En réalité, cet Etat peut revêtir diverses formes : l’essentiel est qu’il y ait plusieurs unités étatiques réunies entre elles. Quel que soit le nom donné à ces dernières, ces unités sont des Etats. L’Etat composé est donc un Etat composé d’Etats ou encore un Etat divisible en parties internes méritant elles-mêmes le nom d’Etats. Il y a deux formes actuelles d’Etat composé, mais l’une d’elles ne donne pas naissance véritablement à un Etat nouveau, mais à une structure interétatique.
La Confédération d’Etats
La confédération est une association d’Etats par un traité international. Les Etats parties au traité sont les Etats membres de la Confédération. Le traité instituant la Confédération peut créer un organisme central qui exercera des compétences communes et énumérées dans le traité.
Cet organe est généralement composé de représentants des Etats nommés par leurs Etats respectifs. Les décisions sont en général prises à l’unanimité pour respecter l’autonomie de chacun des Etats, avec des décisions parfois prises à la majorité. Ces décisions ne sont pas directement applicables dans l’ordre interne des Etats et nécessitent l’utilisation du procédé de la ratification.
Les Etats acceptent de coopérer pour un certain nombre de domaines, en règle générale pour les compétences diplomatiques ou militaires, mais conservent, à titre principal, leur souveraineté, et leur existence internationale.
Dans une Confédération, un membre peut en principe se retirer, à la différence de l’Etat fédéral, où cette possibilité est refusée : ce fut l’enjeu majeur de la guerre de Sécession entre les Confédérés et les Nordistes, assimilés à des fédéralistes ou partisans du pouvoir central.
Il y eut plusieurs exemples dans l’histoire :
- étaient des confédérations la Confédération des Etats-Unis de l’Amérique du Nord de 1778 à 1787 pendant la guerre d’Indépendance, avant la transformation en Etat fédéral,
- la Confédération helvétique avant la transformation en Etat fédéral en 1848 mais qui a gardé cette dénomination désormais trompeuse,
- et la Confédération germanique de 1815 à 1866, englobant l’Autriche, puis la Confédération de l’Allemagne du Nord jusqu’en 1871, avant la naissance de l’Etat fédéral.
- Plus proche de cette époque, il faut citer le Commonwealth qui rassemble les liens historiques entre le Royaume Uni et ses anciennes possessions mais les liens sont très distendus.
- La C.E.I. ou Confédération des Etats indépendants rassemble dans une confédération les ex-républiques soviétiques, sauf les Etats baltes, depuis 1991.
Les Communautés européennes, créées par les traités de 1951 et de 1957, puis l’Union européenne en 1992 avec le Traité de Maastricht signé le 7 février 1992 complété par celui d’Amsterdam en 1997, celui de Nice de 2001 et celui de Lisbonne de 2007, sont proches de la Confédération. Mais elles présentent des originalités multiples.
- D’une part, les compétences mises en commun étaient au départ essentiellement économiques et non politiques ni militaire.
- D’autre part, le droit communautaire ou de l’Union prime sur le droit interne et est directement applicable aux Etats-membres, sans ratification, comme dans un Etat fédéral. Pour certaines règles de droit communautaire, les Etats doivent adapter leur droit national pour transposer ces règles communautaires. En outre, les règles de droit communautaire priment sur les règles nationales, y compris les lois. Seule la Constitution échappe (provisoirement?) à cette primauté, et sous réserve, en France des articles 88-1 et suivants.
Souvent la Confédération est une étape vers une intégration plus poussée, le fédéralisme. Les confédérations ne sont pas faites pour durer et l’on dit parfois que la fédération est une confédération qui a réussi.
Mais il existe aussi des Confédérations de dislocation comme la CE.I. La Confédération ne serait alors qu’une étape vers moins de liens entre les Etats ou plus de liens.
L’Etat fédéral ou fédération
Le fédéralisme gagne-t-il du terrain ? Beaucoup d’Etats importants sont des Etats fédéraux.
L’Etat fédéral est une union d’Etats, au sens du droit constitutionnel, au sein de laquelle un nouvel Etat se superpose à ces Etats. Des Etats souverains acceptent d’abandonner des compétences pour former un nouvel Etat : il y a donc création d’un Etat supplémentaire. Ce fédéralisme naît par une Constitution, à la différence de la Confédération qui naît d’un Traité. Cet Etat fédéral est le seul qui subsiste au niveau international. Lui seul peut entretenir des relations internationales.
Les Etats-membres d’une fédération ont gardé les apparences (et la réalité) d’un Etat avec une Constitution, un Parlement, des tribunaux. C’est une construction à deux étages :
- Au premier niveau, figurent les Etats-membres ou Etats fédérés. Ces unités portant des noms divers : provinces au Canada, cantons en Suisse, Länder en Allemagne et en Autriche, régions en Belgique. Mais ce sont des Etats en Australie, Inde, ou aux Etats-Unis. L’emploi du même mot pour désigner les entités fédérées et l’entité fédérale est source de confusions. Mais il faut se méfier de la traduction ou de la francisation : aux Etats-Unis, le mot « State » est réservé aux « Etats fédérés ». La fédération est désignée sous le pluriel « les Etats-Unis ». On parle aussi de « l’Etat libre de Bavière ».
- Au niveau supérieur, se trouve le nouvel Etat, ou Etat fédéral ou Fédération, qui englobe les Etats fédérés mais ne les absorbe pas. C’est une synthèse de l’Etat unitaire et de la Confédération. La Constitution fédérale crée un nouvel ordre juridique et politique.
La devise des Etats-Unis illustre ce phénomène, « E pluribus unum » qui pourrait se traduire par « Unité dans la diversité ». Il est fréquent de considérer que le fédéralisme est le résultat de deux principes, qui ont été systématisés par le juriste Georges Scelle.
Principe d’autonomie
Puisque l’Etat fédéral est un Etat composé d’Etats, doivent se retrouver aux deux niveaux les trois éléments de l’Etat que sont le territoire, la population, et une Constitution.
- Il existe ainsi deux territoires et le territoire fédéral est la somme des territoires fédérés.
- L’Etat fédéral englobe deux populations car chaque individu se dédouble en citoyen fédéral et en citoyen fédéré.
- Sont consacrés enfin deux pouvoirs politiques organisés par deux Constitutions.
Il faut alors organiser un partage des compétences, qui repose, souvent, sur la distinction entre la compétence générale ou de droit commun donnée au niveau fédéré et la compétence d’exception ou d’attribution confiée au niveau fédéral.
- La première compétence est, en principe, d’interprétation large : le niveau fédéré est compétent pour toutes les affaires ou matières sauf celles qui sont réservées au niveau fédéral.
- La seconde compétence est de portée limitée et s’interprète restrictivement : elle consiste en une énumération au profit de l’Etat fédéral.
Aux Etats-Unis et en Suisse par exemple, les constitutions réservent la compétence de droit commun aux Etats fédérés et l’Etat fédéral se contente de certaines attributions. Mais c’est un peu l’inverse au Canada où les provinces ont des compétences résiduelles, d’où la permanence du problème québécois.
Mais la Constitution allemande met en place trois listes (articles 70 et suivants). Les deux premières sont relatives à la compétence exclusive de la Fédération (Bund) et à celle des Länder. La troisième concerne la compétence partagée ou concurrente entre la Fédération et les Länder. Dans ce cas, les Länder peuvent légiférer mais la Fédération a le droit de légiférer s’il apparaît un besoin de législation fédérale, en faisant application du principe de subsidiarité.
En ce qui concerne le contenu des compétences, la distinction se fait globalement entre les compétences externes et les compétences internes, les premières étant réservées à l’Etat fédéral.
Les relations avec l’étranger sont confiées à l’Etat fédéral puisque c’est lui qui dispose seul de la souveraineté internationale (domaines diplomatique, militaire, économique, monétaire, citoyenneté et nationalité).
Mais il existe des exceptions : le Québec (province) a signé directement un accord avec la France dénommé « entente » et il dispose à Paris d’une délégation générale qui jouit d’un statut diplomatique. Du temps de l’U.R.S.S., l’Ukraine bénéficiait d’un siège à l’O.N.U, au nom de son ancienne indépendance, retrouvée depuis.
Les Etats-membres gardent un pouvoir d’auto-organisation interne, qui se manifeste par une Constitution par Etat, un parlement (Congrès de l’Etat aux Etats-Unis) et un exécutif.
Le gouverneur d’un Etat américain est l’équivalent local, et lui aussi élu, du président des Etats-Unis. Le ministre-président de chaque Land en Allemagne est l’équivalent du chancelier fédéral. Une organisation juridictionnelle distincte peut exister d’un Etat à un autre. Plus symboliquement, chaque Etat possède son drapeau et un hymne distincts comme en Bavière ou dans les Etats américains.
Sur les matières réservées aux Etats fédérés, la législation peut être différente.
Il est plus facile de divorcer à Las Vegas (Nevada) qu’ailleurs, la peine capitale ne s’applique pas de la même manière, l’avortement est admis ou aboli dans certains Etats…
L’Etat fédéré est donc a priori très différent de la collectivité décentralisée, pour laquelle l’autonomie n’est qu’administrative. Bien sûr, chacun de ces Etats fédérés est lui-même un Etat unitaire avec ses collectivités décentralisées, qui peut comprendre des entités correspondant aux départements et communes français, sur lesquelles il exerce un contrôle qui ressemble à la tutelle.
La protection du partage des compétences se fait en principe par la voie juridictionnelle, qui vient réguler et protéger le fédéralisme inscrit dans la Constitution fédérale, comme une sorte de contrat qu’il faut protéger. Cette juridiction est donc constitutionnelle, prévue par la constitution et chargée de faire respecter cette dernière. La Cour suprême aux Etats-Unis, la Cour constitutionnelle allemande, sont des juridictions de ce type. Elles contribuent en pratique à renforcer le centralisme juridique, et donc politique.
Le principe de participationLes Etats fédérés sont associés à l’organisation de l’Etat fédéral ainsi qu’à la révision de la Constitution fédérale, ce qui est logique puisque l’Etat fédéral résulte au départ d’un accord volontaire entre les Etats membres.
Il existe dans tout Etat fédéral une seconde chambre où siègent des représentants des Etats-membres, afin que ceux-ci soient représentés au même titre que la population qui, elle, l’est dans le cadre d’une première chambre.
C’est le cas aux Etats-Unis, avec le Sénat, distinct de la Chambre des représentants et en République fédérale allemande, où le Bundesrat, chambre des Etats ne se confond pas avec le Bundestag, chambre du peuple.
- Le Sénat américain participe, par exemple, à l’œuvre législative et budgétaire mais aussi participe à certaines attributions de l’exécutif par ratification des traités et confirmation de la nomination à des emplois ou postes fédéraux, comme les « ministres » fédéraux ou les membres de la Cour Suprême.
- C’est ainsi que l’article 50 de la Loi Fédérale allemande prévoit que le Bundesrat est composé de membres des gouvernements des Länder. Par son intermédiaire, les « Länder participent à la législation et à l’administration de la fédération ».
La représentation au sein de cette seconde assemblée peut être égalitaire, avec un nombre identique de membres par Etat comme aux Etats-Unis avec le Sénat. En Suisse, « les cantons d’Obwald, de Nidwald, de Bâle-Ville, de Bâle-Campagne, d’Appenzell Rhodes-Extérieures et d’Appenzell Rhodes-Intérieures élisent chacun un député ; les autres cantons élisent chacun deux députés » (art 150 de la Constitution de 1999).
Elle peut ne pas l’être et tenir compte d’une pondération différente selon la taille ou la démographie des Etats, comme en RFA.
La désignation de l’Exécutif fédéral peut faire aussi intervenir les Etats-membres. C’est le cas de l’élection du Président des Etats-Unis, qui n’est pas élu au suffrage universel direct, mais avec un mécanisme de décompte des mandats électoraux par Etat.
Celle-ci suppose l’approbation des Etats-membres et c’est la garantie majeure. Le « contrat » initial ne peut être modifié sans l’accord de tous ou d’une majorité qualifiée, des deux tiers ou des trois quarts des Etats fédérés.
Ainsi, aux Etats-Unis, un amendement à la Constitution ne peut être adopté que s’il est adopté à la majorité des deux tiers des chambres du Congrès, où siègent des représentants des Etats, et s’il est ratifié par au moins les trois quarts des « législatures » ou Congrès fédérés (c’est-à-dire 38).
l y a donc des difficultés sérieuses pour réviser la Constitution mais ces contraintes sont volontaires, afin de protéger l’équilibre entre la Fédération et les Etats fédérés.