée par la nature de la tâche à accomplir, et surtoutproportionnée au but recherché. Dans un arrêt du 11 juillet 2000, la Chambre sociale a rappelé ces exigences et sanctionné les abus liés à l’imposition d’une exclusivité injustifiée[3].

La doctrine a largement commenté ce mécanisme, en soulignant que l’exclusivité contractuelle illustre le paradoxe d’une liberté contractuelle qui peut servir à restreindre elle-même son exercice. Comme le notent J. Mestre et B. Fages, « l’autonomie de la volonté comporte la faculté, pour un sujet de droit, d’organiser ses engagements futurs et même de limiter sa propre liberté contractuelle ultérieure »[4].

Cette clause n’est pas propre au contrat de travail. Elle est également fréquente en matière de franchise, d’agence commerciale ou de distribution sélective, où l’exclusivité permet de protéger un réseau commercial et d’assurer la loyauté des cocontractants. Dans toutes ces hypothèses, la logique reste la même : par anticipation, une partie accepte volontairement de renoncer à une liberté contractuelle future au profit d’un engagement exclusif.

Si la clause d’exclusivité est admise, elle n’est pas illimitée. En droit français, l’article L.1121-1 du Code du travail prévoit que « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché »[5]. Ainsi, une clause trop large, générale ou sans justification économique réelle sera réputée nulle.

En Côte d’Ivoire, le Code du travail (loi n° 2015-532 du 20 juillet 2015) reprend une logique similaire. Son article 4 affirme que « la liberté du travail est garantie à toute personne »[6], tandis que d’autres dispositions encadrent les atteintes susceptibles d’être portées à cette liberté. De ce fait, une clause d’exclusivité abusive, qui priverait un salarié de toute possibilité de travail accessoire, pourrait être jugée contraire à l’ordre public social.

La comparaison des deux systèmes juridiques met en lumière une tendance commune : le droit accepte que la liberté contractuelle soit limitée par convention, mais impose un contrôle de proportionnalité. L’objectif est d’éviter que la partie forte n’impose à la partie faible (souvent le salarié ou le franchisé) une restriction excessive qui annihilerait toute possibilité de conclure un contrat ailleurs.

Ainsi, les empêchements conventionnels démontrent que l’on peut, par un jeu contractuel volontaire, interdire à quelqu’un de conclure un autre contrat. Mais cette liberté d’auto-limitation trouve rapidement ses bornes dans le respect des droits fondamentaux et des règles d’ordre public.

À côté des limitations issues de la volonté des parties, il existe des empêchements imposés par la loi. Ces restrictions visent à protéger les personnes jugées vulnérables ou à préserver les tiers d’abus potentiels. En droit civil, on distingue traditionnellement deux catégories : les incapacités d’exercice (A), qui empêchent certaines personnes d’accomplir valablement des actes juridiques sans assistance ou représentation, et les incapacités de jouissance (B), qui privent certaines personnes du droit même de conclure un contrat déterminé.

Les incapacités d’exercice trouvent leur justification dans l’idée de protection des individus considérés comme fragiles ou inexpérimentés. Le législateur estime qu’il serait dangereux de les laisser contracter seuls, car ils risqueraient de s’engager dans des conventions déséquilibrées ou contraires à leurs intérêts.

Ainsi, le Code civil ivoirien prévoit à son article 1123 que « toute personne physique peut contracter, sauf en cas d’incapacité prévue par la loi »[7]. L’article 1124 ajoute que sont incapables de contracter « les mineurs non émancipés » et « les majeurs protégés »[8]. De manière équivalente, le Code civil français (articles 1145 et 1146) énonce les mêmes règles, tout en précisant que la capacité des personnes morales est limitée par les textes qui les régissent.

En pratique, une personne mineure ou placée sous tutelle ne peut conclure un contrat sans l’assistance ou la représentation de son représentant légal (parent, tuteur, curateur). L’acte conclu sans cette assistance est frappé de nullité relative, car il vise à protéger l’incapable et non l’ordre public dans son ensemble[9].

  • Exemple : Cas de Mme VIEILLIE

Imaginons Mme VIEILLIE, une femme âgée placée sous tutelle depuis plusieurs années en raison de la dégradation de ses facultés mentales. Malgré son incapacité, elle consulte seule un avocat et signe une convention d’honoraires pour engager une procédure contre sa voisine. L’avocat, peu attentif à son état, déclenche la procédure sans en référer au tuteur. Lorsque vient la question du paiement des honoraires, l’avocat exige de Mme VIEILLIE qu’elle s’exécute.

Or, en droit, un majeur sous tutelle doit être représenté dans tous les actes de la vie civile, sauf exceptions limitées prévues par la loi (ex. actes de la vie courante à conditions normales : art. 1148 Code civil français). La signature d’une convention d’honoraires, qui engage financièrement la personne protégée dans une procédure judiciaire, ne constitue pas un acte de la vie courante. Elle dépasse largement la simple gestion quotidienne.

La jurisprudence française a déjà statué en ce sens. Dans une affaire analogue, la Cour de cassation a jugé qu’un contrat signé par une personne sous tutelle sans l’intervention de son tuteur est nul et ne peut produire d’effets[10]. En conséquence, le tuteur de Mme VIEILLIE devrait notifier à l’avocat la nullité de la convention et refuser tout paiement.

Cette situation illustre parfaitement le rôle protecteur des incapacités d’exercice : elles ne visent pas à restreindre arbitrairement la liberté d’une personne, mais à éviter qu’elle ne s’expose à des engagements désavantageux faute de discernement suffisant.

Contrairement aux incapacités d’exercice, les incapacités de jouissance ne protègent pas la personne incapable contre elle-même, mais cherchent à protéger les tiers ou l’ordre public. Dans ce cas, la loi prive certaines catégories de personnes de la possibilité de conclure certains contrats déterminés, car leur position particulière pourrait leur permettre de tirer un avantage indu.

Un exemple classique figure à l’article 909 du Code civil français, qui interdit aux médecins, pharmaciens, infirmiers et autres auxiliaires médicaux de recevoir des donations ou legs de la part d’un patient qu’ils ont soigné pendant la maladie dont il est décédé[11]. Cette interdiction vise à éviter que le professionnel de santé ne profite de la situation de faiblesse du malade pour obtenir un enrichissement.

La jurisprudence a étendu cette interdiction à des professions voisines, considérant qu’un magnétiseur ou praticien non conventionnel pouvait être assimilé à un auxiliaire médical dès lors qu’il apportait des soins dans la phase terminale de la maladie. Ainsi, dans un arrêt du 27 janvier 1998, la Cour de cassation a annulé des donations consenties à un magnétiseur au motif que celui-ci se trouvait dans une position équivalente à celle des professions médicales énumérées par la loi[12].

  • Exemple : Cas de M. JEVEUTOU et du magnétiseur

Dans un cas hypothétique, la sœur de M. JEVEUTOU, atteinte d’une maladie grave, avait consulté un magnétiseur dont les soins lui apportaient un certain soulagement. Reconnaissante, elle lui fit plusieurs donations, notamment des toiles de grande valeur. Après son décès, son frère découvrit ces libéralités et contesta leur validité.

En application de l’article 909 du Code civil français, ces donations doivent être annulées, car elles constituent un avantage indu accordé à une personne qui intervenait dans le cadre de la maladie mortelle. Le but de la loi est de protéger non seulement le malade contre des pressions ou manipulations psychologiques, mais également ses héritiers légitimes, qui ne doivent pas être dépossédés par des libéralités suspectes.

Ainsi, les incapacités de jouissance jouent un rôle essentiel demoralisation des relations contractuelles. Elles rappellent que certains contrats, bien que conclus librement, sont viciés par l’inégalité structurelle des rapports entre les parties et doivent donc être frappés de nullité absolue.

Si le droit civil pose le principe des incapacités pour protéger les individus vulnérables ou préserver les tiers, il ne saurait pour autant enfermer ces personnes dans une incapacité absolue et permanente. Une telle rigidité serait non seulement contraire à la dignité humaine, mais aussi impraticable dans la vie sociale et économique. C’est pourquoi le législateur a prévu des mécanismes d’atténuation, permettant dans certaines hypothèses de reconnaître la validité d’actes passés par des personnes en principe incapables de contracter. Ces tempéraments sont de trois ordres : la reconnaissance des actes de la vie courante (A), la validation a posteriori par confirmation (B), et enfin la limitation dans le temps des actions en nullité par la prescription (C).

L’une des principales atténuations réside dans la possibilité pour les mineurs ou majeurs protégés d’accomplir seuls certains actes usuels de la vie courante, sans assistance ni représentation. Cette exception est consacrée par l’article 1148 du Code civil français, selon lequel « toute personne incapable de contracter peut néanmoins accomplir seule les actes courants autorisés par la loi ou l’usage, pourvu qu’ils soient conclus à des conditions normales »[13].

De manière analogue, le Code civil ivoirien admet implicitement cette faculté à travers l’interprétation combinée des articles 1123 et 1124, en ce qu’il ne s’agit pas de priver l’incapable de toute autonomie, mais seulement d’encadrer les actes dépassant le quotidien. Ainsi, un mineur peut acheter des biens de consommation courante (nourriture, fournitures scolaires, vêtements), ou encore souscrire un abonnement modeste correspondant à son âge et à son autonomie.

Toutefois, pour éviter les abus, la loi exige que ces actes soient conclus « à des conditions normales ». Par exemple, un mineur qui achèterait une paire de chaussures au prix du marché verrait l’acte validé ; mais si le prix est manifestement excessif ou si le bien est disproportionné par rapport à ses besoins, l’acte pourrait être annulé pour lésion[14].

La jurisprudence française a rappelé cette exigence dans un arrêt du 7 mars 1989, où la Cour de cassation a considéré qu’un contrat d’assurance signé par un mineur ne pouvait être qualifié d’acte de la vie courante, car il engageait le mineur dans des obligations trop lourdes par rapport à sa situation[15].

Cette exception témoigne d’un équilibre pragmatique : il s’agit de permettre aux personnes juridiquement incapables de participer à la vie sociale sans pour autant les exposer à des engagements excessifs.

Une autre atténuation est prévue à l’article 1151 du Code civil français, qui reconnaît la possibilité de confirmer a posteriori un acte accompli par une personne incapable. Cette confirmation peut intervenir lorsque l’intéressé retrouve ou acquiert sa pleine capacité. Ainsi, un mineur devenu majeur, ou un majeur protégé recouvrant ses facultés, peut décider de ratifier un contrat qu’il avait conclu irrégulièrement, conférant ainsi rétroactivement une validité à l’acte.

Ce mécanisme vise à éviter une insécurité juridique excessive : il serait préjudiciable que tous les actes passés par une personne incapable soient systématiquement frappés de nullité, même lorsque ceux-ci se révèlent finalement utiles ou conformes à ses intérêts.

La jurisprudence a précisé les contours de cette confirmation. Dans un arrêt du 25 février 1997, la Cour de cassation a jugé que l’acte conclu par un incapable pouvait être confirmé expressément ou tacitement, notamment par l’exécution volontaire du contrat après le recouvrement de la capacité[16]. Ainsi, si un mineur devenu majeur continue d’exécuter les obligations d’un contrat signé auparavant, il est réputé l’avoir confirmé.

Il convient de souligner que cette confirmation n’est pas une simple régularisation administrative : elle traduit une véritable expression de volonté libre et éclairée, dans le cadre de la liberté contractuelle retrouvée.

Enfin, la loi encadre dans le temps la possibilité de remettre en cause les contrats conclus par des personnes incapables, au moyen de la prescription. L’article 1152 du Code civil français précise les délais applicables :

  • Pour les actes conclus par un mineur, la prescription de l’action en nullité commence à courir du jour de sa majorité ou de son émancipation.
  • Pour les actes conclus par un majeur protégé, elle court du jour où il a eu connaissance de l’acte alors qu’il était en situation de le refaire valablement.
  • Pour les héritiers de la personne protégée, elle commence au jour du décès si elle n’a pas déjà commencé à courir auparavant[17].

Ces règles traduisent la nécessité de trouver un équilibre entre deux exigences contradictoires : la protection durable de l’incapable, d’une part, et la sécurité des relations contractuelles, d’autre part. Il serait intenable que les cocontractants restent indéfiniment dans l’incertitude quant à la validité des actes conclus.

Ainsi, le droit organise une temporalité précise : l’incapable ou ses ayants droit disposent d’un délai raisonnable pour contester le contrat ; passé ce délai, le contrat devient irrévocablement valable.

Ce mécanisme illustre bien la logique générale du droit des incapacités : il ne s’agit pas de paralyser la vie contractuelle, mais de concilier la protection des plus vulnérables avec la stabilité économique et sociale.

À côté des incapacités d’exercice et de jouissance, qui touchent des catégories générales de personnes (mineurs, majeurs protégés, incapables légaux), le droit civil prévoit également des interdictions contractuelles spécifiques visant des situations particulières. Ces interdictions, posées par la loi, ne cherchent pas tant à protéger la personne incapable elle-même qu’à préserver l’ordre public, la moralité et la loyauté des relations juridiques. Elles se justifient par la crainte que certaines personnes, en raison de leur position sociale, professionnelle ou institutionnelle, n’abusent de leur situation pour obtenir un avantage indu.

Ces interdictions sont donc animées par une logique de prophylaxie juridique : il ne s’agit pas seulement de réparer un préjudice, mais d’empêcher qu’une situation inéquitable ne se produise. Elles reposent sur deux grands axes : la protection des tiers contre les abus de position (A) et la possibilité, parfois, d’obtenir des autorisations exceptionnelles pour contourner l’interdiction lorsque l’opération est saine (B). Néanmoins, nous nous intéresserons à l’équilibre entre ordre public et autonomie contractuelle (C).

Le cas le plus emblématique de ces interdictions se trouve à l’article 909 du Code civil français, selon lequel « les membres des professions médicales et de la pharmacie, ainsi que les auxiliaires médicaux qui ont prodigué des soins à une personne pendant la maladie dont elle meurt ne peuvent profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires qu’elle aurait faites en leur faveur pendant le cours de celle-ci »[18].

La philosophie de ce texte est claire : éviter que le médecin, le pharmacien, l’infirmier voire toute personne assimilée n’exerce une influence indue sur le patient vulnérable au moment critique de sa maladie terminale. La dépendance psychologique et physique dans laquelle se trouve le malade justifie une méfiance accrue à l’égard des libéralités consenties à son soignant.

La jurisprudence a étendu cette logique à des professions non médicales, mais perçues comme pouvant jouer un rôle analogue. Ainsi, dans un arrêt du 27 janvier 1998, la Cour de cassation a jugé que le magnétiseur, bien qu’il ne fasse pas partie du corps médical, devait être assimilé à un auxiliaire médical dès lors qu’il avait participé activement aux soins prodigués à une personne décédée de la maladie en question[19]. Cette solution illustre la souplesse du juge qui, sans se limiter à une stricte lecture littérale de la loi, cherche à atteindre l’objectif fondamental de protection.

De même, le texte s’applique aux mandataires judiciaires à la protection des majeurs et aux personnes morales au nom desquelles ils exercent leurs fonctions. La logique est identique : empêcher qu’une relation de dépendance ou d’autorité ne soit exploitée pour capter un avantage patrimonial.

En doctrine, plusieurs auteurs justifient ces interdictions par une exigence d’égalité et de loyauté dans les rapports contractuels. Selon J.-L. Aubert, « le droit ne peut tolérer que l’ascendant psychologique ou médical se traduise en avantages économiques, car cela reviendrait à travestir l’autonomie de la volonté en instrument de captation »[20].

  • Exemple : Cas du magnétiseur et de M. JEVEUTOU

Ce mécanisme peut être illustré par le cas du magnétiseur ayant reçu des donations de la part d’une patiente atteinte d’une maladie incurable. Bien que ces donations aient été faites librement, elles furent contestées par le frère de la défunte, M. JEVEUTOU, qui considérait que le thérapeute non conventionnel avait profité de la situation de faiblesse de sa sœur. En application de l’article 909 et de son interprétation jurisprudentielle extensive, les donations pouvaient être annulées, confirmant ainsi la finalité prophylactique du texte : protéger non seulement la personne malade, mais aussi ses héritiers et la collectivité contre des transferts patrimoniaux abusifs.

Si la règle est l’interdiction, le législateur a toutefois prévu des exceptions encadrées, permettant à certaines libéralités ou contrats interdits d’être validés, à condition qu’ils répondent à des exigences strictes.

Ainsi, l’article 909 du Code civil français admet expressément deux hypothèses dérogatoires :

  1. Les dispositions rémunératoires faites à titre particulier, eu égard aux facultés du disposant et aux services rendus ;
  2. Les dispositions universelles en cas de parenté jusqu’au quatrième degré inclusivement, sous réserve que le défunt n’ait pas d’héritiers en ligne directe[21].

Par ailleurs, dans d’autres hypothèses d’interdiction contractuelle, le juge ou une autorité administrative peut autoriser la conclusion du contrat. C’est le cas, par exemple, pour certains actes de disposition passés par un majeur sous tutelle : si le juge des tutelles estime que l’acte est dans l’intérêt de la personne protégée, il peut autoriser la conclusion du contrat malgré l’incapacité[22].

Cette marge de souplesse illustre l’idée que les interdictions ne sont pas dictées par une rigidité aveugle, mais par une logique de protection proportionnée. Lorsque la preuve est rapportée que l’acte est sain, justifié et proportionné, l’ordre juridique accepte de lever l’interdiction.

Ces interdictions spécifiques traduisent un équilibre subtil entre deux impératifs fondamentaux : d’une part, préserver l’ordre public en empêchant les captations abusives ; d’autre part, respecter l’autonomie de la volonté et la liberté des relations contractuelles.

En définitive, si la liberté contractuelle demeure la règle, elle doit parfois céder devant la nécessité de protéger la confiance dans les institutions, la dignité des personnes vulnérables et la loyauté dans les rapports sociaux. Loin de fragiliser le principe de la liberté contractuelle, ces interdictions en renforcent au contraire la crédibilité, en garantissant que cette liberté ne soit pas instrumentalisée au détriment des plus faibles.

La question de savoir s’il est possible d’empêcher une personne de conclure un contrat renvoie à l’un des paradoxes les plus profonds du droit des obligations. D’un côté, la liberté contractuelle constitue un principe fondateur du droit moderne, consacré à la fois en droit français (art. 1102 C. civ.) et en droit ivoirien (art. 1134 C. civ.), garantissant à chacun la faculté de s’engager et de déterminer librement le contenu de ses obligations[23]. Mais d’un autre côté, cette liberté n’est pas absolue : elle se heurte à des limites légales, jurisprudentielles et doctrinales, destinées à préserver l’équilibre entre l’autonomie individuelle et les impératifs de protection sociale et d’ordre public.

L’analyse menée à travers les différentes parties de cette étude permet de mettre en évidence la diversité des sources d’empêchement à la conclusion d’un contrat. Ces empêchements peuvent d’abord provenir du contrat lui-même, par le biais de clauses restrictives telles que la clause d’exclusivité, qui illustre la tension entre l’autonomie des parties et la protection de la liberté fondamentale du travail. Ils peuvent ensuite découler de la loi, qui institue des incapacités générales d’exercice (mineurs, majeurs protégés) ou de jouissance (professions interdites de conclure certains actes), dans une logique tantôt de protection de la personne vulnérable, tantôt de sauvegarde des tiers et de l’intérêt collectif.

Cependant, ces restrictions ne sont pas absolues. Le droit civil admet des atténuations: la possibilité pour les incapables d’accomplir seuls certains actes usuels, la confirmation a posteriori d’actes conclus irrégulièrement, ou encore la prescription de l’action en nullité pour stabiliser les relations juridiques. Enfin, les interdictions contractuelles spécifiques, telles que celles prévues par l’article 909 du Code civil, montrent que le législateur, au-delà de la protection individuelle, cherche à garantir la loyauté et la moralité des transactions. Ces interdictions se veulent préventives, mais elles demeurent encadrées par des exceptions et des autorisations, afin de maintenir un équilibre entre rigueur et souplesse.

En définitive, la liberté contractuelle n’est pas une liberté anarchique : elle est une liberté encadrée, conditionnée par les exigences de justice, de protection et d’équité. Comme le souligne François Terré, « le contrat ne doit pas être seulement le produit de volontés isolées, il doit être l’instrument d’une coexistence sociale harmonieuse »[24]. C’est ce double visage qui confère au droit des obligations sa richesse : à la fois garant de l’autonomie privée et gardien de l’intérêt général.

D’un point de vue critique, on peut toutefois s’interroger sur les limites actuelles de ce système. D’un côté, la multiplication des incapacités et interdictions risque de fragmenter la liberté contractuelle et de la vider de sa substance. De l’autre, l’essor des nouvelles technologies, des plateformes numériques et des contrats automatisés (smart contracts) pose la question de savoir comment appliquer les règles traditionnelles d’incapacité et d’interdiction à des environnements dématérialisés. La régulation future devra sans doute réinventer ces mécanismes de protection pour tenir compte des nouveaux risques de vulnérabilité (addictions numériques, asymétries d’information en ligne, exploitation des données personnelles).

Ainsi, répondre à la question « peut-on m’empêcher de conclure un contrat ? » conduit à affirmer que oui, mais seulement dans la mesure où l’intérêt supérieur de la société ou de la personne concernée l’exige. Le droit cherche à tracer une ligne médiane entre l’excès d’interdictions, qui annihilerait la liberté contractuelle, et l’absence de garde-fous, qui favoriserait l’exploitation des plus faibles. Cet équilibre fragile, en constante redéfinition, demeure au cœur de la science juridique contemporaine et continuera de nourrir les débats doctrinaux et jurisprudentiels des années à venir.

Pour vos besoins en la matière, veuillez contacter le Cabinet LDJ SARL : (+225) 27 23 23 21 64 / 05 96 11 90 94 / 01 52 90 45 19 (WhatsApp).

Achetez le Kit LDJ SMART PRO (+1000 Modèles de contrats, lettres, courriers…) au prix de 20500 FCFA en suivant ce lien https://cabinetldjsarl.com/formation/kit-ldj-smart-pro-1000-modeles-de-contrats-lettres-courriers/


Me Luc KOUASSI

Juriste Consultant Polyglotte| Formateur | Spécialiste en rédaction de contrats, d’actes extrajudiciaires, d’articles juridiques et des questions relatives au droit du travail | Politiste | Bénévole humanitaire.

denisjunior690@gmail.com / +225 07 795 704 35 / +90 539 115 55 28


[1] Code civil français, art. 1102, Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats.

[2] Code civil ivoirien, art. 1134

[3] Cass. soc., 11 juill. 2000, n° 98-44.701, Bull. civ. V, n° 276.

[4] J. Mestre et B. Fages, Traité de droit civil – Le contrat, LGDJ, 2020, p. 245.

[5] Code du travail français, art. L.1121-1 (Ordonnance n°2007-329 du 12 mars 2007).

[6] Loi ivoirienne n° 2015-532 du 20 juillet 2015, art. 4.

[7] Code civil ivoirien, art. 1123.

[8] Code civil ivoirien, art. 1124 ; Code civil français, art. 1146.

[9] J. Ghestin, La formation du contrat, LGDJ, 1998, p. 412.

[10] Cass. civ. 1re, 14 déc. 1999, n°97-17.671, Bull. civ. I, n° 356.

[11] Code civil français, art. 909.

[12] Cass. civ. 1re, 27 janv. 1998, n°95-20.681.

[13] Code civil français, art. 1148.

[14] F. Terré, Y. Lequette, Droit civil : Les obligations, Dalloz, 2022, p. 198.

[15] Cass. civ. 1re, 7 mars 1989, n°87-15.642, Bull. civ. I, n° 102.

[16] Cass. civ. 1re, 25 févr. 1997, n°94-17.818, Bull. civ. I, n° 80.

[17] Code civil français, art. 1152.

[18] Code civil français, art. 909.

[19] Cass. civ. 1re, 27 janv. 1998, n°95-20.681, Bull. civ. I, n° 35.

[20] J.-L. Aubert et É. Savaux, Droit des obligations, Sirey, 2020, p. 412.

[21] Code civil français, art. 909, al. 3.

[22] Code civil français, art. 494-9 ; voir aussi P. Malaurie et L. Aynès, Les personnes – La protection des mineurs et des majeurs, LGDJ, 2021, p. 256.

[23] Code civil ivoirien, art. 1134 ; Code civil français, art. 1102.

[24] François Terré, Droit civil – Les obligations, Dalloz, 2022, p. 145.

La dissertation juridique

La dissertation juridique est l’un des quatre exercices juridiques que les étudiants en droit doivent maitriser à l’université avec le cas pratique, la fiche d’arrêt et le commentaire d’arrêt ou d’article. Une bonne méthodologie de la dissertation juridique (ainsi que quelques entrainements) est indispensable pour vous permettre de réussir n’importe quelle dissertation en droit.

Dans cet article, nous allons voir la méthodologie de la dissertation juridique en détail (que ce soit pour le droit privé ou le droit public) et comprendre concrètement comment faire une dissertation en droit. Nous verrons aussi de nombreuses astuces pour cartonner vos partiels et pour éviter des erreurs fréquentes en dissertation ainsi que des exemples de dissertations juridiques corrigées.

  • Définition de la dissertation juridique

La dissertation est un exercice juridique qui consiste à présenter à un étudiant un sujet afin qu’il en extirpe une problématique juridique à laquelle il doit répondre en utilisant une méthode d’argumentation (le raisonnement doit être logique et juridique) et d’organisation (la forme de la rédaction n’est pas libre ; l’étudiant devant impérativement respecter certaines respecter certaines étapes) spécifique.

L’objectif n’est pas de réciter ses connaissances de cours, mais de s’en servir, en les réorganisant, afin de répondre à votre problématique. Cela dit, j’ai conscience que cette définition ne doit pas beaucoup vous aider donc nous allons vite passer à la suite

  • Les buts de la dissertation juridique

Concrètement, sur quoi l’étudiant en droit est-il évalué avec l’exercice de la dissertation juridique ?

L’argumentation : La dissertation a un point en commun avec tous les autres exercices juridiques que vous devez réaliser à l’université : vous devez savoir argumenter (ensemble d’arguments pour soutenir, étayer une idée) pour obtenir une bonne note. Il ne s’agit pas simplement de réciter ses connaissances de cours.

Exemple : Dans un sujet de type « Les sources du Droit des personnes », vous devrez argumenter pour démontrer l’idée selon laquelle le Droit des personnes évolue sous l’influence des sources du droit international et non simplement énumérer toutes les sources du droit des personnes.

La rédaction : La maitrise d’une rédaction de qualité passe par le respect des règles d’orthographe et de syntaxe et par l’acquisition d’un vocabulaire juridique et d’un style concis. Pour l’orthographe, pensez à vous relire à la fin de chaque épreuve. Le style concis et juridique s’acquiert en s’entrainant.

La faculté à utiliser ses connaissances : La dissertation est un exercice juridique qui nécessite d’importantes connaissances de cours. Vous allez devoir rassembler TOUTES vos connaissances sur un sujet en particulier et les utiliser au service de votre démonstration.

Voyons maintenant la méthode pour réaliser la dissertation juridique !

La première chose à faire est de lire le sujet de la dissertation juridique pour deviner ce que le rédacteur du sujet attend comme connaissances de cours. Posez-vous deux questions : Pourquoi le professeur du cours magistral nous a donné ce sujet ? Quelles sont les connaissances de cours sur lesquelles il souhaite nous faire réfléchir ?

Exemple : Dans un sujet de type « La fusion des pouvoirs dans le régime parlementaire britannique : raisons et conséquences », le correcteur attend nécessairement de vous des connaissances relatives au phénomène de la fusion des pouvoirs. Il cherche à vous faire réfléchir sur les causes de ce phénomène et sur ses effets.

Ensuite, vous devez savoir qu’il existe de nombreuses formes de sujets de dissertation en droit. Connaître ces différents types de sujets permet d’éviter de se faire surprendre le jour du partiel. On peut par exemple évoquer :

  • Le sujet de type « comparaison » invite à s’intéresser aux relations, aux différences et aux similitudes entre plusieurs notions juridiques.
    • Exemples : « Mode de scrutin et stabilité gouvernementale », « Loi et Jurisprudence ».
  • Le sujet de type « évolutif » nécessite de retracer une évolution et les conséquences de cette évolution.
    • Exemples : « La crise du 16 mai 1877 », « La révision pour imprévision (avant et après la réforme du 10 février 2016) »).

Pour identifier ces types de sujets, allez consulter les annales dans votre matière, de préférence celles de votre université. Une fois cette étape réalisée, passons à l’étape la plus importante : le rassemblement des connaissances de cours (lisez bien attentivement…).

Une fois que vous avez bien lu et compris le sujet, vous devez noter toutes vos connaissances de cours sur votre feuille de brouillon. Ces connaissances de cours seront « la matière », le contenu de votre dissertation.

  • Comment en pratique trouver le contenu pour sa dissertation ?

Il existe des techniques qui permettent de trouver un contenu c’est-à-dire de la « matière » pour rédiger votre dissertation. Vous allez devoir noter plusieurs éléments sur votre brouillon :

  1. Les éléments de cours qui vous viennent à l’esprit en lisant le sujet : Il faut vous rappeler l’intégralité de tous les éléments vus en cours qui portent de près ou de loin sur le sujet de la dissertation. Notez TOUT : les articles de loi, les arrêts, la doctrine… Si certains éléments vous paraissent vraiment éloignés du sujet, notez-les quand même ; vous ferez le tri plus tard.
  2. Le plan de cours dans lequel se situe le sujet de la dissertation : Vous devez vous rappeler votre Vous devez vous rappeler votre plan de cours de la manière la plus détaillée possible. Ceci afin d’éviter un hors sujet et de mieux comprendre les enjeux du sujet.
  3. Le contexte : Pour vous aider, à trouver des connaissances de cours, noter les éléments de contexte de l’arrêt constitue une démarche fondamentale !
  • Le Droit antérieur
  1. Si le sujet invite à s’interroger sur un thème actuel, quel était l’état du droit positif antérieurement ?
  2. Si vous l’ignorez (par exemple votre cours n’en parle que très peu), vous pourrez trouver des éléments d’information dans votre code en regardant la jurisprudence antérieure.
  • Le Droit positif (actuel)
  1. Le thème en question est-il souvent débattu ? Est-il au cœur de l’actualité (sociale et juridique) ?
  2. Si oui quels sont les aspects de ce thème qui sont le plus débattus ?
  3. Vous devez identifier les aspects les plus importants du thème ! Si vous ne le faites pas, vous pourriez passer à côté d’éléments fondamentaux.
  • Le Droit prospectif (futur)
  1. Des réformes sont-elles à prévoir ?
  2. Si oui sont-elles souhaitables d’un point de vue juridique, économique, sociétal ?
  3. Ces réformes règlent elles tous les problèmes ?
  4. Quelles sont les principales critiques des commentateurs sur cette réforme ? …

Une fois toutes ces connaissances de cours notées sur votre brouillon, vous devez trouver un plan. Pour rappel, le plan d’une dissertation juridique doit respecter une forme obligatoire. La construction de votre dissertation doit prendre la forme de deux parties (I ; II) elles-mêmes divisées en deux sous parties (I. A. B. ; II. A. B.).

I. TITRE 1

A. Sous-titre 1

B. Sous-titre 2

II. TITRE 2

A. Sous-titre 1

B. Sous-titre 2

Ce plan doit être apparent, c’est-à-dire que vous devez le noter sur votre copie.

Il existe de nombreuses techniques pour trouver un plan dont notamment :

  • Apprendre des corrections de plans d’annales par cœur.
  • Apprendre des plans « types » par cœur du type « Principe / Exception », « Domaine / régime », « Notion / Fonction », « Avant / Après », « Qualification / Sanction », « État du droit positif / Critique du droit positif » …

Concrètement, comment faire pour trouver le plan de la dissertation ?

Dans l’ordre, il vous faut :

  1. Noter sur votre brouillon tous les éléments que vous comptez utiliser pour la rédaction de votre dissertation.
  2. Identifier quatre idées principales correspondant à vos quatre sous-parties. Notez ces quatre idées en très gros. Notez ces quatre idées en très gros caractère sur une autre feuille de brouillon. Les grand I et le II vous viendront alors beaucoup plus facilement.
  3. Classer à l’intérieur de ces quatre grandes sous-parties quatre idées par sous-parties.

Passons à la partie essentielle de la dissertation : l’introduction. Nous allons voir les astuces permettant de faire une introduction parfaite !

Comment rédiger une dissertation juridique ?

Vous devez commencer par rédiger une introduction devant comporter plusieurs étapes obligatoires avec de rédiger le corps du devoir. Voici les six étapes obligatoires d’une dissertation en droit :

  • L’accroche de la dissertation

L’accroche constitue le premier paragraphe de la dissertation. Il s’agit d’éveiller l’attention du lecteur par une phrase mettant en exergue l’intérêt du sujet et de manière générale de la problématique que vous allez formuler. Deux techniques peuvent être utilisées pour trouver une bonne accroche.

  1. La première technique consiste, lors de l’élaboration de vos fiches de révisions, à noter systématiquement une accroche sur chaque thème / chapitre composant votre cour.
  2. La deuxième technique permet de vous sortir de la situation dans laquelle tout étudiant se trouve confronté un jour ou l’autre : l’absence d’idées. Il suffit alors de procéder à la rédaction d’une accroche en « entonnoir » (voir plus bas). Cette technique nécessite toutefois de connaître au minimum son plan de cours.
  • Quels sont les différents types d’accroches ?

Prenons pour exemple : « La notion de harcèlement moral en droit du de harcèlement moral en droit du travail ».

  1. L’accroche historique. Il s’agit d’amener le sujet en évoquant l’intérêt historique qui y est attaché.
    • Exemple : « Inventé en septembre 1998 par une psychologue à partir des témoignages recueillis dans son cabinet, le terme de harcèlement moral a connu un incroyable écho dans le monde du travail jusqu’à devenir une notion juridique ».
  2. L’accroche d’actualité. Il s’agit d’amener le sujet en éveillant l’intérêt du lecteur à travers l’évocation d’une actualité récente qui y est liée. Il peut s’agir d’une aire médiatisée, de statistiques…
    • Exemple : « En France, un sondage réalisé en 2000 par IPSOS17 auprès d’un échantillon de 471 salariés représentatifs de la population française, évalue qu’un salarié sur trois se sent harcelé moralement, 37% des personnes interrogées ont déjà vu un collègue se faire harceler, 12% se font insulter, 22% sont humiliés et 16% se retrouvent placardisés ».
  3. L’accroche citation / adage. Il s’agit d’amener le sujet en éveillant l’intérêt du lecteur à travers la retranscription d’une citation ou d’un adage.
  4. L’accroche en entonnoir. Il s’agit d’amener le sujet en éveillant l’intérêt du lecteur en replaçant le sujet dans le contexte de son cours. Il faut alors se rappeler le plan de cours dans lequel s’insère le sujet que vous avez à traiter.
  • Le contexte (la phrase liant l’accroche au sujet)

Après avoir « accroché » l’intérêt du correcteur, vous devez lier l’accroche au sujet. Vous pouvez utiliser des phrases types comme : « Cette situation permet de mettre en exergue l’importance actuelle du thème du harcèlement moral… » ou « Cette citation permet d’illustrer l’importance particulière du thème du… ».

Exemples : « Inventé en septembre 1998 par une psychologue à partir des témoignages recueillis dans son cabinet, le terme de harcèlement moral a connu un incroyable écho dans le monde du travail jusqu’à devenir une notion juridique. En effet, introduite à travers la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, la notion de harcèlement moral fait désormais l’objet d’un contentieux particulièrement important »

(Accroche et contexte) « On peut chercher à réaliser l’équilibre des pouvoirs exécutif et législatif en organisant leur collaboration et en dotant le gouvernement et les assemblées de moyen d’action ». Cette phrase permet d’illustrer l’organisation du régime parlementaire britannique, caractérisé par la « fusion des pouvoirs » ou la « collaboration des pouvoirs », selon la conception de la séparation souple des pouvoirs, par opposition au fonctionnement du régime présidentiel.

  • Les définitions des termes du sujet de la dissertation

Vous devez ensuite définir les termes du sujet. Pourquoi ?

D’abord, vous devez vous-même être bien certain de comprendre le sujet sur lequel vous devez disserter. La définition des termes du sujet vous permet donc d’éviter un hors sujet (le hors sujet étant très fréquent en dissertation).

Ensuite, la définition des termes du sujet vous permet d’orienter votre sujet vous permet d’orienter votre dissertation dans le sens que vous voulez. Certains termes surtout en droit sont susceptibles de revêtir plusieurs sens.

Par exemple, le terme de « Loi » peut être entendu dans son sens restreint (la loi désignant uniquement la norme juridique issue du Parlement) ou dans son sens large (la loi désignant alors une disposition normative et abstraite posant une règle juridique d’application obligatoire).

Exemple : LA PERSONNE HUMAINE

La personnalité juridique est l’aptitude à être titulaire de droits et débiteur d’obligations.

Dès lors, faut-il parler de la législation relative aux cadavres ?

À mon sens, il est tout à fait possible d’évoquer la législation relative aux cadavres dans la dissertation, dans la mesure où une grande partie de cette législation s’explique par le respect dû à la personne humaine de son vivant.

De même, pouvez-vous évoquer le cas des embryons ou du fœtus dans la dissertation ? L’acquisition de la personnalité juridique étant subordonnée à plusieurs conditions (naître vivant et viable notamment) les embryons et les fœtus n’ont pas la personnalité juridique. Vous pourriez donc évacuer ces deux notions de votre dissertation. Mais vous pourriez également en parler en évoquant le principe infans conceptus (« L’enfant conçu sera considéré comme né chaque fois qu’il pourra en tirer avantage »).

  • Les intérêts contradictoires ou les impératifs du sujet

Vous devez ici mettre en exergue les différents impératifs généralement contradictoires mais généralement contradictoires mais pas toujours que le sujet dissimule. Les sujets dissimulent très souvent des intérêts contradictoires. Une législation ou une jurisprudence est bien souvent le résultat d’un compromis entre des impératifs opposés.

Exemple n°1 : LES DISPOSITIONS RELATIVES À L’ÉTAT CIVIL DES PERSONNES

 « L’individu en société doit être identifiable. L’état civil, en prenant en compte l’ensemble des qualités de la personne pour y attacher des effets de droit remplit cette fonction d’identification. C’est sur ce fondement que la loi du 11 octobre 2010 a interdit la dissimulation du visage dans l’espace public (1er impératif). Pourtant pour certains commentateurs l’interdiction de la dissimulation du visage dans l’espace public porte atteinte à la liberté de religion (2ème impératif) ».

Exemple n°2 : LE PLAFONNEMENT DES INDEMNITÉS PRUD’HOMALES PAR LES ORDONNANCES

D’un côté, le plafonnement des indemnités a pour objectif de faciliter l’embauche et donc de faire baisser le chômage (1er impératif). Mais pour beaucoup de commentateurs cette « facilitation » se fait au détriment de la sécurité de l’emploi des salariés en contrat à durée indéterminée (2ème impératif).

Mais il peut s’agir aussi parfois simplement de dégager une idée générale ou une évolution.

Exemple : Dans un sujet de type « Les sources du droit des personnes », l’idée générale pourrait être de démontrer que les sources du droit des personnes étaient traditionnellement nationales, mais que cette matière évolue de plus en plus sous l’influence des normes internationales.

  • La problématique juridique

Vous devez formuler une problématique, de préférence sous forme interrogative. Cette problématique doit mettre en tension les deux impératifs que nous avons vu précédemment.

Exemple : Dans un sujet de type « Les sources du droit des personnes », la problématique pourrait être : « Dans quelle mesure les sources du droit des personnes évoluent-telles ? ».

  • L’annonce de plan en dissertation juridique

Après avoir formulé votre problématique vous devez annoncer le plan de votre dissertation. Vous ne pouvez pas utiliser la formule scolaire utilisée au lycée, notamment dans les dissertations de philosophie: « Dans un premier temps nous verrons (…) puis dans un second temps nous verrons (…) ».

L’annonce de plan doit être « naturelle ».

Exemple : LA FUSION DES POUVOIRS DANS LE RÉGIME PARLEMENTAIRE BRITANNIQUE

(Annonce de plan générale) La fusion des pouvoirs dans le régime parlementaire britannique résulte des caractéristiques constitutionnelles de ce régime, ce phénomène étant accentué en raison de l’existence d’une majorité parlementaire homologué (I). Ce phénomène a pour conséquence de bouleverser l’équilibre institutionnel dans le régime parlementaire britannique (II)

Une fois l’introduction rédigée, vous devez vous attaquer au contenu de la dissertation. Là encore, plusieurs éléments doivent obligatoirement figurer dans la dissertation !

  • Le plan de la dissertation juridique

Comme expliqué ci-dessus, la construction de votre dissertation doit prendre la forme de deux parties (I ; II) elles-mêmes divisées en deux sous-parties (I. A. B. ; II. A. B.). Ce plan doit être apparent c’est-à-dire que vous devez le noter sur votre copie.

  • Les annonces de plan « internes »

Vous devez faire deux annonces de plan « internes » pour annoncer vos sous parties. Entre le I. et le I. A. vous devez rédiger une annonce de plan pour annoncer votre I. A et votre I. B.

Exemple : : LA FUSION DES POUVOIRS DANS LE RÉGIME PARLEMENTAIRE BRITANNIQUE

I. Les causes de la fusion des pouvoirs dans le régime parlementaire britannique.

(Annonce du plan interne) La fusion des pouvoirs dans le régime parlementaire britannique tient aux caractéristiques constitutionnelles du régime parlementaire britannique (A) et à l’existence d’une majorité parlementaire homogène ayant pour effet d’accentuer ce phénomène (B).

La même annonce de plan est nécessaire après le II pour annoncer le II. A. et le II. B.

Exemple : LA FUSION DES POUVOIRS DANS LE RÉGIME PARLEMENTAIRE BRITANNIQUE

II. Le bouleversement de l’équilibre institutionnel dans le régime parlementaire britannique.

(Annonce du plan interne) L’existence d’une majorité parlementaire soutenant la politique du Premier ministre a bouleversé l’équilibre institutionnel du régime parlementaire britannique en dénaturant les mécanismes constitutionnels d’engagement de la responsabilité (A). Le Parlement ne remplissait plus son rôle de contre-pouvoir, de nouveaux contre-pouvoirs sont apparus (B).

  • Les transitions ou phrases conclusives

À la fin de chaque sous-partie vous devez rédiger une phase « conclusive » servant à annoncer la partie suivante. La dissertation compte trois phrases conclusives : une à la fin du I.A, une à la fin du I.B et une à la fin du II. A.

Exemple : (Transition) Quoiqu’il en soit, bien que le ¨Parlement ne remplisse plus sa mission de contrôle, d’autres types de contre-pouvoirs sont apparus.

B- L’APPARITION nécessaire de nouveaux pouvoirs.

Cette concentration des pouvoirs conduit certains auteurs à utiliser le terme de « dictature de cabinet » puisque le Parlement ne remplit plus son rôle de contre-pouvoir. En réalité, certains organes exercent en pratique un contrôle sur l’action du gouvernement.

  • Le contenu détaillé de la dissertation

Chaque sous partie doit comprendre plusieurs paragraphes correspondant au développement de votre dissertation. L’idéal est que chaque sous-partie contienne quatre idées principales. La dissertation est une succession de subdivisions devant former un ensemble cohérent. Au final, voici à quoi ressemblera la dissertation :

Introduction

I. TITRE 1

Annonce de plan

A. Sous-titre 1

– Idée 1

– Idée 2

– Idée 3

– Transition

B. Sous-titre 2

– Idée 1

– Idée 2

– Idée 3

– Transition

II. TITRE 2

Annonce de plan

A. Sous-titre 1

– Idée 1

– Idée 2

– Idée 3

– Transition

 B. Sous-titre 2

– Idée 1

– Idée 2

– Idée 3

Sauf indication contraire de votre chargé de travaux dirigés, la rédaction d’une conclusion n’est, en règle générale, jamais nécessaire pour une dissertation juridique.

Passons au bonus : les conseils pour progresser en dissertation !

  • Soignez la forme de votre copie

Écrivez avec un stylo noir, sautez des lignes et faites un alinéa entre chaque partie ou nouvelle idée. Pensez au correcteur qui va lire votre copie et ne faites surtout pas de votre dissertation un « bloc de texte » illisible !

  • Respecter la méthodologie de la dissertation

Vous ne devez oublier aucune des parties composant la structure de la dissertation. Cette erreur est souvent commise dans l’introduction de la dissertation (une accroche oubliée par exemple…) ou au niveau de l’annonce de plan et des transitions. Oubliez une partie obligatoire revient à perdre des points bêtement !

  • S’entrainer au minimum deux fois avant l’examen

Je vous assure qu’aucune méthodologie même la plus complète possible ne remplacera la pratique. Le meilleur moyen de devenir bon en dissertation juridique est de s’exercer en s’entrainant au minimum deux fois avant votre examen.

  • Relisez votre dissertation à la fin de l’épreuve

Cette phase est de loin la plus ennuyante mais elle est nécessaire ! Je sais ce que c’est que d’avoir la flemme de se relire à la fin de l’épreuve… À la fin de la dissertation, nous sommes nécessairement épuisés par l’effort intellectuel fourni. Il faut pourtant se faire violence et en profiter pour corriger les erreurs qui pourraient – si vous ne les corrigez pas – vous couter des points (orthographe, syntaxe, coquilles etc.).

Prévoyez simplement 5 minutes en Prévoyez simplement 5 minutes en fin d’épreuve pour faire une relecture.

  • Apprenez à gérer votre temps

Comme pour tous les exercices juridiques, la gestion du temps est cruciale. Je mettrais ma main à couper que 80% des étudiants ne s’entrainent pas dans les conditions réelles de l’examen avant le partiel… c’est pourtant la seule manière d’apprendre à gérer son temps… je dis ça je ne dis rien !

  • Ne récitez pas votre cours

En dissertation, vous ne devez pas simplement réciter votre cours puisqu’il s’agit d’un exercice de démonstration. Vous devez réfléchir sur la définition des termes du sujet, sur le contexte, les enjeux, les critiques pour démontrer une idée générale. Plus vous vous entrainerez plus vous apprendrez à raisonner.

Sujet : La fusion des pouvoirs dans le régime parlementaire britannique : raisons et conséquences.

(Accroche et contexte) « On peut chercher à réaliser l’équilibre des pouvoirs exécutif et législatif en organisant leur collaboration et en dotant le gouvernement et les assemblées de moyens d’action » [1]. Cette phrase permet d’illustrer l’organisation du régime parlementaire britannique, caractérisé par la « fusion des pouvoirs » ou la « collaboration des pouvoirs », selon la conception de la séparation souple des pouvoirs, par opposition au fonctionnement du régime présidentiel.

(Définitions) La fusion des pouvoirs est une expression de l’essayiste anglais Walter Bagehot permettant de rendre compte du principe d’organisation des pouvoirs de la Constitution britannique (qui ne constitue pas une Constitution formelle) : chaque organe dépend dans une large mesure des autres sur le plan organique et sur le plan fonctionnel. Le régime parlementaire est celui dans lequel l’organisation et les relations entre les pouvoirs reposent sur une séparation des pouvoirs qualifiée de souple car ils entretiennent entre eux des relations étroites de collaboration contrairement au régime présidentiel. Cette notion ne se confond pas avec celle de confusion des pouvoirs faisant référence aux régimes politiques dans lesquels les pouvoirs sont concentrés entre les mains d’un même corps.

(Impératifs contradictoires) La fusion des pouvoirs fait référence à un régime de séparation souple des pouvoirs qui présente l’avantage d’une collaboration des pouvoirs leur permettant d’« aller de concert » selon la formule de Montesquieu. Les moyens d’intervention réciproques permettent d’éviter qu’un conflit entre les différents pouvoirs ne débouche sur une insurmontable paralysie des institutions. Toutefois, l’existence du fait majoritaire, c’est-à-dire d’une harmonie politique entre les titulaires des différents organes (Parlement et gouvernement) peut conduire à un bouleversement de l’équilibre institutionnel au profit du Premier ministre.

(Problématique) Quelles sont les conséquences de la fusion des pouvoirs sur l’équilibre institutionnel du régime parlementaire britannique ?

(Annonce de plan générale) La fusion des pouvoirs dans le régime parlementaire britannique résulte des caractéristiques constitutionnelles de ce régime, ce phénomène étant accentué en raison de l’existence d’une majorité parlementaire homogène (I). Ce phénomène a pour conséquence de bouleverser l’équilibre institutionnel dans le régime parlementaire britannique (II).

I. LES CAUSES DE LA FUSION DES POUVOIRS DANS LE REGIME PARLEMENTAIRE BRITANNIQUE

(Annonce du plan interne) La fusion des pouvoirs dans le régime parlementaire britannique tient aux caractéristiques constitutionnelles du régime parlementaire britannique (A) et à l’existence d’une majorité parlementaire homogène ayant pour effet d’accentuer ce phénomène (B).

A. Les caractéristiques constitutionnelles d’une fusion des pouvoirs

Le régime britannique est un régime parlementaire c’est-à-dire un régime dans lequel l’organisation et les relations entre les pouvoirs reposent sur une séparation des pouvoirs qualifiée de « souple ». Le fonctionnement du système repose sur la confiance entre les deux pouvoirs (pouvoir législatif et pouvoir exécutif) qui ne sont pas réellement séparés, mais entretiennent entre eux des relations étroites de collaboration contrairement au régime présidentiel. Ainsi, dans le régime parlementaire

Ainsi, dans le régime parlementaire britannique, les pouvoirs sont interdépendants et ne peuvent fonctionner les uns sans les autres.

D’abord, il existe une interdépendance structurelle c’est-à-dire que les mécanismes de collaboration se manifestent par la possibilité pour un organe d’en nommer un autre. Par exemple, le Premier ministre est issu de la Chambre des communes et les ministres sont choisis parmi les parlementaires.

Ensuite, il existe une interdépendance fonctionnelle c’est-à-dire que les mécanismes de collaboration se manifestent par un partage des attributions entre les différents organes. Par exemple, l’initiative des lois est partagée entre le Premier ministre et le Parlement en Grande-Bretagne.

Enfin, il existe une interdépendance relationnelle c’est-à-dire que les différents organes disposent de moyens d’action réciproques. Ainsi, la Chambre des communes peut engager la responsabilité du cabinet ministériel en votant une motion de censure, en rejetant le budget, ou en refusant de voter l’adresse faisant suite au discours du trône annuel). De même, le gouvernement peut poser une question de confiance au Parlement et menacer de démissionner si son projet n’est pas adopté par le Parlement. À l’inverse, le monarque peut prononcer la dissolution de la chambre basse sur demande du Premier ministre à certaines conditions.

(Transition) Cette fusion des pouvoirs est en pratique largement accrue dans le régime parlementaire britannique en raison de l’existence d’une majorité parlementaire stable et homogène.

B. L’accentuation de la fusion des pouvoirs par l’existence d’une majorité parlementaire stable

Dans le régime parlementaire britannique, une même majorité parlementaire contrôle l’exercice du pouvoir. En d’autres termes, il existe une harmonie politique entre les titulaires des différents organes. Ce fait majoritaire désigne la présence, dans une assemblée parlementaire, d’une majorité d’élus appartenant au même parti et se comportant de manière disciplinée.

Le bipartisme est la cause de cette majorité parlementaire. Le régime britannique est un système bipartisan en raison notamment du mode de scrutin uninominal majoritaire à un tour qui encourage le vote en faveur des candidats ayant le plus de chance d’être élus et rend presque impossible l’accession au pouvoir d’un parti tiers.

Ainsi, la même majorité politique est présente à la fois au gouvernement et au Parlement. Le Premier ministre, une fois nommé, en tant que leader de la majorité parlementaire, contrôle donc le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. En effet, plusieurs éléments permettent au Premier ministre d’obtenir le soutien de sa majorité pour pouvoir mettre en œuvre sa politique. D’abord, le Premier ministre choisit des parlementaires pour composer son gouvernement ainsi que les effectifs du gouvernement de sorte que les parlementaires peuvent espérer obtenir un poste dans le gouvernement en cas de remaniement ministériel. Ensuite, la solidarité gouvernementale et la discipline de vote rendent le gouvernement presque certain de voir ses projets adoptés.

(Transition) Ainsi, on ne peut plus parler de pouvoir législatif et de pouvoir exécutif à proprement parler puisque la même majorité, dirigée par le Premier ministre, gouverne. Il en résulte un bouleversement de l’équilibre institutionnel en raison notamment de la dénaturation des mécanismes de mise en jeu de la responsabilité.

II. LE BOULEVERSEMENT DE L’EQUILIBRE INSTITUTIONNEL DANS LE REGIME PARLEMENTAIRE BRITANNIQUE

(Annonce du plan interne) L’existence d’une majorité parlementaire soutenant la politique du Premier ministre a bouleversé l’équilibre institutionnel du régime parlementaire britannique en dénaturant les mécanismes constitutionnels d’engagement de la responsabilité (A). Le Parlement ne remplissant plus son rôle de contre-pouvoir, de nouveaux contre-pouvoirs sont apparus (B).

A. La dénaturation des mécanismes d’engagement de la responsabilité

L’existence du fait majoritaire bouleverse l’équilibre institutionnel car le Parlement soutient et collabore avec le Gouvernement et n’exerce plus sa mission de contrôle. La même majorité gouverne, dirigée par son leader, le Premier ministre. Ainsi, les mécanismes de mise en jeu de la responsabilité n’ont plus le même objet que dans un régime parlementaire classique.

D’abord, le mécanisme de la motion de censure est neutralisé. Le gouvernement ne risque pas de faire l’objet d’une motion de censure puisqu’il bénéficie du soutien de la majorité parlementaire. Ainsi, seuls deux gouvernements ont été renversés tout au long du XXe siècle.

Ensuite, le mécanisme de la dissolution est dénaturé. À l’origine, la dissolution servait à arbitrer un conflit entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Ce type de conflit étant improbable en raison du fait majoritaire, la dissolution permettait au gouvernement d’anticiper la date des élections législatives (dissolution de convenance) ou de renforcer une majorité parlementaire incertaine. Depuis une réforme de 2011, ces dissolutions ne sont plus permises et désormais la dissolution ne peut intervenir que dans deux cas précis. Soit la Chambre des Communes décide elle-même de sa dissolution (« autodissolution » par un vote d’une résolution à la majorité des deux tiers de ses membres) soit la dissolution résulte de l’adoption par la Chambre des Communes d’une motion de censure contre le Gouvernement et à son incapacité à voter la confiance à un autre Gouvernement dans un intervalle de 14 jours (« dissolution automatique »).

(Transition) Quoiqu’il en soit, bien que le Parlement ne remplisse plus que le Parlement ne remplisse plus sa mission de contrôle, d’autres types de contre-pouvoirs sont apparus.

B. L’apparition nécessaire de nouveaux contre-pouvoirs

Cette concentration des pouvoirs conduit certains auteurs à utiliser le terme de « dictature de cabinet » puisque le Parlement ne remplit plus son rôle de contre-pouvoir. En réalité, certains organes exercent en pratique un contrôle sur l’action du Gouvernement.

D’abord, le groupe parlementaire contrôle l’action du gouvernement. Le Premier ministre ne peut ignorer les réactions parlementaires au sein de sa propre majorité s’il souhaite éviter d’affaiblir la majorité parlementaire. Cet affaiblissement pourrait le conduire à perdre le soutien de sa majorité pourtant nécessaire à la mise en œuvre de la politique du gouvernement.

Ensuite, l’opposition parlementaire a pour rôle de critiquer l’action gouvernementale. Un statut lui est donc reconnu (attributions, moyens humains et matériels) pour lui permettre de constituer un véritable contre-pouvoir. L’opposition émet des critiques et des avis sur la politique menée par le gouvernement. Elle est crédible puisque la possibilité d’alternance politique est réelle.

Enfin, l’opinion publique ainsi que la Cour suprême constituent également des contre-pouvoirs dans une certaine mesure de sorte que l’action gouvernementale continue d’être encadrée par ces nouveaux contre-pouvoirs.

Acheter une parcelle rurale : pourquoi l’attestation villageoise ne suffit plus

Depuis l’adoption de la loi n°2019-868 du 14 octobre 2019 relative au foncier rural, le cadre juridique de l’acquisition des terres en zone rurale a profondément changé. Pourtant, beaucoup d’acquéreurs continuent de se voir proposer une simple attestation villageoise comme justificatif de propriété lors d’un achat de terrain. Or, s’appuyer uniquement sur ce document peut exposer l’acquéreur à de graves déconvenues juridiques.

Avant 2019, l’attestation villageoise constituait un document largement utilisé dans les transactions foncières rurales. Elle matérialisait l’accord des communautés villageoises sur la cession d’une parcelle. Mais la réforme introduite par la loi n°2019-868 a changé la donne :

  • Seul le certificat foncier rural constitue désormais le document officiel permettant une cession légale.
  • Toute vente réalisée sur la base d’une simple attestation villageoise est donc illégale et n’ouvre aucun droit à l’acquéreur.

L’attestation villageoise pose plusieurs problèmes juridiques :

  • Absence de garantie sur la propriété réelle : elle ne prouve pas que le vendeur est le véritable détenteur des droits coutumiers sur la parcelle.
  • Non-conformité à la loi : depuis octobre 2019, elle ne suffit plus pour légaliser une transaction.
  • Blocage administratif : un terrain acheté avec une attestation villageoise après 2019 ne peut plus faire l’objet d’une demande de certificat foncier au nom de l’acquéreur. Seul le propriétaire coutumier d’origine peut engager cette procédure. L’acquéreur doit ensuite passer par une mutation, ce qui alourdit et fragilise la sécurisation de ses droits.

L’article 4 de la loi de 2019 est clair : toute transaction portant sur une terre rurale doit être appuyée par un certificat foncier rural. Ce document, immatriculé et reconnu par l’État, confère la légitimité juridique à l’opération de cession (achat, vente ou don). Ainsi :

  • Pour une grande parcelle rurale (ex. 2 hectares), un certificat foncier doit impérativement exister et être produit au moment de l’achat.
  • Pour un lot issu d’un lotissement (ex. 500 m²), la grande parcelle lotie doit elle-même être couverte par un certificat foncier rural. Dans ce cas, l’acquéreur reçoit une attestation de propriété villageoise, mais celle-ci doit obligatoirement mentionner :
    • le numéro du certificat foncier de la grande parcelle,
    • les références du lot (îlot et numéro),
    • et les signatures de l’entreprise de lotissement, du chef de village et du représentant de la famille détentrice (en cas de certificat collectif).

  1. Vérifier l’existence d’un certificat foncier rural sur la parcelle ou la grande parcelle lotie.
  2. Signer un acte de cession conforme aux règles légales.
  3. Effectuer les formalités de mutation pour inscrire le bien à son nom, notamment en cas de certificat foncier collectif (qui doit être converti en certificat individuel).

En résumé, acheter un terrain rural sur la base d’une simple attestation villageoise est aujourd’hui un piège juridique. Ce document peut exister comme preuve coutumière, mais il ne suffit plus pour sécuriser une transaction. Seul le certificat foncier rural confère à l’acquéreur une propriété légale et incontestable.

Pour tout projet d’acquisition foncière, il est donc essentiel de :

  • exiger un certificat foncier rural,
  • éviter les transactions sur simples attestations villageoises,
  • et se faire accompagner par des professionnels du droit afin de sécuriser la procédure.

Notre cabinet accompagne particuliers, entreprises et collectivités dans toutes les démarches foncières, de la vérification des titres jusqu’à la mutation et l’obtention de certificats individuels.

Pour vos besoins en la matière, veuillez contacter le Cabinet LDJ SARL : (+225) 27 23 23 21 64 / 05 96 11 90 94 / 01 52 90 45 19 (WhatsApp)

L’externalisation de l’emploi en droit ivoirien : entre flexibilité et encadrement juridique

L’externalisation de l’emploi, sous ses différentes formes, occupe une place croissante dans le paysage économique ivoirien. Elle englobe le recours au travail temporaire, le prêt de main-d’œuvre non lucratif, ainsi que le recours aux tâcherons. Ces mécanismes permettent aux entreprises d’adapter leur main-d’œuvre aux fluctuations de l’activité, de répondre à des besoins urgents ou saisonniers et de gérer efficacement les projets spécifiques sans recourir à un effectif permanent.

Toutefois, l’externalisation soulève également des questions fondamentales en matière de protection du salarié. La flexibilité que ces dispositifs offrent aux employeurs ne doit pas se faire au détriment des droits des travailleurs, notamment en matière de sécurité de l’emploi, de rémunération, de conditions de travail et de responsabilité en cas de manquement. Le droit ivoirien, principalement à travers le Décret n°96-194 du 7 mars 1996 relatif au travail temporaire, encadre strictement ces pratiques pour prévenir les abus tout en favorisant l’adaptabilité de l’économie[1].

Cette étude propose une analyse détaillée du cadre juridique de l’externalisation de l’emploi en Côte d’Ivoire, en abordant successivement le travail temporaire, le prêt de main-d’œuvre non lucratif et le recours aux tâcherons. Elle met en lumière les droits et obligations des parties, les limitations prévues par la loi et les implications pratiques pour le marché du travail. Une attention particulière sera portée aux références ivoiriennes, mais également à des comparaisons avec les standards internationaux, notamment ceux recommandés par l’Organisation internationale du Travail (OIT)[2].

Le travail temporaire, parfois appelé emploi intérimaire, désigne une relation tripartite impliquant l’employeur utilisateur, le salarié temporaire et l’entrepreneur de travail temporaire. Selon l’article 11.4 du Code du travail ivoirien, est considéré comme entrepreneur de travail temporaire toute personne, physique ou morale, dont l’activité exclusive consiste à mettre provisoirement à disposition des utilisateurs des salariés qu’elle embauche et rémunère[3].

Pour exercer légalement, l’entrepreneur de travail temporaire doit répondre à plusieurs critères stricts : être majeur, jouir de ses droits civiques, être de nationalité ivoirienne ou représenter une personne morale de droit ivoirien, ne jamais avoir été condamné pour un délit portant atteinte à l’honneur ou à la probité et ne pas exercer de fonctions rémunérées pour le compte de l’administration ou d’un établissement public[4].

L’obtention d’une autorisation ministérielle est obligatoire. Cette autorisation est délivrée dans un délai de quinze jours et vaut pour une durée d’un an, renouvelable. Le silence de l’administration vaut acceptation, tandis que toute fraude ou fausse déclaration entraîne un retrait de l’autorisation et peut exposer l’entrepreneur à des poursuites pénales[5].

L’entrepreneur de travail temporaire doit établir un contrat écrit avec le salarié, précisant notamment la nature de la mission, la durée, la rémunération et les conditions d’exécution[6]. Le contrat est nul si l’entrepreneur ne dispose pas de l’autorisation préalable.

Pendant la mission, le salarié temporaire demeure sous l’autorité de l’entrepreneur mais doit se conformer aux instructions de l’utilisateur. L’entrepreneur peut appliquer des sanctions disciplinaires après une procédure motivée et transparente, garantissant le respect du droit de défense du salarié[7]. En cas de défaut de paiement de la rémunération, l’utilisateur peut se substituer à l’entrepreneur pour assurer le versement des salaires pendant la mission[8].

Le recours au travail temporaire est strictement limité par la loi. Il peut être utilisé pour remplacer un salarié absent, répondre à un surcroît temporaire d’activité, organiser des activités urgentes pour prévenir des accidents ou pour créer de nouvelles activités[9].

En revanche, certaines missions sont expressément interdites : remplacement de travailleurs grévistes, travaux souterrains, entretien d’installations électriques ou manipulation d’explosifs et de rayons X, ou encore travaux dans l’air comprimé et carrières souterraines[10]. Ces restrictions visent à protéger la sécurité et la santé des travailleurs, conformément aux standards internationaux de l’OIT[11].

La durée maximale d’une mission est de trois mois, renouvelable par périodes d’un mois au maximum. Tout dépassement de cette durée entraîne la requalification du salarié en contrat à durée indéterminée auprès de l’utilisateur[12]. Cette règle dissuade les abus et limite le recours à des contrats temporairement prolongés pour masquer une relation de travail permanente.

Le prêt de main-d’œuvre non lucratif, prévu par l’article 11.5 du Code du travail, consiste pour une entreprise à mettre temporairement à disposition un salarié auprès d’une autre entreprise sans but lucratif. Ce mécanisme diffère du travail temporaire dans la mesure où l’objectif n’est pas commercial et la rémunération continue d’être assurée par l’entreprise prêteuse[13].

Le prêt lucratif de main-d’œuvre, en dehors du cadre du travail temporaire, est strictement interdit. Le salarié victime d’un prêt illégal peut faire valoir l’existence d’un contrat de travail avec l’utilisateur, sans renoncer à ses droits envers l’entreprise prêteuse[14].

L’entreprise prêteuse doit s’assurer que le salarié conserve ses droits et garanties. Le contrat de prêt doit préciser la nature de la mission, la durée, la qualification professionnelle exigée, le lieu d’exécution, ainsi que l’horaire et les caractéristiques du travail[15].

Ce mécanisme est apprécié pour sa souplesse dans les échanges entre entreprises partenaires ou associatives, mais il est soumis à une vigilance particulière pour éviter le contournement des obligations liées au travail temporaire ou à l’emploi permanent[16].

Le tâcheron est défini comme un sous-traitant qui, sans posséder de fonds commercial, artisanal ou agricole, engage lui-même la main-d’œuvre nécessaire pour exécuter un travail ou fournir un service pour le compte d’un entrepreneur[17]. Le tâcheronnat repose sur un contrat écrit ou verbal, précisant le prix forfaitaire et les obligations de chacun[18].

Les salariés employés par le tâcheron travaillent sous son contrôle direct. Toutefois, lorsque les travaux se déroulent sur les chantiers, ateliers ou magasins de l’entrepreneur, ce dernier peut être substitué en cas d’insolvabilité du tâcheron pour le paiement des salaires[19]. Cette règle protège les travailleurs contre les risques de non-paiement et limite la précarité liée à la sous-traitance.

L’entrepreneur principal doit exercer un contrôle effectif sur les conditions de travail, la sécurité et la rémunération des travailleurs recrutés par le tâcheron[20]. Le respect des obligations contractuelles et la vigilance quant à la solvabilité du tâcheron sont essentiels pour éviter toute atteinte aux droits des salariés.

Le tâcheronnat permet une grande flexibilité dans la réalisation des travaux spécifiques, mais il présente un risque élevé de précarisation si la réglementation n’est pas strictement appliquée. Les pratiques de contrôle, la transparence contractuelle et la responsabilité solidaire de l’entrepreneur principal constituent des garanties indispensables pour protéger les salariés et sécuriser l’emploi[21].

L’externalisation de l’emploi en Côte d’Ivoire constitue un outil stratégique pour les entreprises afin d’adapter leur main-d’œuvre à des besoins ponctuels, urgents ou saisonniers. Les dispositifs de travail temporaire, de prêt de main-d’œuvre non lucratif et de tâcheronnat offrent une souplesse appréciable, mais ils nécessitent un encadrement strict pour prévenir les abus et garantir la protection des travailleurs.

Le droit ivoirien, en s’inspirant également des standards internationaux de l’OIT, impose des obligations claires aux entrepreneurs de travail temporaire et aux utilisateurs, limite la durée des missions et encadre la responsabilité en cas de manquement. Ces mesures contribuent à concilier la flexibilité économique et la sécurité sociale des travailleurs[22].

Dans une perspective comparative, la Côte d’Ivoire pourrait renforcer ses mécanismes de suivi et de contrôle, promouvoir la formation des travailleurs temporaires et améliorer la sécurité juridique des contrats pour garantir un équilibre durable entre adaptation économique et protection sociale[23].

Pour vos besoins en la matière, veuillez contacter le Cabinet LDJ SARL : (+225) 27 23 23 21 64 / 05 96 11 90 94 / 01 52 90 45 19 (WhatsApp)

Achetez le Kit du travailleur (Guide pour connaître tous ses droits en tant que travailleur) au prix de 35500 FCFA en suivant ce lien https://cabinetldjsarl.com/formation/kit-du-travailleur-guide-pour-connaitre-tous-ses-droits-en-tant-que-travailleur/


Me Luc KOUASSI

Juriste Consultant Polyglotte| Formateur | Spécialiste en rédaction de contrats, d’actes extrajudiciaires, d’articles juridiques et des questions relatives au droit du travail | Politiste | Bénévole humanitaire.

denisjunior690@gmail.com / +225 07 795 704 35 / +90 539 115 55 28


[1] Décret n°96-194 du 7 mars 1996 relatif au travail temporaire, art. 11-27.

[2] OIT, Employment and Decent Work in Africa, Geneva, 2018.

[3] Code du travail ivoirien, art. 11.4.

[4] Décret n°96-194, art. 4.

[5] Décret n°96-194, art. 7 et 9.

[6] Décret n°96-194, art. 14.

[7] Décret n°96-194, art. 15 et 19.

[8] Décret n°96-194, art. 27.

[9] Décret n°96-194, art. 23.

[10] Décret n°96-194, art. 33.

[11] OIT, Convention n°181 sur les agences de placement privées, Genève, 1997.

[12] Décret n°96-194, art. 2 et 3.

[13] Code du travail ivoirien, art. 11.5.

[14] Code du travail ivoirien, art. 11.5 al.3.

[15] Décret n°96-194, art. 25.

[16] J. Beignier, Droit du travail comparé, Paris, PUF, 2019, p. 233-245.

[17] Code du travail ivoirien, art. 11.6.

[18] Code du travail ivoirien, art. 11.6.

[19] Code du travail ivoirien, art. 11.7.

[20] A. Supiot, Travail et Droit, Paris, Seuil, 2007, p. 112-118.

[21] F. Dessemontet, La sous-traitance et la protection des salariés, Bruxelles, Larcier, 2015.

[22] Rapport OIT, Temporary Employment: Balancing Flexibility and Security, Genève, 2020.

[23] Code du travail ivoirien, art. 11-33 et jurisprudence locale.

100 sujets innovants de mémoire en droit public : Cibler les nouveaux horizons de la recherche juridique

Face aux défis contemporains tels que la transformation numérique des administrations, la justice environnementale, la gouvernance participative ou la cybersécurité, le droit public est en constante mutation. Pour les étudiants, chercheurs et praticiens, choisir un sujet de mémoire innovant permet de contribuer efficacement au développement de solutions juridiques adaptées aux besoins actuels des sociétés. Nous vous proposons ici 100 sujets innovants de mémoire en droit public, répartis dans 10 matières stratégiques et prospectives, pour inspirer vos réflexions et orienter vos choix académiques et professionnels.

  1. L’impact du numérique sur l’exercice des droits constitutionnels
  2. La protection constitutionnelle de l’environnement : étude comparée
  3. L’encadrement constitutionnel des états d’urgence sanitaires
  4. La reconnaissance des droits des générations futures en droit constitutionnel
  5. La constitutionnalisation du droit à l’eau potable
  6. La révision constitutionnelle à l’ère des consultations digitales citoyennes
  7. L’effectivité des cours constitutionnelles en Afrique francophone
  8. La garantie constitutionnelle du droit à l’identité numérique
  9. Les nouvelles formes de démocratie participative dans les constitutions africaines
  10. La protection constitutionnelle des minorités sexuelles

  1. La dématérialisation des procédures administratives et les droits des usagers
  2. Le principe de bonne administration à l’ère numérique
  3. La responsabilité administrative pour carence dans la lutte contre le changement climatique
  4. La smart city et les nouveaux enjeux du service public
  5. La contractualisation de l’action administrative : risques et avantages
  6. L’usage des algorithmes dans la prise de décision administrative
  7. La police administrative environnementale : étude critique
  8. La participation citoyenne dans l’élaboration des décisions administratives
  9. La protection des données personnelles par l’administration publique
  10. L’évolution du service public de santé à l’aune des pandémies

  1. La souveraineté des États et la gouvernance mondiale du numérique
  2. Le statut juridique des réfugiés climatiques
  3. L’effectivité du droit international humanitaire face aux nouvelles technologies militaires
  4. La justice environnementale internationale : mythe ou réalité ?
  5. La responsabilité des États pour cyberattaques transfrontalières
  6. La protection des peuples autochtones en droit international
  7. La régulation juridique des activités spatiales privées
  8. Le principe de précaution en droit international
  9. Les sanctions internationales unilatérales et le droit de l’OMC
  10. L’encadrement juridique des sociétés militaires privées

  1. Le droit à l’oubli numérique et la liberté d’information
  2. La protection des lanceurs d’alerte en Afrique francophone
  3. L’accès à la justice des personnes en situation de handicap
  4. Le droit à un environnement sain comme droit fondamental
  5. Les droits numériques des détenus
  6. La protection des données biométriques et les libertés fondamentales
  7. La surveillance de masse et le respect de la vie privée
  8. La liberté religieuse face aux politiques sanitaires
  9. La justiciabilité des droits économiques et sociaux en Afrique
  10. Les violences policières et le droit international des droits de l’homme

  1. La gouvernance locale et le développement durable
  2. L’autonomie financière des collectivités territoriales en Afrique de l’Ouest
  3. La participation citoyenne dans la gestion locale
  4. La décentralisation et la lutte contre la pauvreté
  5. Les collectivités territoriales et la gestion des crises sanitaires
  6. La coopération décentralisée internationale : enjeux et limites
  7. La réforme des compétences locales à l’ère des villes intelligentes
  8. L’égalité de genre dans la gouvernance locale
  9. La planification urbaine participative
  10. Les collectivités territoriales et la cybersécurité locale

  1. La répression des infractions environnementales par le droit pénal public
  2. La lutte contre la corruption publique par la criminalisation du blanchiment
  3. La responsabilité pénale des personnes morales publiques
  4. La cybersécurité et le droit pénal public
  5. L’extradition des cybercriminels en Afrique
  6. Le terrorisme numérique : incrimination et poursuite
  7. La protection pénale des données personnelles
  8. La justice pénale internationale et les crimes environnementaux
  9. La répression des crimes transnationaux organisés
  10. L’effectivité des juridictions pénales anti-corruption en Afrique

  1. La digitalisation du contentieux administratif
  2. L’office du juge administratif dans la protection de l’environnement
  3. Le contrôle juridictionnel des actes algorithmiques
  4. L’effectivité du référé-liberté en Afrique francophone
  5. La médiation administrative comme mode alternatif de règlement des litiges
  6. La responsabilité de l’État pour lenteur administrative
  7. L’égalité des armes dans le procès administratif numérique
  8. Le contrôle de proportionnalité en contentieux administratif
  9. La réparation intégrale du préjudice écologique
  10. La recevabilité des recours collectifs en droit administratif

  1. Les partenariats public-privé et la réalisation des objectifs de développement durable
  2. La régulation des marchés numériques par les autorités publiques
  3. La commande publique verte : enjeux et perspectives
  4. L’impact des politiques fiscales sur la justice sociale
  5. La régulation des cryptomonnaies par les États africains
  6. Le service public bancaire : utopie ou nécessité ?
  7. La politique publique d’inclusion financière numérique
  8. La gouvernance publique des données économiques
  9. L’aide publique au développement et la souveraineté économique
  10. La réforme des subventions publiques face aux accords commerciaux internationaux

  1. La justice climatique et les droits fondamentaux
  2. La responsabilité environnementale des États pour inaction climatique
  3. Le droit de l’environnement et les peuples autochtones
  4. La protection juridique de la biodiversité numérique (digital biodiversity)
  5. La fiscalité environnementale et la transition énergétique
  6. La pollution numérique : enjeux juridiques
  7. Les droits de la nature en droit comparé
  8. Le droit de l’environnement et les zones économiques exclusives maritimes
  9. La gestion juridique des déchets électroniques
  10. La planification urbaine écologique et le droit public

  1. La budgétisation verte : intégrer l’environnement dans les finances publiques
  2. La transparence budgétaire et la participation citoyenne
  3. Le financement public des startups technologiques
  4. La dette publique et les générations futures
  5. L’impact des fintechs sur les politiques fiscales publiques
  6. La réforme de la fiscalité foncière pour le développement local
  7. Le contrôle juridictionnel des finances publiques en Afrique
  8. La dématérialisation des procédures fiscales
  9. La régulation des cryptoactifs et les recettes fiscales publiques
  10. La soutenabilité des finances publiques post-crise sanitaire

Ces 100 thèmes de mémoire en droit public reflètent les nouvelles problématiques juridiques et sociétales qui appellent à une recherche rigoureuse et innovante. Ils sont conçus pour vous aider à élaborer des travaux académiques impactants et contribuer à l’évolution du droit public face aux défis de notre temps.


Besoin d’approfondir l’un de ces thèmes avec une problématique affinée, un plan complet et une bibliographie structurée ? Selon tes besoins et tes moyens, nous pouvons t’apporter notre aide. Contacte notre équipe pour un accompagnement rigoureux et stratégique.

Nos services en la matière :

  • Assistance pour la recherche d’un sujet et/ou un plan
  • Assistance pour la recherche d’un sujet, d’un plan et d’une bibliographie
  • Assistance dans la recherche d’un plan et d’une bibliographie
  • Assistance dans la rédaction du projet / protocole
  • Assistance pour la documentation
  • Assistance pour la correction
  • Assistance dans la rédaction et la documentation. 

Pour plus de détails, contactez-nous via WhatsApp : https://wa.me/message/VYDJGQP5VMVJL1

Autres contacts : (+225) 27 23 23 21 64 / 01 52 90 45 19 (WhatsApp) / 05 96 11 90 94 / 07 05 06 67 04 (WhatsApp) .