Chers amis et cadets de « Allons à l’école sans être à l’école », j’ai noté, avec satisfaction, votre grand intérêt pour la première partie de mon intervention. Laquelle a porté sur ma modeste expérience, à la Fac de Droit, autant que mon parcours de jeune professionnel du Droit. Les nombreux appels et messages que j’ai reçus, tant en Côte d’Ivoire que de l’extérieur, m’apparaissent comme la preuve de cet intérêt.
C’est pourquoi, ainsi que je l’avais annoncé, je m’emploie, dans la présente seconde partie de mon propos, à partager maintenant, avec vous, les petits secrets ou recettes à mettre en œuvre pour réussir ses études juridiques.
Il s’agira plus concrètement de répondre à la question que tous ou presque m’avez posée : comment réussir son Droit à la Fac.
COMMENT REUSSIR SON DROIT A LA FAC
Réussir ses études universitaires, en général, requiert de grands sacrifices et une méthode. L’idée est davantage vraie pour le Droit qui a l’inconvénient de ne pas être, en principe, enseigné au lycée et d’avoir une méthode entièrement à part. Une littérature abondante est, ainsi, légitimement consacrée aux méthodes d’apprentissage du Droit.
Tout le monde connaît le célèbre « Je veux réussir mon Droit » du professeur Isabelle SOULEAU » proposé aux étudiants juristes dès le Deug 1 ou L 1, ou plus généralement les classiques « Introduction à l’étude du Droit ».
Mon petit papier, que dessous, n’a nullement la prétention d’avoir la qualité de ces excellents ouvrages ; il vise simplement à partager, avec des cadets de nos facultés de Droit, quelques méthodes ou manières d’étudier qui ont permis, à nous, et à plusieurs autres condisciples, étudiants et auditeurs de nos cours, de réussir à la Fac, aux concours et examens en rapport avec le Droit.
Ces quelques méthodes à conseiller aux étudiants en Droit se déclinent en trois (03) points : la méthode dite du docteur (A), la lecture d’ouvrages juridiques (B) et le soin de la terminologie juridique (C).
A) La méthode dite « du docteur » dans l’apprentissage des cours
Quel que soit notre niveau d’études à la Fac de Droit, apprendre les différents cours du programme s’impose à nous. Et chacun y va de sa manière, pour espérer s’en souvenir ou les mettre en pratique pendant les travaux dirigés, l’examen de fin d’année ou un concours. Mais comment apprendre efficacement ses cours, pour les dominer ? Je vous propose la méthode que j’appelle celle du docteur. Elle fonctionne ainsi qu’il suit :
Ø Sur votre table d’étude doivent être réunis au moins cinq (05) ouvrages, à savoir le cours du professeur d’amphi, un Traité ou Précis de Droit français sur la matière (Comme je l’ai précédemment indiqué dans la première partie de mon propos, il faut se procurer le meilleur ouvrage possible.), le texte, c’est-à-dire la loi nationale, le Code ou l’instrument international en rapport avec la matière, un Code annoté et commenté de Droit français (Il en existe en édition DALLOZ, de couleur rouge, et en édition LITEC, de couleur bleue), et un recueil de jurisprudence de la collection des « Grands arrêts ».
A ces cinq (05) documents ou supports, l’on pourrait ajouter les copies faites au Répertoire civil, pénal, administratif, commercial, social, droit international, qui traite de A à Z de tous les chapitres des cours au programme (J’avais déjà mis en lumière l’importance de ces heureux Répertoires dans la partie I de mon propos).
Ø En vous servant de ces cinq (05) supports ou plus, il faut lire, relire le cours jusqu’à ce que vous l’ayez compris.
Ø Ensuite, sur une feuille de papier, le cours doit être résumé en vos termes, les termes que vous comprenez, et que vous pourrez utiliser pour expliquer le cours à un tiers ou vous en servir devant un problème de Droit. Mais ces termes à utiliser pour le résumé, même s’ils sont de vous, doivent rester juridiques.
Cette phase du résumé du cours est essentielle car elle est l’assiette, la matière à apprendre, les solutions juridiques à mettre en soi. Ce qui explique qu’il faut se servir de ces 05 supports ou plus, pour renforcer ce que l’on doit résumer. Ce résumé devra être approfondi en prenant en compte notamment les origines de la notion, ses fondements, la controverse doctrinale éventuelle qui l’a marquée, et la position nette du Droit positif à son sujet (Que disent la loi et la jurisprudence ?).
Le facteur temps n’est pas important pour le résumé du cours ; ce qui compte, c’est comprendre ce que l’on résume. Donc, comme un chercheur, il faut accéder à plusieurs sources de connaissance en rapport avec le chapitre, prendre son temps, pour véritablement comprendre la question, y passer plusieurs jours, voire semaines, tant qu’on n’est pas sûr d’avoir compris.
L’objectif, c’est de devenir « docteur », ou expert dans le chapitre, d’y avoir une « thèse » le dominer, à la fin de l’étude. Ce qui explique que cette méthode d’étude est dite celle du « docteur ». Tous les supports disposés sur la table d’étude étant ouverts, on peut commencer à lire l’un d’eux, et se rapporter, dans le même temps, à un autre pour essayer d’y trouver un exemple pratique ou jurisprudentiel nous permettant de mieux comprendre.
Du temps où j’étais encore à la Fac, un ami m’ayant vu, un jour, à l’étude, avait raconté à d’autres amis communs que mes séances étaient un scandale, avec 10 supports ou plus sur la table. Je leur avais répondu par la maxime « Qui peut le plus peut le moins ! ». En fait, il est plus indiqué de tirer, d’apprendre de plusieurs supports, d’apprendre davantage d’idées pour se donner la chance de se souvenir de quelques-unes, au moins, dans le temps.
Ø Vient, à présent, la phase de mémorisation du cours résumé. Ici, chacun utilisera la méthode de mémorisation qui lui sied. Certains étudiants retiennent leur résumé en le lisant plusieurs fois. Certains autres préfèrent l’apprentissage par cœur, assis ou en marchant, quand d’autres semblent plus à l’aise en fixant le cours, sans mot dire, ou en écoutant la musique. Ce qui importe, c’est de retenir le riche résumé que vous avez fait du cours, à l’aide de vos supports nombreux et variés.
Ø L’ultime phase en rapport avec l’apprentissage du cours reste celle de sa consolidation, de sorte à la rendre imprescriptible pour votre mémoire et votre intelligence. L’objectif, ici, est d’en faire votre chose, pour la vie, pour toujours, et vous en servir, un jour, soit à un TD, une compo, un concours, soit dans un débat.
Pour fixer à vie ce que vous avez compris, résumé et appris, il vous faudra lire, en plus, un ou plusieurs articles de doctrine relatif au thème, décrypter les arrêts piliers qui l’encadrent.
Enfin, il ne faut pas le garder pour soi, le laisser en sommeil en vous, vous risquez de l’oublier. Il faudra, au contraire, utiliser les solutions assimilées, soit en en parlant, dans vos débats juridiques, raisonnement juridique et exercices avec des condisciples, soit en les utilisant dans l’écriture, pour rendre vos copies heureuses.
La lecture régulière d’ouvrages juridiques pourra également rendre les choses plus faciles.
B) La lecture d’ouvrages juridiques : « les supporters »
L’idée que la lecture d’ouvrages est bénéfique à tout apprenant, quel que soit le domaine de connaissances est universellement acquise. Et nous je n’ai pas l’intention d’y revenir. Mais, c’est le lieu de faire observer que le recours aux ouvrages pour dominer une matière est particulièrement vrai pour les études juridiques, à plus d’un titre.
En effet, ainsi que je l’ai déjà énoncé dans la partie I de mon propos, les livres de Droit, qu’il s’agisse de Traités, Précis, Manuels, de codes annotés et commentés ou de recueils de jurisprudence, ont le mérite de mieux expliquer les notions reçues en Amphi ou aux Travaux dirigés.
C’est dans un Traité ou Précis généralement rempli d’exemples pratiques, jurisprudentiels que l’étudiant pourra saisir davantage les données d’un problème de Droit, ses origines, fondements, développements doctrinaux et jurisprudentiels et la position nette du Droit positif en la matière.
C’est dans un Code annoté et commenté ou un recueil de jurisprudence ponctué de notes heureuses, sous les arrêts, que l’étudiant verra les applications de telle notion juridique ou de tel aspect du cours. Et ainsi découvertes, à travers des exemples tirés des applications qu’en font les lois et tribunaux, les questions de cours sont apprivoisées par les étudiants.
Et, au-delà, des notions juridiques apprises et comprises, à travers des exemples pratiques, ne s’oublient généralement pas. C’est dire que l’étudiant qui lit beaucoup est plus disposé à connaître ses questions de cours, bien plus que ce qui lui est enseigné à l’Amphi ou au TD.
Et comme, en Droit, qui peut le plus, peut le moins, il trouvera plus faciles les épreuves d’examen de fin d’année et autres devoirs de TD. Les ouvrages juridiques apparaissent, sous cet angle, comme les partenaires privilégiés de l’étudiant juriste, ses supporteurs. Comme une équipe de football poussée par son public, ses supporteurs, est portée à se surpasser pour l’emporter, l’étudiant qui est doté d’ouvrages qu’il lit régulièrement acquiert davantage de connaissances, et de culture juridique.
Un tel étudiant, candidat, devient redoutable, tant à l’oral qu’à l’écrit, car ses positions et argumentations juridiques sont généralement conformes au Droit positif.
Dans le même ordre d’idées, la lecture d’ouvrages juridiques aide à améliorer la terminologie juridique.
C) Soigner sa terminologie juridique : bien écrire et parler en Droit
Toute discipline a son langage, et le Droit ne déroge pas à cette donnée acquise. La bonne terminologie est même de rigueur en Droit, et les juristes passent généralement pour des gens qui s’expriment bien.
Je recommande à nos cadets de la Fac de mettre un point d’honneur à soigner leur terminologie, à utiliser la terminologie juridique et/ou judiciaire adaptée, dans toutes leurs productions, écrites et orales.
Pour bien écrire et bien parler en Droit, il faut lire régulièrement les ouvrages juridiques dont j’ai déjà décrit l’importance dans le cursus de l’étudiant juriste. Et comme la lecture régulière permet de s’accoutumer au langage des lois, des arrêts et des auteurs, on finit nécessairement par écrire, rédiger, et par s’exprimer comme eux.
Mais il est surtout conseillé d’utiliser la terminologie adaptée à la matière juridique- civile, pénale, commerciale, constitutionnelle, internationale, en présence. Par exemple, il est désagréable d’entendre un étudiant juriste s’exprimer ainsi : « Madame, vous pouvez porter plainte contre votre mari devant le juge pour obtenir le divorce, pour avoir la garde de l’enfant mineur », ou encore « Monsieur X accusé de vol a été acquitté ».
Ces affirmations ne sont pas techniquement heureuses, car le droit civil et processuel exigent plutôt « l’assignation en divorce » ou « la citation en divorce », « la requête aux fins de garde juridique et éventuellement de pension alimentaire » devant le juge des Tutelles. On ne peut tolérer d’un étudiant juriste qu’il dise ou écrive «accusé de vol et acquitté», alors qu’on est en matière correctionnelle. Il s’agit d’une infraction qualifiée délit, en principe, de la compétence matérielle du Tribunal correctionnel. On est plutôt « prévenu de vol ».
De même, en cas de non-culpabilité retenue, le Tribunal correctionnel, au contraire du Tribunal criminel, qui juge les auteurs de crimes, n’acquitte pas le prévenu ; il le relaxe ou le renvoie des fins de la poursuite. Pour le juriste, on ne se marie pas, on contracte mariage, on n’a pas de rapports sexuels, on entretient ou on a un commerce sexuel, tout fait même répréhensible n’est pas juridiquement un crime, la répétition renvoie à la restitution ou au remboursement de ce qu’on a reçu.
L’arrêté du ministre ou du maire est légalement justifié ou entaché d’illégalité, la loi compétente pour régir le contrat international est, en principe la loi d’autonomie, l’employeur a licencié ou prononcé le licenciement de son salarié ou travailleur. On pourrait multiplier les exemples, pour mettre en lumière la nécessité d’utiliser la bonne terminologie juridique !
Quoi qu’il en soit, la bonne terminologie peut se poser en allié de l’étudiant juriste et séduire le correcteur pour le déterminer à donner une note plus élevée. Un exemple non exhaustif, mais illustratif de mon propos mérite d’être partagé, ici : en maîtrise de Droit privé carrière judiciaire, en 2005, du temps notamment des Professeurs GBANE Bouréima (Procédure pénale) et Alexandre AYIE AYIE (Droit international privé)- Je tiens, au passage, à rendre hommage, à ces illustres enseignants, qui nous bien formés !- j’avais obtenu 16/20, à l’examen de fin d’année, en Procédure pénale et en Droit international privé. Mais au moment de la consultation physique de mes copies d’examen, je constatai deux notes différentes, sur chacune desdites copies, une première note au crayon, 14/20, et une seconde au stylo, 16/20, avec l’observation ci-après «Terminologie juridique heureuse, bonne écriture en Droit, vaut mieux en note. 16/20 ».
C’est dire combien, il est important de bien écrire et de bien parler en Droit, d’utiliser le bon terme, l’expression consacrée, en fonction de la matière juridique en présence.
Chers cadets, ce sont là quelques conseils d’étude que j’ai cru devoir vous donner, au seuil de la reprise des cours à l’Université. Espérant que les conseils dont s’agit vous seront utiles, pendant tout votre cursus universitaire, je vous souhaite plein succès !
YA Desailly Georges Camille
Magistrat
Docteur en Droit public.