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La responsabilité civile : Le dommage / le préjudice, l’indemnisation des accidents de la circulation et la faute de la victime

Jean BLONBLON n’a décidément pas de chances. Quelques mois après son accident, il apprend qu’il est licencié pour motif économique. Il est cependant certain qu’il a été licencié en raison de son âge et que son licenciement est discriminatoire. Il décide de prendre rendez-vous avec un avocat spécialisé en droit du travail pour intenter une action à l’encontre de son employeur.

Alors qu’il se rend chez son avocat il gare sa voiture dans un parking. Mais, pendant qu’il est en rendez-vous avec son avocat, un véhicule en stationnement, positionné près du sien, prend feu et l’incendie se propage jusqu’à son véhicule qui prend feu également. On ignore si l’incendie a été provoqué volontairement ou s’il s’agit d’un accident.

Quels recours peut-il exercer contre le propriétaire du véhicule ayant pris feu pour obtenir la réparation de ses préjudices ?

Faits : Un véhicule en stationnement dans un parking prend feu. L’incendie se propage à d’autres véhicules en stationnement, dont celui de Jean BLONBLON. Il souhaiterait intenter une action en réparation de son préjudice matériel.

L’action pourrait être intentée sur le fondement de l’article 1242 alinéa 2 relatif à la communication d’incendie et sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985 (Loi badinter) relative à l’indemnisation des accidents de la circulation.

La loi sur les accidents de la circulation étant exclusive de tout autre fondement, il convient d’abord de vérifier si cette loi est ou non applicable.

Problème de droit : La loi du 5 juillet 1985 est-elle applicable à la réparation du dommage subi par un véhicule incendié en stationnement dans un parking?

Solution en droit : Quatre conditions sont nécessaires pour que la loi du 5 juillet 1985 puisse trouver application : aux termes de ses articles 1 et 2, elle s’applique aux victimes d’un accident de la circulation, dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur souhaitant agir en réparation de leur préjudice contre le conducteur ou le gardien du véhicule impliqué.

S’agissant du véhicule terrestre à moteur, cette notion s’entend de tout engin doté d’un moteur destiné à se mouvoir sur le sol et capable de transporter des personnes ou des choses (Ex.: Civ. 2e, 22 octobre 2015).

S’agissant de la notion d’accident de la circulation, l’accident est un événement fortuit et imprévu ce qui implique qu’il n’y ait pas d’accident en cas de dommage lié à une action volontaire de l’auteur.

La Cour de cassation a jugé que la loi de 1985 est exclue en cas d’incendie volontaire du véhicule, car il n’y a alors pas d’accident (Civ., 2 , 15 mars 2001, 99- 16.852). Lorsque le caractère volontaire des dégradations est incertain la Cour de cassation semble retenir qu’il s’agit bien d’un accident de la circulation (Civ 2 , 8 janvier 2009, 08-10.074).

L’accident de circulation implique que le dommage soit lié à la fonction de déplacement du véhicule.

La Cour de cassation retient que l’accident de la circulation est caractérisé lorsqu’il est survenu alors que le véhicule était en stationnement dans un lieu privé destiné au stationnement des véhicules (Civ. 2e, 8 janvier 2009).

La Cour de cassation a même décidé que constituait un accident de la circulation, l’accident survenu à un véhicule terrestre à moteur en stationnement dans le parking d’un immeuble (Civ. 2 8 janvier 2009).

S’agissant de l’implication du véhicule dans l’accident, deux situations doivent être distinguées :

  •      Lorsqu’il y a contact du véhicule avec le siège du dommage et que le VTAM est en mouvement, l’implication est irréfragablement présumée (Civ. 2 , 19 février 1986). La même solution vaut lorsqu’il y a contact du véhicule sans qu’il ne soit en mouvement (Civ. 2 , 25 janvier 1995).
  • Lorsqu’il n’y a aucun contact, la victime doit rapporter la preuve que le VTAM est intervenu à quelque titre que ce soit dans la survenance de l’accident (Civ. 2e, 13 déc. 2012).

S’agissant du conducteur ou du gardien du VTAM, l’action doit être engagée à l’encontre du conducteur ou du gardien du véhicule impliqué (art. 2 de la loi) dans l’accident. Le propriétaire du VTAM est présumé gardien.

Deux conditions sont ensuite nécessaires pour engager la responsabilité de l’auteur de l’accident:

  •       Il faut d’abord établir l’existence d’un dommage certain et direct et que les préjudices qui en résultent soient légitimes.
  •       Il faut ensuite établir l’imputation du dommage à l’accident, c’est à dire que le dommage dont la victime demande réparation doit avoir été causé par l’accident.

Solution en l’espèce : S’agissant du véhicule terrestre à moteur, l’incendie concerne des voitures qui constituent bien des véhicules terrestres à moteur, même s’ils étaient en stationnement au moment du dommage.

S’agissant de la notion d’accident de la circulation, la Cour de de la circulation, la Cour de cassation a déjà retenu que constituait un accident de la circulation, l’accident survenu à un véhicule terrestre à moteur en stationnement dans le parking d’un immeuble de sorte que cette condition ne devrait pas poser problème. Par ailleurs, en l’espèce on ignore si l’incendie a été provoqué volontairement ou non. Dans un tel cas, la Cour de cassation a déjà pu juger qu’il s’agissait d’un accident de la circulation.

S’agissant de l’implication du véhicule dans l’accident, en l’espèce la présomption ne jouera pas, en l’absence de contact et Jean BLOBLON devra rapporter la preuve de l’implication. Il n’aura pas de difficultés à prouver que le véhicule ayant incendié les autres voitures est intervenu dans la production du dommage puisque l’incendie s’est propagé jusqu’à son véhicule. Cette condition est donc satisfaite.

S’agissant du conducteur ou du gardien du VTAM, Jean BLONBLON devra engager l’action à l’encontre du gardien du véhicule en sachant que le propriétaire du VTAM est présumé gardien.

Enfin s’agissant des deux conditions nécessaires pour engager la responsabilité de l’auteur de l’accident :

  •       Jean BLONBLON a bien subi un dommage certain car la destruction de son véhicule a été constatée après l’accident et direct car la destruction de son véhicule est la suite directe de l’incendie s’étant déclenché.

Par ailleurs, le préjudice matériel résultant du dommage est légitime.

  •       Enfin, il ne fait aucun doute que le dommage, à savoir la destruction du véhicule, est imputable à l’accident.

Si les faits du cas pratique laissaient envisager la possibilité, pour l’auteur de l’accident, de s’exonérer de sa responsabilité, il faudrait envisager cette possibilité dans un deuxième temps. En l’espèce, l’article 5 de la loi prévoit que la faute de la victime est de nature à limiter ou exclure son droit à réparation des dommages subis par ses biens. Or, Jean BLONBLON a bien subi des dommages matériels et non corporels puisque seule sa voiture a été endommagée. Ainsi, s’il avait commis une faute, celle-ci pourrait entrainer une réduction du montant de son indemnité. Jean BLONBLON ne semble toutefois pas avoir commis de faute. Ainsi, son droit à réparation devrait être intégral.

La responsabilité civile : la responsabilité pour faute et la responsabilité du fait des choses

Nous sommes samedi matin et Jean BLONBLON, qui a décidé de se mettre une bonne fois pour toute au sport, décide de tenir ses bonnes résolutions et d’aller faire de la course à pied.

Après deux kilomètres de course à pied, Jean BLONBLON, fatigué, heurte une boite aux lettres située à l’angle d’une rue en plein milieu du trottoir. La boite aux lettres a été installée à cet endroit par Christophe PASGENTIL, un voisin peu aimable, qui semble faire tout ce qui est en son pouvoir pour embêter son voisinage…

Jean BLONBLON, en chutant, se casse l’épaule et, occupant actuellement un emploi de manutentionnaire, ne peut plus travailler pendant plusieurs mois.

Quels recours peut-il exercer contre son voisin pour obtenir la réparation de ses préjudices ?

Faits : Un homme heurte une boite aux lettres positionnée par son voisin en plein milieu du trottoir à voisin en plein milieu du trottoir à l’angle d’une rue alors qu’il effectue une course à pied. Il se casse l’épaule et ne peut plus travailler pendant plusieurs mois.

Démarche : Une même personne peut être poursuivie pour un même dommage sur plusieurs fondements textuels du droit commun. La personne peut tout à la fois être poursuivie à cause d’une faute qu’elle a commise (La responsabilité du fait personnel) ou du fait d’une chose dont elle a la garde (La responsabilité du fait des choses). En effet, lorsque les conditions de la responsabilité du fait personnel et celles de la responsabilité du fait des choses sont réunies, la victime peut choisir de fonder son action autant sur les articles 1240 du code civil français (article 1382 du code civil en droit positif ivoirien) et 1241 que sur l’ article 1242 alinéa premier du code civil français (article 1383 et 1384 du code civil en droit positif ivoirien.

Problème de droit : La victime peut-elle engager une action en responsabilité pour faute sur le fondement des articles 1240 et 1241 du Code civil français (article 1382 et 1383 du code civil en droit positif ivoirien) contre son voisin?

Solution en droit : Selon les articles 1240 et 1241 du Code civil français (article 1382 et 1383 du code civil en droit positif ivoirien) , pour engager la responsabilité du fait personnel d’une personne, la victime doit établir l’existence d’une faute, d’un dommage et d’un lien de causalité.

S’agissant de la faute, à défaut de définition légale, cette dernière est définie par la jurisprudence comme tout fait, d’action ou d’abstention, qui ne correspond pas au standard de comportement qu’aurait adopté une personne raisonnable dans la même situation.

Cette faute est appréciée objectivement, la Cour de cassation ayant abandonné l’élément subjectif de la faute de sorte qu’il n’est pas nécessaire que son auteur ait eu conscience de ses actes (Ass. Plén. 9 mai 1984).

S’agissant du dommage, ce dernier peut être matériel, moral ou corporel mais doit être réparable c’est à dire direct (il doit être la suite directe du fait dommageable), certain (sa réalisation doit être certaine) et légitime (le préjudice n’est pas réparable si le bienfait dont la victime a été privé est jugé illégitime).

S’agissant du lien de causalité, la jurisprudence recourt parfois à la théorie de l’équivalence des conditions (le lien de causalité existe dès que l’événement envisagé a concouru à la réalisation du dommage) et parfois à la théorie de la causalité adéquate (le lien de causalité existe dès lors que, parmi les multiples causes possibles du dommage, seule la cause prépondérante doit être retenue comme fait générateur de responsabilité).

En matière de responsabilité délictuelle du fait personnel, la jurisprudence, semble retenir la théorie de l’équivalence des conditions (Civ. 2e, 24 mai 1971).

Solution en l’espèce : En l’espèce, s’agissant de la faute, Christophe PASGENTIL a volontairement installé sa boite aux lettres au milieu de la rue et à l’angle d’un trottoir. Ce comportement ne correspond pas à celui d’une personne raisonnable qui aurait pu prévoir qu’en positionnant sa boite aux lettres à un tel emplacement, la circulation des piétons s’en trouverait gênée. Ainsi son comportement peut être qualifié de fautif, de sorte que cette condition est satisfaite.

S’agissant du dommage, Jean BLONBLON s’est cassé l’épaule en chutant.

Le dommage est direct car il est la suite directe de sa collision avec la boite aux lettres.

Le dommage est certain et non éventuel car les blessures ont été
constatées à la suite de l’accident. Le dommage est donc réparable.

Enfin, Jean BLOBLON a subi deux préjudices à savoir qu’il ne peut plus travailler ce qui lui occasionne une perte de rémunération et qu’il s’est fait une blessure physique ce qui occasionne des dépenses de santé.

Ces deux préjudices sont bien légitimes à condition, s’agissant de la perte de rémunération qu’elle ne provienne pas d’un travail non déclaré (Civ. 2e, 24 janvier 2002, 99-16.576) ce qui ne semble pas être le cas en l’espèce.

Dans certains cas, le rédacteur du sujet peut s’attendre à ce que vous énumériez ensuite les préjudices qui peuvent être réparés au regard de la nomenclature Dintilhac.

S’agissant du lien de causalité, les blessures subies par Jean BLONBLON sont la conséquence du heurt avec la boite aux lettres de son voisin. Si le voisin n’avait pas commis de faute en plaçant la boite aux lettres à un tel emplacement, Jean BLONBLON ne l’aurait pas heurté et ne serait donc pas tombé en se cassant l’épaule.

La faute du voisin a bien concouru à la réalisation du dommage, de sorte que le lien de causalité est établi.

Conclusion : En conclusion, Jean BLONBLON pourra certainement engager la responsabilité de son voisin Christophe PASGENTIL du fait de la faute commise afin d’obtenir l’indemnisation de ses préjudices.

Au cas où la faute du voisin n’était pas retenue par les juges, il faut toutefois regarder si Jean BLONBLON pourrait agir contre son voisin sur le fondement de la responsabilité du fait des choses.

Problème de droit : La victime peut-elle engager une action sur le fondement de la responsabilité du fait des choses au sens de l’article 1242 alinéa 1 du Code civil français (article 1384  alinéa 1 du code civil en droit positif ivoirien) contre son voisin?

Solution en droit : Selon l’article 1242 alinéa 1 du Code civil français (article 1384  alinéa 1 du code civil en droit positif ivoirien), « on est responsable (…) du dommage (…) qui est causé par le fait (…) des choses que l’on a sous sa garde ». Sur ce fondement, la jurisprudence a créé un principe général de responsabilité du fait des choses, dans l’arrêt Teffaine rendu le 16 juin 1896.

Pour engager la responsabilité d’une personne sur ce fondement, quatre conditions doivent être réunies : le défendeur à l’action doit détenir la garde d’une chose ayant eu un rôle actif dans la production du dommage.

S’agissant de la chose, la jurisprudence, sur le fondement de l’article 1384 alinéa 1 ancien, avait adopté une conception large de la chose, puisque toute chose, mobilière ou immobilière (Civ. 2, 20 novembre 1968), dangereuse ou non dangereuse, viciée ou non viciée (Ch. Réunies, 13 février 1930) permettait d’engager la responsabilité de son gardien. Une boite aux lettres est ainsi considérée comme une chose (Civ. 2 , du 25 octobre 2001, 99- 21.616).

Ces solutions devraient être maintenues sous l’empire des nouveaux textes.

S’agissant de la garde, depuis l’arrêt « Franck» (Ch. Réunies, 2 décembre 1941, arrêt Franck) la garde est caractérisée par l’usage (maîtrise de la chose), le contrôle (possibilité de décider de la finalité de son emploi) et la direction de la chose (possibilité d’éviter que la chose ne fonctionne anormalement).

Le propriétaire d’une chose est par principe présumé être son gardien selon la Cour de cassation et doit, s’il souhaite échapper à l’engagement de sa responsabilité, prouver qu’il a transféré la garde de la chose à autrui.

S’agissant du fait actif de la chose, la victime doit établir que la chose a été l’instrument du dommage. Il faut donc établir le lien de causalité entre la chose et la survenance du dommage.

La jurisprudence distingue selon que la chose est ou non en mouvement et s’il y a eu ou non contact entre celle-ci et la victime:

  •       Si la chose est en mouvement et entre en contact avec la victime, le fait actif est présumé jusqu’à preuve contraire.
  • Si la chose est inerte, il y a la nécessité, pour la victime, de démontrer le caractère anormal de la chose conformément à l’article 1353 du Code civil français (article 1315 du code civil en droit positif ivoirien). La victime doit prouver l’anormalité de la chose (Civ. 2, 11 janvier 1995) c’est à dire sa dangerosité (Civ. 2, 14 novembre 2002), sa position anormale (Civ. 2, 11 février 1999) ou une fragilité excessive établissant sa défectuosité (Civ. 2, 24 février 2005).

S’agissant du dommage, les solutions ont déjà été évoquées plus haut.

Solution en l’espèce : S’agissant de la chose, la boite aux lettres pourra sans difficulté, être qualifiée de chose au regard des solutions évoquées.

S’agissant de la garde, le voisin est manifestement propriétaire de la boite aux lettres, de sorte qu’il en est présumé gardien.

S’agissant du fait actif de la chose, la boite aux lettres est une chose inerte de sorte qu’il est nécessaire pour la victime de démontrer l’anormalité de la chose. En l’espèce, la boite aux lettres est positionnée dans l’angle d’une rue en plein milieu du trottoir de sorte qu’il ne fait aucun doute qu’elle est bien dans une position anormale et qu’elle est l’instrument du dommage, Jean BLONBLON n’ayant pu la voir avant de la heurter.

Conclusion : Ainsi, la responsabilité du voisin pourra surement être retenue également sur ce fondement.

Il faut préciser également que la responsabilité du fait des choses est une responsabilité de plein droit (Ch. Réunies, 13 février 1930), qui ne suppose pas la preuve d’une faute du gardien. Le gardien ne peut s’exonérer qu’en prouvant la force majeure ou la faute de la victime.

Or, les faits du cas pratique ne laissent penser qu’aucune cause d’exonération ne peut être invoquée en l’espèce de sorte que Christophe PASGENTIL sera responsable de l’entier dommage subi par Jean BLONBLON.

Si les faits du cas pratique laissaient envisager la possibilité d’un cas de force majeure ou de la faute de la victime, il faudrait envisager, dans un troisième point, la question de l’exonération éventuelle du responsable du dommage.

Annulation d’un contrat de vente sur le fondement du manquement, de l’erreur ou du dol

Corentin, au moment du lancement de son entreprise, a fait l’acquisition d’un véhicule utilitaire pour le transport de sa marchandise. Plein d’ambition à cette époque et persuadé qu’il rentabiliserait très vite ses dépenses, il avait choisi l’un des véhicules les plus chers de la gamme Volsvagen (Volkswagen eCrafter) d’une valeur d’environ 70.000.000 FCFA.

Aujourd’hui, démoralisé, il décide de mettre fin à son activité et de vendre son véhicule. Il vend, le 20 octobre 2020, son véhicule pour 10.000.000 FCFA (qui n’a que 1.000 km au compteur) à une connaissance. Il constate, quelques jours après la vente, que cette connaissance a mis en vente le véhicule utilitaire sur leboncoin pour une valeur de 65.000.000 FCFA…

Furieux, il souhaite obtenir l’annulation du contrat de vente.

Faits : Un homme vend un véhicule utilitaire presque neuf 10.000.000 FCFA alors qu’il en a fait l’acquisition peu de temps avant pour une valeur de 70.000. 000 FCA. Après coup, s’estimant lésé, il souhaite obtenir l’annulation du contrat de vente ainsi conclu.

À titre liminaire, il convient de déterminer la loi applicable au contrat litigieux. Selon l’article 9 de l’ordonnance française du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, les contrats conclus avant le 1er octobre demeurent soumis à la loi ancienne et les dispositions de l’ordonnance entrent en vigueur le 1er octobre 2016.

En l’espèce, le contrat ayant été conclu en octobre 2020 soit postérieurement au 1 octobre 2016, il est soumis aux nouvelles dispositions.

Il faut s’interroger sur les moyens dont dispose un vendeur pour remettre en cause le contrat prévoyant la vente d’un bien mobilier à un prix très inférieur à sa valeur réelle.

Au regard des conditions de validité du contrat, telles que prévues par l’article 1128 du Code civil français (Article 1108 du code civil en droit positif ivoirien), Corentin pourrait envisager de remettre en question le contrat sur le fondement de l’obligation précontractuelle d’information, de l’erreur et du dol. Le fondement de la lésion (déséquilibre objectif des prestations au jour de la formation du contrat) ne sera pas envisagé car elle n’est en principe pas sanctionnée sauf si un texte spécial le prévoit (Code civil français, art. 1168) (Droit positif ivoirien, article 1313 du code civil) ce qui n’est pas le cas pour la vente d’un bien meuble.

Problème de droit : Un vendeur peut-il solliciter l’annulation d’un contrat de vente sur le fondement d’un manquement à l’obligation précontractuelle d’information aux motifs que le bien a été vendu à un prix inférieur à sa valeur ?

Solution en droit : La réforme a consacré l’obligation précontractuelle d’information stricto sensu à l’article L1112-1 du Code civil français disposant : « Celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant ».

Plusieurs conditions sont posées par le texte :

  • Première condition : L’information doit être déterminante c’est-à-dire porter sur un élément qui pourrait avoir une incidence sur le consentement du créancier (alinéa 1) (de nature à conduire le créancier à modifier son comportement) ;
  • Deuxième condition : Le débiteur de l’obligation devait avoir connaissance de l’information ;
  • Troisième condition : Le créancier de l’obligation doit ignorer légitimement l’information ou légitimement faire confiance à son cocontractant.

Le texte précise que l’obligation ne saurait porter sur l’estimation de la valeur de la prestation (alinéa 2). Cette disposition consacre la jurisprudence Baldus (Civ., 1 , 3 mai 2000) qui a refusé de consacrer une obligation précontractuelle d’information portant sur la valeur du bien vendu au bénéfice du vendeur. La jurisprudence antérieure à la réforme avait toutefois consacré une information précontractuelle, non sur la valeur, mais sur les qualités substantielles de la chose lorsque l’une des parties n’a pu avoir l’information à la disposition de son interlocuteur. Ainsi, si l’erreur directe sur la valeur n’est pas sanctionnée, l’erreur sur la valeur peut être indirectement sanctionnée lorsqu’elle est une conséquence d’une erreur sur les qualités essentielles.

S’agissant de la sanction de l’obligation précontractuelle d’information, l’article prévoit que celui qui n’a pas correctement informé son futur cocontractant engage sa responsabilité́ civile extracontractuelle mais, pour pouvoir entrainer l’annulation du contrat, la méconnaissance de cette obligation doit entrainer un vice du consentement.

Solution en l’espèce : En l’espèce, sans qu’il soit besoin de s’interroger sur les conditions de l’obligation précontractuelle d’information, l’exclusion par l’article 1112-1 du Code civil français de l’estimation de la valeur de la prestation au titre de l’obligation d’information ne permettra pas à Corentin de se prévaloir d’un manquement à cette obligation. En effet, l’information, à supposer qu’elle soit due à Corentin, porte directement sur la valeur du véhicule utilitaire et non sur ses qualités essentielles (comme par exemple la puissance du moteur ou les options intégrées au véhicule) de sorte que Corentin ne peut pas invoquer ce texte.

En tout état de cause, Corentin souhaite obtenir l’annulation du contrat et non simplement des dommages et intérêts, or la nullité du contrat n’est pas encourue par la seule preuve de l’inexécution d’une obligation d’information.

Il faut donc vérifier si les fondements de l’erreur et du dol lui permettraient d’obtenir une telle annulation.

Problème de droit : Un vendeur peut-il solliciter l’annulation d’un contrat de vente sur le fondement de l’erreur aux motifs que le bien a été vendu à un prix manifestement inferieur à sa valeur ?

Solution en droit : Selon les articles 1132 et suivants du code civil français (article 1110 du code civil en droit positif ivoirien), la victime de l’erreur souhaitant invoquer un vice du consentement, susceptible d’emporter la nullité́ du contrat, doit apporter la preuve de l’existence d’une erreur qui porte sur une qualité essentielle de la prestation due, cette qualité devant être déterminante du consentement et devant avoir été expressément ou tacitement convenue par les parties et que l’erreur commise ne soit pas inexcusable.

S’agissant de la première condition relative à l’établissement de l’existence d’une erreur, il faut démontrer une discordance entre la croyance de l’errans et la réalité. Il faut préciser que l’erreur peut porter sur la prestation du cocontractant mais aussi sur la prestation que l’on est soi-même tenu d’exécuter (« l’erreur est une cause de nullité lorsqu’elle porte sur la prestation de l’une ou de l’autre partie » : Code civil français, art. 1133, al. 2) (article 1110 alinéa 1 du code civil en droit positif ivoirien).

S’agissant de la deuxième condition, il faut démontrer que l’erreur porte sur une qualité essentielle de la prestation. Cette exigence se subdivise.

D’abord, l’erreur doit être déterminante du consentement de l’errans ce qui implique de démontrer que l’erreur sur les qualités essentielles de la chose ont déterminé la volonté de l’errans de contracter et qu’en l’absence d’erreur il n’aurait pas contracté.

Ensuite, la qualité doit avoir été expressément ou tacitement prévue entre les parties c’est à dire que la qualité défaillante doit être « entrée dans le champ contractuel ». Le cocontractant de l’errans doit avoir su que la qualité en cause était déterminante du consentement de celui qui s’est trompé.

Sur ce point, il faut noter que certaines erreurs sont dites « indifférentes » en ce qu’elles ne permettent pas d’obtenir la nullité du contrat. Ainsi, en est-il de l’erreur directe sur la valeur c’est-à-dire l’erreur sur l’évaluation économique de l’objet du contrat (Code civil français, art. 1136 : « L’erreur sur la valeur par laquelle, sans se tromper sur les qualités essentielles de la prestation, un contractant fait seulement de celle-ci une appréciation économique inexacte, n’est pas une cause de nullité »).

L’erreur sur la valeur peut seulement être indirectement sanctionnée lorsqu’elle est une conséquence d’une erreur sur les qualités essentielles.

S’agissant de la troisième condition relative au caractère nécessairement excusable de l’erreur, il faut démontrer que l’errans n’avait pas les moyens de s’informer de lui-même pour éviter de commettre une erreur. Le caractère excusable est apprécié in concreto en fonction des qualités, des connaissances et de la profession de l’errans (par exemple : Civ. 1re, 8 décembre
2009). Deux éléments ont pour effet d’entrainer plus facilement le caractère inexcusable de l’erreur :

  • Lorsque l’erreur est commise par un professionnel ;
  • Lorsque l’erreur porte sur la propre prestation de l’errans (Civ., 1 , 9 avr. 2015, 13-24.772).

Solution en l’espèce : En l’espèce, Corentin a vendu son véhicule utilitaire en pensant qu’il ne valait pas plus de 10.000.000 FCFA et a découvert par la suite qu’il pouvait être vendu 65.000.000 FCFA. Il y a bien une discordance entre la croyance de Corentin (le véhicule ne vaut pas plus de 10.000.000 FCFA) et la réalité (le véhicule peut valoir 65.000.000 FCFA) de sorte qu’une erreur peut être caractérisée.

Ensuite, l’erreur porte bien une qualité essentielle de la prestation puisqu’elle porte sur la valeur du bien qui est une condition essentielle du contrat de vente selon l’article 1583 du Code civil français (même article en droit positif ivoirien). Corentin n’aurait certainement pas accepté de conclure le contrat à ces conditions là, s’il avait su que le véhicule utilitaire pouvait valoir 65.000.000 FCFA. L’erreur est bien déterminante de son consentement.

Toutefois, il faut noter que l’erreur de Corentin ne porte pas sur les caractéristiques du véhicule mais sur la valeur du bien. Il s’agit donc d’une erreur directe sur la valeur de sorte, erreur considérée comme indifférente par l’article 1136 du Code civil français, de sorte qu’il ne peut s’en prévaloir pour demander la nullité du contrat.

Enfin, le caractère excusable de l’erreur est également susceptible de poser problème pour deux raisons. D’abord car Corentin a proposé à une connaissance ce véhicule à un prix de vente inferieur à sa valeur réelle alors qu’il l’avait acheté neuf depuis peu à une somme bien supérieure. En outre, car en tant que professionnel qui exerce une profession nécessitant des déplacements de marchandises il ne pouvait ignorer ou il pouvait aisément se renseigner sur la valeur marchande de ce type de bien.

Conclusion : Ainsi, d’une part parce que l’erreur de Corentin porte directement sur la valeur de la prestation et d’autre part car son erreur paraît inexcusable, il ne pourra vraisemblablement pas obtenir la nullité du contrat sur le fondement de l’erreur.

Il faut envisager le fondement du dol car les erreurs considérées comme indifférentes sur le fondement de l’erreur sont prises en compte sur le fondement du dol.

Problème de droit : Un vendeur peut-il solliciter l’annulation d’un contrat de vente sur le fondement du dol aux motifs que le bien a été vendu à un prix inférieur à sa valeur ?

Solution en droit : L’établissement d’un dol suppose la réunion de plusieurs conditions. Il faut prouver l’élément matériel et l’élément intentionnel du dol, que l’origine du dol provient du cocontractant de l’errans et que le dol a entrainé une erreur déterminante du consentement de la victime.

S’agissant de l’erreur déterminante du consentement, il faut prouver une erreur qui, selon l’article 1139 du Code civil français, lorsqu’elle résulte d’un dol est toujours excusable, et est une cause de nullité même si elle porte sur la valeur de la prestation. Le caractère déterminant signifie que sans le dol la victime « n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes » (Code civil français, art. 1130) (Code civil, article 1116 en droit positif ivoirien).

S’agissant de l’origine du dol, les manœuvres dolosives ayant provoqué l’erreur doivent émaner du cocontractant de l’errans (Code civil français, art. 1138 al. 1) ou de son représentant sauf certaines exceptions.

Ensuite, il faut établir l’élément matériel et psychologique du dol. L’élément matériel peut résulter soit d’actes positifs comme des manœuvres et des mensonges soit du silence lorsqu’il s’agit d’une réticence dolosive.

Avant la réforme française, la Cour de cassation exigeait, pour que la cassation exigeait, pour que la réticence dolosive puisse être caractérisée, que la partie ait intentionnellement manqué à une obligation d’information mais décidait que l’acquéreur non professionnel n’a aucune obligation d’informer l’acheteur sur la valeur du bien vendu (Civ. 1 , 3 mai 2000 « Baldus ») de même lorsque l’acquéreur était professionnel et que le vendeur était profane (Civ. 3 , 17 janv. 2007).

La réforme revient sur ces solutions puisqu’elle définit la réticence dolosive comme « la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie » (Code civil français, art. 1137 al. 2) sans subordonner la réticence dolosive à l’existence d’une obligation d’information. Désormais, le demandeur doit seulement établir que le contractant a dissimulé une information qui était déterminante de son consentement (élément matériel) et qu’elle l’a fait intentionnellement (élément intentionnel).

Au regard de cette formulation, on pouvait penser, après la réforme de l’ordonnance française de 2016, que la réticence dolosive permettait de sanctionner la dissimulation intentionnelle d’une information portant sur la valeur de la prestation déterminante du consentement de son cocontractant via le dol. Toutefois, la loi française de ratification de 2018 (LOI n°2018-287 du 20 avril 2018 – art. 5) a ajouté un alinéa à l’article 1137 en prévoyant que « ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation ».

Solution en l’espèce : S’agissant de l’erreur déterminante du consentement, il a déjà été démontré précédemment que Corentin avait commis une erreur directe sur la valeur de son véhicule utilitaire. L’erreur sur la valeur est toujours excusable et est une cause de nullité même si elle porte sur la valeur de la prestation de sorte que cette erreur peut être prise en compte. Il a également été démontré que cette erreur était déterminante de son consentement.

S’agissant de l’origine du dol, cette condition ne pose pas problème car si des manœuvres dolosives peuvent être établies, elles seraient nécessairement le fait du cocontractant de Corentin.

S’agissant de l’acte matériel, il n’y a eu a priori aucune manœuvre dolosive ou mensonge de la part de l’acheteur. En revanche, Corentin pourrait tenter de lui reprocher d’avoir gardé le silence sur la véritable valeur du bien.

En l’espèce, le nouvel article sanctionne la « dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie ». Or, ici, l’information porte sur la valeur du bien qui, en tant que condition essentielle du contrat de vente, est nécessairement déterminante du consentement. Toutefois, sans qu’il ne soit besoin de s’interroger sur le caractère intentionnel de cette dissimulation, le dol ne saurait être pris en compte dans la mesure où l’information dont il est question porte sur l’estimation de la valeur de la prestation.

Ainsi, le cocontractant de Corentin n’était pas tenu de le renseigner sur la valeur du véhicule utilitaire de sorte que le dol ne peut être retenu.

Conclusion : Corentin ne pourra remettre en cause la validité du contrat de vente du véhicule utilitaire Volkswagen sur le fondement du dol.

Certains correcteurs pourraient s’attendre à ce que l’étudiant envisage également le cas de la contrepartie dérisoire prévue à l’article 1169 du Code civil français reprenant la jurisprudence sur l’ancienne notion de cause par laquelle la Cour de cassation sanctionnait de nullité les contrats dans lesquels la contrepartie était dérisoire ou illusoire (Ex. : Civ. 3 , 14 fév. 2019, 17-30.942). Mais ici la contrepartie n’étant pas complètement dérisoire (10.000.000 FCFA), on pourrait à mon sens exclure ce fondement dès le début du cas.

Les parties au contrat : le contractant et le cocontractant

Corentin a créé il y a quelques années sa « Start Up » spécialisée dans la fabrication d’escargots surgelés. À cette fin, il a conclu avec un fournisseur spécialisé dans la distribution de produits alimentaires, un contrat d’approvisionnement exclusif en chair d’escargot (en juillet 2019).

Le contrat stipulait que le prix serait fixé par le tarif en vigueur au jour de l’enregistrement de la commande. Corentin est furieux puisque le fournisseur a augmenté ses prix d’environ 10% lors des dernières commandes (septembre 2020). Il s’est en outre rendu compte, en discutant avec d’autres clients, que le fournisseur lui vendait les chairs d’escargot à un prix moyen 25 % plus cher qu’à ses autres clients ! 

Il se demande s’il peut s’opposer à l’augmentation du prix proposé.

Faits : Une entreprise spécialisée dans la vente d’escargots surgelés conclu avec un fournisseur de chair d’escargot un contrat d’approvisionnement exclusif. Ce contrat prévoit que le prix de vente de la chair d’escargot sera déterminé au moment de chaque contrat de commande.

À titre liminaire, il convient de déterminer la loi applicable au contrat litigieux. Selon l’article 9 de l’ordonnance française du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, les contrats conclus avant le 1 octobre demeurent soumis à la loi ancienne et les dispositions de l’ordonnance entrent en vigueur le 1 octobre 2016.

En l’espèce, le contrat ayant été conclu en juillet 2019, soit postérieurement au 1 octobre 2016, il est soumis aux nouvelles dispositions.

Problème de droit : Un contractant peut-il contester le montant du prix fixé par son cocontractant lorsqu’un contrat prévoit que le prix sera fixé unilatéralement par une partie ? Si oui à quelles conditions ?

Solution en droit : Le nouvel article 1163 du code civil français ne fait aucune distinction entre les obligations en nature et les obligations monétaires en disposant que l’obligation « doit être (…) déterminée ou déterminable » (Code civil français, art. 1163 al 2 nouv.) (article 1129 alinéa 1 du code civil en droit positif ivoirien) de sorte que le principe est que le prix comme toute obligation doit être déterminé ou déterminable au moment de la conclusion du contrat.

Toutefois, deux exceptions sont prévues par les articles 1164 et 1165 du Code civil. (Droit positif français)

L’article 1164 nouveau du code civil français précise en effet : « dans les contrats cadre, il peut être convenu que le prix sera fixé unilatéralement par l’une des parties ».

Pour que le texte soit applicable, il faut toutefois caractériser l’existence d’un contrat cadre. Ce type de contrat est défini par le nouvel article 1111 du Code civil français, comme le contrat « par lequel les parties conviennent des caractéristiques générales de leurs relations contractuelles futures. Des contrats d’application en précisent les modalités d’exécution ».

Toutefois, la fixation unilatérale du prix n’est pas libre car l’article 1164 (droit positif français) précise qu’en cas de contestation, il faut que la partie autorisée à fixer ce prix soit en mesure d’en motiver le montant. C’est sur elle que pèse la charge de la preuve de ce que la fixation du prix n’a pas été abusive.

Et l’alinéa 2 ajoute qu’« en cas d’abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d’une demande tendant à obtenir des dommages et intérêts et le cas échéant la résolution du contrat ».

S’agissant de la caractérisation de cet abus dans la fixation du prix, les nouveaux textes du Code civil français ne précisent pas comment le caractériser. Il s’agit vraisemblablement d’une question relevant de l’appréciation souveraine des juges du fond.

Deux méthodes permettent de caractériser un abus :

(1) D’abord, on peut considérer que l’abus peut résulter de l’absence de justification du montant ou de l’augmentation brutale du montant de la part du contractant qui a fixé unilatéralement le prix.

(2) Ensuite, on peut se référer à la jurisprudence antérieure à la réforme concernant cette question. La Cour de cassation avait pu juger que la fixation unilatérale du prix présentait un caractère abusif lorsque le prix était fixé en fonction des propres intérêts de celui qui le fixe et au détriment de ceux de son cocontractant (Com., 15 janv. 2002 ; Civ. 1re, 30 juin 2004 ; Com., 4 nov. 2014).

S’agissant des sanctions de l’abus dans la fixation unilatérale du prix, l’article 1164 du Code civil français n’admet pas la révision du prix par le juge et prévoit simplement la possibilité d’obtenir des dommages et intérêts et le cas échéant la résolution du contrat.

Solution en l’espèce : S’agissant de Solution en l espèce : S agissant de la possibilité de fixer unilatéralement le prix des contrats de commande de chairs d’escargot il faut d’abord s’interroger sur la qualification du contrat conclu entre l’entreprise de Corentin et son fournisseur. Ceux-ci ont convenu par contrat les caractéristiques générales de leurs relations contractuelles futures mais ont renvoyé à des contrats ultérieurs pour préciser les modalités exactes de chacune des commandes de chairs d’escargots. Ainsi, le contrat conclu en juillet 2019 correspond bien à la définition de contrat cadre et pouvait donc valablement comporter une clause permettant au prestataire de fixer unilatéralement le prix de chaque contrat d’application.

Toutefois, Corentin conteste le montant fixé par le fournisseur ce qui implique que ce dernier doive en motiver le montant. Aucune information n’est donnée dans le cas pratique sur les raisons qui ont conduit son fournisseur à augmenter les prix des commandes.

Il faut donc se demander s’il y a eu abus dans la fixation du prix. En l’espèce, l’augmentation de prix pratiquée par le fournisseur est conséquente puisqu’elle est de 10%. Il faudrait déterminer si cette augmentation correspond à la hausse de son propre coût de fabrication de la chair d’escargot. Par ailleurs, le fait que le fournisseur vend à Corentin la chair d’escargot à un prix moyen 25 % plus cher qu’à ses autres clients pourrait plaider en faveur du prix excessif et permettrait de caractériser un abus dans la fixation du prix.

Ainsi, sous réserve de l’appréciation souveraine des juges du fond, il semble a priori possible de considérer que le fournisseur de l’entreprise de Corentin ait abusé de son droit à fixer unilatéralement le prix des contrats de commande.

Conclusion : Corentin pourrait demander au juge une indemnisation pour cette augmentation injustifiée ou, le cas échéant, demander la résolution du contrat.

Le contrat : sa formation et son exécution

Le meilleur ami de Corentin, Jean BLONBLON, lui a promis de partager avec lui la moitié de ses gains à un jeux de hasard s’il venait à remporter le gros lot « Je te dois bien ça Corentin. Tu m’as souvent avancé les sommes me permettant de jouer… Ce serait ma manière de te remercier ». Il se trouve que Jean BLONBLON a gagné une forte somme mais refuse aujourd’hui de lui reverser la moitié des gains. Corentin, qui a en sa possession un courrier de son ami dans lequel ce dernier s’engage à lui reverser la moitié des sommes en cas de gain, souhaite le forcer à lui verser les sommes en question.

Faits : Un homme s’engage à reverser à un ami la moitié des sommes en cas de gain à un jeux de hasard s’estimant redevable pour des raisons personnelles. Il gagne finalement au jeux de hasard mais refuse de respecter sa promesse.

Deux fondements sont envisageables dans cette situation :

(1) Soit l’accord est constitutif d’un contrat auquel cas il est possible de solliciter son exécution forcée.

(2) Soit la promesse, ne constituant pas un contrat, peut constituer une obligation naturelle susceptible de obligation naturelle susceptible de devenir une obligation juridique dans certains cas.

Problème de droit : L’accord par lequel deux personnes prévoient de partager une certaine somme en cas de gain à un jeux de hasard peut-il constituer un contrat susceptible d’exécution forcée?

Solution en droit : Pour qu’un accord soit constitutif d’un contrat, il faut un accord de volonté sur les éléments essentiels du contrat.

En droit positif français, selon l’article 894 du Code civil (En droit positif ivoirien, Article 1er alinéa 1, article 2 de la loi n°2020-669 du 10 septembre 2020, relative aux libéralités), le contrat de donation suppose un transfert de propriété sans contrepartie (élément matériel) qui résulte d’une intention libérale (élément moral). Par ailleurs, l’article 931 du Code civil français (En droit positif ivoirien, Article 1er alinéa 2, article 8 et suivants de la loi n°2020-669 du 10 septembre 2020, relative aux libéralités) prévoit que la donation est un contrat solennel c’est-à-dire que sa validité nécessite le respect de la forme authentique.

Solution en l’espèce : En l’espèce, l’accord conclu entre Corentin et Jean BLONBLON prévoit un appauvrissement de Jean BLONBLON et un enrichissement corrélatif de Corentin à hauteur de la moitié des gains (élément matériel de la donation) et manifeste la volonté de Jean BLONBLON de s’appauvrir sans contrepartie (élément moral). L’accord ainsi conclu pourrait constituer un contrat de donation mais comme cet accord n’a pas pris la forme d’un acte authentique le contrat de donation n’est pas valable.

Conclusion : Il est impossible d’en demander l’exécution forcée devant un juge.

Problème de droit : La promesse par laquelle une personne s’engage envers une autre à partager avec elle une certaine somme d’argent en cas de gain à un jeux de hasard peut-elle faire l’objet d’une exécution forcée?

À titre liminaire, il convient de déterminer la loi applicable au contrat litigieux. En droit positif français, selon l’article 9 de l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, les contrats conclus avant le 1er octobre demeurent soumis à la loi ancienne et les dispositions de l’ordonnance entrent en vigueur le 1er octobre 2016.

En l’espèce, la promesse a été faite postérieurement au 1 octobre 2016, donc elle est soumise aux nouvelles dispositions.

Selon l’article 1100 al. 1 du Code civil français « Les obligations naissent d’actes juridiques, de faits juridiques ou de l’autorité seule de la loi ». Toutefois l’alinéa 2 dispose « Elles peuvent naître de l’exécution volontaire ou de la promesse d’exécution d’un devoir de conscience envers autrui ».

Cet alinéa reprend l’ancienne jurisprudence selon laquelle le débiteur d’une obligation naturelle qui s’engage volontairement à l’exécuter peut se voir contraint par un juge d’exécuter son obligation (1ère Civ, 15 oct. 1995, 93-20.300, arrêt « FRATA »).

Ainsi, antérieurement à la réforme (Civ., 1 , 10 oct. 1995) la Cour de cassation avait jugé qu’un parieur au tiercé qui avait promis à son collègue de lui verser une partie du gain puis s’était rétracté, était tenu de s’exécuter dans la mesure où son obligation naturelle s’était transformée en obligation civile du fait d’un engagement unilatéral de volonté.

Toutefois, antérieurement à la réforme la jurisprudence relative à l’exécution ou la promesse d’exécution d’une obligation naturelle reposait sur l’engagement unilatéral. Désormais la loi en fait une source d’obligations autonome.

Solution en l’espèce : En l’espèce, Jean BLONBLON s’est engagé à verser à Corentin la moitié de ses gains puisqu’il estimait avoir un devoir de conscience envers lui du fait qu’il lui avait avancé plusieurs fois les sommes lui permettant de jouer. Il s’agit donc pour Jean BLONBLON de satisfaire un devoir de conscience.

Par ailleurs, Jean BLONBLON lui a promis d’exécuter ce devoir de conscience de sorte que ce devoir de conscience est devenu une obligation civile obligatoire pour lui.

Conclusion : Corentin pourrait donc, sur ce fondement, obtenir en justice que Jean BLONBLON lui verse la somme promise.

Annulation de contrat

Rien ne va plus dans le couple de Corentin ! Celui-ci, marié depuis quelques années, est sur le point de divorcer. Sur les conseils de son meilleur ami, il s’est mis en tête de trouver une autre femme grâce à une agence de courtage matrimonial réputée fiable. « Tu verras, tu trouveras le véritable amour grâce à cette agence ! » lui conseille son ami. Après quelques recherches, le 20 septembre 2020, l’agence le met en relation avec Svetlana, esthéticienne russe, âgée de 20 ans de moins que lui.

Quelques semaines plus tard, Corentin regrette son choix et confie à son ami « finalement, j’aimerais arranger les choses avec ma femme, elle a son caractère… mais je crois que je l’aime encore… ».

Il souhaite obtenir l’annulation du contrat conclu avec l’agence qui lui a tout de même coûté quelques milliers de FCFA.

Faits : Un homme, encore marié mais en voie de divorce, conclu un contrat de courtage matrimonial avec une agence matrimonial. Il souhaite obtenir l’annulation de ce contrat.

À titre liminaire, il convient de déterminer la loi applicable au contrat litigieux. Selon l’article 9 de l’ordonnance français du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, les contrats conclus avant le 1er octobre demeurent soumis à la loi ancienne et les dispositions de l’ordonnance entrent en vigueur le 1er octobre 2016.

En l’espèce, le contrat ayant été conclu le 20 septembre 2020, soit postérieurement au 1er octobre 2016, il est soumis aux nouvelles dispositions.

Ensuite, il s’agit de déterminer s’il est possible de solliciter l’annulation du contrat (sanction judiciaire du manquement à l’une des conditions de validité du contrat entrainant son anéantissement rétroactif) en établissant qu’une de ses conditions de validité fait défaut.

Dans notre cas, on peut d’ores et déjà exclure les vices du consentement et s’intéresser au caractère licite du contrat car c’est sur ce point que le but de la convention peut poser problème, Corentin étant marié. En effet, le contrat conclu avec l’agence de courtage matrimonial, en ce qu’il viole l’un des devoirs du mariage (Code civil français, art. 212 et article 45 de la loi ivoirienne n°2019-570 du 26 juin 2019, relative au mariage), pourrait poser problème.

Problème de droit : Un contrat de courtage matrimonial conclu par un homme marié peut-il être annulé pour illicéité ?

Solution en droit : Selon l’article 1162 du Code civil français (article 1133 du code civil en droit positif ivoirien) : « Le contrat ne peut déroger à l’ordre public ni par ses stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties ». Cet article est complété par l’article 1102 (1123 du code civil en droit positif ivoirien) qui prévoit expressément, en son alinéa 2, comme limite à la liberté contractuelle les règles intéressant l’ordre public et par l’article 6 du code civil des droits positifs français et ivoirien, selon lequel « On ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs ».

Ainsi, le but et les stipulations du contrat doivent être conformes à l’ordre public.

L’exigence de licéité des stipulations du contrat vise la matière du contrat c’est-à-dire la chose, la prestation, l’opération contractuelle ou les clauses du contrat. Cette exigence implique la licéité de la chose objet de la prestation contractuelle (dans le droit antérieur à la réforme cette exigence de licéité était assurée via la notion « d’objet de l’obligation », l’ancien article 1128 du Code civil français (article 1128 actuel du code civil en droit positif ivoirien) prévoyant « Il n’y a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent être l’objet des conventions »).

Le « but » du contrat renvoie à la notion de « cause subjective » ou « cause du contrat » qui servait, dans le droit antérieur à la réforme, à contrôler l’objectif poursuivi par les parties, les mobiles animant les contractants. L’utilité de cette notion est de contrôler les intentions animant les parties au moment de la conclusion du contrat dans les hypothèses ou le recours à l’exigence de licéité des stipulations ne le permet pas.

Cette exigence d’un but licite opère une reprise des solutions jurisprudentielles antérieures à la réforme rendues sur le fondement de la cause subjective.

  • Les conditions de l’annulation pour illicéité du but du contrat

Plusieurs conditions sont nécessaires pour que le but soit une cause de nullité du contrat.

(1) D’abord, il faut identifier un motif illicite. Le but doit être contraire à la loi ou aux bonnes mœurs. S’agissant des bonnes mœurs, cette notion est particulièrement évolutive.

Dans un premier temps, la Cour de cassation a fait application de la notion de bonnes mœurs en matière d’acte à titre gratuit (libéralités entre concubins). Elle avait d’abord décidé que lorsque la donation avait pour but d’instaurer ou de maintenir une relation de concubinage la cause était immorale (il était contraire aux bonnes mœurs de gratifier une personne en vue d’établir une relation sexuelle). Elle avait par la suite fait évoluer sa jurisprudence dans un arrêt de 1999 en considérant que « n’est pas contraire aux bonnes mœurs la cause de la libéralité dont l’auteur entend maintenir une relation adultère qu’il entretien avec le bénéficiaire » (A.P., 29 oct. 2004, 03-11.238).

Dans un second temps, la Cour de cassation s’est prononcée en matière de contrats conclus à titre onéreux. Elle a jugé qu’un contrat de courtage matrimonial, conclu en vue de la réalisation d’un mariage par une personne mariée, n’a pas de cause contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs, tant que l’union n’a pas été réalisée (Civ. 1 , 4 nov. 2011, 10-20.114). Jusqu’à cette décision, le contrat de courtage matrimonial conclu par une personne encore mariée était nul pour cause illicite ou immorale (ex. : TI Chartres, 12 oct. 1976 ; Dijon, 1re ch., 2e sect., 22 mars 1996).

(2) Ensuite, il faut que le caractère déterminant du motif soit établi. Le motif doit constituer
la « cause impulsive et déterminante » de l’opération et non pas un mobile accessoire pour être retenu comme cause de nullité. Les juges doivent sélectionner, parmi les différents mobiles, celui sans lequel la partie n’aurait pas conclu le contrat.

L’illicéité ou l’immoralité s’apprécie au jour de la conclusion du contrat (Ex. : Civ. 1 , 7 oct. 1998, 96- 14.359).

(3) Enfin, si pendant un temps la Cour de cassation jugeait que l’illicéité de la cause devait être connue des deux parties en présence d’un contrat conclu à titre onéreux, elle est revenue sur cette solution en jugeant que l’illicéité de la cause n’a pas à être connue des deux parties (Ex. : Civ. 1 , 7 oct. 1998, 96-14.359). Cette solution a été reprise par l’article 1162 du Code civil français (article 1133 du code civil en droit positif ivoirien) qui précise qu’il est indifférent que le but du contrat ait été connu ou non par toutes les parties.

  • La preuve et la sanction de l’illicéité

Celui qui invoque l’illicéité ou l’immoralité de la cause doit la prouver conformément au droit commun de la preuve et, s’agissant d’un fait juridique, les mobiles peuvent être prouvés par tous moyens.

L’ordonnance français ne précise pas la sanction encourue en cas de « but » contraire à l’OP mais s’agissant d’une condition de validité du contrat, la sanction sera la nullité (Code civil français, art. 1178 nouveau) absolue (Code civil français, art. 1179 nouveau). (article 1109 et suivants du code civil en droit positif ivoirien).

Solution en l’espèce : En l’espèce, l’objectif principal de Corentin lorsqu’il a contracté était de trouver une nouvelle femme alors qu’il était déjà marié. Le motif déterminant de la conclusion du contrat réside donc dans la volonté de trouver un nouveau partenaire en contradiction avec le devoir de fidélité qui découle du mariage.

Toutefois, sans qu’il soit besoin de vérifier l’ensemble des conditions tenant à l’illicéité du but du contrat, le mobile de Corentin n’est plus jugé comme étant contraire aux bonnes mœurs de sorte que le contrat ne pourra pas être annulé.

Conclusion : Corentin ne pourra pas être libéré de son engagement sur ce fondement et n’obtiendra pas la restitution des sommes qu’il a versé en application du contrat de courtage matrimonial.

NB : Analyse fondée sur les droits positifs français et ivoirien mais prioritairement sur le droit positif français.

La tentative de vol

Jean vient de rencontrer Céline, une femme qui lui plait beaucoup et avec qui il a rendez- vous au restaurant. Jean souhaite tellement la séduire qu’il envisage de lui sortir le grand jeu en l’invitant dans un restaurant gastronomique très réputé. Le problème est qu’il n’a toujours pas un sou en poche et que le rendez-vous est le soir même…

Alors qu’il sort de son appartement, il a l’idée de pénétrer dans l’appartement de son voisin, qui est un ami, et qui lui a confié récemment qu’il gardait toujours de l’argent en liquide chez lui. Alors qu’il tente de forcer la serrure de son voisin avec un pied-de-biche, un autre voisin qui avait observé discrètement la scène appelle la police. Après dix minutes, Jean, se pensant pourtant seul sur le palier, n’ayant toujours pas réussi à forcer la serrure de la porte, se fait appréhender par la police…

Que risque-t-il ?

Faits : Un homme tente de forcer la serrure d’un appartement afin d’y voler de l’argent liquide. Il est appréhendé par la police avant d’avoir pu forcer la serrure.

Problème de droit : À quelles conditions l’infraction de vol est-elle caractérisée?

Solution en droit : Le vol est défini à l’article 311-1 du Code pénal français comme « la soustraction frauduleuse de la chose d’autrui ». Il en est de même à l’article 457 du code pénal en droit positif ivoirien.

Pour caractériser l’infraction pénale de vol, il est nécessaire de caractériser un élément matériel et un élément moral.

Matériellement, le vol nécessite la réunion de trois éléments :

  • L’existence d’une chose ;
  • L’existence d’une chose appartenant à autrui ;
  • La soustraction de cette chose entendue comme une interversion matérielle de possession.

Sur le plan de l’élément moral, le vol requiert l’intention d’appropriation de cette chose et de se comporter en propriétaire. 

Solution en l’espèce : En l’espèce, même si l’élément moral semble être caractérisé puisque Jean avait bien l’intention de voler l’argent de son voisin et de se comporter en propriétaire de cet argent, l’élément matériel n’existe pas puisqu’il n’y a aucune soustraction frauduleuse, Jean n’ayant pas réussi à pénétrer dans l’appartement.

Conclusion : L’infraction de vol n’est donc pas constituée. Il faut donc regarder si les faits permettent de caractériser une tentative de vol.

Problème de droit : À quelles conditions la tentative de vol est-elle punissable?

Solution en droit : La tentative est prévue par la loi aux articles 121-4 et suivants du Code pénal français (article 161; article 458 et suivants du code pénal en droit positif ivoirien).

D’abord, s’agissant de l’élément légal, selon l’article 121-4 du Code pénal français (article 161 du code pénal ivoirien), la tentative de crime est toujours punissable, mais la tentative de délit ne l’est que lorsqu’un texte pénal le prévoit. La tentative de vol est punissable, car l’article 311-13 du code pénal français le prévoit expressément.

En droit positif ivoirien, selon les termes de l’alinéa 1er de l’article 461 du Code Pénal, le vol est qualifié de délit. Mais, même considéré comme tel, le législateur a prévu deux régimes de vol: les vols simples et les vols aggravés.

Ensuite, s’agissant de l’élément matériel, la tentative suppose un commencement d’exécution. La Cour de cassation a retenu une conception mixte du commencement d’exécution comprenant un élément objectif et un élément subjectif: «accomplissement d’actes tendant directement et immédiatement à la réalisation de l’infraction (élément objectif) et effectués avec l’intention de la commettre (élément subjectif) » (Crim. 25 oct. 1962, arrêts Lacour / Schieb et Bénamar).

Enfin, s’agissant de l’élément moral, la tentative suppose une absence de désistement volontaire de l’agent. Le résultat de l’infraction ne doit pas être évité en raison de circonstances indépendantes de la volonté de l’agent.

S’agissant de la répression en droit positif français, la tentative de vol est punie des mêmes peines que l’infraction consommée de vol selon l’article 313-13 du Code pénal, soit trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Les peines sont aggravées dans certains cas (C. pén., art. 311- 4) notamment lorsqu’il est précédé, accompagné ou suivi d’un acte de destruction, dégradation ou détérioration. Le vol aggravé est alors puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

En Côte d’Ivoire, de façon générale, on retient deux catégories de vols simples. La première catégorie des vols simples est prévue à l’article 458 du Code Pénal. Ces vols simples sont punis d’un emprisonnement de 5 à 10 ans et d’une amende de 300.000 à 3 000 000 de francs CFA. Et, la tentative de vol est punissable.

Les vols aggravés sont prévus aux articles 459 et 460 du Code Pénal et peuvent également se regrouper en deux catégories. La première catégorie est celle retenue par l’article 459 du Code Pénal. Il s’agit du vol ou de la tentative de vol commis avec l’une des circonstances suivantes :

  • Des violences n’ayant pas entraîné de blessures ;
  • L’effraction extérieure, usage de fausse clé, escalades ;
  • La réunion par au moins deux personnes ;
  • L’usage frauduleux, soit de l’uniforme ou du costume d’un agent public, civil ou militaire, soit du titre d’un tel agent public, soit d’un faux ordre de l’Autorité civile ou militaire ;
  • L’usage d’un masque, quelle qu’en soit la nature ;
  • Le bris de scellés ;
  • Le vol ou tentative de vol commis dans une maison habitée ou servant à l’habitation ;
  • Le vol ou tentative de vol commis la nuit.

L’alinéa 1er de l’article 459 du Code pénal précise que le vol accompagné par l’une de ces circonstances citées est puni d’une peine d’emprisonnement allant de 10 à 20 ans et d’une amende comprise entre 500.000 et 500.000 de francs CFA.

La deuxième catégorie de vols aggravés est prévue à l’article 460 du Code Pénal. La particularité de ces vols est qu’ils sont réalisés avec l’accomplissement de l’une des circonstances aggravantes qui suit :

  • Le vol ou la tentative de vol commis la nuit avec la réunion de deux au moins des circonstances prévues à l’article précédent ;
  • Le vol ou la tentative de vol commis avec une arme apparente ou cachée ;
  • Le vol ou la tentative de vol avec des violences ayant entrainés la mort ou des blessures, ou lorsque l’auteur a utilisé un véhicule pour faciliter son entreprise, sa fuite, ou est porteur d’un narcotique (bombe à endormir) ;
  • Le vol ou la tentative de vol commis avec des actes de violences sexuelles sur la victime.

Pour de tels vols, la peine prévue par l’article 460 du Code pénal est l’emprisonnement à vie. En outre, pour l’ensemble des vols aggravés, interdiction est faite au juge d’appliquer les dispositions de l’article 130 relatives au sursis. De la sorte, celui ou celle qui se rend coupable d’un vol accompagné de l’une de ces circonstance sus énumérée risque impérativement une réclusion qui peut être temporaire ou perpétuelle.

Toutefois, nonobstant la nature criminelle des peines de ces types de vols, les alinéas 2 et 3 de l’article 161 du Code pénal prévoient que ces vols demeurent des délits et la tentative est punissable.

Solution en l’espèce : En l’espèce, le vol constitue bien un délit susceptible de constituer une tentative punissable. 

Par ailleurs, la commencement d’exécution est caractérisé car, Jean a utilisé un pied-de-biche pour forcer la serrure de l’appartement de son voisin dans le but de lui voler de l’argent liquide. 

Enfin, Jean a eu la volonté de voler l’argent de son voisin et n’a été arrêté que par une circonstance indépendante de sa volonté à savoir l’arrivée de la police. Il n’y a donc aucun désistement volontaire de la part de Jean en l’espèce.

Conclusion : La tentative de vol commise par Jean est donc bien caractérisée. Il encourt ainsi cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende s’agissant d’un vol aggravé puisqu’il est précédé, accompagné ou suivi d’un acte de destruction, dégradation ou détérioration. (Droit positif français)

En droit positif ivoirien, Jean encourt une peine d’emprisonnement allant de 10 à 20 ans et d’une amende comprise entre 500.000 et 500.000 de francs CFA car ayant réuni quelques circonstances aggravantes notamment : effraction extérieure, bris de sceller, vol commis dans une maison servant d’habitation. 

L’application de la loi dans le temps

Cédric a été condamné en appel à 2 ans d’emprisonnement ferme le 25 juin 2019. Son avocat lui explique qu’il ne peut bénéficier d’aucun aménagement de sa peine, car depuis la loi du 23 mars 2019, entrée en vigueur le 24 mars 2020, la mesure d’aménagement de peine n’est offerte notamment qu’aux personnes condamnées à une peine d’emprisonnement ferme d’une année maximum.

Ce dernier a pourtant entendu parler un avocat à la télévision qui expliquait qu’avant l’entrée en vigueur de cette loi, le Code de procédure pénale permettait à toute personne condamnée à une peine d’emprisonnement ferme au maximum à deux ans de bénéficier d’un aménagement de peine.

Cédric souhaite savoir si son avocat et raison pour savoir si un pourvoi et raison pour savoir si un pourvoi en cassation pourrait s’avérer intéressant.

N. B. : La loi du 23 mars 2019, entrée en vigueur le 24 mars 2020, prévoit que la mesure d’aménagement de peine n’est offerte notamment qu’aux personnes condamnées à une peine d’emprisonnement ferme d’une année maximum. Avant cette loi, le Code de procédure pénale et le Code pénal permettaient à toute personne condamnée à une peine d’emprisonnement ferme au maximum à deux ans de bénéficier d’un aménagement de peine.

Faits : Un prévenu a été condamné en appel à 2 ans d’emprisonnement ferme le 25 juin 2019. À la suite de l’entrée en vigueur de la loi du 23 mars 2019, le 24 mars 2020, ne permettant une mesure d’aménagement de peine qu’aux personnes condamnées à une peine d’emprisonnement ferme d’une année maximum, il souhaite savoir s’il aurait pu bénéficier d’un aménagement de peine conformément à la loi en vigueur au moment de la commission de l’infraction permettant à toute personne condamnée à une peine d’emprisonnement ferme au maximum à deux ans de bénéficier d’un aménagement de peine.

Problème de droit : Une personne condamnée à une peine d’emprisonnement ferme supérieure à un an, mais inférieure à deux ans pour des faits commis antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 23 mars 2019 peut-il prétendre à un aménagement ab initio de sa peine?

Solution en droit : Le principe de non-rétroactivité de la loi pénale de fond plus sévère, prévu par l’article 8 de la DDHC de 1789, l’article 7 paragraphe 1 de la CEDH et l’article 112-1 du Code pénal français, est le corolaire du principe de légalité des délits et des peines.

L’article 112-1 du Code pénal français (Article 24 alinéa 2 du code pénal ivoirien) , relatif aux lois pénales de fond, prévoit ainsi que « sont seuls punissables les faits constitutifs d’une infraction à la date à laquelle ils ont été commis ». Par exception (rétroactivité in mitius), une loi nouvelle est applicable à des faits commis avant son entrée en vigueur lorsqu’elle est plus douce, c’est-à-dire moins sévère (Code pénal français, art. 121-1, al. 3), (Code pénal ivoirien, Article 24 alinéa 1).

Le Code pénal prévoit des dispositions différentes s’agissant des lois pénales de formes à l’article 112-2 du code pénal français (Articles 23 et 24 du code pénal ivoirien). Cet article pose le principe de l’application immédiate des lois pénales de forme à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur. L’idée générale derrière cette règle est que les lois pénales de forme permettent le bon fonctionnement de la justice.

L’article 112-2 du Code pénal distingue plusieurs types de lois de forme et vise notamment à l’alinéa 3 « les lois relatives au régime d’exécution et d’application des peines ». Le principe est donc l’application immédiate de ce type de lois à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur.

Toutefois, par exception, l’alinéa 3 de l’article prévoit que « lorsqu’elles auraient pour résultat de rendre plus sévères les peines prononcées par la décision de condamnation» ces lois ne sont applicables qu’aux condamnations prononcées pour des faits commis postérieurement à leur entrée en vigueur.

La distinction entre lois pénales de fond et lois pénales de procédure est parfois délicate. La Cour de cassation a récemment jugé que « l’aménagement de peine constitue-t-il, même lorsqu’il émane de la juridiction de jugement, un dispositif relatif au régime d’exécution et d’application des peines » et que « l’application dans le temps d’une telle mesure obéit par conséquent aux règles définies par l’article 112-2, 3° du code pénal » (Crim., 20 octobre 2020, n° 19-84.754).

Enfin, pour déterminer le caractère plus sévère ou non d’une loi, on plus sévère ou non d une loi, on retient classiquement qu’est plus sévère une loi qui crée une nouvelle incrimination, étend la définition d’une infraction existante, met en place une nouvelle peine ou aggrave une peine encourue pour une infraction. Dans l’arrêt précité, la Cour de cassation a jugé que la loi du 23 mars 2019 qui interdit tout aménagement des peines d’emprisonnement sans sursis d’une durée comprise entre un et deux ans est plus sévère.

Solution en l’espèce : En l’espèce, il existe ici un conflit de loi dans le temps à résoudre. Antérieurement à la loi du 23 mars 2019 et son entrée en vigueur, toute personne condamnée à une peine d’emprisonnement ferme au maximum à deux ans pouvait bénéficier d’un aménagement de peine. Or, depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle rédaction de ces textes, soit depuis le 24 mars 2020, la mesure d’aménagement de peine ne peut bénéficier qu’aux personnes condamnées à une peine d’emprisonnement ferme d’une année maximum.

Trois étapes doivent être respectées pour déterminer la loi applicable.

D’abord, il est nécessaire d’identifier le type de loi dont il s’agit (loi pénale de fond ou loi s agit (loi pénale de fond ou loi pénale de procédure) pour déterminer les dispositions applicables. En l’espèce, les dispositions de la loi du 23 mars 2019 relative à l’aménagement de la peine relèvent selon la Cour de cassation de l’article 112-2 alinéa 3 du Code pénal en tant que loi relative au régime d’exécution et d’application des peines.

Ensuite, il faut déterminer le moment de la commission de l’infraction ainsi que l’entrée en vigueur de la loi nouvelle. Il ressort des faits que l’infraction a été commise avant l’entrée en vigueur de la loi (24 mars 2020).

Enfin, il faut déterminer le caractère plus sévère ou non de loi du 23 mars 2019. En l’espèce, cette loi interdit tout aménagement des peines d’emprisonnement sans sursis d’une durée comprise entre un et deux ans alors qu’un tel aménagement était antérieurement possible. Elle est donc plus sévère. La Cour de cassation s’est d’ailleurs déjà prononcée dans ce sens. La loi du 23 mars 2019 n’est donc applicable qu’aux condamnations prononcées pour des faits commis postérieurement à son entrée en vigueur, soit le 24 mars 2020.

Conclusion : Ainsi, Cédric aurait intérêt à former un pourvoi devant la Cour de cassation contre l’arrêt de la Cour d’appel.

NB : Analyse basée majoritairement sur le droit positif français.

Les infractions non intentionnelles

Plusieurs amis se sont réunis chez Pierre pour une soirée «entre hommes ». La soirée se passe bien, mais les amis décident pour s’amuser de jouer à un jeu qu’ils ont vu sur YouTube: un concours de lancer de couteau sur une cible. L’idée est simple: chacun leur tour, ils doivent prendre un couteau et viser au centre de la cible.

Le jeu va toutefois rapidement tourner au drame. Après quelques essais, Kévin qui ne faisait pas attention, croyant viser la cible, atteint son ami Julian qui passait près de la cible pour ramasser son couteau en pleine tête. Julian s’effondre et ne se relève pas. Les amis, pris de panique, appellent rapidement une ambulance.
Malheureusement, Julian, conduit en urgence à l’hôpital, décédera finalement dans la nuit. 

Kévin, poursuivi pour homicide involontaire par imprudence, souhaiterait savoir s’il risque réellement de faire l’objet d’une sanction pénale alors qu’il n’a jamais souhaité faire de mal à son ami et reste profondément attristé par son décès.

NB : pour la résolution du cas pratique, vous partirez du principe qu’il n’existe aucune obligation légale interdisant le lancer de couteau dans un cadre privé.

Faits : Un homme cause la mort d’un ami au cours d’un jeu consistant à lancer des couteaux sur une cible en l’atteignant à la tête, par inattention.

Problème de droit : Quels sont les éléments constitutifs de l’infraction d’homicide involontaire?

Solution en droit : En droit positif français et ivoirien, pour caractériser l’infraction pénale d’homicide involontaire, trois éléments doivent être caractérisés : un élément matériel, un élément moral et un élément légal.

S’agissant de l’élément légal, l’homicide involontaire est une infraction prévue par l’article 221-6 du Code pénal français et l’article 392 alinéa 1 du code pénal ivoirien qui disposent : « le fait de causer par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, la mort d’autrui constitue un homicide involontaire».

L’élément matériel de l’homicide involontaire, c’est-à-dire le comportement, actif ou passif,
décrit par l’article 221-6 du Code pénal français et l’article 392 alinéa 1 du code pénal ivoirien est le fait de causer la mort d’autrui.

S’agissant de l’élément moral, l’infraction d’homicide involontaire est une infraction non intentionnelle qui renvoie à l’article 121-3 du Code pénal français. Cet article envisage le cas de l’infraction non intentionnelle en distinguant, s’agissant des personnes physiques, deux situations différentes.

La première situation vise l’existence d’un lien de causalité directe entre le comportement de l’auteur de l’infraction et le dommage. Dans ce cas, une faute simple suffit à engager sa responsabilité pénale.

Il n’existe pas de définition légale de la causalité directe, mais selon la doctrine il y aurait lien de causalité direct lorsque le comportement de l’auteur serait la cause exclusive, immédiate ou déterminante du dommage. La faute simple est, selon l’article 121-3 du Code pénal français et le droit positif ivoirien, une « faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ». Cette faute est appréciée in concreto selon « la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens » dont disposait l’auteur des faits.

La deuxième situation vise l’existence d’un lien de causalité indirecte entre le comportement de l’auteur de l’infraction et le dommage. Dans ce cas, une faute qualifiée est nécessaire pour pouvoir engager sa responsabilité pénale. La faut qualifiée peut être soit une faute délibérée soit une faute caractérisée.

La causalité indirecte est définie à l’alinéa 4 de l’article 121-3 du Code pénal français : « celui qui a créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage, ou qui n’a pas pris les mesures permettant de l’éviter ».

Solution en l’espèce : En l’espèce, l’élément matériel de l’infraction d’homicide involontaire correspond au fait de causer la mort d’autrui. Dans notre cas, Kévin a lancé un couteau qui a atteint la tête de Julian, ce qui a causé sa mort. Cet élément est donc caractérisé.

S’agissant de l’élément moral, il faut d’abord déterminer la nature du lien de causalité entre l’acte et le dommage. En l’espèce, le lancer de couteau par Kévin est la cause exclusive et immédiate et déterminante de la mort de Julian de sorte que le décès de Julian est directement lié à l’acte de Kévin. Le lien de causalité est donc direct.

Ainsi, une faute simple doit, selon l’article 121-3 du Code pénal français et le droit positif ivoirien, être rapportée pour que Kévin puisse voir sa responsabilité pénale engagée. En d’autres termes, une simple faute d’imprudence ou de négligence suffit pour engager sa responsabilité pénale. Dans notre cas, Kévin n’a pas fait attention à son ami qui venait récupérer son couteau après son lancer de couteaux. Il a donc commis une faute d’imprudence.

Conclusion : La responsabilité pénale de Kévin pour l’infraction d’homicide volontaire par imprudence pourra être engagée.

Problème de droit : Quelles sont les peines encourues pour la commission d’un homicide involontaire?

Solution en droit : En droit positif français, l’homicide involontaire est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

Toutefois, l’article 221-6 du Code pénal prévoit qu’en cas de violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, les peines encourues sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende.

En droit positif ivoirien, l’article 392 du code pénal dan son entièreté dispose : « Est puni d’un emprisonnement de trois mois à trois ans et d’une amende de 100.000 à 1.000.000 de francs, quiconque, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou inobservation des règlements commet involontairement un homicide ou en est involontairement la cause.

La peine est d’un mois à un an d’emprisonnement et l’amende de 50.000 à 500.000 francs, s’il en est résulté une incapacité totale de travail personnel pendant plus de six jours.

Les peines prévues aux deux alinéas précédents sont également applicables au cas où l’homicide ou les blessures ont été occasionnés ou provoqués par un incendie causé involontairement ».

En d’autres termes, la faute délibérée est à la fois une condition de la responsabilité d’une personne physique (lorsque la causalité est indirecte) et une circonstance aggravante de l’infraction.

La faute de mise en danger délibérée est définie par le texte. Il s’agit de la violation par l’agent « de façon manifestement délibérée » d’une «obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ». Il y a donc quatre conditions pour caractériser une faute délibérée :
1. Il faut caractériser une obligation de sécurité ou de prudence;
2. Il faut qu’une obligation soit prévue par la loi ou le règlement ;
3. Il faut que l’obligation soit « particulière » ;
4. Il faut que l’obligation soit manifestement délibérée : l’agent doit avoir eu une réelle volonté de méconnaître l’obligation.

Solution en l’espèce : En l’espèce, il a été démontré que Kévin encourt en droit positif français une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende et en droit positif ivoirien, une peine allant de trois mois à trois ans et d’une amende de 100.000 à 1.000.000 de francs.

Pour savoir si la peine encourue peut être aggravée, il faut vérifier si Kévin a violé « de façon manifestement délibérée » une « obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ». Aucune indication n’est donnée sur l’existence ou non d’une obligation de ne pas procéder au lancer de couteaux dans un cadre privé. En l’absence d’éléments, il semble qu’une telle obligation n’est pas prévue par la loi ou par le règlement.

En tout état de cause, la violation d’une telle obligation, même si elle existait, ne semble pas avoir été manifestement volontaire puisque Kévin ne semble pas avoir eu connaissance d’une telle obligation.

Conclusion : En droit positif français, Kévin encourt une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende tandis qu’en droit positif ivoirien, il encourt une peine allant de trois mois à trois ans et d’une amende de 100.000 à 1.000.000 de francs.

Mariage incestueux

Didier LECHAMP a épousé Christine CHARBON il y a quelques années. Christine CHARBON avait une fille, Lily CHARBON, âgée de 9 ans au moment de la célébration de leur mariage. Didier et Christine ont finalement divorcé il y a deux ans. Christine, désespérée, vient d’apprendre que Didier et Lily, qui a aujourd’hui 27 ans, viennent de se marier ! Les enfants de Didier LECHAMP souhaitent intenter une action en justice afin d’annuler ce mariage.

Une telle action a-t-elle des chances d’aboutir ?

Faits : Un homme antérieurement marié a épousé, quelques années plus tard, la fille de sa précédente épouse.

Problème de droit : Un mariage peut-il être valablement conclu avec l’ascendant d’un précédent époux ?

Solution en droit : Il existe des cas d’empêchements au mariage parmi lesquels figure la prohibition de l’inceste. Ainsi, l’article 7 de la loi ivoirienne n°2019-570 du 26 Juin 2019 relative au mariage (article 161 du Code civil français) prohibe le mariage en ligne directe entre tous les ascendants et descendants et les alliés dans la même ligne. Les alliés en ligne directe sont le beau-père, la belle-mère, le beau-fils (ou gendre) et la belle-fille (ou bru). Ainsi, l’article 7 alinéa 4 de la loi ivoirienne n°2019-570 du 26 Juin 2019 relative au mariage dispose que le mariage avec l’ascendant d’un ancien conjoint est prohibé en d’autres termes, l’homme et la fille de son ancienne épouse née d’une autre union ne peuvent pas contracter mariage.

L’annulation du mariage entre alliés en ligne directe ne doit toutefois pas constituer une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale des époux garanti par la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, au regard du but légitime poursuivi (Civ. 1 , 8 oct. 2016, n° 15-27201).

Néanmoins en droit positif ivoirien, en application de l’article 7 alinéa 12 de la loi ivoirienne n°2019-570 du 26 Juin 2019 relative au mariage, le Procureur de la République, saisi par toute personne intéressée, peut lever les prohibitions pour des causes graves, les prohibitions portées aux mariages entre alliés en ligne directe lorsque la personne qui a créé l’alliance est décédée.

Cette même exception est prévue par l’article 164 du Code civil français mais en octroyant ce pouvoir au Président de la République.

Solution en l’espèce : En l’espèce, il existe entre Didier LECHAMP, ancien époux de Christine CHARBON et Lily CHARBON, fille de Christine CHARBON, un lien d’alliance de sorte que le mariage peut faire l’objet d’une annulation. Par ailleurs, il ne semble pas qu’il existe une cause grave qui permettrait de faire jouer l’exception prévue par l’article 7 alinéa 12 de la loi ivoirienne n°2019-570 du 26 Juin 2019 relative au mariage ou l’article 164 du Code civil français.

Conclusion : Le mariage entre Didier LECHAMP et Lily CHARBON peut être annulé sur ce fondement.

Problème de droit : Un mariage peut-il être valablement conclu avec l’ascendant d’un précédent époux ?

Solution en droit : Au sein des nullités, on distingue la nullité relative qui a vocation à protéger un intérêt privé de la nullité absolue, fondée sur l’ordre public, qui a vocation à protéger l’intérêt général. La nullité absolue est encourue en cas d’inceste (Article 7 de la loi ivoirienne n°2019-570 du 26 Juin 2019 relative au mariage et Code civile français, article 161, 162, 163 et 184).

En cas de nullité absolue, les personnes pouvant demander la nullité sont :
    – les époux, le premier époux en cas de bigamie, les père et mère et autres ascendants (Article 27 alinéa 1 de la loi ivoirienne n°2019-570 du 26 Juin 2019 relative au mariage) ;

    – toute personne qui y a intérêt (les collatéraux, les enfants nés d’un précédent mariage, les créanciers) uniquement en cas d’intérêt pécuniaire (Article 27 alinéa 2 de la loi ivoirienne n°2019-570 du 26 Juin 2019 relative au mariage et Code civil français, art. 187) ;

– le ministère public uniquement du vivant des époux (Article 27 alinéa 3 de la loi ivoirienne n°2019-570 du 26 Juin 2019 relative au mariage et Code civil français., art. 190).

La prescription de l’action est de trente ans à compter de la célébration du mariage (Article 31 alinéa 2 de la loi ivoirienne n°2019-570 du 26 Juin 2019 relative au mariage et Code civil français, art. 184 et 191).

L’annulation entraine la disparition rétroactive du mariage.

Solution en l’espèce : En l’espèce, s’agissant d’un cas d’inceste, il s’agit d’une nullité absolue et toute personne qui y a intérêt pourra agir ce qui permettra aux enfants de
Didier LECHAMP d’intenter l’action en nullité.

Conclusion : Le mariage entre Didier LECHAMP et Lily CHARBON pourra être annulé.