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La période d’essai en droit du travail ivoirien : régime juridique, renouvellement et rupture

Dans la dynamique de l’emploi, l’essai occupe une place cruciale tant pour l’employeur que pour le salarié. Pour l’un, il s’agit de vérifier l’aptitude professionnelle et l’adéquation du travailleur au poste proposé ; pour l’autre, l’essai constitue une phase probatoire lui permettant d’apprécier ses conditions d’engagement avant une intégration définitive. En Côte d’Ivoire, la période d’essai est rigoureusement encadrée par le Code du travail, la Convention collective interprofessionnelle et des décrets d’application afin de garantir un équilibre entre flexibilité pour l’employeur et protection pour le salarié.

La période d’essai est la période initiale du contrat de travail pendant laquelle chacune des parties peut apprécier l’opportunité de maintenir la relation contractuelle sans être soumise aux contraintes de rupture applicables après confirmation[1]. Elle n’est pas une obligation légale systématique mais une faculté offerte aux parties qui doivent en convenir expressément lors de la formation du contrat.

Le Code du travail ivoirien (art. 14.5) prévoit que la période d’essai est autorisée tant pour les contrats à durée déterminée que pour ceux à durée indéterminée[2]. La durée maximale varie en fonction de la catégorie professionnelle du travailleur :

  • 8 jours pour les travailleurs rémunérés à l’heure ou à la journée
  • 1 mois pour les travailleurs rémunérés au mois
  • 2 mois pour les agents de maîtrise, techniciens et assimilés
  • 3 mois pour les ingénieurs, cadres et techniciens supérieurs et assimilés[3]

Ces durées maximales peuvent toutefois être abaissées d’un commun accord lorsque le contrat est temporaire ou à temps partiel, conformément à l’article 3 du décret n°96-195 du 7 mars 1996 relatif à l’engagement à l’essai et à la durée de la période d’essai[4].

La période d’essai doit être expressément stipulée dans le contrat de travail ou la lettre d’embauche. La Convention collective interprofessionnelle ivoirienne (art. 14) impose en effet que soient mentionnés la durée de l’essai ainsi que, le cas échéant, les modalités de son renouvellement[5]. À défaut, la relation de travail est réputée conclue sans période d’essai, le salarié étant considéré comme définitivement embauché dès son entrée en fonction[6].

Le renouvellement de la période d’essai est autorisé en droit ivoirien mais strictement encadré. Il ne peut intervenir qu’une seule fois et pour la même durée que celle initialement convenue[7]. Ce renouvellement doit être notifié par écrit et respecter des délais de prévenance variables selon la durée initiale de l’essai :

  • 2 jours avant son terme pour une période d’essai de 8 jours
  • 8 jours avant son terme pour une période d’essai de 1 mois
  • 15 jours avant son terme pour une période d’essai de 2 ou 3 mois[8]

Ces délais visent à garantir au salarié un temps suffisant pour se préparer à l’éventualité d’une prolongation ou d’une rupture prochaine.

Si l’employeur ne respecte pas ces délais de prévenance, le renouvellement ne peut intervenir qu’avec l’accord exprès du travailleur, faute de quoi l’employeur est tenu de verser une indemnité compensatrice[9]. Le montant de cette indemnité varie ainsi :

  • 8 jours de salaire lorsque la période d’essai est de 2 mois
  • 15 jours de salaire lorsqu’elle est de 3 mois
  • 1 mois de salaire lorsqu’elle est de 6 mois[10]

Cette sanction pécuniaire a un effet dissuasif et consacre la dimension protectrice du régime juridique de l’essai.

Pendant l’essai, le contrat peut être rompu librement par l’une ou l’autre des parties, sans préavis et sans indemnité[11]. Cette rupture unilatérale ne nécessite aucune motivation particulière. Elle se justifie par la finalité même de l’essai, qui consiste à évaluer l’adéquation entre les besoins de l’employeur et les compétences ou aspirations du salarié[12]. Néanmoins, la jurisprudence ivoirienne impose que la rupture de l’essai ne soit pas abusive, discriminatoire ou vexatoire[13].

Même si la loi prévoit la liberté de rupture durant l’essai, celle-ci ne doit pas être exercée de manière abusive. Ainsi, un licenciement prononcé pour un motif discriminatoire (sexe, grossesse, origine ethnique) reste nul et ouvre droit à des dommages-intérêts au profit du salarié[14][15]. De plus, la rupture doit être notifiée de manière claire et loyale, conformément au principe général de bonne foi contractuelle[16].

Lorsque le salarié est maintenu dans son emploi à l’issue de la période d’essai, la relation contractuelle se poursuit automatiquement et devient un contrat à durée indéterminée si elle ne l’était pas déjà[17]. La durée de l’essai, y compris en cas de renouvellement, est prise en compte dans le calcul des droits liés à l’ancienneté tels que l’indemnité de licenciement, le préavis ou le calcul des congés payés[18].

Si l’employeur propose de poursuivre l’emploi à des conditions différentes de celles de la période d’essai (changement de poste, de classification, de rémunération), il doit en informer le salarié par écrit. Ce document mentionne impérativement l’emploi proposé, la classification conventionnelle, la rémunération ainsi que tous les avantages afférents[19]. Ce document doit être contresigné par le salarié, garantissant ainsi son consentement éclairé et protégeant ses droits en cas de litige ultérieur[20].

La période d’essai, si elle constitue un moyen d’adaptation et d’évaluation réciproque, n’est pas un régime d’exception échappant aux règles protectrices du droit du travail ivoirien. Elle reste encadrée dans sa durée, son renouvellement et sa rupture pour éviter toute dérive de précarisation. La rigueur du formalisme, l’exigence d’un renouvellement écrit dans des délais précis et l’interdiction des ruptures abusives traduisent la recherche d’un équilibre harmonieux entre la flexibilité légitime pour l’employeur et la sécurité nécessaire pour le salarié.

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Me Luc KOUASSI

Juriste Consultant Bilingue | Formateur | Spécialiste en rédaction de contrats, d’actes extrajudiciaires, d’articles juridiques et des questions relatives au droit du travail | Politiste | Bénévole humanitaire.

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[1] Article 14.5, Code du travail ivoirien.

[2] Ibid.

[3] Décret n°96-195 du 7 mars 1996 relatif à l’engagement à l’essai et à la durée de la période d’essai, art. 2.

[4] Décret n°96-195 du 7 mars 1996 relatif à l’engagement à l’essai et à la durée de la période d’essai, art. 3.

[5] Convention collective interprofessionnelle, art. 14.

[6] KONE, Karamoko, Droit du travail ivoirien, CERAP Editions, 2020, p. 84.

[7] Décret n°96-195 du 7 mars 1996 relatif à l’engagement à l’essai et à la durée de la période d’essai, art. 2.

[8] Décret n°96-195 du 7 mars 1996 relatif à l’engagement à l’essai et à la durée de la période d’essai, art. 4

[9] Décret n°96-195 du 7 mars 1996 relatif à l’engagement à l’essai et à la durée de la période d’essai, art. 5.

[10] Convention collective interprofessionnelle, art. 14.

[11] Article 18.1, Code du travail ivoirien.

[12] DAOUDA, Kouakou, Le droit du travail ivoirien commenté, Les Classiques Africains, 2018, p. 133.

[13] TIA, Lucien, op. cit., p. 115.

[14] Article 5, Code du travail ivoirien.

[15] OIT, Convention n°111 sur la discrimination (emploi et profession), Genève, 1958.

[16] KONE, Karamoko, op. cit., p. 87.

[17] Décret n°96-195 du 7 mars 1996 relatif à l’engagement à l’essai et à la durée de la période d’essai, art. 7.

[18] Ibid.

[19] Convention collective interprofessionnelle, art. 14.

[20] Ibid.

Quelles sont les obligations de chacun lorsque le contrat est imprécis ?

Dans le monde des contrats, il est fréquent que les parties, emportées par l’urgence, la confiance mutuelle ou l’inexpérience juridique, concluent un accord sans en préciser tous les détails pratiques. Cette situation suscite une question importante : que se passe-t-il lorsque le contrat omet certaines précisions ? Qui supporte alors les obligations ? Quelles règles s’appliquent ?

En principe, le contrat est censé contenir l’ensemble des droits et obligations des parties, puisque celles-ci l’ont librement négocié et accepté. Cependant, il serait irréaliste d’exiger que chaque contrat détaille toutes les hypothèses possibles, tant la vie économique et sociale est pleine d’imprévus. Aucun rédacteur, aussi compétent soit-il, ne peut prévoir à l’avance la totalité des situations susceptibles d’intervenir au cours de l’exécution d’un contrat. Comme le rappelle la doctrine, « la vie contractuelle déborde toujours la volonté des parties »[1].

Même si les parties essaient d’anticiper un maximum de situations, elles ne peuvent matériellement pas tout envisager. Certaines hypothèses apparaîtront a posteriori, au fur et à mesure de l’exécution du contrat. La pratique montre que l’omission de stipulations essentielles provient :

  • De la rédaction hâtive et approximative du contrat, notamment entre particuliers.
  • De l’utilisation de modèles types sans adaptation à la situation précise.
  • De la confiance excessive entre les parties qui renoncent à toute formalisation détaillée.
  • De l’inexpérience ou l’ignorance des règles supplétives qui s’appliquent en l’absence de stipulations spécifiques.

Ainsi, comme l’enseignent les grands auteurs du droit des contrats, « la prévoyance absolue est impossible ; c’est pourquoi la loi complète toujours la volonté des parties »[2].

Face à l’imprécision du contrat, la loi joue un rôle de base. Elle prévoit un ensemble de règles dites « supplétives », c’est-à-dire des dispositions qui s’appliquent automatiquement lorsque le contrat reste silencieux sur un point précis. Ces règles supplétives viennent combler le vide contractuel et garantissent la sécurité juridique.

En matière de vente, par exemple, l’article 1651 du Code civil ivoirien et français prévoit que, sauf stipulation contraire, le prix doit être payé au moment de la délivrance[3]. De même, en matière de bail, l’article 1728 du Code civil ivoirien impose au locataire de payer le loyer même si le contrat n’a pas précisé la date exacte de paiement[4].

Ces règles supplétives sont nombreuses et couvrent tous les domaines du droit des contrats : vente, bail, prêt, mandat, etc. Elles permettent aux relations contractuelles de s’exécuter même lorsque le contrat n’est pas parfaitement rédigé.

Présentation du cas :Un couple de retraités vivant à Abidjan a décidé de vendre l’intégralité des livres de sa bibliothèque à un jeune étudiant en droit pour la somme de 550 000 FCFA. L’accord a été conclu rapidement, sans consultation d’un juriste, et la livraison des livres a été fixée à une semaine après la signature du contrat. Cependant, aucune clause n’a précisé les modalités de paiement de cette somme importante.

Les vendeurs, bien que confiants en la bonne foi de l’étudiant, s’interrogent sur leurs droits en l’absence de stipulation contractuelle claire concernant le paiement. L’acheteur doit-il payer avant la livraison, à la livraison, ou après ?

Analyse juridique : La réponse se trouve dans l’article 1651 du Code civil ivoirien, qui dispose que « le paiement du prix doit être fait au moment où la délivrance se fait »[5]. Cette disposition a un caractère supplétif. Cela signifie qu’elle s’applique uniquement si les parties n’en ont pas décidé autrement.

En l’espèce, le contrat étant silencieux, la règle légale supplétive s’appliquera. Ainsi, le jeune étudiant en droit n’a pour l’instant aucune obligation de payer tant que la livraison des livres n’a pas été effectuée. Le paiement sera donc exigible au moment où les vendeurs lui remettront effectivement les livres.

Cette situation révèle l’importance de rédiger un contrat complet et précis, même pour des transactions entre particuliers. Si les retraités avaient souhaité un paiement avant la livraison, il leur aurait fallu insérer une clause expresse à cet effet. La loi supplétive, protectrice de l’équilibre contractuel, impose en l’absence de précision un paiement concomitant à la délivrance.

Lorsque le contrat est imprécis ou lacunaire, le juge est habilité à interpréter la volonté des parties. Comme le dispose l’article 1156 du Code civil ivoirien, « On doit dans les conventions, rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes»[6]. Le juge devra donc rechercher ce que les parties ont réellement voulu au moment de la conclusion du contrat, même si cela n’a pas été formulé clairement.

Cette interprétation prend en compte :

  • Les usages locaux ou professionnels applicables.
  • Le comportement antérieur des parties.
  • La nature de l’opération contractuelle.
  • L’équité, en cas de silence complet et d’impossibilité d’identifier l’intention commune.

Si l’interprétation du juge ne permet pas de résoudre la difficulté, celui-ci peut compléter le contrat en y intégrant les obligations prévues par la loi. Comme l’expliquent les professeurs Terré, Simler et Lequette, «la loi supplée aux défaillances de la volonté pour assurer l’efficacité du contrat»[7].

Dans le cas de la vente de la bibliothèque, si un litige naissait concernant le paiement, le juge appliquerait la règle supplétive de l’article 1651. Il pourrait également apprécier la bonne foi des parties, principe général du droit des contrats (article 1104 du Code civil français et article 1134 alinéa 3 du Code civil ivoirien), pour sanctionner une partie qui agirait de manière abusive ou dilatoire.

Pour éviter les incertitudes et l’intervention du juge, il est recommandé de :

  • Lister toutes les obligations principales et accessoires dans le contrat.
  • Préciser les modalités de paiement, de livraison et de sanction en cas d’inexécution.
  • Faire relire le projet de contrat par un juriste professionnel, même pour des ventes entre particuliers.
  • Insérer des clauses supplétives utiles, comme la date précise de paiement, les intérêts en cas de retard, et les modalités de résiliation anticipée.

Toute personne concluant un contrat doit connaître les règles supplétives applicables au type de contrat en cause. Ces règles varient selon qu’il s’agit d’une vente, d’un bail, d’un prêt ou d’un mandat. Les ouvrages doctrinaux, tels que Les obligations de Ph. Malaurie et L. Aynès, apportent un éclairage précieux à ce sujet[8].

L’imprécision contractuelle n’est jamais fatale. Le droit des contrats a prévu des mécanismes destinés à assurer la continuité et l’efficacité des relations juridiques : règles supplétives, pouvoir d’interprétation du juge, et principes généraux comme la bonne foi et l’équité. Toutefois, il reste préférable de rédiger des contrats complets et précis pour éviter toute insécurité juridique. La consultation d’un professionnel du droit demeure un investissement indispensable pour prévenir tout contentieux ultérieur.

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Me Luc KOUASSI

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[1] F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Les obligations, Dalloz, 12e éd., 2018, p. 312.

[2] G. Cornu, Droit civil – Les obligations, Montchrestien, 14e éd., 2012, p. 124.

[3] Code civil ivoirien & français, art. 1651.

[4] Code civil ivoirien, art. 1728.

[5] Code civil ivoirien, art. 1651.

[6] Code civil ivoirien, art. 1156.

[7] F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Les obligations, op. cit., p. 319.

[8] Ph. Malaurie et L. Aynès, Les obligations, LGDJ, 12e éd., 2021, p. 111.

Résumé du webinaire du 11 juillet 2025 sur le thème : « Le raisonnement juridique ».

Le vendredi 11 juillet 2025, à partir de 19 heures, s’est tenu un webinaire organisé par le Cabinet LDJ SARL, autour du thème central « Le raisonnement juridique ». Cet événement a rassemblé plus d’une quinzaine de participants, majoritairement des étudiants en droit, des stagiaires juristes et des praticiens désireux de renforcer leur maîtrise des mécanismes fondamentaux du raisonnement juridique, compétence incontournable pour tout juriste souhaitant développer rigueur, crédibilité et professionnalisme dans l’analyse des situations de droit.

La formation a été assurée par Maître Luc KOUASSI, juriste consultant polyglotte, formateur et mentor en rédaction scientifique. Il était assisté dans la modération de la session par Monsieur CAMARA, stagiaire au sein du Cabinet, qui a facilité la fluidité des échanges, la gestion des interventions et la prise en compte des questions des participants. Leur dynamisme et leur complémentarité ont contribué à créer une atmosphère interactive, bienveillante et studieuse tout au long de la rencontre.

Ce webinaire avait pour ambition de familiariser les participants aux mécanismes essentiels du raisonnement juridique, afin de leur permettre d’adopter une posture intellectuelle rigoureuse, de développer une méthode d’analyse cohérente et de renforcer leur capacité d’argumentation. L’approche pédagogique choisie reposait sur une progression structurée, subdivisée en trois modules principaux, chacun décliné en sections complémentaires. Cette méthodologie a permis aux apprenants de comprendre progressivement la nature du raisonnement juridique, ses structures formelles et sa mise en œuvre pratique.

Ce premier module a posé les bases indispensables à la maîtrise du raisonnement juridique, en initiant les participants aux réflexes intellectuels fondamentaux que tout juriste doit développer.

Dans la première section, Maître Luc Kouassi a insisté sur la nécessité, avant toute formulation de réponse juridique, de suivre un processus intellectuel rigoureux. Celui-ci commence par une compréhension claire du sujet : identifier la question de droit posée, distinguer l’essentiel de l’accessoire, délimiter le problème à résoudre et en cerner les enjeux. La deuxième étape consiste à rechercher les éléments de réponse, notamment dans les textes légaux applicables, la jurisprudence pertinente et la doctrine. Vient ensuite la formulation d’une réponse claire, motivée et structurée, qui doit être cohérente et complète. Enfin, la dernière étape consiste à évaluer la solidité de l’argumentation, en s’assurant qu’elle repose sur des bases juridiques fondées, tout en anticipant les éventuelles objections.

Dans la deuxième section, pour illustrer concrètement la démarche intellectuelle en droit, l’intervenant a proposé un exercice pratique basé sur la question : « Que pensez-vous du divorce ? ». Cet exemple a permis de montrer la différence fondamentale entre une simple opinion personnelle, souvent fondée sur la morale, la religion ou l’émotion, et une analyse juridique structurée, reposant sur la loi et la jurisprudence. L’objectif était de démontrer que le raisonnement juridique consiste à mobiliser des règles de droit applicables, à qualifier juridiquement les faits et à déduire une solution conforme au cadre légal, tout en justifiant chaque étape de la réflexion.

La troisième section a été consacrée aux techniques de discussion et d’argumentation en droit. Maître Luc a exposé quatre principales méthodes : le raisonnement par analogie, qui consiste à appliquer à une situation non prévue une solution déjà reconnue pour une situation similaire ; le raisonnement a fortiori, qui permet de déduire une conclusion plus évidente à partir d’une solution déjà admise ; le raisonnement a contrario, qui exclut l’application d’une règle à un cas non prévu en raison de son silence ou de sa formulation restrictive ; et l’argument de contradiction, qui consiste à confronter deux propositions pour démontrer l’incohérence ou la faiblesse logique d’une position. Ces techniques, indispensables dans le raisonnement juridique, permettent au juriste d’étayer son argumentation, de convaincre son interlocuteur et d’adopter une posture méthodique et critique.

Le deuxième module a été entièrement consacré au syllogisme juridique, présenté comme la structure logique classique du raisonnement en droit. Maître Luc a expliqué que le syllogisme juridique se compose de trois éléments :

  1. La majeure, qui énonce la règle de droit générale applicable à la situation donnée.
  2. La mineure, qui présente les faits précis du cas d’espèce, à confronter à la règle.
  3. La conclusion, qui applique la règle aux faits et en déduit la solution juridique.

Pour illustrer cette méthode, un cas pratique inspiré de la jurisprudence en droit des personnes a été proposé. Il s’agissait d’une décision rendue par la première chambre civile de la Cour de cassation le 10 décembre 1985. Les faits concernaient un homme ayant souscrit une assurance-vie prévoyant qu’en cas de décès, une somme serait versée à son épouse, majorée de 30 % par enfant à charge vivant au foyer. L’homme est décédé alors que son épouse était enceinte. La question posée était de savoir si l’enfant à naître pouvait être considéré comme « à charge » pour l’application de la majoration.

Dans l’analyse, la majeure posait la règle selon laquelle la majoration s’applique pour chaque enfant à charge vivant au foyer de l’assuré. La mineure constatait que l’enfant était conçu au moment du décès et est né vivant et viable. La conclusion déduisait que l’enfant devait être considéré comme à charge, et que la majoration était donc applicable. Cet exercice a permis de démontrer l’efficacité du syllogisme juridique pour résoudre des difficultés pratiques avec rigueur et logique.

La dernière section du module a encouragé les participants à poursuivre l’apprentissage en autonomie à travers l’étude de l’arrêt Nikon rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 2 octobre 2001. Cette démarche visait à renforcer leur capacité d’analyse jurisprudentielle et leur autonomie méthodologique.

Le troisième module portait sur la qualification juridique, présentée comme une étape essentielle dans tout raisonnement juridique. Maître Luc a expliqué que la qualification consiste à attribuer à un fait, une situation, un objet ou une relation une catégorie juridique précise, permettant de déterminer le régime applicable et d’en déduire les conséquences de droit.

Dans la première section, l’intervenant a exposé plusieurs exemples concrets. Il a notamment montré qu’un chien, bien que considéré comme un bien meuble au sens de l’article 528 du Code civil, est soumis à un régime spécifique en tant qu’être vivant doué de sensibilité. De même, un robot aspirateur ou un robot ménager pose la question de sa qualification en tant que meuble corporel, objet connecté ou appareil domestique, selon ses fonctions et son utilisation. Un autre exemple concernait le dépassement dangereux sur une ligne blanche, impliquant la qualification de la personne (le conducteur), de la chose (le véhicule) et de l’acte (la manœuvre).

Dans la deuxième section, la méthodologie de qualification a été détaillée selon trois contextes d’application : en cas pratique, où il s’agit d’analyser les faits pour leur attribuer la bonne qualification ; dans une fiche d’arrêt, où l’on observe comment le juge a qualifié les faits pour appliquer la règle de droit ; et dans une consultation juridique, où le juriste interprète les faits exposés par le client pour proposer la qualification appropriée et en tirer les conséquences légales. L’intervenant a insisté sur le fait que la qualification n’est jamais automatique et qu’elle requiert une analyse rigoureuse et méthodique.

La dernière section a abordé le rôle du juge dans le contrôle et la rectification de la qualification juridique. Maître Luc a expliqué que le juge dispose d’un pouvoir souverain de qualification et de requalification. Il peut ainsi confirmer la qualification retenue par une partie, la corriger s’il l’estime erronée, ou en substituer une autre plus conforme aux faits du dossier et aux catégories prévues par la loi. Cette prérogative du juge garantit la juste application du droit et constitue un enjeu stratégique majeur pour tout praticien.

La session s’est conclue par une riche séance de questions-réponses, au cours de laquelle les participants ont posé des questions pertinentes sur la méthodologie de raisonnement, les techniques de qualification et l’application pratique du syllogisme dans différents domaines du droit. Maître Luc s’est appliqué à répondre avec clarté, précision et pédagogie, consolidant ainsi la compréhension des notions abordées et renforçant la satisfaction des apprenants.

En définitive, ce webinaire a permis aux participants d’acquérir une compréhension solide, progressive et opérationnelle du raisonnement juridique. Ils repartent enrichis d’une méthodologie rigoureuse et structurée, leur permettant de traiter les faits avec précision, d’argumenter avec méthode et de développer une posture intellectuelle critique et crédible.

Le Cabinet LDJ SARL, fidèle à sa mission de formation pratique et professionnalisante, réaffirme à travers cette session son engagement à accompagner la nouvelle génération de juristes africains, en leur offrant des formations de qualité, adaptées aux réalités académiques et professionnelles, pour leur réussite et leur insertion durable dans le monde juridique.

100 sujets de mémoire originaux en droit privé et droit public

Dans la recherche juridique, certaines matières sont souvent négligées, bien qu’elles constituent des domaines prometteurs d’étude et d’expertise. Qu’il s’agisse de branches émergentes ou spécialisées, elles offrent un terrain fertile pour des mémoires originaux et à forte valeur ajoutée. Cet article propose 100 sujets innovants dans 10 matières moins explorées du droit privé et public, pour inspirer étudiants, chercheurs et praticiens.

  1. La responsabilité médicale en téléconsultation
  2. La confidentialité des données de santé sur les applications mobiles
  3. La gestation pour autrui à visée thérapeutique : cadre juridique comparé
  4. L’accès équitable aux innovations biomédicales en Afrique
  5. La bioéthique et l’édition génétique (CRISPR-Cas9)
  6. La protection juridique du patient atteint de maladies rares
  7. Le consentement éclairé à l’ère des tests ADN commerciaux
  8. Les conflits d’intérêts dans la recherche médicale
  9. La cybersécurité des dossiers médicaux électroniques
  10. Le droit à l’oubli en matière de santé mentale

  1. La responsabilité environnementale des exploitants portuaires
  2. La piraterie maritime et la sécurisation juridique du transport international
  3. Le dumping des navires : problématiques juridiques
  4. La gestion juridique des déchets marins par les ports africains
  5. La domanialité publique maritime et les investissements privés
  6. La prévention des collisions en mer et les assurances maritimes
  7. Le pavillon de complaisance et la protection des marins
  8. La régulation juridique des zones portuaires franches
  9. La cybersécurité des systèmes logistiques portuaires
  10. Le transport maritime des matières dangereuses : cadre normatif

  1. La digitalisation des actes notariés : enjeux et perspectives
  2. Le rôle du notaire dans la prévention des litiges successoraux
  3. La protection des personnes vulnérables par l’intervention notariale
  4. La déontologie notariale face aux nouveaux services en ligne
  5. Le notaire et la légalisation des actes électroniques transfrontaliers
  6. L’authentification notariale des smart contracts
  7. La responsabilité notariale en cas de fraude documentaire numérique
  8. La médiation notariale : un mode amiable de règlement des différends
  9. Le notariat et la planification successorale islamique
  10. L’éthique notariale et le blanchiment d’argent

  1. La détermination de la loi applicable au divorce international
  2. La circulation des décisions d’adoption internationale en Afrique
  3. La protection des enfants issus de la gestation pour autrui transfrontalière
  4. La reconnaissance des mariages coutumiers dans un contexte international
  5. Le conflit de lois en matière de filiation internationale
  6. Le droit de visite transfrontalier et le déplacement illicite d’enfants
  7. La succession internationale et la réserve héréditaire
  8. La protection juridique des femmes migrantes mariées à l’étranger
  9. La répudiation et l’ordre public international
  10. Les unions polygamiques face au droit international privé

  1. La protection juridique des œuvres générées par intelligence artificielle
  2. Les brevets sur les inventions biotechnologiques
  3. La contrefaçon numérique et les plateformes de streaming
  4. La titularité des droits d’auteur sur les NFT artistiques
  5. La protection juridique des bases de données algorithmiques
  6. Le droit moral et les créations virtuelles
  7. Les smart contracts et la gestion automatisée des licences
  8. La valorisation des actifs immatériels dans les entreprises numériques
  9. Les marques sonores et olfactives à l’ère numérique
  10. La cybersurveillance des atteintes à la propriété intellectuelle

  1. L’appropriation privée de l’espace extra-atmosphérique
  2. La responsabilité des États en cas de dommages causés par des satellites
  3. La régulation des débris spatiaux
  4. La protection juridique des ressources spatiales
  5. La gouvernance mondiale de l’exploration lunaire
  6. Le droit des télécommunications satellitaires en Afrique
  7. La sécurité spatiale et le droit international humanitaire
  8. La privatisation des activités spatiales : enjeux juridiques
  9. La cybersécurité des infrastructures spatiales
  10. La coopération internationale pour la surveillance de l’espace

  1. La gratuité de l’enseignement supérieur : mythe ou réalité ?
  2. Le droit à l’éducation inclusive des enfants handicapés
  3. La dématérialisation de l’enseignement et l’égalité des chances
  4. L’autonomie des universités publiques : étude comparative
  5. L’accès équitable aux bourses publiques en Afrique
  6. La responsabilité de l’État pour échec scolaire massif
  7. La discipline universitaire et le respect des droits fondamentaux
  8. L’éducation civique obligatoire et la formation à la citoyenneté numérique
  9. L’impact juridique des écoles privées confessionnelles
  10. La régulation juridique des enseignements à distance transfrontaliers

  1. La sécurisation foncière des terres rurales en Afrique
  2. La domanialité publique et l’investissement privé
  3. La régularisation des occupations irrégulières des terres publiques
  4. Le domaine public numérique
  5. La protection des terres autochtones et coutumières
  6. La réforme foncière et la gouvernance territoriale
  7. La fiscalité foncière et l’aménagement urbain durable
  8. Les concessions domaniales et le développement économique
  9. Le contentieux de l’expropriation pour cause d’utilité publique
  10. Le foncier urbain et la lutte contre les bidonvilles

  1. Le vote électronique : enjeux et risques juridiques
  2. La parité hommes-femmes dans les listes électorales
  3. Les candidatures indépendantes et la démocratie pluraliste
  4. Le contentieux électoral numérique
  5. La régulation des financements électoraux en Afrique francophone
  6. La transparence des commissions électorales indépendantes
  7. La fraude électorale numérique et la cybersécurité
  8. Le droit de vote des diasporas africaines
  9. L’annulation des élections pour irrégularité matérielle
  10. La limitation du nombre de mandats présidentiels en Afrique

  1. La gouvernance algorithmique dans l’administration publique
  2. La legal tech et la transformation du service public de la justice
  3. L’innovation administrative pour la réalisation des ODD
  4. La blockchain comme outil de transparence publique
  5. L’administration intelligente (smart government)
  6. La protection des données dans l’innovation administrative
  7. Le financement participatif des projets publics (crowdfunding public)
  8. Les laboratoires d’innovation publique : cadre juridique
  9. L’éthique de l’intelligence artificielle dans la décision publique
  10. L’open data et la participation citoyenne

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Le contrat de travail en droit ivoirien : définition, formalisme, exécution et modification

Le contrat de travail est l’instrument juridique fondateur de toute relation salariale. Il organise la collaboration entre un employeur et un salarié, fixe les droits et obligations de chaque partie et détermine le cadre légal dans lequel cette collaboration s’exerce. En Côte d’Ivoire, le Code du travail consacre plusieurs dispositions détaillées sur la définition, la formation, l’exécution et la modification du contrat de travail. Ces règles traduisent la volonté du législateur d’encadrer la relation de travail tout en laissant une marge de flexibilité aux parties contractantes.

L’article 14.1 du Code du travail ivoirien définit le contrat de travail comme un accord de volontés par lequel une personne physique s’engage à mettre son activité professionnelle sous la direction et l’autorité d’une autre personne physique ou morale, moyennant rémunération[1]. Cette définition reprend l’essence même du contrat de travail : la subordination juridique, caractérisée par le pouvoir de direction, de contrôle et de sanction de l’employeur[2]. Ainsi, contrairement aux contrats civils d’entreprise ou de prestation de services, le contrat de travail suppose toujours un lien de subordination qui distingue le salarié de l’entrepreneur indépendant[3].

La loi ivoirienne consacre un principe de liberté de forme en matière de contrat de travail. Selon l’article 14.2, le contrat peut être passé « librement dans les formes qu’il convient aux parties contractantes d’adopter »[4]. Cela signifie que le contrat peut être conclu verbalement ou par écrit, sous réserve des dispositions spécifiques imposant la forme écrite dans certains cas, notamment pour les contrats à durée déterminée[5]. Cette liberté s’inscrit dans la tradition juridique francophone qui privilégie la liberté contractuelle tout en veillant à la protection des parties les plus faibles, notamment les travailleurs.

Le contrat de travail peut être conclu pour une durée déterminée ou indéterminée conformément à l’article 14.3 du Code du travail ivoirien[6]. Le contrat à durée indéterminée (CDI) reste la forme normale et générale de la relation de travail, garantissant stabilité et sécurité au salarié. Le contrat à durée déterminée (CDD), quant à lui, est réservé aux cas limitativement énumérés par la loi, tels que l’accroissement temporaire d’activité, le remplacement d’un salarié absent ou l’exécution de travaux saisonniers[7]. Cette distinction essentielle a des implications sur les droits des salariés, notamment en matière de licenciement et de renouvellement du contrat.

Bien que la loi ne fixe pas de formalisme obligatoire, la Convention collective interprofessionnelle ivoirienne[8] et le décret n° 96-287 du 3 avril 1996[9] imposent un contenu minimal pour le contrat de travail écrit. Ce contenu doit comporter :

  • L’identité du travailleur et de l’employeur
  • La date et le lieu d’engagement
  • La classification professionnelle du salarié
  • Le salaire convenu ainsi que ses accessoires (primes, avantages en nature, indemnités diverses)
  • La durée éventuelle de la période d’essai
  • La nature du contrat (CDD ou CDI) et sa durée, s’il est à durée déterminée

Ces mentions permettent d’assurer la transparence de la relation de travail et servent de preuve en cas de litige.

Durant l’exécution du contrat de travail, le salarié est tenu d’accomplir personnellement et avec soin le travail pour lequel il a été engagé[10]. Il doit ainsi respecter les instructions de l’employeur et exécuter sa prestation dans les conditions convenues au contrat, sauf en cas d’urgence ou de péril où il peut être affecté temporairement à une autre tâche[11]. Cette obligation d’exécution loyale découle du lien de subordination qui caractérise la relation de travail[12].

En contrepartie, l’employeur a l’obligation de fournir le travail convenu dans les conditions stipulées au contrat. Il doit veiller à ce que le salarié exerce ses fonctions dans un environnement respectant la dignité humaine, la sécurité et la santé au travail[13]. L’employeur est également tenu de verser la rémunération prévue dans le contrat, celle-ci constituant la cause principale de l’engagement du salarié[14].

Le Code du travail ivoirien distingue la simple modification des conditions de travail, qui relève du pouvoir de direction de l’employeur, de la modification substantielle du contrat, qui nécessite l’accord du salarié[15]. Par exemple, un changement d’horaires dans le cadre des plages normales peut être imposé par l’employeur, mais une mutation géographique affectant les conditions essentielles de travail doit recueillir le consentement du salarié[16].

L’article 16.6 alinéa 2 précise que toute modification substantielle du contrat requiert l’accord préalable du salarié[17]. Ce principe protège le salarié contre les changements unilatéraux susceptibles d’affecter son statut, sa rémunération, sa qualification ou ses avantages acquis. Toutefois, la loi ivoirienne ne prévoit pas de procédure spécifique pour recueillir cet accord, laissant aux parties la liberté de formaliser leur entente par écrit ou verbalement, bien que la preuve écrite soit toujours préférable en cas de contestation[18].

En cas de refus légitime du salarié, l’employeur ne peut imposer la modification. Si l’employeur persiste et rompt le contrat, il s’agira alors d’un licenciement qui doit obéir à la procédure légale et ouvrir droit, sauf faute grave, à indemnité de licenciement et de préavis[19].

Le contrat de travail ivoirien se caractérise par une grande souplesse formelle mais demeure encadré sur le fond afin de protéger l’équilibre de la relation salariale. Sa définition, son exécution et sa modification traduisent la recherche d’un juste milieu entre la liberté contractuelle de l’employeur et la protection du salarié contre tout abus lié à la relation de subordination. La maîtrise de ces dispositions est essentielle tant pour les praticiens du droit que pour les employeurs et travailleurs, dans un contexte où le contrat de travail constitue la pierre angulaire de la régulation des relations professionnelles en Côte d’Ivoire.

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Me Luc KOUASSI

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[1] Article 14.1, Code du travail ivoirien.

[2] TIA, Lucien, Traité de droit du travail ivoirien, L’Harmattan, 2019, p. 88.

[3] KONE, Karamoko, Droit du travail ivoirien, Abidjan : CERAP Editions, 2020, p. 56.

[4] Article 14.2, Code du travail ivoirien.

[5] DAOUDA, Kouakou, Le droit du travail ivoirien commenté, Les Classiques Africains, 2018, p. 102.

[6] Article 14.3, Code du travail ivoirien.

[7] Ibid.

[8] Convention collective interprofessionnelle ivoirienne, art. 13.

[9] Décret n° 96-287 du 3 avril 1996 fixant les mentions obligatoires du contrat de travail.

[10] Article 16.3, Code du travail ivoirien.

[11] Article 16.6 al. 1, Code du travail ivoirien.

[12] TIA, Lucien, op. cit., p. 93.

[13] OIT, Convention n°155 sur la sécurité et la santé des travailleurs, Genève, 1981.

[14] Article 23.1, Code du travail ivoirien.

[15] Article 16.6 al. 2, Code du travail ivoirien.

[16] DAOUDA, Kouakou, op. cit., p. 110.

[17] Article 16.6 al. 2, Code du travail ivoirien.

[18] KONE, Karamoko, op. cit., p. 61.

[19] Article 18.10, Code du travail ivoirien.

Peut-on imposer des obligations non prévues par le contrat ?

Le principe fondamental du droit des contrats en droit civil, aussi bien ivoirien que français, énonce que « le contrat est la loi des parties ». Cette formule consacrée signifie que le contrat crée des obligations juridiques entre les parties qui l’ont librement conclu, et que ces obligations s’imposent à elles comme la loi elle-même. Ainsi, même lorsque les stipulations d’un contrat sont désavantageuses pour l’une des parties, celles-ci s’appliquent dès lors qu’elles ont été librement consenties et ne sont pas contraires à la loi ou à l’ordre public[1].

Cependant, ce principe d’autonomie de la volonté, qui fonde la force obligatoire du contrat, connaît d’importantes atténuations et limites. En effet, il arrive que la réalité contractuelle crée une situation d’inégalité manifeste entre les parties, notamment lorsque l’une d’elles se trouve en situation de faiblesse économique, juridique ou psychologique. C’est le cas, par exemple, du consommateur face au professionnel, du salarié face à l’employeur, ou du client profane face à une banque ou un professionnel du droit.

Dans de telles situations, la question se pose de savoir si la loi ou le juge peuvent imposer à une partie des obligations qui ne sont pas expressément prévues par le contrat, dans un souci d’équité, de justice contractuelle ou de protection des plus faibles. La réponse est positive, mais elle mérite une analyse approfondie, tant les conditions d’une telle imposition sont strictes et encadrées par la jurisprudence et la doctrine.

Le principe de la force obligatoire du contrat est énoncé en droit ivoirien par l’article 1134 alinéa 1er du Code civil, aux termes duquel « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites »[2]. Ce principe est également consacré en droit français à l’article 1103 du Code civil, issu de l’ordonnance de réforme du droit des contrats de 2016.

Cette règle signifie que les obligations contractuelles sont celles que les parties ont expressément stipulées. Les juges ne peuvent en principe ajouter de nouvelles obligations à celles qui résultent de l’accord de volonté, sous peine de méconnaître le principe d’autonomie contractuelle, pilier du droit des obligations[3].

Cependant, ce principe connaît des exceptions. En effet, certains textes du Code civil imposent aux parties des obligations qui ne sont pas nécessairement stipulées dans le contrat, mais qui sont inhérentes à sa nature ou qui résultent de l’équité, de l’usage ou de la loi. Ainsi, l’article 1135 du Code civil ivoirien dispose que « Les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature »[4][5]. Le Code civil français reprend exactement la même formulation à l’article 1194.

De plus, l’article 1104 du Code civil français dispose que « Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi », règle qualifiée d’ordre public[6]. Le droit ivoirien exprime la même exigence dans l’article 1134 alinéa 3. Cela signifie que même si une obligation n’a pas été stipulée, elle peut être imposée par le juge dès lors qu’elle découle de la bonne foi contractuelle.

Les obligations imposées aux parties par le juge, sans qu’elles aient été prévues expressément dans le contrat, sont qualifiées d’obligations accessoires. Elles sont inhérentes à la nature du contrat ou résultent des usages professionnels. Elles visent à assurer l’efficacité et la moralité des rapports contractuels, ainsi qu’à protéger la partie faible.

La jurisprudence française et ivoirienne impose ainsi de nombreuses obligations accessoires, notamment :

  • L’obligation de sécurité : dans les contrats de transport, l’organisateur est tenu d’assurer la sécurité des passagers, même si cette obligation n’est pas stipulée[7][8].
  • L’obligation de renseignement et d’avertissement : la banque doit avertir l’emprunteur profane des risques d’une opération financière complexe[9].
  • L’obligation de conseil : le professionnel (banquier, notaire, avocat, médecin) doit conseiller son client profane de manière adaptée à sa situation[10].
  • L’obligation de surveillance : par exemple, la banque qui loue un coffre-fort doit veiller à sa sécurité[11].
  • L’obligation de loyauté et de bonne foi : chaque partie doit coopérer loyalement à l’exécution du contrat, même si le texte ne le précise pas.

Ces obligations trouvent leur fondement dans l’article 1135 du Code civil ivoirien et l’article 1194 du Code civil français, qui imposent aux parties de respecter les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent au contrat[12]. Elles découlent également du principe de bonne foi contractuelle, consacré par l’article 1104 du Code civil français et l’article 1134 alinéa 3 du Code civil ivoirien.

Présentation des faits : M. AZALAKAPINHOU, homme âgé et sans emploi, a été sollicité par un professionnel de l’immobilier peu scrupuleux qui l’a incité à investir dans un projet aléatoire nécessitant un emprunt bancaire. Malgré sa précarité financière et l’absence de perspectives professionnelles, une banque lui a accordé un prêt de 30.000.000 FCFA. Incapable de rembourser, il fait désormais l’objet d’une procédure de saisie immobilière de son bien.

Analyse juridique : Dans cette affaire, la banque a-t-elle manqué à une obligation non stipulée mais qui s’imposait à elle ? La réponse est oui. La jurisprudence française considère depuis l’arrêt « Vilgrain » (Cass. com. 27 janvier 1998) que la banque a une obligation d’avertissement à l’égard de l’emprunteur profane. Elle doit vérifier sa capacité financière et l’avertir des risques de l’opération[13].

Ainsi, même si le contrat de prêt conclu entre M. AZALAKAPINHOU et la banque ne contenait aucune clause imposant à la banque de l’avertir, cette obligation lui était imposée par la jurisprudence au nom de la protection du consommateur et de l’équité contractuelle.

Conséquences pratiques : En cas de manquement à cette obligation d’avertissement, la banque engage sa responsabilité contractuelle. Elle peut être condamnée à indemniser l’emprunteur pour le préjudice subi, tel que la perte de son bien immobilier ou l’aggravation de son endettement. Le juge appréciera souverainement le montant de l’indemnisation, en fonction de la gravité de la faute et des conséquences économiques pour la victime[14].

Il convient de souligner que toutes les obligations accessoires ne sont pas imposées par le juge. Le sentiment d’injustice ressenti par une partie ne suffit pas. Le juge impose ces obligations uniquement lorsqu’elles résultent de la nature du contrat, des usages professionnels ou des exigences de bonne foi et d’équité. Elles ne doivent pas être contraires à l’autonomie de la volonté, principe fondamental du droit des contrats[15].

Pour éviter des surprises ou des sanctions financières lourdes, il est essentiel de consulter un professionnel du droit (avocat ou juriste spécialisé) avant de conclure un contrat important, notamment lorsqu’il engage des sommes importantes ou qu’il est conclu avec un professionnel plus expérimenté.

L’idée selon laquelle le contrat crée uniquement les obligations expressément prévues par ses clauses est inexacte. Certes, le contrat est la loi des parties, mais cette loi contractuelle s’intègre dans l’ordre juridique global, qui impose des obligations inhérentes à la nature du contrat, à l’équité et à la bonne foi. La jurisprudence a ainsi dégagé un ensemble d’obligations accessoires, telles que l’obligation de conseil, de renseignement ou de loyauté, destinées à moraliser les relations contractuelles et à protéger la partie la plus faible.

Il convient donc, dans toute relation contractuelle, de veiller non seulement à la rédaction précise des clauses mais aussi au respect des obligations implicites imposées par la loi et la jurisprudence. C’est à cette condition que le contrat pourra pleinement produire ses effets dans un climat de sécurité juridique, d’équité et de loyauté.

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[1] Ph. Malaurie et L. Aynès, Les obligations, LGDJ, 12e éd., 2021, p. 110.

[2] Code civil ivoirien, art. 1134.

[3] Y. Lequette, Droit des contrats, PUF, 2018, p. 97.

[4] Code civil ivoirien, art. 1135.

[5] Code civil français, art. 1194.

[6] Code civil français, art. 1104.

[7] Cass. civ. 1ère, 21 nov. 1968, Bull. civ. I, n° 366.

[8] J. Ghestin, Traité de droit civil, La formation du contrat, LGDJ, 1993, p. 978.

[9] Cass. com. 27 janv. 1998, n° 95-18692, Vilgrain.

[10] B. Teyssié, Droit des obligations, LexisNexis, 2020, p. 421.

[11] Cass. civ. 1ère, 15 nov. 1988, Bull. civ. I, n° 318.

[12] F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Les obligations, Dalloz, 12e éd., 2018, p. 321.

[13] Cass. com. 27 janv. 1998, préc.

[14] Cass. com. 23 janv. 2007, n° 05-17200.

[15] J. Mestre, Les obligations, Dalloz, 2019, p. 212.

L’accès à l’emploi en droit ivoirien : la liberté de recrutement, le débauchage illicite et la clause de non-concurrence

L’accès à l’emploi, en tant que première étape du rapport de travail, est un domaine hautement encadré par le législateur ivoirien, qui cherche à concilier la liberté d’entreprendre des employeurs et la protection des travailleurs contre certaines dérives. La législation du travail, notamment dans son volet relatif au recrutement, illustre parfaitement cet équilibre. Cet article se propose d’analyser, dans une perspective scientifique et pédagogique, la liberté d’embaucher, l’interdiction du débauchage illicite et la clause de non-concurrence telles qu’organisées par le Code du travail ivoirien.

La liberté d’embauche est un corollaire de la liberté d’entreprendre. Elle signifie que tout employeur est libre de choisir ses collaborateurs selon ses besoins et la politique de développement de son entreprise. L’article 11.1 du Code du travail ivoirien consacre explicitement cette liberté en prévoyant que l’employeur peut embaucher directement ses travailleurs[1]. Il peut également recourir aux services de l’organisme public de placement (notamment l’Agence Emploi Jeunes) ou à ceux des bureaux ou offices privés de placement agréés[2]. Cette liberté assure la fluidité du marché du travail et permet à l’employeur d’adapter son personnel aux évolutions technologiques et économiques.

Cependant, cette liberté n’est pas absolue. Elle est encadrée par un ensemble de mesures destinées à protéger l’accès des nationaux à l’emploi. Ainsi, avant tout recrutement, l’employeur doit effectuer une déclaration de vacance de poste auprès de l’organisme public de placement[3]. Cette formalité administrative permet aux autorités de disposer de statistiques fiables sur les emplois disponibles et de réguler l’offre et la demande d’emploi. Par ailleurs, l’employeur est tenu de publier l’offre dans un quotidien national à grand tirage. L’objectif est de garantir une diffusion large et accessible à tous les candidats potentiels, contribuant ainsi à l’égalité des chances sur le marché du travail[4].

La législation ivoirienne établit un principe de priorité nationale. Ainsi, ce n’est qu’à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la première publication de l’offre d’emploi et si aucun national ne satisfait au profil requis, que l’employeur peut recruter un travailleur étranger[5]. Cette règle traduit la volonté du législateur de protéger l’emploi des nationaux, tout en maintenant une ouverture raisonnée au recrutement international lorsque la compétence requise n’est pas disponible localement. Ce mécanisme d’équilibre est conforme aux standards internationaux qui recommandent aux États de veiller prioritairement à l’insertion professionnelle de leurs ressortissants tout en évitant toute discrimination excessive à l’égard des étrangers qualifiés[6].

Le débauchage illicite désigne la situation dans laquelle un employeur engage un travailleur qui a rompu de façon abusive son contrat de travail avec un précédent employeur. Le législateur ivoirien, à travers l’article 14.7 du Code du travail, incrimine ce comportement en instituant une responsabilité solidaire du nouvel employeur avec le travailleur fautif[7]. Cette disposition vise à protéger la stabilité des contrats de travail et à prévenir la concurrence déloyale entre entreprises.

Trois hypothèses sont prévues par la loi. La première survient lorsque le nouvel employeur est intervenu activement dans le processus de débauchage, par exemple en incitant le salarié à rompre son contrat sans respecter la procédure de démission[8]. La deuxième concerne le cas où l’employeur recrute sciemment un salarié encore lié par un contrat de travail en cours. À cet égard, le nouvel employeur a l’obligation de vérifier la situation juridique du candidat avant son embauche[9]. Enfin, la troisième hypothèse correspond au maintien du salarié à son poste par le nouvel employeur après avoir appris que celui-ci était toujours lié à son ancien employeur. Cependant, la responsabilité n’est pas engagée si, à la date où l’employeur est averti, le contrat de travail initial est arrivé à expiration, soit par terme (pour un CDD), soit par expiration du préavis, ou si un délai de quinze jours s’est écoulé depuis la rupture du contrat[10].

Cette réglementation s’explique par la nécessité d’assurer la sécurité juridique des relations de travail. Le contrat de travail, en tant qu’accord bilatéral, crée des obligations réciproques dont la violation peut causer un préjudice économique à l’entreprise. La solidarité instaurée par l’article 14.7 sanctionne le comportement du nouvel employeur qui, en profitant d’une rupture abusive, participe indirectement au dommage subi par l’ancien employeur[11]. Elle vise également à promouvoir une éthique des affaires fondée sur la loyauté et la concurrence saine.

Le Code du travail ivoirien reconnaît au salarié la liberté d’exercer, en dehors de son temps de travail, toute activité professionnelle qui ne concurrence pas son employeur et n’entrave pas l’exécution correcte de ses obligations principales[12]. Cette disposition consacre le principe de liberté du travail, permettant au salarié de diversifier ses sources de revenus, notamment dans un contexte socio-économique marqué par la recherche de la pluriactivité pour faire face aux charges sociales et familiales[13].

En revanche, l’article 16.5 du Code du travail interdit formellement toute clause interdisant au salarié d’exercer une quelconque activité à l’expiration de son contrat[14]. Une telle clause est frappée de nullité absolue. Cette prohibition vise à préserver la liberté fondamentale du travailleur d’exercer une activité professionnelle pour subvenir à ses besoins après la rupture de son contrat de travail[15]. Elle empêche ainsi l’employeur d’imposer une forme d’asservissement économique au-delà de la relation contractuelle.

Il convient toutefois de préciser qu’une clause de non-concurrence peut être admise si elle répond à des conditions strictes de validité, notamment la limitation dans le temps et dans l’espace ainsi que le versement d’une contrepartie financière au salarié, conditions exigées par la jurisprudence et la doctrine comparée en droit OHADA et français[16][17]. Cette position, bien que non explicitement prévue par le Code du travail ivoirien, s’inscrit dans une logique de protection équilibrée des intérêts légitimes de l’employeur (protection du savoir-faire, de la clientèle, des secrets d’affaires) et du droit fondamental du travailleur à l’emploi.

Ainsi, la législation ivoirienne en matière d’accès à l’emploi consacre une liberté de recrutement tout en imposant des limites destinées à préserver l’ordre public social et la stabilité des relations contractuelles. L’encadrement strict du débauchage illicite et la nullité des clauses de non-concurrence absolues illustrent la volonté du législateur d’assurer un équilibre entre les intérêts économiques de l’employeur et la protection du salarié. Ce cadre juridique répond aux exigences d’un droit du travail moderne, garant d’une économie compétitive mais socialement responsable.

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[1] Article 11.1, Code du travail ivoirien.

[2] Article 11.2, Code du travail ivoirien.

[3] Ibid.

[4] KONE, Karamoko, Droit du travail ivoirien, Abidjan : CERAP Editions, 2020, p. 73.

[5] Article 11.1, alinéa 4, Code du travail ivoirien.

[6] OIT, Liberté d’emploi et priorités nationales, Rapport général, Conférence internationale du Travail, Genève, 2016.

[7] Article 14.7, Code du travail ivoirien.

[8] DAOUDA, Kouakou, Le droit du travail ivoirien commenté, Les Classiques Africains, 2018, p. 85.

[9] Ibid.

[10] Article 14.7, Code du travail ivoirien.

[11] TIA, Lucien, Traité de droit du travail ivoirien, L’Harmattan, 2019, p. 145.

[12] Article 16.4, Code du travail ivoirien.

[13] YAPO, Martial, Droit du travail et pluriactivité en Côte d’Ivoire, Revue ivoirienne de droit, n°12, 2019, p. 22.

[14] Article 16.5, Code du travail ivoirien.

[15] OIT, Liberté de travail et clauses restrictives, Recommandation n°198, Genève, 2006.

[16] Voir en ce sens : Cass. soc. France, 10 juillet 2002, n° 00-45135.

[17] TIA, Lucien, op. cit., p. 147.

Faut-il donner un nom à son contrat ? Analyse juridique et implications pratiques

Dans la vie quotidienne comme dans les affaires, il est fréquent que les parties qui concluent un contrat choisissent de lui attribuer un nom précis. Ainsi, une personne qui achète une voiture signe ce qu’elle appelle un « contrat de vente ». Celle qui loue un appartement signe un « contrat de bail », et celle qui sollicite un prêt signe un « contrat de prêt ». Cette pratique paraît évidente et naturelle. Elle est si ancrée dans les usages qu’elle ne suscite presque jamais d’interrogation.

Cependant, en droit, la question de la dénomination contractuelle dépasse le simple usage linguistique ou commercial. En réalité, donner un nom à son contrat engage des conséquences juridiques importantes, car chaque type contractuel est régi par un ensemble de règles légales spécifiques, parfois impératives, auxquelles les parties ne peuvent se soustraire. Ainsi, attribuer un nom à son contrat revient à appeler un régime juridique et à accepter implicitement l’application des obligations, sanctions et droits correspondants.

Cette problématique revêt un intérêt pratique majeur car elle interroge le rapport entre la volonté déclarée des parties et la réalité objective de leurs engagements. Peut-on échapper à un régime juridique simplement en choisissant une dénomination différente ? La réponse du droit est sans équivoque : le juge n’est jamais lié par la dénomination choisie. Il a l’obligation de rechercher la véritable nature juridique de la convention et de l’interpréter conformément à son objet réel et à ses effets.

La doctrine comme la jurisprudence enseignent que le nom donné au contrat n’est qu’un indice de la volonté des parties. Il permet de comprendre l’objectif poursuivi par celles-ci et d’orienter l’interprétation de l’acte. Toutefois, cet indice ne saurait être décisif, car il pourrait être utilisé de façon abusive pour dissimuler la réalité juridique.

Selon l’article 1156 du Code civil ivoirien, le juge doit rechercher la commune intention des parties plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes employés. Cette règle fondamentale impose au juge d’examiner l’ensemble du contrat pour en déduire la véritable qualification[1][2]. De la même manière, l’article 1188 du Code civil français dispose que « le contrat s’interprète d’après la commune intention des parties plutôt qu’en s’arrêtant au sens littéral de ses termes ».

Ainsi, même si deux parties désignent leur contrat comme un « prêt », si le contenu de l’accord révèle qu’il s’agit d’une location moyennant loyer, le juge retiendra la qualification de bail et appliquera les règles impératives du bail, notamment celles relatives à la protection du locataire.

En droit civil, les contrats sont classés en contrats nommés, qui disposent d’un régime juridique propre (vente, bail, prêt, dépôt, mandat, entreprise…), et en contrats innommés, qui sont soumis aux règles générales des obligations. Toutefois, même dans les contrats innommés, le juge vérifie toujours si un contrat nommé ne s’y dissimule pas en réalité.

Cette exigence s’explique par la volonté de protéger l’ordre public contractuel, qui interdit aux parties de déroger par des artifices de forme aux règles impératives fixées par la loi, notamment lorsqu’elles visent la protection des parties faibles telles que le consommateur, le salarié ou le locataire[3].

L’affaire suivante illustre parfaitement cette problématique. Mme DUBUZZ a conclu avec sa nièce un contrat intitulé « prêt de chose immobilière », par lequel sa nièce s’engageait à lui verser chaque mois la somme de 150.000 FCFA en échange de la jouissance d’un studio vide pendant une durée de deux ans. Au terme de ce délai, Mme DUBUZZ, souhaitant louer le studio à un couple d’immigrés nigérians prêts à payer un loyer deux fois supérieur, demande à sa nièce de libérer les lieux. Face au refus de cette dernière, qui n’a pas encore trouvé de logement, Mme DUBUZZ la menace d’expulsion immédiate, arguant que le contrat conclu n’était pas un bail mais un simple « prêt de chose immobilière ».

Si l’on s’en tient à la dénomination, il s’agirait d’un prêt à usage (commodat). Cependant, l’analyse du contenu révèle la présence des trois éléments constitutifs d’un bail :

  1. La mise à disposition d’une chose : ici, un studio vide mis à la disposition de la nièce.
  2. Un prix convenu : 150.000 FCFA par mois.
  3. Une durée déterminée : deux ans.

Or, selon l’article 1709 du Code (ivoirien et francais), le louage des choses est un contrat par lequel l’une des parties s’oblige à faire jouir l’autre d’une chose pendant un certain temps et moyennant un certain prix[4].

Le juge, saisi d’une telle affaire, procédera à la requalification du contrat en bail d’habitation. Cette requalification emporte l’application des règles impératives du bail d’habitation prévues par la loi n°2019-576 du 26 juin 2019 en Côte d’Ivoire, laquelle impose notamment pour les locations à usage d’habitation principale, des règles strictes en matière de résiliation et d’expulsion[5].

La France consacre également ce principe dans la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, qui interdit toute stipulation contraire visant à réduire les droits du locataire en matière de durée, de renouvellement et de préavis[6]. Par ailleurs le droit positif français impose notamment une durée minimale de trois ans pour les locations à usage d’habitation principale.

La requalification judiciaire repose sur un principe fondamental : la primauté de la réalité sur l’apparence. La qualification retenue par les parties n’est pas opposable si elle contredit la réalité économique et juridique de l’opération. Ce principe vise à éviter tout détournement de la loi par un abus de qualification visant à échapper à un régime juridique contraignant[7].

Ce principe est utilisé notamment en droit du travail, où le juge requalifie des contrats de prestation de services ou de sous-traitance en contrats de travail lorsque la réalité révèle l’existence d’un lien de subordination juridique[8]. De même, en droit fiscal, l’administration fiscale opère des requalifications pour écarter les montages visant l’optimisation abusive.

Une mauvaise qualification peut entraîner une nullité partielle ou totale du contrat si elle dissimule une fraude ou un objet illicite. Elle peut également engager la responsabilité contractuelle ou délictuelle de la partie à l’origine de la mauvaise qualification.

La rédaction et la qualification d’un contrat nécessitent donc vigilance et compétence juridique. Les parties, notamment lorsqu’elles sont non-professionnelles, doivent se faire accompagner par un avocat ou un juriste expérimenté pour éviter toute erreur ou omission susceptible de remettre en cause la validité et l’efficacité de leur engagement[9].

Attribuer un nom à un contrat n’est jamais un acte neutre. La qualification contractuelle engage l’application d’un régime juridique précis, parfois impératif, qui dépasse la simple volonté des parties. Le juge, chargé d’interpréter la véritable nature de l’acte, ne s’arrête pas aux mots utilisés mais examine le contenu réel et l’objet du contrat. Ainsi, la sécurité juridique des parties exige une rédaction soignée et conforme à la réalité de l’opération envisagée.

La prudence commande donc de ne pas se limiter à un intitulé séduisant ou stratégique, mais de veiller à ce que le contrat reflète fidèlement la relation juridique effectivement voulue et à respecter l’ensemble des dispositions légales applicables.

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Me Luc KOUASSI

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[1] Code civil ivoirien, art. 1156

[2] Code civil français, art. 1188.

[3] Ph. Malaurie et L. Aynès, Les obligations, LGDJ, 12e éd., 2021, p. 121.

[4] Code civil ivoirien, art. 1709.

[5] Loi n°2019-576 du 26 juin 2019 relative au bail d’habitation en Côte d’Ivoire

[6] Loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs en France

[7] Y. Lequette, Droit des contrats, PUF, 2018, p. 102.

[8] B. Teyssié, Droit du travail, LexisNexis, 2020, p. 524.

[9] F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Les obligations, Dalloz, 12e éd., 2018, p. 321.

Le champ d’application du Code du travail ivoirien et l’articulation des sources du droit du travail

Le Code du travail ivoirien[1] constitue l’ossature juridique qui encadre les relations professionnelles dans le pays. Sa compréhension, tant dans sa portée spatiale et matérielle que dans son articulation avec d’autres sources, est indispensable à tout praticien, étudiant, salarié, employeur ou consultant RH désireux d’appréhender la régulation du travail en Côte d’Ivoire.

Le Code du travail ivoirien s’applique à l’ensemble du territoire de la République de Côte d’Ivoire, sans distinction de région, de localité ou de situation administrative[2]. Il constitue ainsi un texte à vocation nationale, garantissant l’uniformité des règles du travail sur tout le territoire. Cependant, il arrive que des salariés soient temporairement employés en Côte d’Ivoire alors que leur lieu habituel d’exécution de contrat se trouve à l’étranger. À cet égard, l’article 1er alinéas 3 et 4 introduit une règle de droit international privé de grande simplicité : tout contrat de travail exécuté de façon occasionnelle en Côte d’Ivoire est régi par le Code du travail ivoirien[3]. Autrement dit, même si le contrat a été conclu à l’étranger, dès lors qu’il s’exécute temporairement en Côte d’Ivoire, ses clauses et modalités doivent respecter la législation ivoirienne.

Cependant, la loi prévoit une exception notable à ce principe. Les travailleurs détachés (appelés « déplacés » par le législateur) en contrat à durée indéterminée, mais exécutant une mission temporaire n’excédant pas trois mois en Côte d’Ivoire, ne sont pas soumis aux règles du Code du travail ivoirien[4]. Ce régime particulier se justifie par le caractère éphémère de leur mission, qui ne crée pas un rattachement suffisant à l’ordre juridique national.

S’agissant de son champ matériel, le Code du travail régit les relations entre employeurs et salariés nées du contrat de travail. La loi définit le travailleur ou salarié comme « toute personne physique qui s’est engagée à mettre son activité professionnelle, moyennant rémunération, sous la direction et l’autorité d’une autre personne physique ou morale, publique ou privée, appelée employeur »[5]. Cette définition classique met en avant la notion de subordination juridique, considérée comme le critère déterminant du salariat. La subordination implique que l’employeur exerce un pouvoir de direction et de contrôle sur l’activité du travailleur, lui donnant des ordres, directives et instructions, tout en sanctionnant ses fautes éventuelles[6].

Il est important de noter que ni le statut juridique de l’employeur, ni celui du salarié n’a d’incidence sur la qualification de contrat de travail[7]. Ainsi, peu importe que l’employeur soit une société anonyme, une ONG, une personne physique exerçant en nom propre ou même une administration publique pour ce qui concerne ses agents contractuels. De la même manière, le statut social, administratif ou fiscal du travailleur n’a pas d’impact sur sa qualification en qualité de salarié, dès lors qu’il existe un lien de subordination.

Cependant, cette généralité souffre d’une exception majeure : le Code du travail ne s’applique pas aux personnes nommées dans un emploi permanent au sein d’une administration publique[8]. Ces agents relèvent plutôt de la législation relative à la fonction publique. De plus, les travailleurs employés au service de l’État ou des personnes morales de droit public, et qui bénéficient d’un statut particulier, échappent partiellement au Code du travail, dans la limite des dispositions de leur statut et des principes généraux du droit administratif[9].

La loi de 2015 réaffirme également que son champ personnel concerne tous les salariés du secteur privé sans aucune distinction de sexe, de race ou de nationalité[10]. Cette précision traduit l’attachement du législateur ivoirien aux principes d’égalité et de non-discrimination, piliers essentiels du droit du travail moderne. Toutefois, l’application du Code est partielle pour certaines catégories comme les apprentis et les personnes en insertion professionnelle, encadrées spécifiquement aux articles 13.1 à 13.22 du Code du travail[11].

Un autre point fondamental réside dans l’articulation du Code avec les autres sources du droit du travail, notamment les conventions collectives, les décisions unilatérales de l’employeur, les contrats individuels et les usages professionnels. Les articles 8 et 9 consacrent ici le principe de faveur, pilier du droit social. Ils disposent que, sauf dérogation expresse, les dispositions du Code du travail sont d’ordre public[12]. Ainsi, toute clause, convention ou décision unilatérale qui viendrait à prévoir des conditions moins favorables que celles prévues par le Code est réputée nulle de plein droit[13].

Toutefois, le principe d’ordre public social n’interdit pas aux employeurs ou aux conventions collectives d’accorder des droits plus favorables aux travailleurs. Bien au contraire, la logique protectrice du droit du travail encourage l’adoption de garanties supplémentaires. Ainsi, une entreprise peut décider d’octroyer un congé de maternité plus long que celui prévu par le Code, ou d’instaurer une prime de rendement plus avantageuse que celle fixée dans la convention collective. Dans ce cas, la norme la plus favorable s’applique au salarié[14].

De plus, la loi de 2015 a pris soin de préserver les avantages acquis par les travailleurs avant son entrée en vigueur. Les salariés qui bénéficiaient déjà de droits ou garanties supérieurs en vertu d’un contrat, d’une convention collective, d’un accord d’établissement ou d’une décision unilatérale continuent à en bénéficier pendant la durée d’application de ces avantages[15]. Ce mécanisme garantit une sécurité juridique et sociale aux travailleurs, en évitant que la réforme du Code du travail n’entraîne une réduction des acquis sociaux antérieurs.

Ainsi, le Code du travail ivoirien présente un champ d’application étendu, tant sur le plan territorial que personnel et matériel. Son articulation avec les autres sources juridiques se fait sous l’empire du principe de faveur, traduisant la vocation éminemment protectrice du droit social. Toute pratique qui méconnaîtrait ces principes essentiels serait sanctionnée par la nullité et exposerait l’employeur à un contentieux potentiellement lourd. En définitive, cette architecture normative vise un objectif clair : assurer aux travailleurs de Côte d’Ivoire un cadre juridique stable, protecteur et conforme aux standards internationaux du travail.

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[1] Loi n° 2015‑532 du 20 juillet 2015 portant Code du travail ivoirien.

[2] Article 1er, alinéa 1, Code du travail ivoirien.

[3] Article 1er, alinéas 3 et 4, Code du travail ivoirien.

[4] Ibid.

[5] Article 2, alinéa 1, Code du travail ivoirien.

[6] TIA, Lucien, Traité de droit du travail ivoirien, L’Harmattan Côte d’Ivoire, 2019, p. 14.

[7] Article 2, alinéa 2, Code du travail ivoirien.

[8] Article 2, dernier alinéa, Code du travail ivoirien.

[9] Ibid.

[10] Ibid.

[11] Articles 13.1 à 13.22, Code du travail ivoirien.

[12] Articles 8 et 9, Code du travail ivoirien.

[13] Ibid.

[14] DAOUDA, Kouakou, Le droit du travail ivoirien commenté, Les Classiques Africains, Abidjan, 2018, p. 52.

[15] Article 9, Code du travail ivoirien.

Le rétablissement d’identité en Côte d’Ivoire : Un mécanisme juridique de régularisation et de justice sociale

En Côte d’Ivoire, l’identification des citoyens demeure une problématique de grande importance, tant pour les pouvoirs publics que pour les justiciables. L’absence d’un acte de naissance, l’usage d’un faux ou d’un acte appartenant à un tiers a longtemps été une réalité tolérée dans les familles, parfois par nécessité, notamment pour permettre la scolarisation ou l’accès aux soins. Toutefois, ces pratiques engendrent une insécurité juridique manifeste et rendent illisible l’état civil. C’est pour faire face à cette situation que l’État ivoirien a mis en place une procédure exceptionnelle appelée rétablissement d’identité, consacrée par la loi n° 2018-863 du 19 novembre 2018, relative à la transcription des actes de naissance, à l’établissement des extraits et au rétablissement d’identité. Cette procédure permet aux personnes ayant utilisé un acte civil inauthentique ou étranger à leur identité véritable de revenir à celle-ci, tout en conservant les droits et avantages acquis sous la fausse identité.

Le présent article se propose d’analyser ce mécanisme, tant sur le plan juridique que sociopolitique, en mettant en lumière son fondement légal, ses conditions de mise en œuvre, ses effets juridiques, ainsi que les garanties offertes aux bénéficiaires.

Le rétablissement d’identité est prévu par les articles 11 à 15 de la loi n° 2018-863 du 19 novembre 2018. Cette loi vise globalement à permettre la transcription des actes de naissance non enregistrés, l’établissement d’extraits d’actes disparus, mais surtout, à régulariser la situation des personnes ayant utilisé une autre identité que la leur.

Le législateur ivoirien a voulu, par cette disposition, répondre à une urgence nationale : celle de lutter contre l’irrégularité massive de l’état civil, tout en respectant les droits fondamentaux des individus, notamment le droit à l’identité reconnu par l’article 7 de la Convention relative aux droits de l’enfant ratifiée par la Côte d’Ivoire en 1991[1]. Le mécanisme du rétablissement d’identité répond également à une exigence de fiabilisation du Registre national des personnes physiques (RNPP), instrument clé de l’identification biométrique des citoyens ivoiriens[2].

Le champ d’application de la loi couvre toute personne née sur le territoire national ivoirien et qui, pour diverses raisons, a utilisé une identité qui n’est pas la sienne, ou un acte falsifié. La loi concerne également ceux dont l’acte de naissance n’a jamais été établi ou a été détruit, perdu, ou non accessible.

La procédure de rétablissement d’identité est accessible à toute personne remplissant les conditions susmentionnées. La requête peut être introduite par l’intéressé lui-même s’il est majeur, ou par son représentant légal s’il est mineur. Elle peut également être introduite par toute personne y ayant intérêt ou par le Procureur de la République[3][4].

La juridiction compétente est le tribunal du lieu de résidence du requérant. Le Président du tribunal, ou un magistrat délégué, statue sur la base d’une requête écrite accompagnée de toutes pièces justificatives. Il peut s’agir de certificats médicaux, de témoignages, de photographies, d’attestations scolaires ou de tout autre élément permettant d’établir la véritable identité du requérant.

Il faut souligner que la procédure est gratuite, conformément aux directives du Ministère de la Justice[5]. De plus, la loi offre une amnistie à toute personne ayant fait usage d’un faux acte ou d’un acte d’autrui dans le cadre de cette régularisation. Aucune poursuite pénale ne peut donc être engagée contre ces personnes tant que la procédure est engagée dans le délai fixé par la loi[6].

Le principal effet de la procédure est la restitution de l’identité réelle du bénéficiaire dans les registres de l’état civil. Une fois l’ordonnance de rétablissement rendue, celle-ci est transmise à l’officier de l’état civil compétent pour inscription sur les registres. La mention marginale de l’ancienne identité est également apposée, ce qui permet de conserver une trace des changements effectués.

Il est important de noter que les droits, acquis sous l’identité usurpée, sont conservés. Cela signifie que les diplômes, contrats de travail, actes de propriété, titres scolaires ou professionnels établis sous l’ancienne identité demeurent valides[7][8]. L’ordonnance permet d’établir un lien juridique entre les deux identités, garantissant ainsi la continuité de la personnalité juridique.

La loi opère donc une conciliation remarquable entre la nécessité d’exactitude de l’état civil et la protection des droits de la personne. Elle évite que le changement d’identité n’entraîne une « mort civile » ou une disqualification sociale du requérant.

Initialement, la loi n° 2018-863 devait être applicable pour une durée d’un an. Toutefois, face à l’ampleur de la tâche et au nombre important de cas à traiter, le gouvernement ivoirien a prorogé le délai d’application jusqu’en 2025 par décret[9]. Passé ce délai, les personnes n’ayant pas régularisé leur situation s’exposent aux sanctions prévues par le Code pénal ivoirien, notamment en matière de faux et usage de faux en écriture publique, infraction punie de peines d’emprisonnement pouvant aller de 1 à 5 ans et d’une pouvant aller de 100 000 FCFA à 2 000 000 FCFA[10].

Le caractère exceptionnel de cette loi est donc clairement affirmé : il s’agit d’une fenêtre temporaire de régularisation, à l’issue de laquelle la rigueur du droit commun reprendra toute sa vigueur.

Le rétablissement d’identité est aussi une mesure de justice sociale. En Côte d’Ivoire, de nombreux enfants n’ont pas été déclarés à la naissance, notamment dans les zones rurales, du fait de l’éloignement géographique, de la pauvreté ou de l’ignorance. Ces enfants, devenus adultes, ont été contraints d’utiliser les actes d’état civil d’autres personnes, souvent avec la complicité des familles ou de proches. Cette situation les place dans une précarité juridique constante, les privant de leurs droits civiques, sociaux et économiques.

En permettant à ces personnes de retrouver leur véritable identité sans être punies, le législateur ivoirien pose un acte de réparation, tout en assainissant les bases du système d’état civil. La procédure de rétablissement est donc aussi un outil de lutte contre la fraude identitaire à long terme.

Elle s’inscrit également dans la dynamique de l’identification unique des citoyens, conformément aux normes internationales. Le futur Registre national des personnes physiques (RNPP), fondé sur des données biométriques fiables, exige que chaque Ivoirien soit identifié une seule fois et sous sa véritable identité[11].

Le rétablissement d’identité en droit ivoirien est une innovation législative de grande portée. Il offre à de nombreux citoyens la possibilité de se réconcilier avec leur véritable identité, sans crainte de répression, tout en permettant à l’État d’améliorer la fiabilité de son système d’état civil. La loi n° 2018-863 constitue ainsi un véritable tournant, à la fois juridique et social, dans la gouvernance de l’identité en Côte d’Ivoire. Il importe désormais que l’information sur cette mesure exceptionnelle soit largement diffusée, et que les citoyens concernés soient accompagnés pour initier les démarches nécessaires avant l’échéance de 2025.

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[1] Convention relative aux droits de l’enfant, art. 7, ratifiée par la Côte d’Ivoire en février 1991.

[2] Déclaration du Ministère de l’Intérieur, disponible sur le site de l’ONECI : https://www.oneci.ci.

[3] Loi n° 2018-863 du 19 novembre 2018, articles 11 & 13.

[4] https://www.gouv.ci/_actualite-article.php?recordID=12967&d=1

[5] Communiqué du Ministère de la Justice, Direction des affaires civiles et du sceau, février 2022.

[6] Loi n° 2018-863 du 19 novembre 2018, article 12, qui précise qu’aucune poursuite ne peut être engagée contre les personnes ayant fait usage d’un faux dans le cadre de cette régularisation.

[7] Cour de cassation, arrêt n° 23/2021, chambre civile, sur les effets de la reconnaissance rétroactive d’identité.

[8] Loi n° 2018-863 du 19 novembre 2018, article 15.

[9] Décret n° 2021-905 du 22 décembre 2021, prorogeant l’application de la loi n° 2018-863 jusqu’au 4 avril 2025.

[10] Code pénal ivoirien, articles 281 et suivants relatifs au faux en écriture publique et usage de faux.

[11] Projet de modernisation de l’état civil, Plan National de Développement 2021-2025 (PND), volet gouvernance administrative.