Dans la perspective de l’effectivité du droit à l’emploi garanti par la Constitution ivoirienne et renforcé par le Code du travail, l’Etat a mis en place un ensemble de dispositifs juridiques destinés à faciliter l’accès à l’emploi pour des catégories spécifiques de personnes et à promouvoir l’insertion professionnelle des jeunes et des personnes vulnérables. Ces dispositifs, bien qu’hétérogènes, répondent à une double finalité : garantir l’égalité des chances et répondre aux besoins de qualification du marché du travail[1].
I. L’accès à l’emploi des personnes en situation de handicap : une obligation sociale inachevée
Le Code du travail ivoirien définit la personne en situation de handicap comme toute personne physique dont l’intégrité physique ou mentale est diminuée, de manière passagère ou définitive, suite à une cause congénitale, une maladie ou un accident, compromettant son autonomie, sa capacité scolaire ou professionnelle[2]. Cette définition englobe à la fois le handicap physique et le handicap intellectuel, adoptant ainsi une conception globale conforme aux standards internationaux, notamment la Convention relative aux droits des personnes handicapées (ONU, 2006)[3].
En vue de favoriser l’insertion professionnelle de cette catégorie de personnes, l’article 12 du Code du travail impose aux employeurs de réserver un quota d’emplois aux travailleurs handicapés possédant la qualification requise[4]. Toutefois, la loi renvoie à un décret la fixation des modalités pratiques d’application de cette obligation, notamment la proportion minimale de travailleurs handicapés à recruter. Malgré la publication de ce décret[5], son effectivité reste limitée en pratique, révélant une carence normative préjudiciable aux droits des personnes concernées.
Cette exigence légale s’inscrit dans la politique nationale d’inclusion des personnes en situation de handicap, notamment le Plan National Handicap Côte d’Ivoire 2021-2025, qui ambitionne de lever les barrières structurelles et sociales à leur emploi[6]. Toutefois, en pratique, l’absence de mécanismes de sanction stricte en cas de non-respect de l’obligation de quota limite la portée coercitive de la mesure, nécessitant une réforme réglementaire rapide pour assurer son efficacité[7]. Il est à noter que selon le décret n°2018-456 du 9 Mai 2018 relatif à l’emploi des personnes en situation de handicap dans le secteur privé, la sanction en cas de non-respect est le versement d’une contribution au fonds d’insertion des personnes en situation de handicap.
II. L’apprentissage : une passerelle obligatoire entre formation et emploi
L’apprentissage est régi par les articles 13.1 et 13.2 du Code du travail. Il est défini comme un contrat par lequel un employeur qu’il soit chef d’établissement industriel, commercial ou agricole, artisan ou façonnier s’engage à donner ou à faire donner à une autre personne une formation professionnelle méthodique et complète. En retour, l’apprenti s’engage à se conformer aux instructions reçues et à exécuter les ouvrages confiés dans un objectif de formation pratique et d’acquisition de compétences professionnelles[8].
Le système repose sur l’alternance : 75% du temps en formation pratique au sein de l’entreprise et 25% du temps en formation théorique dispensée par un centre agréé[9]. Cette répartition vise à assurer une intégration progressive dans la vie professionnelle tout en consolidant l’apprentissage théorique indispensable à l’exercice autonome du métier.
Pour encadrer un apprenti, le maître d’apprentissage doit remplir plusieurs conditions légales : être âgé de 18 ans minimum, être titulaire d’une carte de maître d’apprentissage délivrée par le Ministère chargé de la formation professionnelle, ne pas avoir été condamné pour crime ou délit contre les mœurs[10]. À défaut de remplir ces conditions, l’employeur est juridiquement considéré comme l’employeur direct de l’apprenti et soumis à toutes les obligations attachées à cette qualité[11].
Le maître d’apprentissage a l’obligation d’enseigner progressivement et complètement le métier à l’apprenti, en l’employant selon ses aptitudes et ses forces. Il doit également veiller à son instruction générale si des lacunes sont constatées, dans la limite de deux heures de travail quotidiennes consacrées à cet effet[12].
Le conseiller d’apprentissage est un agent technique chargé d’assurer le suivi pédagogique, technique et administratif de l’apprenti au sein de l’entreprise. Il conseille le maître d’apprentissage et dispense des cours complémentaires dans sa spécialité[13].
Le contrat d’apprentissage doit être rédigé en français et établi en cinq originaux, soumis au visa de l’Agence Nationale de la Formation Professionnelle avant sa mise en œuvre[14]. Il doit mentionner l’identité des parties, le métier enseigné, la durée du contrat (ne pouvant excéder trois ans, renouvelable en cas d’échec à l’examen), la rémunération, la nourriture, le logement et l’intitulé des cours dispensés[15]. Tout apprenti doit par ailleurs subir un examen médical d’aptitude avant le début de sa formation et être couvert par une assurance contre les accidents du travail et maladies professionnelles[16].
La rupture du contrat peut intervenir par commun accord des parties, pour cause de force majeure ou à l’initiative de l’une des parties pour motif légitime. Toutefois, la loi reste silencieuse sur la définition précise de la « cause légitime », laissant une large marge d’appréciation aux juges en cas de litige[17].
III. Les dispositifs emploi-formation : stage-école, stage de qualification et chantier-école
Ce contrat est conclu entre un élève ou un étudiant et une entreprise, en vue de la validation de son diplôme ou formation professionnelle. Il doit obligatoirement être constaté par écrit sous peine de requalification en contrat de travail à durée indéterminée[18]. Bien que le stagiaire ne soit pas rémunéré, l’entreprise peut lui verser une indemnité compensatrice. La durée du stage correspond à la période conventionnellement fixée et le contrat prend fin automatiquement à son terme sans nécessité de préavis[19].
Ce contrat engage l’entreprise à former le stagiaire de manière pratique pour lui permettre d’acquérir une qualification ou une expérience professionnelle. Sa durée maximale est de 12 mois renouvellements compris, et il doit être constaté par écrit sous peine de requalification en contrat de travail[20]. Le stagiaire, bien que non salarié, bénéficie d’une indemnité forfaitaire dont le montant reste à fixer par voie réglementaire[21]. À l’issue du stage, une attestation indiquant la qualification acquise, l’objet et la durée du stage doit lui être remise[22].
Le chantier-école est une action collective visant la professionnalisation et la qualification des participants à travers leur mise en situation réelle de production. Il combine formation et insertion professionnelle. La loi prévoit qu’un décret fixe les modalités pratiques d’organisation et le statut des personnes engagées dans ce cadre, décret dont la publication reste attendue[23].
Conclusion
L’étude des dispositifs favorisant l’accès à l’emploi en Côte d’Ivoire révèle un arsenal juridique relativement complet mais dont l’effectivité reste dépendante de la publication des textes réglementaires d’application et de leur mise en œuvre rigoureuse. La protection des personnes handicapées, la formation par apprentissage et les dispositifs emploi-formation s’inscrivent dans une logique d’employabilité et d’adaptation aux réalités économiques, mais nécessitent un accompagnement politique, institutionnel et financier pour produire leur plein effet et répondre ainsi à la problématique centrale du chômage en Côte d’Ivoire.
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Me Luc KOUASSI
Juriste Consultant Bilingue | Formateur | Spécialiste en rédaction de contrats, d’actes extrajudiciaires, d’articles juridiques et des questions relatives au droit du travail | Politiste | Bénévole humanitaire.
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[1] KONE, Karamoko, Droit du travail ivoirien, CERAP Editions, 2020, p. 143.
[2] Article 12.1, Code du travail ivoirien.
[3] ONU, Convention relative aux droits des personnes handicapées, New York, 2006, art. 1 et 2.
[4] Article 12.1 à 12.3, Code du travail ivoirien.
[5] Décret n°2018-456 du 9 Mai 2018 relatif à l’emploi des personnes en situation de handicap dans le secteur privé.
[6] Plan National Handicap Côte d’Ivoire 2021-2025, Abidjan, 2021, p. 12.
[7] DAOUDA, Kouakou, Le droit du travail ivoirien commenté, Les Classiques Africains, 2018, p. 174.
[8] Article 13.1 et 13.2, Code du travail ivoirien.
[9] Décret n°96-286 du 3 avril 1996, art. 2.
[10] Décret n°96-286, art. 3 et 5.
[11] Ibid., art. 5.
[12] Article 13.8, Code du travail ivoirien.
[13] Décret n°96-286, art. 4.
[14] Ibid., art. 10.
[15] Ibid., art. 12.
[16] Décret n°96-286, art. 6 et 17.
[17] Décret n°96-286, art. 21.
[18] Article 13.11, Code du travail ivoirien.
[19] Article 13.12, Code du travail ivoirien.
[20] Article 13.14 et 13.15, Code du travail ivoirien.
[21] Article 13.17, Code du travail ivoirien.
[22] Article 13.19, Code du travail ivoirien.
[23] Article 13.21 et 13.22, Code du travail ivoirien.