M. et Mme Coureur de jupons étaient un couple heureux et follement amoureux lorsqu’ils se sont mariés en 2009. Ils ont eu quatre enfants ensemble et vivaient sur un petit nuage. Cependant, en 2021, Coureur de jupons, en pleine crise de la quarantaine, a commencé à se lasser de cette relation. Des problèmes conjugaux liés à son comportement sont nés…
Voyant son mari de plus en plus distant, Mme Coureur de jupons a commencé à soupçonner son mari d’entretenir une liaison avec une autre femme. Elle a essayé de lui tirer les vers du nez à plusieurs reprises, mais ce dernier a toujours nié en bloc toute relation adultère : « Tu sais bien que je t’aime, et malgré mon nom de famille, je ne suis pas un Coureur de jupons ! ».
Malgré ces belles paroles (et ce trait d’humour à mourir de rire…), en janvier 2022, alors qu’elle effectuait des recherches sur son ordinateur, Mme Coureur de jupons a découvert plusieurs conversations de son mari sur un site spécialisé dans les relations extraconjugales, ne laissant aucun doute sur son intention de la tromper. Les conversations durent depuis plusieurs mois.
Elle décide finalement de demander le divorce pour faute. De son côté, M. Coureur de jupons se dit confiant, car il affirme n’avoir eu aucune relation charnelle avec les femmes en question.
Mme Coureur de jupons peut-elle obtenir le divorce pour faute ?
Peut-elle obtenir des indemnités en cas de divorce pour faute ?
Résolution
Faits : Un conjoint marié entretient régulièrement des conversations sur un site de rencontre, exprimant son désir d’avoir des relations charnelles avec d’autres femmes. Son épouse souhaite obtenir le divorce pour faute.
Annonce de plan : Il convient d’abord de se pencher sur la question des conditions du divorce pour faute (I) avant d’envisager les effets juridiques (II).
Sur les conditions du divorce pour faute
Problème de droit : Le fait, pour un époux, d’entretenir des conversations sur un site de rencontre extra-conjugal avec d’autres femmes peut-il conduire au prononcé d’un divorce pour faute ?
Solution en droit (majeure) : Le divorce peut être demandé par l’un des époux lorsque des faits constitutifs d’une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune. (Article 14 de LOI IVOIRIENNE N°2022-793 DU 13 OCTOBRE 2022 RELATIVE AU DIVORCE ET A LA SEPARATION DE CORPS).
Plusieurs conditions doivent être satisfaites pour conduire au prononcé d’un divorce pour faute.
D’abord, la faute doit avoir un caractère conjugal, c’est-à-dire qu’elle doit résulter de l’inexécution d’un devoir né du mariage et s’imposant aux époux. La fidélité est un des devoirs s’imposant aux époux (Article 45 de la LOI IVOIRIENNE N° 2019-570 DU 26 JUIN 2019, RELATIVE AU MARIAGE). : « Les époux s’obligent à la communauté. Ils se doivent mutuellement respect, fidélité, secours et assistance »).
La notion de fidélité englobe la notion de fidélité « physique » renvoyant à l’adultère (relations charnelles) et celle de fidélité « intellectuelle » renvoyant à l’infidélité sans relations charnelles. En effet, la Cour de cassation française a admis, dans un arrêt du 30 avril 2014 (Civ., 1ère, 30 avril 2014, n° 13-16.649) que l’adultère peut être constitué, même en l’absence de relation physique. Le fait pour une personne de fréquenter des sites de rencontre, d’y échanger des messages et des photographies intimes, constitue une violation du devoir de fidélité.
Par ailleurs, la faute doit être grave ou, à défaut, renouvelée. Dans l’arrêt précité, la Cour de cassation a pu considérer que l’envoi de « mails » équivoques échangés sur un site de rencontre par une épouse avec un certain nombre de correspondants masculins, ainsi que les photographies intimes de cette dernière, établissent que celle-ci avait un comportement de recherches de relations masculines multiples et constitue un manquement grave et renouvelé (Civ., 1ère, 30 avril 2014, n° 13-16.649).
En outre, la faute doit rendre intolérable le maintien de la vie commune. L’idée est d’exclure la possibilité pour de simples fautes passagères de conduire à un divorce pour faute.
Enfin, la faute doit pouvoir être imputée à l’un des époux, c’est-à-dire qu’elle doit résulter de son fait personnel (non du fait d’un tiers) et elle doit impliquer le discernement de l’époux (Civ. 2ème, 19 juill. 1976, n° 75-12.692).
La preuve de la faute peut se faire par tous moyens s’agissant d’un fait juridique (Article 23 alinéa 1er de la LOI IVOIRIENNE N°2022-793 DU 13 OCTOBRE 2022 RELATIVE AU DIVORCE ET A LA SEPARATION DE CORPS) mais ne doit pas heurter le droit au respect de la vie privée de l’époux concerné et ne doit pas être obtenue par violence ou par fraude.
Solution en l’espèce (mineure) : En l’espèce, M. Coureur de jupons a entretenu des conversations laissant apparaître son désir d’avoir des relations sexuelles avec d’autres femmes, mais il n’a, a priori, eu aucune relation charnelle avec une autre femme.
La faute de M. Coureur de jupons a bien un caractère conjugal et se rattache au devoir de fidélité. Ce devoir de fidélité ne vise pas uniquement l’absence de relations charnelles, la Cour de cassation visant aussi bien la fidélité charnelle que la fidélité intellectuelle. Elle a pu juger que le fait pour une personne de fréquenter des sites de rencontre, d’y échanger des messages et des photographies intimes, constitue une violation du devoir de fidélité.
La faute peut être considérée à la fois comme grave et renouvelée, puisque les « conversations durent depuis plusieurs mois ».
Enfin, un juge pourrait estimer que la faute rend intolérable le maintien de la vie commune en excluant l’idée d’une simple faute passagère. Ce point pourra être discuté et approfondi par les parties en fonction du contexte.
Enfin, la faute semble bien pouvoir être imputée à M. Charo qui, au regard des faits, dispose de tout son discernement.
Conclusion : Mme Coureur de jupons pourra sûrement obtenir le prononcé d’un divorce pour faute.
Sur les effets du divorce pour faute
Problème de droit : Quelles sont les indemnités auxquelles un époux peut prétendre en cas de prononcé d’un divorce pour faute ?
Solution en droit (majeure) : Un époux peut obtenir, à l’occasion du divorce, des dommages et intérêts en invoquant deux fondements.
• L’article 44 de la LOI IVOIRIENNE N°2022-793 DU 13 OCTOBRE 2022 RELATIVE AU DIVORCE ET A LA SEPARATION DE CORPS) permet d’obtenir des dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel ou moral d’une particulière gravité dans deux cas :
- Lorsque le divorce est prononcé pour altération définitive du lien conjugal à la demande d’un époux.
- Lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l’un des époux.
Deux conditions sont nécessaires :
- La « demande fondée sur ce texte ne peut être formée qu’à l’occasion de l’action en divorce »
- Les conséquences qu’entraîne la dissipation de l’union ne sont prises en considération que si elles sont « d’une particulière gravité ».
Par exemple, la Cour de cassation française a jugé qu’une cour d’appel a pu valablement décidé d’accorder 2.000 euros de dommages et intérêts à une épouse qui avait eu vingt-quatre ans de vie commune avec son époux et avait continué de souffrir plusieurs années après le départ de son ex-époux du domicile conjugal d’un syndrome anxio-dépressif réactionnel en caractérisant des conséquences d’une particulière gravité subies par l’épouse du fait de la dissolution du mariage (Civ. 1ère, 22 juin 2022, n° 20-21.201).
• En droit positif ivoirien, l’article 1382 du Code civil permet d’obtenir des dommages et intérêts pour la réparation de préjudices distincts de celui résultant de la dissolution du mariage. Par exemple, en cas de rupture injurieuse et brutale.
À titre d’exemple, la Cour d’appel de Montpellier a condamné l’époux adultère à 5.000 € de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1240 du code civil, la Cour considérant que la séparation était intervenue dans des conditions brutales. Le mari avait quitté le domicile pour vivre avec une amie de sa femme, laissant cette dernière sans ressources et alors qu’elle venait de subir une intervention chirurgicale (CA Montpellier 13 sept. 2017, Jurisdata N° 2017-018839).
Enfin, la prestation compensatoire peut être refusée sur le fondement de l’équité lorsque le divorce est un divorce pour faute prononcé aux torts exclusifs de l’époux qui sollicite la prestation compensatoire au regard des circonstances particulières de la rupture.
Solution en l’espèce (mineure) : Mme Coureur de jupons pourra tenter d’obtenir des dommages et intérêts en raison de la relation adultère.
Toutefois, en l’absence d’éléments caractérisant une particulière gravité, une action sur le fondement de l’article 44 n’a que peu de chances d’aboutir. De la même manière, elle devra prouver un préjudice si elle envisage une action sur le fondement de l’article 1382 du Code civil.
Conclusion : Mme Coureur de jupons ne pourra vraisemblablement pas obtenir des dommages et intérêts, sauf à apporter des éléments qui ne figurent pas dans l’énoncé du cas pratique.