Compte tenu l’importance qu’il revêt pour le commerçant, le fonds de commerce fait l’obiet d’une réglementation particulière en droit OHADA.
Ce sont plus précisément les articles 147 et suivants de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général qui fixent les règles applicables en matière de cession du fonds de commerce. Ces règles poursuivent un triple objectif : protéger les créanciers du vendeur contre les ventes clandestines, garantir le vendeur contre la faillite de l’acquéreur puisque la vente est souvent faite à crédit, et enfin, protéger l’acquéreur par la mention dans l’acte de vente de renseignements destinés à l’éclairer sur la consistance et la valeur du fonds (1).
La cession de fonds de commerce peut donner lieu à de nombreuses contestations. Le plus souvent, elles émaneront de l’acheteur qui, ayant espéré faire rapidement fortune, découvre qu’il lui faudra du temps pour y arriver, voire qu’il n’y arrivera pas. Dans ce cas, il peut être tenté d’agir en justice en invoquant le fait qu’il a été victime d’un dol et que son consentement a été vicié car donné sur base de faux résultats ou parce que des renseignements ayant une incidence sur les résultats du fonds de commerce ne lui ont pas été communiqués préalablement à la cession.
Le dol peut être défini comme le fait, pour une partie à un contrat, de recourir à des manœuvres frauduleuses en vue d’amener l’autre partie à contracter. Le dol suppose donc des machinations, mises en scène ou artifices afin d’obtenir l’accord de l’autre. Par ailleurs, pour que ces manœuvres puissent être punissables, il faut qu’elles aient eu des conséquences déterminantes sur le consentement de la victime.
En ce qui concerne la cession de fonds de commerce, le dol peut résulter d’un comportement actif ou d’une omission.
Le dol par comportement actif peut se déduire de mensonges faits par le vendeur et aboutissant à livrer des informations inexactes à l’acheteur dans le but de le tromper. A cet égard, le législateur OHADA prévoit que certaines mentions doivent obligatoirement figurer dans le contrat de cession afin de permettre à l’acheteur d’être renseigné sur le potentiel du fonds de commerce (3) Par conséquent, le fait pour le vendeur de donner des renseignements erronés sur l’état des privilèges, nantissements et inscriptions grevant le fonds ou sur le chiffre d’affaires réalisé au cours des trois dernières années d’exploitation pourra être constitutif de dol.
Toutefois, le fait de transmettre des informations inexactes à l’acheteur ne pourra néanmoins être sanctionné dans le chef du vendeur que si celui-ci a agi volontairement, ce qui, en pratique, n’est pas toujours aisé à déterminer (4).
Le dol par omission consiste, quant à lui, dans le fait pour le vendeur de se taire volontairement dans des circonstances où il devrait parler, et de s’abstenir de renseigner l’acquéreur sur des éléments du fonds de commerce dont il sait pertinemment que, s’ils étaient connus de l’acheteur, celui-ci ne conclurait vraisemblablement pas le contrat, ou du moins, ne le conclurait pas aux conditions qu’il propose. Ce faisant, le vendeur manque à son obligation de renseignement imposé par l’article 150 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général ainsi qu’au devoir de coopération et de bonne foi qui s’impose à toute partie à un contrat (5).
Par conséquent, le fait pour le vendeur de s’abstenir de révéler à l’acheteur que le fonds de commerce cédé a déjà été rendu indisponible par l’effet d’une vente forcée est constitutif de dol (6). Il en est de même lorsque le vendeur ne mentionne pas le fait que la poursuite de l’activité commerciale suppose une autorisation préalable qui n’a jamais été obtenue par le vendeur (7).
Des problèmes peuvent, par ailleurs, se poser lorsque le fonds cédé faisait préalablement l’objet d’une location-gérance, notamment si le gérant refuse de communiquer au vendeur le montant du chiffre d’affaire ou des bénéfices commerciaux réalisés pendant la durée de la location-gérance. A cet égard, il a été décidé que la mise en location-gérance ne dispense pas le vendeur de son obligation de renseignement (8).
Par conséquent, afin de faire face au refus du locataire-gérant de lui communiquer son chiffre d’affaire, le loueur aura le choix entre deux solutions. Soit il procédera lui-même à une évaluation approximative de celui-ci, en s’appuyant sur les documents comptables qu’il possède et sur les chiffres obtenus lorsqu’il exploitait lui-même le fonds de commerce puisqu’un fonds de commerce ne peut faire l’objet d’une location-gérance que s’il a préalablement été exploité pendant au moins deux ans par le propriétaire du fonds (9). Soit il communiquera à l’acheteur le montant de la redevance qui lui a été servie en contrepartie de la location-gérance concédée (10).
Que le dol résulte d’un comportement actif ou d’une omission, il ne pourra être sanctionné que si l’acquéreur prouve que l’omission ou l’inexactitude a substantiellement affecté la consistance du fonds cédé et qu’il en a subi un préjudice (11). Les omissions ou inexactitudes doivent donc avoir été déterminantes, de sorte que sans elles, la victime n’aurait pas contracté. Si tel est le cas, le contrat de cession de fonds de commerce sera frappé de nullité relative. Il en résulte que seule la victime du dol pourra donc demander la nullité de la cession (12).
Référencements
1. A. Pedro Santos et J. Yado Toé, Ohada, Droit commercial général, Bruylant, Bruxelles, 2002, p. 219.
2. S. S. Kuate Tameghe, « Hypothèses sur le dol de la cession du fonds de commerce : réflexions à partir du droit issu du Traité OHADA », Revue internationale de droit africain EDJA, 2008, n° 79, p. 10.
3. Article 150 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général ; Tribunal de Grande Instance de Bobo-Dioulasso, Jugement du30 avril 2003, ECODIS c/ SANAMKOOM INTERNATIONAL (SKI), www.ohada.com.
4. Voy. J. Nguebou Toukam, Le droit commercial général dans l’Acte uniforme OHADA, coll. DU, PUA , Yaoundé 1998, p. 48.
5. F. Terre, P. Simler et Y. Lequette, Droit civil, Les obligations, 8ème éd., Dalloz, Paris, 2002, n°439.
6. Trib. com. Paris, 17 juin 1992, J.C.P., 1992, IV, p. 2342.
7. Com. 28 juin 1994, Ann. Loyers, 1994, p. 494.
8. Com., 7 décembre 1993, Defréinois, 1994, p. 554.
9. Article 141 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général.
10. Y. Guyon, Droit des affaires, tome1, 11ème éd., Economica, Paris, 2001, p. 746.
11. Cour d’Appel de Bobo-Dioulasso, Arrêt du 14 mai 200, Société E. c/ Société S., www.ohada.com ; Article 151 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général.
12. Cour d’Appel d’Abidjan, Arrêt du 22 juillet 2005, M. WAFO DZUMGNG RAOUL c/ Mme SYLLA AWA, www.ohada.com.
Source : actualitésdudroitohada.com