La société civile immobilière « YAPI IMMOB » a mis à disposition de la société »AFRIMA », société d’exploitation de manèges, un emplacement d’environ 20m² situé dans un centre commercial pour y installer un manège pour enfants. Il s’agit d’un espace ouvert situé dans les parties communes d’un centre commercial. La société civile immobilière »YAPI IMMOB » impose des horaires d’ouverture et de fermeture à la société AFRIMA et lui fournit l’électricité.
Cette convention a été reconduite tacitement, chaque année jusqu’à ce que, par acte extrajudiciaire, le propriétaire signifie qu’il mettait fin à la mise à disposition.
La société »AFRIMA » revendique l’application du statut des baux commerciaux pour rester dans les lieux. De son côté, la société civile immobilière »YAPI IMMOB » estime qu’elle ne peut invoquer le statut des baux commerciaux.
Selon vous, qui de la société »AFRIMA » ou »YAPI IMMOB » a raison ?
Résolution
Faits : Une société civile immobilière, après avoir mis à disposition d’une société d’exploitation de manèges un emplacement situé au sein des parties communes d’un centre commercial dans un espace ouvert, a mis fin à la mise à disposition par acte extra-judiciaire. La société d’exploitation de manèges est soumise à des horaires d’ouverture et de fermeture. Elle revendique l’application du statut des baux commerciaux afin de se maintenir dans les lieux.
Le renouvellement du bail a usage professionnel conclu pour une durée déterminée
L’article 104 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général offre aux parties au contrat de bail à usage professionnel, la liberté de fixer la durée de celui-ci. Le bail à usage professionnel peut donc être conclu pour une durée déterminée ou indéterminée 1.
Par ailleurs, le preneur dispose du droit de demander le renouvellement du bail à durée déterminée après l’expiration du terme initial. Il s’agit là d’un droit subjectif et strictement personnel au preneur.
L’Acte uniforme relatif au droit commercial général réglemente néanmoins strictement les conditions et procédure de ce renouvellement.
Le droit au renouvellement du bail qu’il soit à durée déterminée ou indéterminé est acquis au preneur pour autant que celui-ci ait exploité l’activité prévue dans le contrat de bail pendant au moins deux ans 2.
Par ailleurs, dans le cadre d’un bail à durée déterminée, le preneur qui désire faire usage de ce droit au renouvellement, doit formuler sa demande au bailleur au plus tard trois mois avant la date d’expiration du bail 3. Le non-respect de cette obligation sera sanctionné dans le chef du preneur par la déchéance de son droit au renouvellement 4.
La demande de renouvellement doit, en outre, être faite par acte extrajudiciaire, à savoir, par signification d’huissier de justice ou notification par tout moyen permettant d’établir la réception effective par le bailleur 5. Cette disposition est d’ordre public de sorte que les parties ne peuvent pas y déroger conventionnement 6.
Il en résulte que les clauses de tacite reconduction du bail c’est-à-dire les clauses aux termes desquelles, à l’expiration de la durée prévue pour la validité du contrat, ce dernier continuera à produire automatiquement ses effets pour une période nouvelle prévue par les parties, à moins que l’une d’entre elles ne manifeste expressément sa volonté d’y mettre fin, sont en principe interdites puisque le législateur OHADA impose que la demande de renouvellement se fasse par acte extrajudiciaire 7.
Par conséquent, même en présence d’une clause de tacite reconduction, le preneur qui ne respecte pas les conditions légales prescrites par l’Acte uniforme sera déchu de son droit au renouvellement.
Dans ce cas, le maintien du preneur au terme du contrat constitue une voie de fait qui permet au bailleur d’agir en justice afin de faire ordonner l’expulsion du preneur.
Lorsque la demande de renouvellement a été faite dans le respect des conditions légales, le bailleur est tenu de faire savoir sa réponse au locataire au plus tard un mois avant l’expiration du bail, faute de quoi, il est réputé avoir accepté le renouvellement sollicité 8.
En cas de renouvellement exprès ou tacite (si le bailleur ne répond pas dans le délai imposé), le bail est conclu pour une durée minimale de trois ans. Le bail ainsi renouvelé devient donc un bail à durée déterminée dont la durée est de trois ans. Cette durée commence à courir à compter de l’expiration du bail précédant 9. Les parties peuvent également prévoir que le bail sera renouvelé pour une durée indéterminée. Dans ce cas, les parties doivent prévoir la durée du préavis de congé qui ne peut être inférieure à six mois 10.
Si le bailleur à qui une demande régulière de renouvellement est formulée désire s’opposer au renouvellement du bail, il devra verser au locataire une indemnité d’éviction 11. Il ne doit cependant pas pas motiver les raisons de son refus, n’y démontrer que le preneur a commis une faute justifiant le non-renouvellement du bail.
L’indemnité d’éviction constitue la contrepartie du droit du bailleur de refuser le renouvellement du bail et vise à compenser le préjudice subi par le preneur suite à la privation des locaux ou immeubles consacrés à l’exploitation.
Il existe toutefois certaines situations dans lesquelles le bailleur peut s’opposer au renouvellement du bail sans être pour autant tenu de payer une indemnité d’éviction.
C’est le cas, premièrement, si le bailleur parvient à démontrer que le preneur exploite l’activité visée dans le contrat de bail depuis moins de deux ans puisque dans cette hypothèse, les conditions du droit au renouvellement du preneur ne sont pas remplies 12.
Par ailleurs, si le bailleur justifie d’un motif grave et légitime à l’encontre du preneur ou de son ayant-cause, il n’a aucune obligation de régler l’indemnité d’éviction 13. Ce motif grave doit nécessairement consister soit dans l’inexécution par le locataire d’une obligation substantielle du bail tel que le non-paiement du loyer, soit dans la cessation de l’exploitation de l’activité 14. Le motif grave ne peut toutefois être invoqué que si les faits se sont poursuivis ou renouvelés plus de deux mois après une mise en demeure du bailleur demandant au preneur de faire cesser ces faits.
Lorsque le bailleur envisage de démolir l’immeuble comprenant les lieux loués, et de le reconstruire, le bailleur ne doit verser aucune indemnité d’éviction au preneur. Ce dernier disposera néanmoins d’un droit de priorité pour se voir attribuer un nouveau bail dans l’immeuble reconstruit. Le bailleur devra, en outre, justifier de la nature et de la description des travaux projetés 15.
Enfin, dans l’hypothèse d’un bail portant sur les locaux principaux professionnels et ceux accessoires d’habitation, le bailleur peut également refuser le renouvellement du bail, sans devoir payer d’indemnité d’éviction au locataire, s’il décide d’habiter lui-même les lieux loués ou de les faire habiter par son conjoint ou ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint. Ce droit de reprise ne peut toutefois s’exercer que sur les locaux d’habitation qui sont les accessoires des locaux principaux professionnels 16.
Solution en l’espèce (mineure) : En l’espèce, la société, la société »AFRIMA » n’a pas suivi les procédures de renouvellement prévues par le droit OHADA.
Conclusion : Le fait que la société »AFRIMA » n’ait pas accompli les formalités prévues par le droit OHADA pour le renouvellement du bail commercial, son contrat ne sera pas renouvelé nonobstant les statuts du bail commercial les liant car les clauses de tacite reconduction étant irrégulières selon le droit OHADA.
____________________________
1. Article 104 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général.
2. Cour d’Appel de Ouagadougou , Arrêt du 21 novembre 2008, Arrêt n° 059, COMPAORE née GRÜNER Hans Yvette c/ SIMPORE née GNINGNIN Téné Rasmata, www.ohada.com; Article 123 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général.
3. Cour d’Appel de Bobo-Dioulasso , Arrêt du 15 mai 2006, Arrêt n° 33, CELTEL Burkina c/ DIOP Binta, www.ohada.com, J-10-121 ; Article 124 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général.
4. Tribunal Régional de Niamey, Jugement du 3 mars 2004, Jugement civil n° 084, Affaire : P.K.F. c/ A.B , www.ohada.com, J-09-114.
5. B. Togora, « Brèves observations au sujet du bail commercial à durée déterminée et des conditions de son renouvellement par reconduction suivant le droit OHADA », www.ohada.com, D-11-92.
6. Ibidem.
7. H. A. Bitsamana, « Dictionnnaire de droit OHADA », www.ohada.com, D-05-33.
8. Article 124 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général.
9. Article 123 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général.
10. A. Pedro Santos et J. Yado Toé, Ohada, Droit commercial général, Bruylant, Bruxelles, 2002, p. 189.
11. Article 126 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général.
12. B. Togora, « Brèves observations au sujet du bail commercial à durée déterminée et des conditions de son renouvellement par reconduction suivant le droit OHADA », www.ohada.com, D-11-92.
13. M. Dougoune, « L’encadrement du bail commercial, les hésitations entre protectionnisme et libéralisme : Étude comparative France, USA, Canada, Ohada », Jurifis Infos, N° 13 – Nov/Déc. 2013, p. 30.
14. Arrêt n° 006/2009, Pourvoi n° 099/2003/ PC du 23 octobre 2003, Affaire : SEYWA Antoinette (Conseil : Maître BOUAKE Binaté, Avocat à la Cour) contre ZOUZOUA Nathalie ; Recueil de Jurisprudence n° 13, 2009, p. 45
15. Article 127 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général.
16. Article 128 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général.