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Rupture de fiançailles

Stacy NAIVE n’a jamais eu de chances en amour. Elle tombe systématiquement sur des hommes qui la rendent malheureuse. Elle pensait pourtant avoir trouvé l’amour avec Dilan LECHARO avec qui elle était en couple depuis plus d’un an. Celui-ci l’avait même demandé en mariage il y a six mois. Mais il vient de lui apprendre par SMS qu’il la quittait. Très sérieusement, il lui a envoyé le message suivant : « J’ai trouvé une autre fille que j’aime plus que toi. Je suis désolé, mais il va falloir annuler le mariage. Bonne continuation à toi, je suis sûr que tu t’en remettras. Sans rancune. Dilan ». Dans l’entourage de Stacy, personne ne s’attendait à une telle rupture, Dilan LECHARO n’ayant jamais montré un signe de sa volonté de quitter Stacy NAIVE. Le mariage était prévu pour dans quelques semaines seulement, et Stacy NAIVE avait déjà engagé des frais importants : location d’une chapelle, robe de marié, costume pour Dilan, voyage de noces…

Elle vient vous consulter pour savoir si elle peut engager une action contre Dilan LECHARO pour obtenir des dommages et intérêts.

Faits : Un homme a mis fin aux fiançailles par SMS quelques semaines avant la date prévue pour le mariage.

Problème de droit : Le fiancé rompant les fiançailles peut-il être condamné au versement de dommages et intérêts ?

Solution en droit : Les fiançailles se distinguent du mariage. Elles constituent simplement une promesse réciproque de mariage, mais ne créent pas d’obligation juridique entre les futurs époux.

En principe, les fiancés sont libres de rompre leurs fiançailles en vertu du principe de liberté matrimoniale prévu par l’article 12 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Ainsi, la Cour de cassation juge que « la rupture d’une promesse de mariage n’est pas, à elle seule, génératrice de dommages-intérêts » (Civ. 1 , 4 janv. 1995, n° 92- 21.767 et arrêt de principe « Bouvier » du 30 mai 1838).

Par exception, la rupture fautive des fiançailles permet d’engager la responsabilité civile de son auteur sur le fondement de l’article 1382 du code civil en droit positif ivoirien (article 1240 du code civil en droit positif français). Il faut prouver un préjudice (matériel ou moral), un lien de causalité et une faute.

S’agissant de la faute, il ressort de la jurisprudence qu’elle provient souvent, comme en matière de cessation de pourparlers contractuels, de la rupture brutale des fiançailles peu de temps avant la cérémonie du mariage. À titre d’exemple, une Cour d’appel a retenu une faute pour une rupture intervenue à l’initiative de du fiancé seulement 23 jours avant le mariage, alors que les fiançailles remontaient à près de huit mois, qu’elles avaient été mûrement réfléchies, ayant été précédées d’une relation de deux années, et que les fiancés avaient acquis, depuis près d’un mois, une maison en indivision dans la perspective de s’y installer (CA, Colmar, 3 mai 2019, n° 17/03733).

S’agissant du préjudice, le ou la fiancé(e) éconduit(e) devra prouver le préjudice matériel (frais engagés pour le mariage) et/ou moral.

Solution en l’espèce : En l’espèce, Dilan LECHARO a mis fin aux fiançailles de manière brutale puisqu’il a procédé par SMS sans donner d’explication sur les causes de cette rupture et peu de temps avant la cérémonie du mariage. La faute pourrait donc être caractérisée. S’agissant du préjudice, il est indiqué que Stacy NAIVE avait déjà engagé des frais importants (location d’une chapelle, robe de marié, costume pour Dilan, voyage de noces). Ce préjudice est sans aucun doute en lien avec la faute.

Conclusion : Stacy NAIVE pourra engager la responsabilité civile de Dilan LECHARO et obtenir des dommages et intérêts en réparation de son préjudice.

Etablissement de la filiation

Florent DANGER et Mathilde DANGER vivent une parfaite histoire d’amour depuis quelques années. Ils sont mariés depuis quelques temps et viennent d’avoir un enfant. Florent est aux anges : il a toujours rêvé de construire une vie de famille et voilà que le Bon Dieu lui apporte une petite fille magnifique prénommée Emelyne ! Emelyne a été déclarée à l’état civil comme étant née de Madame Mathilde DANGER et Florent DANGER.

Seulement, quelques jours plus tard, il surprend sa femme, bouleversée, en pleine conversation au téléphone avec un homme lui disant « Tu le sais aussi bien que moi, c’est ma fille, pas celle de ton abruti de mari ! Je vais la reconnaitre, tu ne m’en empêcheras pas ! ». Florent, surpris, demande des explications à sa femme qui lui avoue entretenir une liaison depuis plusieurs années avec Jean FOUTAISE et qu’elle ignore qui de son amant ou de son mari est le véritable père. En tout état de cause, Jean FOUTAISE a procédé à une reconnaissance de Emelyne et, n’ayant pu transcrire cette reconnaissance sur l’acte de naissance de l’enfant, , il a assigné le couple en contestation de la paternité de Florent DANGER et en établissement de sa propre paternité.

L’amant, Jean FOUTAISE, vient vous consulter pour savoir comment il pourrait faire établir sa filiation avec Emelyne.

Faits : Une enfant a été déclarée à l’état civil comme étant née du couple marié, formé par ses parents. Un tiers, l’amant de la femme mariée, estimant être le père biologique de l’enfant a procédé à une reconnaissance de l’enfant et souhaite faire établir sa paternité.

Annonce de plan interne : Pour que l’amant puisse faire établir sa paternité, il doit au préalable contester la filiation déjà légalement établie. Il doit également respecter certaines conditions relatives à la contestation de la paternité et à la preuve de la filiation qu’il souhaite faire établir.

Problème de droit : La reconnaissance d’une filiation concurrente de celle indiquée sur l’état civil d’un enfant est-elle possible ?

Solution en droit : Une action en contestation de filiation (C. civ. français, art. 332 à 337) (Loi ivoirienne n°2019-571 du 26 juin 2019 relative à la filiation) consiste à remettre en cause le lien de filiation maternelle ou paternelle. Une telle action est nécessaire pour établir une filiation qui vient contredire une filiation légalement établie. En effet, l’article 320 du Code civil français pose un principe chronologique : « Tant qu’elle n’a pas été contestée en justice, la filiation légalement établie fait obstacle à l’établissement d’une autre filiation qui la contredirait ».

Or, l’article 312 du Code civil français (Article 2 de la loi ivoirienne n°2019-571 du 26 juin 2019 relative à la filiation) pose une présomption simple de paternité au bénéfice du mari (« L’enfant conçu ou né pendant le mariage a pour père le mari de sa mère »). Ainsi, il suffit que le nom du mari apparaisse dans l’acte de naissance pour que la filiation soit établie à son égard.

Solution en l’espèce : En l’espèce, Florent et Mathilde sont mariés de sorte que la filiation paternelle de Florent a pu être établie au moment de la naissance de leur fille Emelyne. Cette filiation légalement établie fait obstacle à l’établissement d’une autre filiation paternelle à l’égard de Jean FOUTAISE qui la contredirait. Ce dernier doit d’abord exercer une action en contestation de la paternité du père déclaré.

Conclusion : Pour que la paternité de Jean FOUTAISE puisse être établie, il est indispensable que celle du mari soit anéantie par le biais d’une action en contestation de la paternité.

Problème de droit : Quelles sont les conditions permettant de contester la paternité d’une personne bénéficiant d’une présomption de paternité ?

Solution en droit : Les conditions de la contestation dépendent de l’existence ou non d’une possession d’état.

Il faut distinguer deux situations différentes :

  •      Dans la première hypothèse, il existe un titre (présomption légale, acte de naissance, reconnaissance) corroboré par une possession d’état, c’est-à-dire que le parent s’est comporté à l’égard de l’enfant comme tel. (Loi ivoirienne n°2019-571 du 26 juin 2019 relative à la filiation et le code civil français).
  • Dans  la seconde hypothèse, il existe un titre (présomption légale, acte de naissance, reconnaissance) non corroboré par une possession d’état, c’est-à-dire que le parent ne s’est pas comporté à l’égard de l’enfant comme tel.

En cas de titre non corroboré par une possession d’état, toute personne qui y a intérêt peut agir (C. civ. français, art. 334) et l’action doit être intentée dans les dix ans à compter du jour où la personne a été privée de l’état qu’elle réclame ou qu’elle a commencé à jouir de l’état qui lui est contesté. Ce délai est suspendu à l’égard de l’enfant durant la minorité (C. civ. français, art. 321).

S’agissant de la preuve, la paternité peut être contestée en rapportant la preuve que le mari ou l’auteur de la reconnaissance n’est pas le père (C. civ. français, art. 332). La preuve se fait par tous moyens (en pratique, souvent par expertise biologique). (Loi ivoirienne n°2019-571 du 26 juin 2019 relative à la filiation).
Si la demande aboutit, la filiation est annulée rétroactivement et le juge peut, dans l’intérêt de l’enfant, fixer les modalités des relations de celui-ci avec la personne qui avait sa charge (C. civ français, art. 337).

La possession d’état est un fait juridique qui consiste, pour un individu, à se comporter comme bénéficiant d’un état, en l’occurrence être l’enfant de tel parent, et d’être considéré comme tel, sans juridiquement disposer de cet état. La possession d’état s’établit par une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté entre une personne et la famille à laquelle elle est dite appartenir (C. civ. français, art. 311 al. 1). Elle requiert trois éléments constitutifs qui ne sont pas nécessairement cumulatifs : le nomen (le nom), le tractatus (le traitement) et la fama (la renommée).

Elle doit réunir certains caractères (C. civ. français, art. 311 al. 2) (Article 10 de la loi ivoirienne n°2019-571 du 26 juin 2019 relative à la filiation) :

  •     elle doit être continue (la relation doit être établie sur une durée suffisamment                           significative : Civ. 1ère, 24 mars 1993, 91-18.646), paisible,
  • paisible,
  • publique,
  • et non équivoque.

La possession d’état de l’enfant l’égard du mari de la mère n’est pas paisible lorsque l’amant, ayant reconnu l’enfant moins de trois mois après sa naissance, exerce une action en contestation de paternité (Civ., 1 7 nov. 2018, 17- 26.445).

Solution en l’espèce : En l’espèce, il existe bien un titre établissant la filiation de Florent à l’égard d’Emelyne, mais la possession d’état ne saurait être caractérisée celle-ci n’étant pas paisible au regard de la reconnaissance et de l’action en contestation de paternité que Jean s’apprête à former, quand bien même les éléments constitutifs seraient réunis. Ainsi, Jean a bien un intérêt à agir et devra intenter son action dans les dix ans à compter de la naissance d’Emelyne. Il pourra donc former une action en contestation de paternité.

Problème de droit : Par quels moyens peut-on prouver et contester une filiation paternelle ?

Solution en droit : L’article 310 alinéa 3 du Code civil français ; Article 14 de la loi ivoirienne n°2019-571 du 26 juin 2019 relative à la filiation prévoit qu’en cas d’action engagée en matière de filiation, la filiation se prouve par tous moyens, sous réserve de la recevabilité de l’action. L’article 322 du même code ajoute que la paternité peut être contestée en rapportant la preuve que le mari ou l’auteur de la reconnaissance n’est pas le père.

En pratique, la preuve prendra souvent la forme d’une expertise biologique (C. civ. français, art. 16 al. 11), celle-ci étant de droit en matière de filiation, sauf s’il existe un motif légitime de ne pas y procéder (Ass. plén., 23 nov. 2007, n° 05-17.975, 06-10.039). Elle peut être ordonnée d’office (Civ., 1 , 14 déc. 1990, n° 88-15.809).

Il existe toutefois plusieurs hypothèses dans lesquelles le juge doit refuser de l’ordonner :
     – en cas de « motif légitime de ne pas y procéder » (Civ. 1 , 28 mars 2000, n° 98-12.806)
     – lorsqu’elle constitue manifestement qu’une manœuvre dilatoire (Civ. 1 , 14 juin 2005, n°            03-19.325).
     – lorsque la procédure a été intentée par des personnes non attitrées, c’est-à-dire ne                   disposant pas du droit d’agir (Civ. 1ere, 14 Juin 2005, n° 02-18.654).

Solution en l’espèce : En l’espèce, Jean FOUTAISE semble bien avoir un motif légitime de procéder à une expertise biologique en raison de la relation qu’il a entretenu durant quelques années avec Mathilde. Puisqu’il est recevable en son action comme il l’a été précédemment démontré, il pourra bénéficier de la preuve par expertise biologique.

Conclusion : L’expertise biologique ordonnée par le juge permettra de déterminer la filiation paternelle d’Emelyne.

Théorie de la loi-écran

La fille de M. KANGOUROU, Micheline KANGOUROU, rencontre des problèmes à son travail.
Elle vient de prendre connaissance d’un arrêté du ministre du travail portant extension de la convention collective de branche qui lui est applicable. Cette convention collective reprend au mot près des articles législatifs du Code du travail. Micheline estime que cet arrêté est contraire à plusieurs articles de la Constitution ainsi qu’à plusieurs articles de la Convention européenne des droits de l’homme.
Remontée, elle souhaite invoquer la violation de ces textes par l’arrêté devant le juge administratif.

Peut-elle invoquer ces différents moyens devant le juge administratif ?

Faits : Une salariée souhaite contester la conformité d’un arrêté ministériel reprenant des dispositions législatives au regard de dispositions constitutionnelles et de dispositions conventionnelles.

Annonce de plan interne : Il faut envisager séparément la question de la conformité de l’arrêté au regard des dispositions constitutionnelles et celle de la conformité de l’arrêté au regard des dispositions conventionnelles.

Problème de droit : Le juge administratif peut-il contrôler la conformité d’un acte administratif au regard de dispositions constitutionnelles ?

Solution en droit : La théorie de la loi-écran (ou théorie de l’écran législatif) est une théorie prétorienne selon laquelle le juge administratif refuse de censurer un acte administratif inconstitutionnel pris sur le fondement d’une loi au motif qu’un tel contrôle reviendrait nécessairement à reconnaître l’inconstitutionnalité de la loi. Cette théorie est issue de la décision de principe Arrighi (CE, sect., 6 nov. 1936, Arrighi et Dame Coudert, Lebon 966).

Lorsque l’acte administratif est fondé sur une loi (règlement d’application), cette loi fait « écran » entre cet acte administratif et la Constitution. La loi empêche le Conseil d’État de contrôler la constitutionnalité de l’acte administratif, car contrôler la constitutionnalité du règlement qui reprend la loi reviendrait à contrôler la constitutionnalité de la loi elle-même. Or, seul le Conseil constitutionnel est compétent pour exercer un tel contrôle de constitutionnalité de la loi.

Le Conseil d’Etat français a récemment fait application de la théorie de la loi-écran à propos d’un recours dirigé contre un arrêté ministériel d’extension d’une convention collective reprenant les dispositions d’un article du Code du travail (CE, 6 nov. 2019, Fédération des entreprises de portage salarial, n° 412051).

Toutefois plusieurs solutions permettent de contourner la théorie de la loi-écran :

• D’abord, le juge administratif s’autorise à contrôler la constitutionnalité d’un acte administratif dès lors que la loi sur laquelle il se fonde ne contient aucune règle de fond et se cantonne à habiliter le pouvoir règlementaire à intervenir. Dans une telle hypothèse, la loi ne prévoit rien au fond du droit et renvoie au pouvoir règlementaire le soin de fixer les règles applicables. On parle d’écran « transparent ». Cette technique, permettant de contourner la théorie de la loi-écran, est issue de l’arrêt de principe dit « Quintin » du 17 mai 1991 (CE., 17 mai 1991, 100436).

•  Ensuite, en vertu de la technique de l’abrogation implicite, la théorie de la loi-écran ne s’applique qu’aux actes administratifs pris sur le fondement d’une loi promulguée postérieurement à une norme constitutionnelle (CE, 21 nov. 2005, n° 287217, Boisvert, Lebon).

•   Enfin, il est possible de soulever une question prioritaire de constitutionnalité devant le juge administratif qui doit alors renvoyer la question au Conseil d’État (Const., art. 61-1).

Solution en l’espèce : En l’espèce, Micheline souhaite contester la conformité d’un arrêté ministériel procédant à l’extension d’une convention collective qui reprend des dispositions législatives.

Les dispositions législatives en question forment un « écran » qui empêche le juge administratif de vérifier la conformité de cet arrêté au regard des dispositions constitutionnelles.

La technique de l’écran transparent ne semble pas pouvoir s’appliquer, car l’énoncé ne précise pas que l’arrêté ne contient aucune règle de fond et se cantonne à habiliter le pouvoir règlementaire à intervenir.

Micheline pourra toutefois, le cas échéant, tenter de soulever une question prioritaire de constitutionnalité devant le juge administratif.

Conclusion : La conformité de l’arrêté au regard de dispositions constitutionnelles ne pourra être contestée, le juge administratif n’étant pas compétent pour procéder à un tel contrôle.

Problème de droit : Le juge administratif peut-il contrôler la conformité d’un acte administratif au regard de dispositions conventionnelles ?

Solution en droit : Le Conseil d’État qui avait toujours traditionnellement refusé d’exercer le contrôle de conventionnalité (CE, sect., 1er mars 1968, Semoules de France) a finalement accepté d‘exercer le contrôle de conventionnalité des lois dans l’arrêt Nicolo (CE, Ass., 20 octobre 1989, n°108-243).

Le juge administratif accepte, dans le cadre du contentieux des actes administratifs pris en application de lois d’écarter une loi incompatible avec les dispositions d’une convention internationale.

Ainsi, le moyen tiré de l’inconventionnalité d’une loi et de l’acte administratif pris en application de la loi en question peut être invoqué devant le juge administratif.

Solution en l’espèce : Micheline invoque des dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme afin de contester un arrêté ministériel d’extension d’une convention collective reprenant des dispositions législatives. En application de la jurisprudence Nicolo, Micheline a bien la possibilité de contester la conformité d’un acte administratif pris sur le fondement d’une loi au regard de dispositions conventionnelles.

Conclusion : Elle pourra invoquer les dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme afin de contester l’arrêté ministériel d’extension.

NB: Nos analyses sont plus accentuées sur le droit positif français pour faciliter l’accès et la compréhension par tous.

Le changement du nom de famille

Pascaline DELAPOUBELLE, une petite fille de 5 ans, a commencé son enfance d’une triste manière. Son père, Cédric DELAPOUBELLE, a été condamné par une cour d’assises à 15 ans de réclusion criminelle pour viols et agressions sexuelles sur mineures de quinze ans, dont sa fille âgée de 3 ans à l’époque des faits.
Ne supportant pas que sa fille ait à porter le nom d’un homme ayant commis des agissements de cette nature, sa mère a formulé une demande de changement de nom de famille pour le compte de Pascaline.

• Pascaline peut-elle obtenir le changement de nom de famille ?

Faits : Une fille souhaite changer de nom de famille au motif que son père, dont elle porte le nom de famille, a été condamné à 15 ans de réclusion criminelle pour viols et agressions sexuelles sur sa personne et sur d’autres mineures

Problème de droit : La condamnation par une cour d’assises d’un homme pour des faits de viols et d’agressions sexuelles peut-elle constituer un intérêt légitime à changer de nom de famille pour l’enfant qui porte son nom ?

Solution en droit : Le prénom et le nom de famille sont des appellations permettant d’individualiser une personne. Le nom permet d’individualiser la personne au sein de la société et le prénom permet de l’individualiser au sein de sa famille.

Le principe est l’immutabilité du nom de famille, ce qui signifie  qu’une personne ne peut pas changer de nom de famille par un acte de volonté privée. Cette immutabilité est justifiée par le fait que le nom est un élément de l’état civil et par une nécessité de police civile.

Plusieurs exceptions sont toutefois prévues par la loi et permettent à une personne, dans certains cas, d’obtenir le changement de son nom de famille.

En droit positif ivoirien, l’article 18 du code civil dispose que toute personne peut demander pour son compte et pour celui de ses enfants mineurs nés ou à naître, à porter le nom de ses ascendants, sans donner plus de précisions y relatives. C’est en cela que nous appliquons à ce cas, les règles du droit positif français.

Ainsi, selon le droit positif français, une personne peut changer de nom dans plusieurs situations :

1. En cas de changement de filiation (C. civ, art 61 al. 3) ;

2. En cas de changement de nom lorsqu’une personne acquiert la nationalité (Loi du 8 janvier 1993)

3. En cas de relèvement de nom de citoyens mort pour la France ;

4. En cas de relèvement d’un nom menacé d’extinction en prenant celui d’un ascendant ou d’un collatéral (C. civ, art 61 al. 2).

5. En cas d’intérêt légitime à changer de nom.

S’agissant de cette dernière possibilité, la loi du 8 janvier 1993 a introduit dans le Code civil les articles 60 et suivants du Code civil permettant un changement de nom en cas d’intérêt légitime.

D’après la jurisprudence, cet intérêt peut consister à :
– Délaisser un nom à consonance ridicule ou injurieuse ;
– Abandonner un nom

Le Conseil d’Etat a spécifiquement jugé qu’un enfant avait un intérêt légitime à changer de nom de famille au regard de la gravité des agissements pour lesquels son père a été condamné. En l’espèce, il s’agissait d’une condamnation pour viols et agressions sexuelles sur mineures de moins de 15 ans (CE, 4 déc. 2009, n° 309004)

Cette jurisprudence du Conseil d’État se trouve dans les annotations du Code civil français sous l’article 61.

La procédure est administrative. Une demande doit être adressée au garde des Sceaux qui peut demander l’avis du Conseil d’État et le changement de nom est autorisé par un décret.

La publication fait courir un délai de deux mois durant lequel tout intéressé peut faire opposition devant le Conseil d’État (C. civ, art 61-3).

Solution en l’espèce : En l’espèce, le père de Pascaline a été condamné par une cour d’assises pour des agissements particulièrement graves (viols et agressions sexuelles sur mineures de moins de 15ans).

Or, le Conseil d’État a déjà pu juger qu’une telle condamnation constituait un intérêt légitime à changer de nom au sens de l’article 61 du Code civil.

Conclusion : Pascaline pourra sûrement obtenir le changement de son nom de famille.

NB : Analyse basée sur le droit positif français.

La compétence du juge administratif

M. PIGEON est l’heureux récent propriétaire d’une parcelle qui était clôturée par une très belle haie végétale d’une longueur de cinquante mètres, située en bordure d’une route départementale.
La commune, après avoir informé M. PIGEON, que certains véhicules avaient été endommagés en raison de l’existence de cette haie, a fait procéder à son arrachage sur toute sa longueur.
M. PIGEON soutient qu’il n’avait donné son accord que pour un arrachage sur une longueur de dix mètres, et sous réserve d’une participation financière de la commune à l’achat des matériaux nécessaires à la construction d’un mur.
Invoquant l’existence d’une voie de fait, M. PIGEON, qui, selon ses mots refuse de se laisser « pigeonner », a saisi la juridiction judiciaire aux fins de réparation de ses préjudices.
La commune, de son côté, a soulevé une exception d’incompétence au profit d la juridiction administrative. Qu’en pensez-vous ?

Faits : Le propriétaire d’une parcelle clôturée d’une haie végétale, située en bordure d’une route départementale, d’une longueur de cinquante mètres se voit informer par la commune que certains véhicules avaient été endommagés en raison de l’existence de cette haie.

A la suite d’un accord du propriétaire avec l’autorité communale e portant sur un arrachage sur une longueur de dix mètres, l’autorité communale à a fait procéder à son arrachage sur toute sa longueur.

Il convient d’abord de traiter la question de l’existence ou non d’une voie de fait, avant d’envisager celle de la juridiction compétente en cas de voie de fait.

Problème de droit : L’arrachage par l’autorité communale de végétaux plantés sur le terrain d’une personne privée peut-il constituer une voie de fait ?

Solution en droit : La notion de voie de fait, consacrée par le Tribunal des conflits (TC, 8 avril 1935, Action Française) a récemment été modifiée par une décision du Tribunal des conflits.

En effet, le Tribunal des conflits a modifié les critères permettant de caractériser la voie de fait (TC, 17 juin 2013, M. Bergoend C/ Sté ERDF Annecy Lman).

Désormais, il y a une voie de fait lorsque l’administration :

• (Première hypothèse) – Soit a procédé à l’exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d’une décision, même régulière, portant atteinte à la liberté individuelle ou aboutissant à l’extinction d’un droit de propriété.

Cette hypothèse vise la voie de fait résultant des conditions d’exécution d’une décision.

• (Deuxième hypothèse) – Soit a pris une décision qui a les mêmes effets d’atteinte à la liberté individuelle ou d’extinction d’un droit de propriété et qui est manifestement insusceptible d’être rattachée à un pouvoir appartenant à l’autorité administrative.

Cette hypothèse vise la voie de fait résultant d’une décision.

S’agissant de la condition relative à l’extinction (et non une simple atteinte) d’un droit de propriété, la Cour de cassation a jugé que le fait pour une commune de procéder à l’arrachage d’une haie, constituée d’arbres, sur toute sa longueur cause une extinction du droit de propriété des propriétaires de ces végétaux (Civ., 1ère, 5 fév. 2020, 19-11.864).

Par ailleurs, si la voie de fait peut être écartée en raison d’un accord entre la personne publique et les propriétaires sur l’opération portant extinction du droit de propriété de ces derniers, ce n’est qu’à condition que cet accord soit certain ce qui implique que l’autorité communale n’outrepasse pas l’autorisation donnée (même arrêt).

Il semble toutefois que la troisième chambre civile de la Cour de cassation retienne une solution inverse en retenant que « l’abattage, même sans titre, d’une haie implantée sur le terrain d’une personne privée qui en demande la remise en état (…) n’a pas pour effet l’extinction d’un droit de propriété » (Cass. 3e civ., 24 oct. 2019, no 17-13550).

Toutefois, la décision rendue par la première chambre civile semble juridiquement plus cohérente dans la mesure ou des végétaux, arbres ou arbustes, composant une haie sont l’objet d’un droit de propriété immobilière (C. civ., art. 518 ; C. civ., art. 520 ; C. civ., art. 521, a contrario). Or, le titulaire de ce droit sur les végétaux est le propriétaire du fonds sur lequel ils sont plantés. Tout arrachage ou destruction de ces derniers devrait ainsi conduire à une extinction du droit de propriété et non à simple atteinte au droit de propriété.

Solution en l’espèce : En l’espèce, l’autorité communale, en faisant arracher la haie litigieuse sur toute sa longueur, est allée au-delà de l’accord qui avait été convenu avec M. PIGEON (l’accord concernait une surface de dix mètres, or l’autorité communale a arraché toute la longueur de la haie soit cinquante mètres).

L’hypothèse de voie de fait concernée est donc celle de l’exécution d’une décision irrégulière de l’Administration.

Il est donc nécessaire de caractériser une extinction d’un droit de propriété. Or, en l’espèce, M. PIEGEON est le propriétaire de la parcelle sur laquelle se trouve cette haie de sorte que l’arrachage des végétaux entraine une extinction de son droit de propriété.

C’est au demeurant ce qu’a retenu récemment la troisième chambre civile de la Cour de cassation française dans une affaire similaire.

Conclusion : L’existence d’une voie de fait pourra vraisemblablement être caractérisée.

Problème de droit : Quelle est la juridiction compétente pour se prononcer sur une situation de voie de fait ?

Solution en droit : En vertu de la séparation des autorités administratives et des autorités judiciaires, le juge judiciaire ne peut connaître certains litiges relatifs à l’administration, ce qui ne signifie toutefois pas que le juge administratif soit le juge de tous les litiges impliquant l’administration.

Ainsi, la notion de voie de fait, consacrée par le Tribunal des conflits (TC, 8 avril 1935, Action Française), permet de retirer la compétence du juge administratif et de retenir celle du juge judiciaire dès lors que l’Administration, par son action, ne satisfait plus une mission d’intérêt général. C’est une exception au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires.

Ainsi, les juridictions judiciaires peuvent ordonner la cessation d’une voie de fait et se prononcer sur la réparation (TC, 17 juin 2013, Bergoend).

Les administrés ont également la possibilité, en cas de voie de fait, de saisir le juge du référé liberté afin de faire cesser une atteinte grave et manifestement illégale au droit de propriété (CE, 23 janvier 2013, Commune de Chirongui).

Le référé-liberté (CJA, art. L.521-2), créé par la loi du 30 juin 2000, est une procédure d’urgence qui permet de mettre fin à une mesure administrative de nature à porter une atteinte grave et manifestement illégale à l’exercice d’une liberté fondamentale. 

Plusieurs conditions sont exigées :
* Il faut une atteinte à une liberté fondamentale. Le droit de propriété ayant le caractère d’une liberté fondamentale (CE, 23 mars 2001, Sté Lidl).

* Il faut une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté en cause.

* Il faut une situation d’urgence, le juge devant statuer dans les  48 heures en raison de l’atteinte à une liberté fondamentale.

Une situation d’urgence est caractérisée lorsque la décision administrative contestée cause un préjudice « de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre » (CE, Sect, 19 janv. 2001, Confédération nationale des radios libres).

Solution en l’espèce : En l’espèce, M. PIGEON peut saisir le juge judiciaire afin d’obtenir la réparation du préjudice subi du fait de l’arrachage de sa haie.

Il a également la possibilité d’engager une action en référé devant le juge administratif puisque les trois conditions prévues par l’article L.521-2 du Code français de justice administrative semblent satisfaites (liberté fondamentale et atteinte grave). La condition tenant à l’urgence pourrait être déduite de l’atteinte grave et manifestement illégale à son droit de propriété.

Cette voie lui permettrait d’obtenir du juge, une décision dans les 48 heures.

Conclusion : M. PIGEON devra saisir le juge judiciaire afin d’obtenir la réparation de son préjudice. Il pourrait le cas échéant envisager une action devant le juge administratif des référés.

Police administrative

1- M. JACOB est maire d’une petite commune depuis peu. Les habitants de la commune, excédés par la montée de la violence au sein de la commune depuis quelques années, ont placé tous leurs espoirs dans ce maire qui a promis qu’il ferait « tout ce qui est en son pouvoir » pour éradiquer toute forme de délinquance.

Récemment, plusieurs vols à l’arraché visant des personnes âgées ont eu lieu en plein centre-ville sans que les délinquants en question n’aient pu être retrouvés.

Fatigué de l’inaction des pouvoirs publics, il convainc le conseil municipal de voter une délibération portant création d’une « garde communale » composée de citoyens volontaires bénévoles, anciens professionnels de la sécurité. La délibération précise que ces citoyens, non armés, seront chargés de faire des déambulations sur la voie publique et d’informer la police municipale ou nationale du moindre incident qu’ils constateraient. 70 retraités de la gendarmerie, de l’armée, de la police ainsi que des anciens pompiers non armés se portent volontaires. Le préfet, estimant, cette délibération illégale, a saisi la justice. Le juge des référés a déjà suspendu l’exécution de cette décision. M. JACOB attend désormais la décision du tribunal administratif au fond.

  • Dans quel sens le tribunal administratif risque-t-il de statuer ?

2- Par ailleurs, un braquage de banque vient d’avoir lieu en plein centre-ville. La police s’est rendue sur place et a procédé à plusieurs contrôles d’identité. A l’occasion de ce contrôle, un homme s’est enfui en courant et a finalement été interpellé après une course de quelques minutes.

  • Ces évènements relèvent-ils de la police administrative ou de la police judiciaire ?

3- Par ailleurs, M. JACOB, qui a un fils de 19 ans, a été informé par plusieurs jeunes que la fermeture des bars de la ville était fixée à minuit par le préfet dans tout le département. Son fils, Augustin, qui est ami avec le patron d’un des bars concernés, lui demande s’il a la possibilité de reporter la fermeture à 1 heure du matin. M. JACOB, très énervé par tous ses problèmes du moment, lui répond d’un ton sec : « Stop avec ça ! Il est hors de question que je repousse l’heure de fermeture des bars. De toute façon même si je le souhaitais, je n’en ai pas la possibilité ! ».

M. JACOB a-t-il raison ?

Monsieur JACOB rencontre plusieurs problèmes qu’il conviendra de voir successivement.

D’abord nous aborderons la question de la légalité de la délibération municipale décidant de la création d’une « garde communale », ensuite, nous nous intéresserons à la question de la qualification de l’opération de police, enfin, nous vérifierons les allégations de M. JACOB arguant de son impossibilité à pouvoir retarder l’heure de fermeture des bars de la commune.

Faits : Une délibération municipale prévoit la création d’une garde communale composée de citoyens volontaires non armés et chargés de faire des déambulations sur la voie publique et d’informer la police municipale ou nationale des incidents constatés.

Le préfet, estimant l’acte illégal, a saisi le tribunal administratif par un déféré préfectoral afin de demander l’annulation de l’acte.

Problème de droit : Une commune peut-elle confier à des personnes privées une activités de surveillance de la voie publique ?

Solution en droit : La délégation des pouvoirs de police administrative est impossible, l’autorité de police devant l’exercer elle-même (CE, 17 juin 1932, Ville de Castelnaudary ; CE, 1er avril 1994, Commune de Menton, 144152 et 144241).

Ainsi, une municipalité ne peut abandonner des pouvoirs de police dans les mains d’organisations privées.

Cette interdiction :

  • Vise la délégation contractuelle et la délégation unilatérale ;
  • Concerne à la fois le transfert d’une activité normative à une personne privée, mais aussi l’habilitation de celle-ci à exercer des activités matérielles de police » (TA Versailles, 17 janv. 1986, Commissaire de la République du département de Seine-et-Marne).

Or la surveillance de la voie publique est une compétence de police administrative générale (CE, 29 déc. 1997, Commune d’Ostricourt, n° 170606). Ainsi surveillance et de gardiennage des immeubles municipaux et du mobilier urbain peuvent être confiées à une entreprise spécialisée mais non des tâches de surveillance de la voie publique (CE, 29 déc. 1997, Commune d’Ostricourt, n°170606).

Plus récemment, le tribunal administratif de Montpellier dans une décision du 5 juillet 2016 a considéré que les tâches de surveillance de la voie publique font partie des missions de la police administrative qui ne sauraient être déléguées et « qu’en dehors de circonstances exceptionnelles qui ne sont en l’espèce ni établies ni même invoquées, le conseil municipal d’une commune, qui règle par ses délibérations les aires de la commune, ne tient d’aucune disposition législative ou règlementaire actuellement en vigueur la compétence pour créer, de sa propre initiative et pour une durée non déterminée, un service opérationnel en vue de confier à des particuliers, nommés ou désignés par le maire en qualité de collaborateurs occasionnels du service public, des missions de surveillance de la voie publique ou des bâtiments publics qui, dans les communes, relèvent de la police municipale et sont exercées par le maire ou par des agents placés sous son autorité et sous le contrôle du représentant de l’État ».

Cet arrêt admet une dérogation en visant des « circonstances exceptionnelles » qui permettraient à des personnes privées d’exercer des missions de surveillance de la voie publique qui ne sont pas retenues en l’espèce.

Solution en l’espèce : La délibération de la commune municipale prévoit de confier à des personnes privées (des citoyens volontaires composés d’anciens professionnels de la sécurité) une mission de surveillance de la voie public. Or, il ressort de la loi et il est de jurisprudence constante que ce type de mission constitue une compétence de police administrative. Or, d’après le Conseil d’État la délégation des pouvoirs de police administrative est impossible, l’autorité de police devant l’exercer elle-même.

Seulement quelques tribunaux administratifs dont celui de Montpellier ont pu considérer que des circonstances exceptionnelles permettraient à des personnes privées d’exercer des missions de surveillance de la voie publique. Mais cette exception doit être envisagée avec prudence s’agissant de la faible portée attachée à une décision de première instance. En tout état de cause, M. JACOB ne semble pas évoquer des circonstances exceptionnelles en l’espèce.

Conclusion : Le juge administratif prononcera la nullité de la délibération municipale et enjoindra au maire de mettre fin à toute action ou démarche visant à procéder à la mise en place opérationnelle de cette garde communale.

Faits : A la suite d’un braquage de banque, différentes opérations de police ont été réalisées.

Problème de droit : Comment qualifier une opération de police ?

Solution en droit : La police administrative est l’« ensemble des moyens juridiques et matériels ayant pour but d’assurer le maintien de la tranquillité, de la sécurité et de la salubrité publique ». Le but est la préservation de l’ordre public.

La police administrative inclut donc à la fois :

• Les opérations de police matérielle exercée par des personnes ;

• L’activité de règlementation des autorités administratives nationales et locales.

Elle se distingue de la notion de police judiciaire.

Le critère de distinction n’est pas organique (la nature de l’autorité qui effectue l’opération de police n’est pas prise en compte, car ce sont les mêmes autorités et agents qui agissent au titre de la police judiciaire et de la police administrative), mais finaliste. On regarde la finalité de l’opération de police.

Si l’opération a une finalité préventive, c’est-à-dire qu’elle vise à prévenir les atteintes à l’ordre public, il s’agit de la police administrative. Les opérations ne visant pas à la répression d’une infraction pénale déterminée, mais à la réalisation d’une mission de contrôle et de surveillance relèvent de la police administrative (T. confl., 7 juin 1951, Noualek).

En revanche, si l’opération a une finalité répressive, c’est-à-dire qu’elle vise à rechercher les auteurs d’infractions, il s’agit de la police judiciaire. Toute opération de recherche des infractions et de poursuite de leurs auteurs est une opération de police judiciaire (CE, Sect., 11 mai 1951, Baud).

Solution en l’espèce : En l’espèce, on peut distinguer deux opérations de police différentes.

  • La première opération concerne des contrôles d’identité. Il semble que ces contrôles soient effectués par la police afin de rechercher et interpeller les auteurs présumés des infractions résultant d’un braquage de banque. Dans ce cas, il s’agirait d’une opération de police judicaire.

Mais il est possible de penser également que ces contrôles d’identité ont pour but de sécuriser le centre-ville de la commune à la suite du braquage. L’objet des contrôles d’identité serait donc de prévenir les atteintes à l’ordre public dans le cadre d’une mission de contrôle. Dans ce cas, il s’agirait d’une opération de police administrative.

  • La deuxième opération concerne la poursuite et l’interpellation d’une personne ayant cherché à se soustraire à un contrôle d’identité. En poursuivant et en interpellant cette personne, il semble que les agents de police ont manifesté leur intention d’interpeller cette personne en raison de sa fuite laissant supposer un lien avec le braquage. Il s’agirait alors d’une opération de police judiciaire.

Conclusion : Selon les différentes opérations de police réalisées, les qualifications sont susceptibles de varier.

Faits : Un maire refuse de retarder l’heure de fermeture des bars dans la commune fixée par le préfet à minuit dans tout le département.

Problème de droit : Un maire a-t-il le pouvoir de reporter la fermeture des bars de la commune fixée par le préfet dans le département ?

Solution en droit : En raison de la diversité et du nombre d’autorités de police, des conflits de compétences peuvent survenir entre plusieurs autorités de police.

En cas de concurrence entre plusieurs autorités de police générale, le Conseil d’État a jugé que les décisions prises au niveau national s’imposent aux autorités locales (CE, 8 août 1919, Labonne), mais l’autorité locale peut ajouter des prescriptions uniquement :

  • si les circonstances locales le justifient ;
  • et si ces prescriptions sont plus rigoureuses, c’est-à-dire qu’elles doivent renforcer les mesures prises au niveau central. Si la loi autorise le préfet à faire des règlements de police municipale pour toutes les communes du département ou pour plusieurs d’entre elles, aucune disposition n’interdit au maire d’une commune de prendre sur le même objet et pour sa commune, par des motifs propres à cette localité, des mesures plus rigoureuses ; (CE, 18 avr. 1902, Commune de Néris-les-Bains).

Solution en l’espèce : En l’espèce, il y a un concours de compétence entre deux polices administratives générales à savoir entre le préfet et le maire.

Le maire, autorité inférieure, ne peut que prendre des mesures plus rigoureuses que celles prises par le préfet. En d’autres termes, s’il peut le cas échéant prévoir une heure de fermeture plus avancée, il ne peut retarder l’heure de fermeture.

Conclusion : M. JACOB a raison lorsqu’il explique à son fils que, même s’il le souhaitait, il n’aurait pas la possibilité de retarder l’heure de fermeture des bars dans la commune.

Le bail professionnel ou commercial

La société civile immobilière « YAPI IMMOB » a mis à disposition  de la société  »AFRIMA », société d’exploitation de manèges, un emplacement d’environ 20m² situé dans un centre commercial pour y installer un manège pour enfants. Il s’agit d’un espace ouvert situé dans les parties communes d’un centre commercial. La société civile immobilière  »YAPI IMMOB » impose des horaires d’ouverture et de fermeture à la société AFRIMA et lui fournit l’électricité.

Cette convention a été reconduite tacitement, chaque année jusqu’à ce que, par acte extrajudiciaire, le propriétaire signifie qu’il mettait fin à la mise à disposition.

La société  »AFRIMA » revendique l’application du statut des baux commerciaux pour rester dans les lieux. De son côté, la société civile immobilière  »YAPI IMMOB » estime qu’elle ne peut invoquer le statut des baux commerciaux.

Selon vous, qui de la société  »AFRIMA » ou  »YAPI IMMOB » a raison ?

Faits : Une société civile immobilière, après avoir mis à disposition d’une société d’exploitation de manèges un emplacement situé au sein des parties communes d’un centre commercial dans un espace ouvert, a mis fin à la mise à disposition par acte extra-judiciaire. La société d’exploitation de manèges est soumise à des horaires d’ouverture et de fermeture. Elle revendique l’application du statut des baux commerciaux afin de se maintenir dans les lieux.

L’article 104 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général offre aux parties au contrat de bail à usage professionnel, la liberté de fixer la durée de celui-ci. Le bail à usage professionnel peut donc être conclu pour une durée déterminée ou indéterminée 1.

Par ailleurs, le preneur dispose du droit de demander le renouvellement du bail à durée déterminée après l’expiration du terme initial. Il s’agit là d’un droit subjectif et strictement personnel au preneur.

L’Acte uniforme relatif au droit commercial général réglemente néanmoins strictement les conditions et procédure de ce renouvellement.

Le droit au renouvellement du bail qu’il soit à durée déterminée ou indéterminé est acquis au preneur pour autant que celui-ci ait exploité l’activité prévue dans le contrat de bail pendant au moins deux ans 2.

Par ailleurs, dans le cadre d’un bail à durée déterminée, le preneur qui désire faire usage de ce droit au renouvellement, doit formuler sa demande au bailleur au plus tard trois mois avant la date d’expiration du bail 3. Le non-respect de cette obligation sera sanctionné dans le chef du preneur par la déchéance de son droit au renouvellement 4.

La demande de renouvellement doit, en outre, être faite par acte extrajudiciaire, à savoir, par signification d’huissier de justice ou notification par tout moyen permettant d’établir la réception effective par le bailleur 5. Cette disposition est d’ordre public de sorte que les parties ne peuvent pas y déroger conventionnement 6.

Il en résulte que les clauses de tacite reconduction du bail c’est-à-dire les clauses aux termes desquelles, à l’expiration de la durée prévue pour la validité du contrat, ce dernier continuera à produire automatiquement ses effets pour une période nouvelle prévue par les parties, à moins que l’une d’entre elles ne manifeste expressément sa volonté d’y mettre fin, sont en principe interdites puisque le législateur OHADA impose que la demande de renouvellement se fasse par acte extrajudiciaire 7.

Par conséquent, même en présence d’une clause de tacite reconduction, le preneur qui ne respecte pas les conditions légales prescrites par l’Acte uniforme sera déchu de son droit au renouvellement.

Dans ce cas, le maintien du preneur au terme du contrat constitue une voie de fait qui permet au bailleur d’agir en justice afin de faire ordonner l’expulsion du preneur.

Lorsque la demande de renouvellement a été faite dans le respect des conditions légales, le bailleur est tenu de faire savoir sa réponse au locataire au plus tard un mois avant l’expiration du bail, faute de quoi, il est réputé avoir accepté le renouvellement sollicité 8.

En cas de renouvellement exprès ou tacite (si le bailleur ne répond pas dans le délai imposé), le bail est conclu pour une durée minimale de trois ans. Le bail ainsi renouvelé devient donc un bail à durée déterminée dont la durée est de trois ans. Cette durée commence à courir à compter de l’expiration du bail précédant 9. Les parties peuvent également prévoir que le bail sera renouvelé pour une durée indéterminée. Dans ce cas, les parties doivent prévoir la durée du préavis de congé qui ne peut être inférieure à six mois 10.

Si le bailleur à qui une demande régulière de renouvellement est formulée désire s’opposer au renouvellement du bail, il devra verser au locataire une indemnité d’éviction 11. Il ne doit cependant pas pas motiver les raisons de son refus, n’y démontrer que le preneur a commis une faute justifiant le non-renouvellement du bail.

L’indemnité d’éviction constitue la contrepartie du droit du bailleur de refuser le renouvellement du bail et vise à compenser le préjudice subi par le preneur suite à la privation des locaux ou immeubles consacrés à l’exploitation.

Il existe toutefois certaines situations dans lesquelles le bailleur peut s’opposer au renouvellement du bail sans être pour autant tenu de payer une indemnité d’éviction.

C’est le cas, premièrement, si le bailleur parvient à démontrer que le preneur exploite l’activité visée dans le contrat de bail depuis moins de deux ans puisque dans cette hypothèse, les conditions du droit au renouvellement du preneur ne sont pas remplies 12.

Par ailleurs, si le bailleur justifie d’un motif grave et légitime à l’encontre du preneur ou de son ayant-cause, il n’a aucune obligation de régler l’indemnité d’éviction 13. Ce motif grave doit nécessairement consister soit dans l’inexécution par le locataire d’une obligation substantielle du bail tel que le non-paiement du loyer, soit dans la cessation de l’exploitation de l’activité 14. Le motif grave ne peut toutefois être invoqué que si les faits se sont poursuivis ou renouvelés plus de deux mois après une mise en demeure du bailleur demandant au preneur de faire cesser ces faits.

Lorsque le bailleur envisage de démolir l’immeuble comprenant les lieux loués, et de le reconstruire, le bailleur ne doit verser aucune indemnité d’éviction au preneur. Ce dernier disposera néanmoins d’un droit de priorité pour se voir attribuer un nouveau bail dans l’immeuble reconstruit. Le bailleur devra, en outre, justifier de la nature et de la description des travaux projetés 15.

Enfin, dans l’hypothèse d’un bail portant sur les locaux principaux professionnels et ceux accessoires d’habitation, le bailleur peut également refuser le renouvellement du bail, sans devoir payer d’indemnité d’éviction au locataire, s’il décide d’habiter lui-même les lieux loués ou de les faire habiter par son conjoint ou ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint. Ce droit de reprise ne peut toutefois s’exercer que sur les locaux d’habitation qui sont les accessoires des locaux principaux professionnels 16.

Solution en l’espèce (mineure) : En l’espèce, la société, la société  »AFRIMA » n’a pas suivi les procédures de renouvellement prévues par le droit OHADA.

Conclusion : Le fait que la société  »AFRIMA » n’ait pas accompli les formalités prévues par le droit OHADA pour le renouvellement du bail commercial, son contrat ne sera pas renouvelé nonobstant les statuts du bail commercial les liant car les clauses de tacite reconduction étant irrégulières selon le droit OHADA.

____________________________

1. Article 104 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général.

2. Cour d’Appel de Ouagadougou , Arrêt du 21 novembre 2008, Arrêt n° 059, COMPAORE née GRÜNER Hans Yvette c/ SIMPORE née GNINGNIN Téné Rasmata, www.ohada.com; Article 123 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général.

3. Cour d’Appel de Bobo-Dioulasso , Arrêt du 15 mai 2006, Arrêt n° 33, CELTEL Burkina c/ DIOP Binta, www.ohada.com, J-10-121 ; Article 124 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général.

4. Tribunal Régional de Niamey, Jugement du 3 mars 2004, Jugement civil n° 084, Affaire : P.K.F. c/ A.B , www.ohada.com, J-09-114.

5. B. Togora, « Brèves observations au sujet du bail commercial à durée déterminée et des conditions de son renouvellement par reconduction suivant le droit OHADA », www.ohada.com, D-11-92.

6. Ibidem.

7. H. A. Bitsamana, « Dictionnnaire de droit OHADA », www.ohada.com, D-05-33.

8. Article 124 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général.

9. Article 123 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général.

10. A. Pedro Santos et J. Yado Toé, Ohada, Droit commercial général, Bruylant, Bruxelles, 2002, p. 189.

11. Article 126 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général.

12. B. Togora, « Brèves observations au sujet du bail commercial à durée déterminée et des conditions de son renouvellement par reconduction suivant le droit OHADA », www.ohada.com, D-11-92.

13. M. Dougoune, « L’encadrement du bail commercial, les hésitations entre protectionnisme et libéralisme : Étude comparative France, USA, Canada, Ohada », Jurifis Infos, N° 13 – Nov/Déc. 2013, p. 30.

14. Arrêt n° 006/2009, Pourvoi n° 099/2003/ PC du 23 octobre 2003, Affaire : SEYWA Antoinette (Conseil : Maître BOUAKE Binaté, Avocat à la Cour) contre ZOUZOUA Nathalie ; Recueil de Jurisprudence n° 13, 2009, p. 45 

15. Article 127 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général.

16. Article 128 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général.

Qualification de commerçant

M. SONGO a travaillé en tant que salarié dans la société « Appel moi pour tout », société spécialisée dans l’entretien de canalisations. Après une altercation avec M. BATARD, il a finalement donné sa démission et décidé de s’installer à son compte en qualité de plombier chauffagiste.

M. BATARD, furieux de voir son ancien salarié créer son activité décide de l’assigner au nom de la société aux fins de cessation d’agissements de concurrence déloyale devant le tribunal de commerce.

M. SONGO vient vous voir pour vous demander des conseils juridiques.

Il est convaincu d’être artisan et non-commerçant et a lu des articles sur internet affirmant qu’un autre tribunal est compétent pour les litiges concernant les artisans.

M. SONGO vous précise :

  • Qu’il travaille seul sans main-d’œuvre interne ou externe ;
  • Qu’il exerce principalement une activité de prestation de services ;
  • Qu’il tire une faible partie de ses revenus pour revendre de marchandises (environ 10% de son résultat d’exploitation).
  • Qu’en est-il ? M. BATARD peut-il assigner M. SONGO devant le tribunal de commerce ?

Faits : Un ancien salarié reconverti plombier-chauffagiste fait l’objet, à la suite de la création de son activité, d’une action aux fins de cessation d’agissements de concurrence déloyale devant le tribunal de commerce intentée par son ancien employeur. L’homme travaille seul, exerce principalement une activité de prestation de services et tire 10% de ses revenus de la revente de marchandises.

Annonce de plan : Il convient d’abord de se pencher sur la qualification professionnelle de M. SONGO (I), avant d’envisager la question de la juridiction compétente (II).

Problème de droit : À quelles conditions peut-on qualifier l’activité professionnelle d’artisan ?

Solution en droit (majeure) : L’activité d’artisan a une nature civile et échappe au droit commercial.

Deux conditions permettent de qualifier un artisan :

D’abord, la nature de l’activité de l’artisan doit exclure les opérations de spéculation. L’artisan doit réaliser un travail manuel sans recourir à la spéculation (Com. 18 févr. 1980, n° 78-15.102). S’il recherche le profit, il pourra être requalifié en commerçant. C’est notamment le cas lorsqu’il spécule :

  • sur les marchandises lorsque l’essentiel de l’activité consiste à acheter pour revendre (Com. 17 juin 1970, n° 69-10.475) ;
  • sur le travail d’autrui ou sur le travail des machines, par exemple lorsque l’activité requiert l’emploi d’un matériel important (Com. 2 mai 1972, n° 69-10.475).

Ensuite, la taille de l’entreprise d’un artisan est limitée à 10 salariés. Ce critère rejoint en réalité le critère précédent, car l’idée est qu’au-delà d’une certaine taille, l’artisan spécule sur le travail d’autrui. Il convient toutefois de préciser qu’il ne s’agit pas d’un critère permettant de qualifier une activité d’artisanale ou de commerciale, mais simplement de déterminer l’exigence d’immatriculation de l’artisan au registre des métiers.

Solution en l’espèce (mineure) : En l’espèce, M. SONGO effectue un travail manuel en tant que plombier-chauffagiste.

Il ne semble pas effectuer d’activité de spéculation puisqu’il ne spécule pas :

  • Sur le travail d’autrui, car il travaille seul sans main-d’œuvre interne (salarié) ou externe (prestataires de service)
  • Sur les marchandises, car il ne tire que 10% de ses revenus de la revente de marchandise.
  • Sur le travail des machines, car les faits ne précisent pas que son activité requiert un matériel important.

Il semble donc bien effectuer un travail manuel, sans recourir à la spéculation.

Conclusion : M. SONGO pourra donc bien être qualifié d’artisan.

Problème de droit : Les litiges entre un artisan et un commerçant relèvent-ils de la juridiction commerciale ?

Solution en droit (majeure) : L’artisan relève du droit civil. Les règles du droit commercial ne lui sont pas applicables. 

Par exception, l’artisan est soumis à certaines règles du droit commercial. Ainsi, les instances introduites entre artisans, ou entre artisans et commerçants relèvent de la compétence matérielle du tribunal de Commerce et toute saisine d’une autre juridiction est sanctionnée par une décision d’incompétence.

Solution en l’espèce (mineure) : En l’espèce, M. SONGO se trompe en affirmant qu’une autre juridiction est compétente, car le tribunal de commerce est compétent pour les litiges entre les artisans et les commerçants. Or, il peut lui-même être qualifié d’artisan.

Conclusion : Le tribunal de commerce pourra être compétent pour connaître du litige entre M. SONGO et M. BATARD.

Divorce pour faute

M. et Mme Coureur de jupons étaient un couple heureux et follement amoureux lorsqu’ils se sont mariés en 2009. Ils ont eu quatre enfants ensemble et vivaient sur un petit nuage. Cependant, en 2021, Coureur de jupons, en pleine crise de la quarantaine, a commencé à se lasser de cette relation. Des problèmes conjugaux liés à son comportement sont nés…

Voyant son mari de plus en plus distant, Mme Coureur de jupons a commencé à soupçonner son mari d’entretenir une liaison avec une autre femme. Elle a essayé de lui tirer les vers du nez à plusieurs reprises, mais ce dernier a toujours nié en bloc toute relation adultère : « Tu sais bien que je t’aime, et malgré mon nom de famille, je ne suis pas un Coureur de jupons ! ».

Malgré ces belles paroles (et ce trait d’humour à mourir de rire…), en janvier 2022, alors qu’elle effectuait des recherches sur son ordinateur, Mme Coureur de jupons a découvert plusieurs conversations de son mari sur un site spécialisé dans les relations extraconjugales, ne laissant aucun doute sur son intention de la tromper. Les conversations durent depuis plusieurs mois.

Elle décide finalement de demander le divorce pour faute. De son côté, M. Coureur de jupons se dit confiant, car il affirme n’avoir eu aucune relation charnelle avec les femmes en question.  

Mme Coureur de jupons peut-elle obtenir le divorce pour faute ? 

Peut-elle obtenir des indemnités en cas de divorce pour faute ? 

 Faits : Un conjoint marié entretient régulièrement des conversations sur un site de rencontre, exprimant son désir d’avoir des relations charnelles avec d’autres femmes. Son épouse souhaite obtenir le divorce pour faute.

Annonce de plan : Il convient d’abord de se pencher sur la question des conditions du divorce pour faute (I) avant d’envisager les effets juridiques (II).

Problème de droit : Le fait, pour un époux, d’entretenir des conversations sur un site de rencontre extra-conjugal avec d’autres femmes peut-il conduire au prononcé d’un divorce pour faute ?

Solution en droit (majeure) : Le divorce peut être demandé par l’un des époux lorsque des faits constitutifs d’une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune. (Article 14 de LOI IVOIRIENNE N°2022-793 DU 13 OCTOBRE 2022 RELATIVE AU DIVORCE ET A LA SEPARATION DE CORPS).

Plusieurs conditions doivent être satisfaites pour conduire au prononcé d’un divorce pour faute.

D’abord, la faute doit avoir un caractère conjugal, c’est-à-dire qu’elle doit résulter de l’inexécution d’un devoir né du mariage et s’imposant aux époux. La fidélité est un des devoirs s’imposant aux époux (Article 45 de la LOI IVOIRIENNE N° 2019-570 DU 26 JUIN 2019, RELATIVE AU MARIAGE). : « Les époux s’obligent à la communauté. Ils se doivent mutuellement respect, fidélité, secours et assistance »).

La notion de fidélité englobe la notion de fidélité « physique » renvoyant à l’adultère (relations charnelles) et celle de fidélité « intellectuelle » renvoyant à l’infidélité sans relations charnelles. En effet, la Cour de cassation française a admis, dans un arrêt du 30 avril 2014 (Civ., 1ère, 30 avril 2014, n° 13-16.649) que l’adultère peut être constitué, même en l’absence de relation physique. Le fait pour une personne de fréquenter des sites de rencontre, d’y échanger des messages et des photographies intimes, constitue une violation du devoir de fidélité.

Par ailleurs, la faute doit être grave ou, à défaut, renouvelée. Dans l’arrêt précité, la Cour de cassation a pu considérer que l’envoi de « mails » équivoques échangés sur un site de rencontre par une épouse avec un certain nombre de correspondants masculins, ainsi que les photographies intimes de cette dernière, établissent que celle-ci avait un comportement de recherches de relations masculines multiples et constitue un manquement grave et renouvelé (Civ., 1ère, 30 avril 2014, n° 13-16.649).

En outre, la faute doit rendre intolérable le maintien de la vie commune. L’idée est d’exclure la possibilité pour de simples fautes passagères de conduire à un divorce pour faute.

Enfin, la faute doit pouvoir être imputée à l’un des époux, c’est-à-dire qu’elle doit résulter de son fait personnel (non du fait d’un tiers) et elle doit impliquer le discernement de l’époux (Civ. 2ème, 19 juill. 1976, n° 75-12.692).

La preuve de la faute peut se faire par tous moyens s’agissant d’un fait juridique (Article 23 alinéa 1er de la LOI IVOIRIENNE N°2022-793 DU 13 OCTOBRE 2022 RELATIVE AU DIVORCE ET A LA SEPARATION DE CORPS) mais ne doit pas heurter le droit au respect de la vie privée de l’époux concerné et ne doit pas être obtenue par violence ou par fraude.

Solution en l’espèce (mineure) : En l’espèce, M. Coureur de jupons a entretenu des conversations laissant apparaître son désir d’avoir des relations sexuelles avec d’autres femmes, mais il n’a, a priori, eu aucune relation charnelle avec une autre femme.

La faute de M. Coureur de jupons a bien un caractère conjugal et se rattache au devoir de fidélité. Ce devoir de fidélité ne vise pas uniquement l’absence de relations charnelles, la Cour de cassation visant aussi bien la fidélité charnelle que la fidélité intellectuelle. Elle a pu juger que le fait pour une personne de fréquenter des sites de rencontre, d’y échanger des messages et des photographies intimes, constitue une violation du devoir de fidélité.

La faute peut être considérée à la fois comme grave et renouvelée, puisque les « conversations durent depuis plusieurs mois ».

Enfin, un juge pourrait estimer que la faute rend intolérable le maintien de la vie commune en excluant l’idée d’une simple faute passagère. Ce point pourra être discuté et approfondi par les parties en fonction du contexte.

Enfin, la faute semble bien pouvoir être imputée à M. Charo qui, au regard des faits, dispose de tout son discernement.

Conclusion : Mme Coureur de jupons pourra sûrement obtenir le prononcé d’un divorce pour faute.

Problème de droit : Quelles sont les indemnités auxquelles un époux peut prétendre en cas de prononcé d’un divorce pour faute ?

Solution en droit (majeure) : Un époux peut obtenir, à l’occasion du divorce, des dommages et intérêts en invoquant deux fondements.

• L’article 44 de la LOI IVOIRIENNE N°2022-793 DU 13 OCTOBRE 2022 RELATIVE AU DIVORCE ET A LA SEPARATION DE CORPS) permet d’obtenir des dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel ou moral d’une particulière gravité dans deux cas :

  • Lorsque le divorce est prononcé pour altération définitive du lien conjugal à la demande d’un époux.
  • Lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l’un des époux.

Deux conditions sont nécessaires :

  • La « demande fondée sur ce texte ne peut être formée qu’à l’occasion de l’action en divorce »
  • Les conséquences qu’entraîne la dissipation de l’union ne sont prises en considération que si elles sont « d’une particulière gravité ».

Par exemple, la Cour de cassation française a jugé qu’une cour d’appel a pu valablement décidé d’accorder 2.000 euros de dommages et intérêts à une épouse qui avait eu vingt-quatre ans de vie commune avec son époux et avait continué de souffrir plusieurs années après le départ de son ex-époux du domicile conjugal d’un syndrome anxio-dépressif réactionnel en caractérisant des conséquences d’une particulière gravité subies par l’épouse du fait de la dissolution du mariage (Civ. 1ère, 22 juin 2022, n° 20-21.201).

• En droit positif ivoirien, l’article 1382 du Code civil permet d’obtenir des dommages et intérêts pour la réparation de préjudices distincts de celui résultant de la dissolution du mariage. Par exemple, en cas de rupture injurieuse et brutale.

À titre d’exemple, la Cour d’appel de Montpellier a condamné l’époux adultère à 5.000 € de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1240 du code civil, la Cour considérant que la séparation était intervenue dans des conditions brutales. Le mari avait quitté le domicile pour vivre avec une amie de sa femme, laissant cette dernière sans ressources et alors qu’elle venait de subir une intervention chirurgicale (CA Montpellier 13 sept. 2017, Jurisdata N° 2017-018839).

Enfin, la prestation compensatoire peut être refusée sur le fondement de l’équité lorsque le divorce est un divorce pour faute prononcé aux torts exclusifs de l’époux qui sollicite la prestation compensatoire au regard des circonstances particulières de la rupture.

Solution en l’espèce (mineure) : Mme Coureur de jupons pourra tenter d’obtenir des dommages et intérêts en raison de la relation adultère.

Toutefois, en l’absence d’éléments caractérisant une particulière gravité, une action sur le fondement de l’article 44 n’a que peu de chances d’aboutir. De la même manière, elle devra prouver un préjudice si elle envisage une action sur le fondement de l’article 1382 du Code civil.

Conclusion : Mme Coureur de jupons ne pourra vraisemblablement pas obtenir des dommages et intérêts, sauf à apporter des éléments qui ne figurent pas dans l’énoncé du cas pratique.

Quelle analyse faites-vous de la situation de chacune de ces trois entités (la cité du Vatican, le Kosovo et les territoires Palestiniens) dans les relations internationales ?

La cité du Vatican est un micro-Etat. À priori, le droit international reconnaît à tout Etat souverain, quelles que soient l’étendue de son territoire et l’importance de sa population, le pouvoir d’exercer toutes les compétences attachées à cette qualité. Ces accords de Latran, 11 février 1929, confirment les prérogatives du Saint Siège telles que prévues par la Loi des garanties du 13 mai 1871 et créent une entité dotée des éléments constitutifs de l’Etat.

D’abord, le territoire qui ressemble plutôt à un domaine ou une propriété privée de 44 hectares. Ensuite, une population dont le lien de nationalité avec le Vatican n’est pas fondée sur l’effectivité, la nationalité est ici de fonction et elle est octroyée à quelques 350 personnes. Enfin, un gouvernement qui est plutôt une administration dirigée par le Pape. 

Le Vatican a bénéficié du satut d’Etat à un moment où seule cette qualité était reconnue dans les relations internationales. 

L’évocation du Saint Siège parmi les micro-Etats indique au moins sur le plan institutionnel que les religions jouent un rôle explicite dans les relations internationales. C’est essentiellement à travers la cité du Vatican que l’église Catholique tente pour sa part d’influencer les relations internationales. 

Cependant, la participation des micro-Etats aux relations internationales pose un problème en raison de leur incapacité manifeste due à la faiblesse de la population, à l’exiguïté du territoire et à l’absence de ressources économique à influencer le jeu international. 

Le Kosovo est un Etat qui est issu de la dislocation de la Serbie. Le problème que pose le Kosovo dans les relations internationales est celui de sa reconnaissance d’Etat. En effet, le Kosovo a été reconnu par certains Etats tels que la France, les USA, l’Allemagne. Par contre pour les Etats africains, la reconnaissance du Kosovo pourrait constituer un précédent dangereux. 

Mais dans le fond, la reconnaissance est-elle déclarative ou constitutive ? 

En principe, la reconnaissance est un acte juridique par lequel on constate une situation de fait, ce qui suppose que le fait se soit constitué et qu’on se borne à constater son existence sans porter un jugement de valeur. En cela, la reconnaissance d’Etat est simplement déclarative et non constitutive. 

Mais, la reconnaissance peut être exceptionnellement constitutive de l’Etat lorsque les conditions de créations de l’Etat sont contestables au regard du droit international.

Dans le cas du Kosovo, la CIJ a récemment reconnu que rien ne s’oppose dans le droit international à la déclaration d’indépendance du Kosovo. 

La question du statut des territoires Palestiniens est l’une de celles qui agitent depuis longtemps les relations internationales. En effet, il s’agit de savoir si les territoires Palestiniens ont le statut d’Etat en droit international ? 

La réponse à cette question appelle nécessairement une vérification des éléments constitutifs de l’Etat dans les relations internationales. 

Le pouvoir politique est détenu par l’autorité Palestinienne, sorte de gouvernement Palestinien et notons la présence d’une population vivant sur les territoires Palestiniens. 

Cependant, il faut mentionner que la Palestine n’est pas indépendante du fait de l’occupation israélienne. La condition essentielle tenant à la souveraineté, à l’existence de l’Etat fait défaut.