Quand on entend le proverbe « Qui ne dit mot consent », on pourrait penser qu’en droit, rester silencieux face à une offre suffirait à conclure un contrat. La réalité est cependant beaucoup plus subtile et rigoureuse.
En principe, en droit, lorsqu’une personne reçoit une offre et ne répond pas, son silence est interprété comme un refus d’accepter l’offre. Autrement dit, rester silencieux n’est pas suffisant pour considérer que la personne a dit « oui ».
Cette règle a été confirmée à plusieurs reprises par la Cour de cassation, notamment dans un arrêt célèbre du 16 avril 1996 (Civ. 1re, 16 avril 1996, pourvoi n°94-16528), qui a affirmé clairement : « Le silence ne vaut pas, à lui seul, acceptation. »
Pourquoi cette règle ? Imaginez un instant que ce soit l’inverse : cela signifierait que chaque offre, même la plus absurde ou farfelue, exigerait que vous répondiez expressément, sous peine d’être engagés sans votre volonté. Cela serait ingérable dans la vie quotidienne. Donc, par prudence et pour protéger la liberté de chacun, le silence est assimilé à un refus.
Attention cependant, cette règle de principe connaît des nuances importantes !
Avant même la réforme récente du droit des contrats (ordonnance du 10 février 2016), les juges avaient déjà admis que dans certaines circonstances précises, le silence pouvait valoir acceptation. Par exemple, si une personne ne signe pas formellement un contrat mais commence malgré tout à exécuter ce qui était prévu (livrer une marchandise, prêter un service, etc.), il est alors raisonnable de penser qu’elle a accepté l’offre. En d’autres termes, les faits et le comportement peuvent parfois parler aussi fort voire plus que des mots.
Ainsi, la règle est aujourd’hui codifiée à l’article 1120 du Code civil français : « Le silence ne vaut pas acceptation, sauf s’il en résulte autrement des circonstances, des usages, des relations d’affaires ou des dispositions légales. »
Et pour les contrats à durée déterminée ?
Lorsque le contrat porte sur une durée précise (par exemple un bail d’un an, un contrat de travail temporaire, etc.), il doit en principe s’éteindre automatiquement une fois ce délai expiré. Cependant, dans la pratique, deux situations peuvent se produire :
- Soit les parties continuent naturellement d’exécuter le contrat sans rien dire.
- Soit elles ont prévu dès le départ dans leur contrat que ce dernier serait automatiquement renouvelé après la fin de la durée prévue.
Dans le premier cas (poursuite naturelle sans texte), le contrat est considéré comme renouvelé pour une durée indéterminée. Cela signifie que l’une ou l’autre des parties pourra y mettre fin quand elle le souhaitera, en respectant bien sûr un délai de préavis raisonnable.
Dans le second cas (renouvellement prévu par le contrat), les conditions fixées dans la clause de renouvellement doivent être respectées scrupuleusement. Sinon, des complications juridiques peuvent survenir.
I. Conseil
Si les partenaires souhaitent que leur contrat soit renouvelé de manière automatique à son terme, il faut bien préciser les modalités du renouvellement. Par exemple :
- S’ils écrivent simplement que le contrat sera reconduit « à défaut de dénonciation », sans préciser la nouvelle durée, il sera reconduit pour une durée indéterminée, ce qui n’est souvent pas souhaitable.
- Pour éviter cela, il est recommandé d’indiquer clairement :
- La durée du renouvellement (par exemple : « deux ans supplémentaires »),
- Les modalités de dénonciation (par exemple : « par lettre recommandée avec avis de réception envoyée au moins un mois avant l’échéance »).
Être précis protège les parties et évite des litiges futurs.
II. Précisions importantes
Dans certains domaines spécifiques, la loi prévoit expressément que le silence vaut acceptation. Un exemple frappant est celui du droit des assurances :
Lorsqu’un assuré propose une modification de son contrat (par exemple une augmentation de la couverture), l’assureur doit répondre rapidement. Son absence de réponse dans le délai légal peut être interprétée comme un accord tacite.
III. Exemple
M. BRICOLE, une personne de bonne volonté, participe bénévolement à un gala de charité organisé pour collecter des fonds. Pendant la réception, une tringle au mur menace de tomber. Pour éviter un accident, M. BRICOLE, sans qu’on ne le lui demande explicitement, monte sur un escabeau pour refixer la tringle.
Malheureusement, il chute et se blesse légèrement au bras.
Naturellement, il demande une indemnisation à l’organisateur de l’événement, notamment parce qu’il s’était impliqué pour prévenir un danger.
L’organisateur refuse, en s’abritant derrière son assureur, lequel affirme que rien n’a été signé entre eux, que M. BRICOLE est intervenu spontanément, et qu’il n’y a donc pas de contrat formel permettant une indemnisation.
M. BRICOLE, perplexe, se demande s’il doit abandonner ou poursuivre sa demande d’indemnisation.
IV. Commentaire
Que penser de la position de l’assureur ?
Certes, le silence ne vaut pas en principe acceptation, c’est vrai.
Mais, ici, les faits parlent d’eux-mêmes.
- M. BRICOLE est intervenu en pleine salle, lors d’un événement organisé par l’autre partie.
- Son action visait à éviter un accident, ce qui allait évidemment dans l’intérêt de l’organisateur.
- Son intervention ne pouvait pas être ignorée ni désapprouvée, surtout quand on sait que l’organisateur avait choisi de ne pas faire appel à des professionnels pour limiter les coûts.
Or, selon la jurisprudence et l’article 1120 du Code civil, l’acceptation peut résulter des circonstances, des usages, ou de la nature des relations.
Dans cette affaire, tout converge pour démontrer que, même sans signature formelle :
- Il y avait bien une volonté tacite d’acceptation,
- L’intervention de M. BRICOLE était souhaitée,
- Le silence de l’organisateur, combiné à son comportement, équivaut à une acceptation implicite.
Conclusion : La position de l’assureur, qui nie toute relation contractuelle, n’est pas solide juridiquement. M. BRICOLE est donc fondé à poursuivre son action pour obtenir une indemnisation du préjudice qu’il a subi.
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Luc KOUASSI
Juriste Consultant Bilingue | Formateur | Spécialiste en rédaction de contrats, d’actes extrajudiciaires, d’articles juridiques et des questions relatives au droit du travail | Politiste | Bénévole humanitaire.