RĂSUMĂ
Le financement par des tiers (Third Party Funding, TPF) s’impose progressivement comme un mĂ©canisme incontournable dans l’arbitrage international contemporain. Cette pratique, par laquelle un tiers extĂ©rieur au litige finance tout ou partie des frais d’une procĂ©dure arbitrale en Ă©change d’une quote-part des gains Ă©ventuels, soulĂšve des questions juridiques, dĂ©ontologiques et procĂ©durales fondamentales. Ă travers une analyse systĂ©matique des cadres juridiques nationaux et internationaux, des directives des institutions arbitrales et de la jurisprudence rĂ©cente, cet article examine les tensions entre l’accĂšs Ă la justice arbitrale et la prĂ©servation de l’intĂ©gritĂ© du processus. L’Ă©tude dĂ©montre que le TPF, bien que juridiquement lĂ©gitime et Ă©conomiquement bĂ©nĂ©fique, nĂ©cessite un encadrement normatif rigoureux en matiĂšre de divulgation, de prĂ©vention des conflits d’intĂ©rĂȘts et de protection des parties adverses pour garantir l’Ă©quilibre entre innovation financiĂšre et justice procĂ©durale.
Mots-clĂ©s : financement par des tiers, arbitrage international, dĂ©ontologie, conflits d’intĂ©rĂȘts, divulgation.
ABSTRACT
Third-party funding (Third Party Funding, TPF) is progressively establishing itself as an indispensable mechanism in contemporary international arbitration. This practice, whereby a third party external to the dispute finances all or part of the costs of an arbitral proceeding in exchange for a share of any potential proceeds, raises fundamental legal, ethical, and procedural questions. Through a systematic analysis of national and international legal frameworks, arbitral institutionsâ guidelines, and recent case law, this article examines the tensions between access to arbitral justice and the preservation of the processâs integrity. The study demonstrates that while TPF is legally legitimate and economically beneficial, it requires rigorous normative regulation regarding disclosure, prevention of conflicts of interest, and protection of adverse parties to ensure a balance between financial innovation and procedural justice.
Keywords: third-party funding, international arbitration, ethics, conflicts of interest, disclosure.
INTRODUCTION
L’arbitrage international a connu au cours des derniĂšres dĂ©cennies une expansion sans prĂ©cĂ©dent, s’affirmant comme le mode privilĂ©giĂ© de rĂšglement des diffĂ©rends commerciaux transnationaux et des litiges d’investissement[1]. Cette croissance s’accompagne toutefois d’une augmentation substantielle des coĂ»ts procĂ©duraux, qui peuvent atteindre plusieurs millions d’euros dans les affaires complexes, constituant ainsi un obstacle majeur Ă l’accĂšs Ă la justice pour de nombreux justiciables[2].
Dans ce contexte Ă©conomique contraignant, le financement par des tiers (Third Party Funding, ci-aprĂšs « TPF ») Ă©merge comme une rĂ©ponse innovante aux dĂ©fis financiers de l’arbitrage contemporain. Cette pratique consiste pour une entitĂ© tierce, sans lien prĂ©existant avec le litige, Ă prendre en charge tout ou partie des frais nĂ©cessaires Ă une procĂ©dure arbitrale en Ă©change d’une quote-part du montant allouĂ© par la sentence ou d’un multiple du capital investi[3].
Le financement par des tiers peut ĂȘtre dĂ©fini comme un mĂ©canisme contractuel par lequel une entitĂ© tierce, sans lien prĂ©existant avec le litige, accepte de prendre en charge la totalitĂ© ou une fraction des frais nĂ©cessaires Ă une procĂ©dure dâarbitrage. En contrepartie de cet investissement, le tiers financeur perçoit gĂ©nĂ©ralement un pourcentage du montant allouĂ© par la sentence arbitrale ou un multiple du capital investi, selon les modalitĂ©s convenues contractuellement.
Cette opĂ©ration revĂȘt une nature juridique complexe. Selon le rapport du Club des juristes de 2014, le contrat de financement doit ĂȘtre considĂ©rĂ© comme un contrat composite ou sui generis, associant diverses prestations relevant potentiellement du contrat dâentreprise, du mandat, de la cession de crĂ©ance ou encore du contrat alĂ©atoire. Cette qualification hybride explique lâabsence de rĂ©gime juridique spĂ©cifique dans la plupart des ordres juridiques nationaux.
Il convient de distinguer le TPF dâautres mĂ©canismes de financement du contentieux. Contrairement au pacte de quota litis, traditionnellement prohibĂ© dans les systĂšmes de droit civil, le TPF nâĂ©tablit pas une rĂ©munĂ©ration de lâavocat proportionnelle au rĂ©sultat. De mĂȘme, il se diffĂ©rencie de lâassurance de protection juridique par sa nature spĂ©culative et son intervention ex post plutĂŽt que prĂ©ventive.
NĂ© en Australie dans les annĂ©es 1980 avant de se diffuser dans les pays de common law, notamment aux Ătats-Unis et au Royaume-Uni, le TPF connaĂźt aujourd’hui une expansion mondiale qui interpelle les systĂšmes juridiques de tradition civiliste, y compris dans l’espace OHADA[4]. La rencontre entre le monde de la finance et celui de la justice soulĂšve des interrogations fondamentales touchant Ă l’Ă©thique professionnelle, Ă l’intĂ©gritĂ© du processus arbitral, Ă l’indĂ©pendance des arbitres et des avocats, ainsi qu’Ă l’Ă©quilibre des droits des parties[5].
LâĂ©tude du financement par des tiers en arbitrage revĂȘt une importance majeure Ă plusieurs Ă©gards. Sur le plan Ă©conomique, le TPF contribue Ă faciliter lâaccĂšs Ă la justice arbitrale pour des justiciables qui, sans cette ressource, ne pourraient assumer les coĂ»ts prohibitifs dâune procĂ©dure internationale. Il permet Ă©galement une meilleure rĂ©partition des risques financiers et offre aux parties une flexibilitĂ© dans la gestion de leur trĂ©sorerie.
Dâun point de vue institutionnel, le TPF interroge les fondements mĂȘmes de lâarbitrage : son caractĂšre confidentiel, lâindĂ©pendance et lâimpartialitĂ© des arbitres, lâautonomie de la volontĂ© des parties. La prĂ©sence dâun acteur Ă©conomique motivĂ© par la recherche de profit au sein dâun processus juridictionnel soulĂšve des questions Ă©thiques et dĂ©ontologiques inĂ©dites.
Pour la profession dâavocat, le TPF constitue Ă la fois une opportunitĂ© et un dĂ©fi. Sâil offre de nouvelles possibilitĂ©s de financement pour leurs clients, il impose Ă©galement une vigilance accrue dans la prĂ©servation du secret professionnel, de lâindĂ©pendance du conseil et de la loyautĂ© envers le client.
Enfin, dans le contexte spĂ©cifique du rĂšglement des diffĂ©rends entre investisseurs et Ătats (RDIE), le TPF cristallise des tensions particuliĂšres. Comme le souligne le document de travail de la CNUDCI de 2019, le fait que seuls les investisseurs privĂ©s, et non les Ătats dĂ©fendeurs, bĂ©nĂ©ficient du financement par des tiers crĂ©e un dĂ©sĂ©quilibre structurel qui alimente les critiques Ă lâĂ©gard du systĂšme RDIE dans son ensemble.
La problĂ©matique centrale de cette Ă©tude peut ĂȘtre formulĂ©e ainsi : dans quelle mesure le financement par des tiers en arbitrage international peut-il concilier l’amĂ©lioration de l’accĂšs Ă la justice avec la prĂ©servation de l’intĂ©gritĂ© du processus arbitral et le respect des principes dĂ©ontologiques fondamentaux ?
Cette question gĂ©nĂ©rale se dĂ©cline en plusieurs interrogations subsidiaires : Comment garantir l’indĂ©pendance des arbitres et des avocats en prĂ©sence d’un financeur tiers ? Quel Ă©quilibre trouver entre la confidentialitĂ© inhĂ©rente Ă l’arbitrage et l’exigence de transparence nĂ©cessaire Ă la prĂ©vention des conflits d’intĂ©rĂȘts ? Quelles rĂ©gulations, nationales ou internationales, sont nĂ©cessaires pour encadrer cette pratique ? Comment protĂ©ger les intĂ©rĂȘts de la partie adverse face Ă un demandeur financĂ© par un tiers ?
L’hypothĂšse directrice de cette recherche postule que le financement par des tiers constitue un mĂ©canisme juridiquement et Ă©conomiquement lĂ©gitime qui contribue positivement Ă l’accĂšs Ă la justice arbitrale, Ă condition qu’un cadre normatif appropriĂ© soit Ă©tabli pour prĂ©venir les dĂ©rives potentielles et garantir l’Ă©quilibre des intĂ©rĂȘts en prĂ©sence[6].
Cette Ă©tude adopte une approche juridique comparative et pluridisciplinaire, combinant l’analyse doctrinale, l’examen de la jurisprudence arbitrale internationale et l’Ă©tude des instruments normatifs rĂ©cents (Lignes directrices IBA 2024[7], RĂšglement ICC 2021[8], RĂšglement d’arbitrage ICSID rĂ©visĂ© en 2022[9], travaux de la CNUDCI[10]).
L’analyse s’articulera en deux parties. La premiĂšre partie examine les fondements juridiques et les enjeux dĂ©ontologiques du financement par des tiers, en analysant successivement sa nature juridique et sa validitĂ© (I.A), puis les dĂ©fis Ă©thiques qu’il soulĂšve pour les acteurs de l’arbitrage (I.B). La seconde partie Ă©tudie les consĂ©quences procĂ©durales et les perspectives rĂ©glementaires, en examinant l’impact du TPF sur le dĂ©roulement et le coĂ»t des procĂ©dures arbitrales (II.A), avant d’explorer les diffĂ©rentes voies d’encadrement normatif envisageables (II.B).
I. FONDEMENTS JURIDIQUES ET ENJEUX DĂONTOLOGIQUES DU FINANCEMENT PAR DES TIERS EN ARBITRAGE
Le financement par des tiers constitue une innovation majeure dont la lĂ©gitimitĂ© juridique et l’acceptabilitĂ© Ă©thique demeurent dĂ©battues. Cette premiĂšre partie examine les fondements juridiques de cette pratique et les conditions de sa validitĂ© dans diffĂ©rents systĂšmes juridiques (I.A), avant d’analyser les dĂ©fis dĂ©ontologiques qu’elle pose aux principaux acteurs de l’arbitrage (I.B).
A. Nature juridique et validité du financement par des tiers
L’irruption du Third Party Funding (TPF) dans le contentieux a posĂ©, dĂšs ses dĂ©buts, une question de principe : celle de sa compatibilitĂ© avec les systĂšmes juridiques. Pour y rĂ©pondre, il est nĂ©cessaire, d’une part, de dĂ©finir sa nature contractuelle et, d’autre part, d’Ă©valuer sa licĂ©itĂ© au regard des interdictions historiques, avant de considĂ©rer les solutions normatives proposĂ©es pour stabiliser sa pratique. Nous Ă©tudierons ainsi successivement :
- La qualification juridique : un contrat sui generis, qui rĂ©vĂšle la complexitĂ© de lâopĂ©ration et lâabsence de rĂ©gime spĂ©cifique.
- La licéité au regard des prohibitions historiques : champerty et quota litis, qui expose la confrontation entre modernité financiÚre et tradition judiciaire.
- La sĂ©curisation juridique et les perspectives dâĂ©volution normative, qui souligne la nĂ©cessitĂ© dâun encadrement pour pĂ©renniser lâoutil.
1. Qualification juridique : un contrat sui generis
Le contrat de financement par des tiers Ă©chappe aux catĂ©gories contractuelles traditionnelles et doit ĂȘtre apprĂ©hendĂ© comme un contrat composite ou sui generis, combinant plusieurs prestations de nature distincte[11].
Selon l’analyse dĂ©veloppĂ©e par le Club des juristes français en 2014, le contrat de TPF associe des Ă©lĂ©ments relevant de plusieurs contrats nommĂ©s : le contrat d’entreprise (fourniture d’une prestation de financement), le mandat (gestion d’intĂ©rĂȘts), la cession de crĂ©ance (transfert partiel des droits rĂ©sultant d’une Ă©ventuelle sentence favorable), et le contrat alĂ©atoire (rĂ©munĂ©ration conditionnĂ©e au succĂšs de la procĂ©dure)[12]. Cette nature hybride explique l’absence de rĂ©gime juridique spĂ©cifique dans la plupart des ordres juridiques.
En droit français, conformĂ©ment au principe de libertĂ© contractuelle consacrĂ© par l’article 1102 du Code civil, les parties sont libres de concevoir un rĂ©gime contractuel cohĂ©rent Ă partir de rĂ©gimes fractionnĂ©s de divers contrats spĂ©ciaux[13]. Cette libertĂ© trouve toutefois ses limites dans le respect de l’ordre public et des bonnes mĆurs. Le caractĂšre sui generis du contrat de TPF offre une flexibilitĂ© contractuelle apprĂ©ciable mais gĂ©nĂšre Ă©galement une incertitude juridique quant au rĂ©gime applicable en cas de litige relatif au contrat lui-mĂȘme[14].
Dans l’espace OHADA, l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage de 2017[15] ne contient aucune disposition explicite relative au financement par des tiers, laissant ainsi un vide juridique que la pratique arbitrale et la doctrine doivent combler par interprĂ©tation des principes gĂ©nĂ©raux.
En dĂ©finitive, la qualification du financement par des tiers comme un contrat sui generis est un reflet de son caractĂšre composite, mĂȘlant financement, gestion dâintĂ©rĂȘts et alĂ©a. Si cette qualification garantit aux parties une large libertĂ© contractuelle en droit français (art. 1102 C. civ.) et dans lâespace OHADA, elle est aussi la source dâune incertitude normative majeure. Lâabsence de rĂ©gime spĂ©cifique impose de naviguer entre les rĂšgles des contrats nommĂ©s, soulevant la question fondamentale de sa validitĂ© au regard des interdictions historiques visant Ă prĂ©server lâintĂ©gritĂ© du procĂšs.
Câest prĂ©cisĂ©ment cette nature hybride et lâimplication dâun tiers intĂ©ressĂ© au succĂšs du litige qui amĂšnent Ă confronter le TPF aux prohibitions historiques de lâinterventionnisme pĂ©cuniaire dans le procĂšs, notamment celles du champerty dans la common law et du quota litis en droit civil.
2. Licéité au regard des prohibitions historiques : champerty et quota litis
La licéité du financement par des tiers suppose de dépasser les prohibitions historiques du champerty (droit anglo-saxon) et du pacte de quota litis (droit civil), en démontrant que le TPF ne tombe pas sous le coup de ces interdictions[16].
Le champerty dĂ©signe historiquement un accord illĂ©gal oĂč un tiers finance un procĂšs en Ă©change d’une part des gains obtenus, motivĂ© uniquement par le profit sans intĂ©rĂȘt lĂ©gitime dans l’affaire. Forme aggravĂ©e de « maintenance » (soutien injustifiĂ© Ă un procĂšs), le champerty Ă©tait condamnĂ© car il incitait Ă la subversion de la justice[17]. Cette doctrine, issue de la common law mĂ©diĂ©vale, a Ă©tĂ© progressivement abolie ou assouplie dans de nombreuses juridictions.
Au Royaume-Uni, la dĂ©cision historique Factortame Ltd v. Secretary of State for Transport (1991) a marquĂ© un tournant en admettant la lĂ©gitimitĂ© du financement par des tiers dans certaines circonstances[18]. Ă Singapour, la Civil Law (Amendment) Act 2017 et les Civil Law (Third-Party Funding) Regulations 2017 ont explicitement lĂ©galisĂ© et rĂ©glementĂ© le TPF en matiĂšre d’arbitrage international[19]. Hong Kong a suivi une voie similaire avec l’Arbitration and Mediation Legislation (Third Party Funding) (Amendment) Ordinance 2017[20].
Le pacte de quota litis, prohibĂ© en droit français et dans de nombreux systĂšmes civilistes, dĂ©signe une convention interdite oĂč les honoraires d’un avocat dĂ©pendent exclusivement du rĂ©sultat financier obtenu pour son client, sans honoraire de base[21]. Cette prohibition vise Ă prĂ©server l’indĂ©pendance de l’avocat et Ă Ă©viter qu’il ne soit trop intĂ©ressĂ© par le gain au dĂ©triment de l’intĂ©rĂȘt du client.
Le rapport du Club des juristes de 2014 considĂšre que le financement par des tiers, tel qu’il se pratique en arbitrage international, ne constitue pas un pacte de quota litis prohibĂ©[22]. En effet, le pacte de quota litis concerne la rĂ©munĂ©ration de l’avocat proportionnelle au rĂ©sultat du litige, tandis que le TPF implique un tiers distinct qui n’exerce pas la profession d’avocat et ne se substitue pas Ă celui-ci. Le financeur ne fournit pas de services juridiques mais un financement, ce qui le place en dehors du champ d’application de la prohibition.
DDe plus, l’activitĂ© de financement de procĂšs ne constitue pas une opĂ©ration de crĂ©dit au sens du Code monĂ©taire et financier français, et n’entre donc pas dans le champ du monopole bancaire[23]. Le caractĂšre alĂ©atoire de la rĂ©munĂ©ration du financeur (conditionnĂ©e au succĂšs) et l’absence de remboursement en cas d’Ă©chec distinguent fondamentalement le TPF du prĂȘt bancaire traditionnel. La confrontation du financement par des tiers avec les interdictions de la champerty et du quota litis rĂ©vĂšle une tendance claire vers la lĂ©galisation de la pratique, sous rĂ©serve d’un encadrement. Alors que les juridictions de common law ont largement assoupli l’interdiction de l’implication d’un tiers dans le contentieux, le droit civil a maintenu une mĂ©fiance Ă l’Ă©gard de la rĂ©munĂ©ration excessivement liĂ©e au rĂ©sultat (quota litis). La licĂ©itĂ© du TPF repose donc sur un Ă©quilibre dĂ©licat : il est dĂ©sormais admis en tant que technique de financement, mais son mĂ©canisme contractuel (notamment la rĂ©munĂ©ration du funder) doit ĂȘtre scrupuleusement vĂ©rifiĂ© pour Ă©viter la fraude Ă la loi ou le trouble Ă lâordre public processuel.
Si l’esprit des interdictions historiques tend Ă s’estomper face Ă la reconnaissance de l’utilitĂ© du TPF, sa consĂ©cration pleine et entiĂšre exige de dĂ©passer l’empirisme jurisprudentiel. C’est pourquoi, face Ă l’incertitude juridique persistante dans de nombreuses juridictions, une clarification lĂ©gislative ou rĂ©glementaire apparaĂźt nĂ©cessaire pour sĂ©curiser la pratique du financement par des tiers et en dĂ©finir les contours prĂ©cis.
3. SĂ©curisation juridique et perspectives d’Ă©volution normative
Face Ă l’incertitude juridique persistante dans de nombreuses juridictions, une clarification lĂ©gislative ou rĂ©glementaire apparaĂźt nĂ©cessaire pour sĂ©curiser la pratique du financement par des tiers[24].
Le rapport du Club des juristes recommande une intervention du lĂ©gislateur français pour exclure expressĂ©ment du champ du monopole bancaire les sociĂ©tĂ©s de financement de procĂšs, afin de renforcer la sĂ©curitĂ© juridique[25]. L’absence de rĂ©glementation spĂ©cifique dans des juridictions majeures comme la France contraste avec l’approche adoptĂ©e par Singapour et Hong Kong, crĂ©ant un risque de fragmentation du marchĂ© international du financement de l’arbitrage.
Dans l’espace OHADA, l’absence de dispositions spĂ©cifiques dans l’Acte uniforme de 2017 relatif au droit de l’arbitrage[26] appelle une clarification, soit par voie de rĂ©vision de l’Acte uniforme, soit par l’adoption de directives par la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), afin d’harmoniser les pratiques dans les dix-sept Ătats membres.
La nĂ©cessitĂ© dâune intervention normative pour la sĂ©curisation du TPF est aujourdâhui une Ă©vidence. LâĂ©volution passe par lâadoption de rĂšgles spĂ©cifiques relatives, notamment, Ă la transparence, aux conflits dâintĂ©rĂȘts et aux exigences prudentielles. LâexpĂ©rience de la Common Law, notamment le dĂ©veloppement de codes de conduite et lâinitiative de lâOHADA de 2017 sur lâarbitrage, indique la voie dâun encadrement pragmatique. Ă dĂ©faut dâun rĂ©gime juridique autonome, la pratique du TPF continuera dâopĂ©rer dans un vide normatif qui expose les parties et le processus arbitral Ă des risques dâinstabilitĂ©, faisant de la transparence lâenjeu central de lâĂ©volution du droit. Si le financement par des tiers a su s’affranchir des interdits historiques grĂące Ă sa qualification de contrat sui generis et malgrĂ© l’absence d’un rĂ©gime unifiĂ©, son dĂ©veloppement soutenu et sa complexitĂ© exigent que son rĂŽle ne soit plus seulement considĂ©rĂ© sous l’angle de sa validitĂ©. L’analyse doit dĂ©sormais se dĂ©placer de la licĂ©itĂ© Ă l’utilitĂ© du TPF.
Câest pourquoi il est impĂ©ratif dâexaminer dans quelle mesure cette technique financiĂšre, initialement perçue comme un risque pour lâintĂ©gritĂ© du procĂšs, peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme un vecteur dâamĂ©lioration de lâaccĂšs Ă la justice et, in fine, un outil de bonne administration de la justice.
B. DĂ©fis Ă©thiques et dĂ©ontologiques pour les acteurs de l’arbitrage
La reconnaissance de la validitĂ© du financement par des tiers (TPF) et sa montĂ©e en puissance ont mis en lumiĂšre une sĂ©rie de dĂ©fis Ă©thiques et dĂ©ontologiques qui menacent lâintĂ©gritĂ© de la procĂ©dure arbitrale et la confiance dans ses acteurs. Lâintroduction dâun tiers intĂ©ressĂ© rompt lâĂ©quilibre traditionnel de la relation avocat-client-juge, imposant de revoir les rĂšgles fondamentales de dĂ©ontologie. Nous analyserons comment le TPF met Ă lâĂ©preuve :
- LâindĂ©pendance de lâavocat face au tiers financeur, pilier de la relation de confiance et de la dĂ©fense du client.
- Le secret professionnel et la confidentialitĂ© de lâarbitrage, principes garants de la sĂ©curitĂ© et de la discrĂ©tion de la procĂ©dure.
- LâIndĂ©pendance et lâimpartialitĂ© des arbitres : la question des conflits dâintĂ©rĂȘts, enjeu crucial pour lâexequatur des sentences.
1. L’indĂ©pendance de l’avocat face au tiers financeur
L’intervention d’un tiers financeur dans une procĂ©dure arbitrale menace potentiellement l’indĂ©pendance de l’avocat, principe cardinal de la dĂ©ontologie juridique, en crĂ©ant une relation triangulaire complexe entre le conseil, son client et le financeur[27].
Selon les principes dĂ©ontologiques fondamentaux, l’avocat doit exercer sa mission en toute indĂ©pendance, libre de toute pression extĂ©rieure et exclusivement guidĂ© par l’intĂ©rĂȘt de son client. Le Barreau de Paris, dans son rapport de fĂ©vrier 2017, rĂ©affirme avec force que « l’avocat reste tenu par ses obligations d’assistance, de reprĂ©sentation, de conseil et de loyautĂ© Ă l’Ă©gard de la partie financĂ©e, qui demeure son seul client »[28].
Cette exigence d’indĂ©pendance se heurte Ă la rĂ©alitĂ© Ă©conomique du TPF : le financeur, qui supporte le risque financier de la procĂ©dure et qui rĂ©munĂšre parfois directement l’avocat, peut ĂȘtre tentĂ© d’exercer une influence sur la conduite du litige, notamment en matiĂšre de stratĂ©gie procĂ©durale, de choix des experts ou de nĂ©gociation d’un Ă©ventuel rĂšglement amiable[29].
L’Ordre des Barreaux Flamands, dans ses recommandations de 2023, va plus loin en prohibant explicitement toute reprĂ©sentation simultanĂ©e du financeur et du justiciable par le mĂȘme avocat : « L’avocat ne peut agir simultanĂ©ment pour le financeur et pour le justiciable, sans prĂ©judice de l’article 6 du Code de dĂ©ontologie des avocats (interdiction des conflits d’intĂ©rĂȘts) »[30]. Cette prohibition vise Ă Ă©viter que l’avocat ne se trouve dans une situation de conflit d’intĂ©rĂȘts structurel.
Pour prĂ©server l’indĂ©pendance de l’avocat, le Barreau de Paris recommande d’Ă©tablir, dĂšs l’origine de la relation tripartite, « des modalitĂ©s pratiques, claires et prĂ©cises, sur la conduite de la procĂ©dure », prĂ©cisant notamment les limites de l’information et de la consultation du financeur, tout en rĂ©servant au client le pouvoir de dĂ©cision final sur les questions stratĂ©giques essentielles[31]. L’indĂ©pendance de l’avocat est prĂ©servĂ©e Ă la condition que la primautĂ© des intĂ©rĂȘts du client soit expressĂ©ment maintenue et que le pouvoir de dĂ©cision finale lui soit toujours rĂ©servĂ©. Si les ordres professionnels cherchent Ă encadrer la relation triangulaire, ils doivent Ă©galement s’assurer que la communication nĂ©cessaire Ă la gestion du financement ne porte pas atteinte Ă une autre obligation fondamentale de l’avocat : la garde du secret professionnel. En effet, lâaccĂšs du financeur aux informations sensibles de lâaffaire pose immĂ©diatement la question de la compatibilitĂ© du TPF avec le secret professionnel de lâavocat et le caractĂšre confidentiel de lâarbitrage, deux principes essentiels Ă la sĂ©curitĂ© des Ă©changes.
2. Secret professionnel et confidentialitĂ© de l’arbitrage
Le financement par des tiers entre en tension avec deux principes essentiels : le secret professionnel de l’avocat et la confidentialitĂ© inhĂ©rente Ă la procĂ©dure arbitrale[32].
Le secret professionnel constitue un principe fondamental de la profession d’avocat, protĂ©geant les communications entre le conseil et son client contre toute divulgation Ă des tiers. Or, le fonctionnement pratique du TPF implique gĂ©nĂ©ralement que le financeur accĂšde Ă des informations sensibles sur le litige pour Ă©valuer la viabilitĂ© du financement (due diligence), puis pour suivre l’Ă©volution de la procĂ©dure[33].
Comme l’analyse le document de la CNUDCI de 2019, « les tiers financeurs ne sont pas nĂ©cessairement liĂ©s par des obligations de confidentialitĂ©, et rien ne leur interdit d’utiliser les informations qui leur sont transmises dans le cadre d’un autre litige faisant l’objet d’un financement »[34]. Cette situation pose un risque sĂ©rieux de dissĂ©mination d’informations confidentielles.
Le Barreau de Paris adopte une position stricte : « en principe, l’avocat de la partie financĂ©e ne peut communiquer directement avec le tiers financeur, quelles que soient les dispositions du contrat de financement⊠La divulgation au tiers financeur des informations⊠ne peut donc Ă©maner que du client »[35]. Cette recommandation Ă©tablit une sĂ©paration claire entre l’avocat et le financeur, le client jouant le rĂŽle de filtre.
L’Ordre des Barreaux Flamands confirme cette approche : « L’avocat est tenu au secret professionnel. Il ne transmet aucune information au financier sans l’accord prĂ©alable du client. ⊠MĂȘme dans ce cas, l’avocat ne fournira que les informations nĂ©cessaires Ă la sauvegarde des intĂ©rĂȘts du client »[36].
Au-delĂ du secret professionnel de l’avocat, la confidentialitĂ© de l’arbitrage lui-mĂȘme est menacĂ©e par le TPF. L’intervention d’un financeur tiers, acteur Ă©conomique extĂ©rieur Ă la relation contractuelle initiale, Ă©largit le cercle des personnes ayant connaissance du diffĂ©rend, fragilisant ainsi cette confidentialitĂ©[37]. Pour maintenir lâĂ©quilibre entre lâexigence dâinformation du financeur et la protection des principes fondamentaux, il est impĂ©ratif de subordonner toute divulgation du dossier Ă lâaccord Ă©clairĂ© et exprĂšs du client, et dâimposer au funder des clauses contractuelles strictes de confidentialitĂ©. NĂ©anmoins, le risque de diffusion dâinformations ne concerne pas seulement les parties et leurs conseils ; il touche Ă©galement lâinstance elle-mĂȘme, en soulevant un dĂ©fi plus fondamental pour lâorgane de jugement : lâimpartialitĂ© des arbitres.
La question de la connaissance et de lâidentification du tiers financeur devient alors cruciale, non plus pour les avocats, mais pour les arbitres, dont lâindĂ©pendance et lâimpartialitĂ© sont directement menacĂ©es par les potentiels conflits dâintĂ©rĂȘts liĂ©s au TPF.
3. IndĂ©pendance et impartialitĂ© des arbitres : la question des conflits d’intĂ©rĂȘts
La prĂ©sence d’un tiers financeur dans une procĂ©dure arbitrale crĂ©e des risques inĂ©dits de conflits d’intĂ©rĂȘts pour les arbitres, menaçant l’intĂ©gritĂ© du processus arbitral et la lĂ©gitimitĂ© des sentences rendues[38].
L’indĂ©pendance et l’impartialitĂ© des arbitres constituent des principes cardinaux de l’arbitrage international. Selon la Convention de New York de 1958 et la plupart des lois nationales sur l’arbitrage, une sentence peut ĂȘtre annulĂ©e si l’indĂ©pendance ou l’impartialitĂ© d’un arbitre est compromise[39].
Le document de travail de la CNUDCI de 2019 identifie « la question des conflits d’intĂ©rĂȘts entre arbitres et tiers financeurs comme l’une des premiĂšres Ă avoir appelĂ© l’attention, du fait de ses incidences potentielles sur le caractĂšre exĂ©cutoire des sentences arbitrales et, plus largement, sur l’intĂ©gritĂ© du processus arbitral »[40].
Ces conflits d’intĂ©rĂȘts peuvent prendre plusieurs formes. Un arbitre peut avoir des liens professionnels ou financiers directs avec le financeur (par exemple, avoir Ă©tĂ© conseil dans d’autres affaires pour le mĂȘme financeur). Plus subtilement, le cabinet d’avocats de l’arbitre peut reprĂ©senter rĂ©guliĂšrement des clients du financeur ou avoir lui-mĂȘme conclu des accords de financement avec la mĂȘme entitĂ© pour d’autres dossiers[41].
La difficultĂ© majeure rĂ©side dans le fait que ces conflits potentiels ne peuvent ĂȘtre identifiĂ©s et divulguĂ©s que si les arbitres et les parties ont connaissance de l’existence et de l’identitĂ© du financeur. Or, traditionnellement, les parties n’Ă©taient pas tenues de rĂ©vĂ©ler l’existence d’un financement par un tiers, crĂ©ant ainsi un angle mort dans le systĂšme de prĂ©vention des conflits d’intĂ©rĂȘts[42].
Les Lignes directrices IBA 2024 sur les conflits d’intĂ©rĂȘts en arbitrage international ont considĂ©rablement renforcĂ© les obligations de divulgation[43]. La nouvelle version stipule expressĂ©ment que :
- Les parties doivent divulguer « toute relation, directe ou indirecte, entre l’arbitre et toute personne ou entitĂ© ayant un intĂ©rĂȘt Ă©conomique direct dans la sentence ou une obligation d’indemniser une partie » (General Standard 7(a))[44].
- Les « tiers financeurs et assureurs peuvent avoir un intĂ©rĂȘt Ă©conomique direct dans la poursuite ou la dĂ©fense de l’affaire, une influence de contrĂŽle sur une partie, ou une influence sur la conduite de la procĂ©dure, y compris la sĂ©lection des arbitres » (Explanation to General Standard 6(b))[45].
Dans l’affaire Muhammet Ăap & Sehil InĆaat v. Turkmenistan (ICSID Case No. ARB/12/6), le TurkmĂ©nistan a demandĂ© la rĂ©cusation d’un arbitre aprĂšs avoir dĂ©couvert l’existence d’un financement par un tiers, arguant que l’arbitre aurait dĂ» ĂȘtre informĂ© de cette situation pour Ă©valuer d’Ă©ventuels conflits d’intĂ©rĂȘts[46].
Cette Ă©volution vers une obligation de divulgation marque un changement de paradigme dans la pratique de l’arbitrage international, traditionnellement attachĂ©e Ă la confidentialitĂ© et Ă l’autonomie des parties[47]. Lâobligation de divulgation de lâidentitĂ© du tiers financeur est devenue la mesure indispensable pour restaurer la confiance dans lâarbitrage et permettre aux arbitres dâexercer pleinement leur devoir dâauto-Ă©valuation de leur impartialitĂ© conformĂ©ment aux Lignes directrices IBA 2024. En dĂ©finitive, les dĂ©fis Ă©thiques et dĂ©ontologiques soulevĂ©s par le TPF ne remettent pas en cause sa validitĂ©, mais appellent Ă un renforcement des rĂšgles de transparence et de dĂ©ontologie pour tous les acteurs. La rĂ©glementation spontanĂ©e issue des ordres professionnels et des institutions arbitrales comble ainsi progressivement le vide lĂ©gislatif, conditionnant lâacceptabilitĂ© du TPF Ă son encadrement strict.
AprĂšs avoir Ă©tabli la validitĂ© et les impĂ©ratifs dĂ©ontologiques du TPF, il convient dâanalyser les incidences concrĂštes de ce mĂ©canisme sur la dynamique mĂȘme du litige, en examinant comment le financement par des tiers modifie lâĂ©quilibre des forces et influence la gestion des coĂ»ts et du risque processuel.
II. CONSĂQUENCES PROCĂDURALES ET PERSPECTIVES RĂGLEMENTAIRES DU FINANCEMENT PAR DES TIERS
Au-delĂ des questions de validitĂ© juridique et de conformitĂ© dĂ©ontologique, le financement par des tiers produit des effets concrets sur le dĂ©roulement des procĂ©dures arbitrales. Cette dimension pratique soulĂšve des interrogations majeures quant Ă l’Ă©quitĂ© procĂ©durale, Ă l’allocation des frais d’arbitrage et Ă la protection des parties adverses (II.A). Face Ă ces enjeux, la question de l’opportunitĂ© et des modalitĂ©s d’une rĂ©gulation du TPF se pose avec acuitĂ© (II.B).
A. Impact du financement par des tiers sur le déroulement et le coût des procédures arbitrales
Lâintroduction du tiers financeur dans lâĂ©quation arbitrale ne se limite pas Ă un apport de capital ; elle modifie lâĂ©quilibre des forces et introduit de nouvelles variables dans la gestion du contentieux, notamment en matiĂšre de stratĂ©gie, dâallocation des coĂ»ts et de protection de la partie adverse. Nous examinerons :
- LâInfluence du financeur sur la conduite de la procĂ©dure, source potentielle de conflits dâintĂ©rĂȘts stratĂ©giques.
- LâAllocation des coĂ»ts et la rĂ©cupĂ©ration des frais de financement, qui mettent Ă lâĂ©preuve le principe du « loser pays ».
- La Security for costs et la protection de la partie adverse, mécanisme de rééquilibrage procédural.
1. Influence du financeur sur la conduite de la procédure
L’intervention d’un tiers financeur peut potentiellement influencer la stratĂ©gie procĂ©durale et les dĂ©cisions des parties, notamment en matiĂšre de rĂšglement amiable[48].
Le document de la CNUDCI de 2019 identifie « l’influence potentielle du tiers financeur sur la procĂ©dure, notamment lors des nĂ©gociations en vue d’un rĂšglement, en particulier lorsque sa rĂ©munĂ©ration dĂ©pend de l’issue de la procĂ©dure »[49] comme une prĂ©occupation majeure.
Cette influence s’explique par la structure Ă©conomique du financement. Le financeur investit son capital en anticipant un retour sur investissement substantiel, gĂ©nĂ©ralement calculĂ© comme un multiple de la somme investie ou un pourcentage des gains obtenus. Cette logique financiĂšre peut entrer en conflit avec l’intĂ©rĂȘt du client dans trois situations principales[50]:
PremiĂšrement, lors des nĂ©gociations de rĂšglement amiable, le financeur peut privilĂ©gier un rĂšglement rapide garantissant un retour certain, mĂȘme si ce rĂšglement est sous-optimal du point de vue du client. Ă l’inverse, il peut refuser un rĂšglement raisonnable si sa formule de rĂ©munĂ©ration l’incite Ă miser sur une victoire totale.
DeuxiĂšmement, dans les dĂ©cisions relatives Ă la conduite de la procĂ©dure (choix des tĂ©moins et experts, stratĂ©gie d’interrogatoire, ampleur des Ă©critures), le financeur peut exercer une pression pour limiter les coĂ»ts ou au contraire pour maximiser les chances de succĂšs, sans que ces choix correspondent nĂ©cessairement Ă l’intĂ©rĂȘt du client.
TroisiĂšmement, le financeur peut avoir un intĂ©rĂȘt stratĂ©gique propre dans l’issue du litige, notamment s’il finance d’autres affaires similaires ou s’il souhaite Ă©tablir un prĂ©cĂ©dent juridique favorable Ă son portefeuille d’investissements[51].
Pour limiter ces risques, le Barreau de Paris recommande que « des modalitĂ©s pratiques, claires et prĂ©cises, sur la conduite de la procĂ©dure » soient Ă©tablies dĂšs l’origine, rĂ©servant au client « le pouvoir de dĂ©cision final sur les questions stratĂ©giques essentielles »[52]. Lâinfluence du financeur, inhĂ©rente Ă son investissement, reprĂ©sente un risque de dĂ©voiement de lâintĂ©rĂȘt du client au profit dâune logique purement financiĂšre. La gestion de ce risque passe par une clartĂ© contractuelle maximale dĂšs le contrat de financement, qui doit garantir le maintien du pouvoir de dĂ©cision final au seul client, limitant ainsi lâimpact du funder sur les questions stratĂ©giques essentielles comme le rĂšglement amiable. Toutefois, l’impact le plus direct et le plus quantifiable du TPF se manifeste dans la gestion Ă©conomique du litige lui-mĂȘme.
Si le financeur investit pour couvrir les frais, il est lĂ©gitime de se demander si la rĂ©munĂ©ration de cet investissement doit ĂȘtre supportĂ©e uniquement par la partie financĂ©e ou si elle peut ĂȘtre rĂ©cupĂ©rĂ©e auprĂšs de la partie adverse perdante, question qui divise la jurisprudence arbitrale.
2. Allocation des coûts et récupération des frais de financement
Le financement par des tiers soulĂšve des questions complexes en matiĂšre d’allocation des coĂ»ts de l’arbitrage, notamment quant Ă la possibilitĂ© pour la partie financĂ©e de rĂ©cupĂ©rer les frais de financement auprĂšs de la partie adverse perdante[53].
En arbitrage international, le principe gĂ©nĂ©ral veut que la partie perdante supporte les frais de la procĂ©dure, incluant les honoraires du tribunal arbitral, les frais administratifs de l’institution arbitrale, et les frais juridiques raisonnables de la partie gagnante (principe du « costs follow the event » ou « loser pays »)[54]. La question se pose de savoir si les frais payĂ©s au financeur tiers entrent dans la catĂ©gorie des « frais juridiques raisonnables » rĂ©cupĂ©rables.
Deux positions s’opposent. Selon une approche restrictive, les frais de financement ne constituent pas des frais de reprĂ©sentation juridique mais des frais financiers comparables Ă des intĂ©rĂȘts d’emprunt, et ne devraient donc pas ĂȘtre rĂ©cupĂ©rables auprĂšs de la partie adverse[55]. Cette position repose sur l’idĂ©e que la dĂ©cision d’une partie de recourir au TPF relĂšve de ses choix de gestion financiĂšre privĂ©s.
Selon une approche extensive, les frais de financement doivent ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme une composante des frais d’accĂšs Ă la justice et devraient donc ĂȘtre rĂ©cupĂ©rables, au moins partiellement, dĂšs lors qu’ils sont raisonnables et nĂ©cessaires[56]. Cette position s’appuie sur l’argument que le recours au TPF constitue souvent le seul moyen pour une partie d’accĂ©der Ă l’arbitrage.
La jurisprudence arbitrale demeure hĂ©sitante et casuistique. Dans l’affaire Essar Oilfields Services Limited v. Norscot Rig Management Pvt Limited, le tribunal arbitral a considĂ©rĂ© que les frais de financement par un tiers ne constituaient pas des « coĂ»ts raisonnables » et a refusĂ© leur rĂ©cupĂ©ration[57]. Ă l’inverse, d’autres tribunaux ont acceptĂ© d’inclure tout ou partie de ces frais dans les coĂ»ts recouvrables[58].
Cette incertitude jurisprudentielle plaide en faveur d’une clarification normative, soit par les institutions arbitrales dans leurs rĂšglements, soit par les tribunaux dans leurs sentences motivĂ©es Ă©tablissant des principes directeurs. La question de la rĂ©cupĂ©rabilitĂ© des frais de financement met en lumiĂšre la nature hybride du TPF, Ă mi-chemin entre frais de justice et frais financiers. Lâincertitude jurisprudentielle actuelle, oscillant entre une approche restrictive et une approche extensive, fragilise lâĂ©quitĂ© procĂ©durale. Une clarification normative est nĂ©cessaire pour Ă©tablir des critĂšres prĂ©cis permettant aux tribunaux arbitraux de dĂ©terminer si ces frais sont raisonnables et nĂ©cessaires, sans quoi la partie adverse victorieuse risque dâĂȘtre condamnĂ©e Ă payer des frais sans lien direct avec la procĂ©dure. Ce risque pour la partie adverse justifie le recours Ă un mĂ©canisme de protection : la security for costs. DĂšs lors que le financeur Ă©chappe Ă la condamnation aux dĂ©pens, le TPF peut crĂ©er un dĂ©sĂ©quilibre entre les parties. Câest pourquoi la protection de la partie adverse est devenue un enjeu majeur, nĂ©cessitant lâanalyse de la security for costs comme mĂ©canisme de rééquilibrage face au risque dâinsolvabilitĂ© de la partie financĂ©e.
3. Security for costs et protection de la partie adverse
La prĂ©sence d’un financement par un tiers peut justifier l’octroi d’une ordonnance de security for costs (garantie pour frais) au bĂ©nĂ©fice de la partie adverse[59].
La security for costs est une mesure procĂ©durale par laquelle le tribunal arbitral ordonne au demandeur de fournir une garantie financiĂšre destinĂ©e Ă couvrir les frais de la partie dĂ©fenderesse en cas de succĂšs de cette derniĂšre. Traditionnellement, cette mesure Ă©tait rĂ©servĂ©e aux situations oĂč le demandeur prĂ©sentait un risque d’insolvabilitĂ© ou Ă©tait domiciliĂ© dans une juridiction rendant difficile l’exĂ©cution d’une condamnation en dĂ©pens[60].
Avec l’Ă©mergence du TPF, certains tribunaux arbitraux ont considĂ©rĂ© que l’existence d’un financement par un tiers constituait un facteur pertinent pour l’octroi d’une security for costs, au motif que :
- Le financeur n’est gĂ©nĂ©ralement pas partie Ă la procĂ©dure et ne peut donc ĂȘtre condamnĂ© aux dĂ©pens[61] ;
- Les contrats de financement prévoient souvent que le financeur cesse de financer en cas de décision défavorable, laissant le demandeur potentiellement insolvable ;
- L’existence d’un financement dĂ©montre que le demandeur ne dispose pas des ressources propres pour financer la procĂ©dure, suggĂ©rant un risque accru d’insolvabilitĂ©.
Dans l’affaire South American Silver Limited v. Bolivia (PCA Case No. 2013-15), la Bolivie a soulevĂ© la question de l’obligation de divulgation du financement par un tiers, arguant que la non-divulgation violait le principe de bonne foi et pouvait justifier une ordonnance de security for costs[62].
Cependant, cette approche reste controversĂ©e. Certains auteurs soutiennent qu’accorder systĂ©matiquement une security for costs en prĂ©sence d’un TPF viderait de sa substance le bĂ©nĂ©fice principal du financement, Ă savoir permettre Ă des parties aux ressources limitĂ©es d’accĂ©der Ă l’arbitrage[63]. La security for costs constitue le principal rempart procĂ©dural contre les consĂ©quences nĂ©gatives du TPF sur la partie adverse. Si le TPF facilite lâaccĂšs Ă la justice, il ne doit pas crĂ©er un risque asymĂ©trique oĂč seule la partie adverse vainqueur serait exposĂ©e Ă lâinsolvabilitĂ© de la partie financĂ©e. Toutefois, lâoctroi de cette garantie doit rester exceptionnel et ne pas ĂȘtre systĂ©matique, sous peine de vider le TPF de son objet en dĂ©courageant lâaccĂšs au financement pour les parties aux ressources limitĂ©es. En somme, lâimpact du TPF sur le dĂ©roulement de lâarbitrage exige un arbitrage constant entre lâobjectif louable dâaccĂšs Ă la justice et le maintien de lâĂ©quitĂ© procĂ©durale.
Face aux incertitudes juridiques, aux enjeux Ă©thiques et aux dĂ©fis procĂ©duraux posĂ©s par le TPF, il est devenu indispensable dâanalyser les rĂ©ponses normatives apportĂ©es par les Ătats et les institutions. Il convient dĂ©sormais dâexaminer les perspectives rĂ©glementaires et lâencadrement normatif du financement par des tiers mis en place ou envisagĂ©s Ă travers le monde.
B. Perspectives réglementaires et encadrement normatif du financement par des tiers
La nĂ©cessitĂ© dâun encadrement normatif du TPF est aujourdâhui admise par la communautĂ© arbitrale internationale. Les efforts se concentrent sur la crĂ©ation dâun cadre juridique qui maximise les bĂ©nĂ©fices du financement (accĂšs Ă la justice) tout en minimisant les risques (conflits dâintĂ©rĂȘts, influence indue, iniquitĂ© procĂ©durale). Nous analyserons :
- Les Approches nationales : les modÚles de Singapour et Hong Kong, qui ont opté pour une législation claire.
- Les Approches institutionnelles : rĂšglements arbitraux et lignes directrices, qui assurent un encadrement transnational de soft law.
- Les Perspectives pour l’espace OHADA, qui doit encore combler le vide juridique.
- Les Recommandations pour un encadrement équilibré, synthétisant les meilleures pratiques.
1. Approches nationales : les modĂšles de Singapour et Hong Kong
Les législations de Singapour et Hong Kong, adoptées en 2017, constituent des modÚles de référence en matiÚre de régulation du financement par des tiers[64].
à Singapour, la Civil Law (Amendment) Act 2017 et les Civil Law (Third-Party Funding) Regulations 2017, entrées en vigueur le 1er mars 2017, ont aboli les torts de common law de champerty et maintenance et ont établi un cadre réglementaire complet pour le TPF en arbitrage international et médiation[65]. Les Régulations stipulent que les financeurs éligibles doivent :
- Exercer comme activité principale le financement de procédures de rÚglement des différends ;
- Disposer d’un capital minimum ou d’une assurance professionnelle suffisante ;
- Respecter des normes de conduite professionnelle, incluant la gestion des conflits d’intĂ©rĂȘts.
Ă Hong Kong, l’Arbitration and Mediation Legislation (Third Party Funding) (Amendment) Ordinance 2017 a aboli les dĂ©lits de champerty et maintenance et a modifiĂ© l’Arbitration Ordinance pour autoriser explicitement le TPF dans les arbitrages ayant leur siĂšge Ă Hong Kong ou, s’ils sont situĂ©s Ă l’Ă©tranger, pour le financement de services fournis Ă Hong Kong[66].
Ces deux modÚles partagent plusieurs caractéristiques communes[67] :
- Abolition explicite des prohibitions historiques du champerty ;
- Limitation du TPF aux procĂ©dures d’arbitrage international et de mĂ©diation ;
- Exigences de qualification professionnelle et de capacité financiÚre pour les financeurs ;
- Obligation de divulgation de l’existence du financement et de l’identitĂ© du financeur ;
- PrĂ©servation du privilĂšge du secret professionnel de l’avocat.
Ces lĂ©gislations ont contribuĂ© Ă faire de Singapour et Hong Kong des places d’arbitrage internationales attractives, offrant un cadre juridique clair et prĂ©visible pour les parties et les financeurs[68]. Les modĂšles de Singapour et Hong Kong illustrent lâefficacitĂ© dâune intervention lĂ©gislative directe qui lĂ©galise le TPF tout en lui imposant un cadre strict (exigences de qualification, obligation de divulgation limitĂ©e Ă lâidentitĂ©). Ces approches ont créé une sĂ©curitĂ© juridique qui renforce leur attractivitĂ© en tant que places dâarbitrage. Elles dĂ©montrent quâune rĂ©glementation claire est possible, mĂȘme si, en lâabsence de lois nationales comparables dans de nombreux Ătats, ce sont les institutions arbitrales qui ont dĂ» prendre le relais. Face Ă la lenteur du processus lĂ©gislatif Ă©tatique, les rĂšglements des institutions dâarbitrage et les instruments de soft law de la communautĂ© professionnelle, comme ceux de la CCI et de lâIBA, se sont imposĂ©s comme le vĂ©ritable moteur de lâencadrement normatif transnational du TPF.
2. Approches institutionnelles : rĂšglements arbitraux et lignes directrices
Face Ă l’absence de rĂ©gulation nationale dans de nombreuses juridictions, les institutions arbitrales et les organisations professionnelles ont dĂ©veloppĂ© leurs propres normes et lignes directrices[69].
Le RĂšglement d’arbitrage de la CCI de 2021 a introduit Ă l’article 11(7) une obligation de divulgation : « Chaque partie informe sans tarder le SecrĂ©tariat, les autres parties et tout arbitre confirmĂ© ou nommĂ© de l’existence et de l’identitĂ© de toute personne non partie qui a conclu un accord de financement avec elle pour l’instance arbitrale et en vertu duquel elle s’est engagĂ©e Ă rembourser, en totalitĂ© ou en partie et de maniĂšre substantielle, les montants dĂ©pensĂ©s pour engager et poursuivre l’instance arbitrale »[70].
Cette disposition marque une Ă©volution significative vers la transparence, bien qu’elle se limite Ă l’identitĂ© du financeur sans exiger la divulgation du contenu de l’accord de financement[71].
Le RĂšglement d’arbitrage ICSID, rĂ©visĂ© en 2022, contient Ă la Rule 14 une disposition similaire imposant la divulgation du nom et de l’adresse de toute personne non-partie finançant l’arbitrage[72]. Cette Ă©volution rĂ©pond aux prĂ©occupations exprimĂ©es lors des travaux du Groupe de travail III de la CNUDCI sur la rĂ©forme du rĂšglement des diffĂ©rends entre investisseurs et Ătats (RDIE)[73].
Les Lignes directrices IBA 2024 sur les conflits d’intĂ©rĂȘts, rĂ©visĂ©es en mai 2024, intĂšgrent dĂ©sormais explicitement le financement par des tiers dans leur cadre d’analyse des conflits d’intĂ©rĂȘts[74]. L’Explanation to General Standard 6(b) prĂ©cise : « Third-party funders and insurers may have a direct economic interest in the prosecution or defence of the case in dispute, a controlling influence on a party to the arbitration, or influence over the conduct of proceedings, including the selection of arbitrators »[75].
Cette reconnaissance explicite du TPF dans les Lignes directrices IBA, instrument de soft law largement adoptĂ© dans la communautĂ© arbitrale internationale, constitue une Ă©tape importante vers l’harmonisation des pratiques[76].
Les Guidelines on Third-Party Funding du CIArb (Chartered Institute of Arbitrators), publiĂ©es en 2025, fournissent des recommandations pratiques dĂ©taillĂ©es sur la divulgation, la gestion des conflits d’intĂ©rĂȘts et les considĂ©rations dĂ©ontologiques liĂ©es au TPF[77]. Ces Guidelines soulignent l’importance d’une divulgation prĂ©coce et transparente, tout en respectant la confidentialitĂ© des termes commerciaux de l’accord de financement. Les dispositions rĂ©centes des rĂšglements de la CCI (Art. 11(7)) et du CIRDI (Rule 14), ainsi que les Lignes directrices IBA 2024, confirment lâĂ©mergence dâun standard transnational de soft law : lâobligation de divulgation de lâidentitĂ© du financeur. Cette approche institutionnelle permet une rĂ©gulation rapide et flexible qui sâadapte Ă lâĂ©volution de la pratique. Cependant, lâefficacitĂ© de cet encadrement reste limitĂ©e dans les juridictions oĂč lâarbitrage est majoritairement ad hoc ou dans les espaces rĂ©gionaux qui n’ont pas encore intĂ©grĂ© ces Ă©volutions, comme celui de l’OHADA. Lâabsence de disposition explicite dans lâActe uniforme OHADA de 2017 sur lâarbitrage crĂ©e un vide juridique dans un espace Ă©conomique majeur. Il devient essentiel dâanalyser les perspectives rĂ©glementaires qui sâoffrent Ă lâespace OHADA pour rattraper son retard et intĂ©grer le TPF dans son cadre juridique.
3. Perspectives pour l’espace OHADA
Dans l’espace OHADA, l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage de 2017 ne contient aucune disposition explicite relative au financement par des tiers[78]. Cette lacune soulĂšve des questions importantes pour les dix-sept Ătats membres, d’autant plus que l’arbitrage OHADA joue un rĂŽle croissant dans le rĂšglement des diffĂ©rends commerciaux en Afrique subsaharienne[79].
Plusieurs options s’offrent aux dĂ©cideurs de l’OHADA pour encadrer le TPF[80] :
Option 1 : RĂ©vision de l’Acte uniforme. Une rĂ©vision de l’Acte uniforme pourrait introduire des dispositions spĂ©cifiques sur le TPF, inspirĂ©es des modĂšles de Singapour et Hong Kong, incluant :
- Une reconnaissance explicite de la licéité du TPF en arbitrage international ;
- Des obligations de divulgation de l’existence et de l’identitĂ© du financeur ;
- Des garanties pour prĂ©server l’indĂ©pendance des avocats et des arbitres ;
- Des dispositions sur l’allocation des coĂ»ts et la security for costs.
Option 2 : Directives de la CCJA. La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage pourrait adopter des directives ou recommandations sur le TPF, complĂ©tant l’Acte uniforme sans nĂ©cessiter sa rĂ©vision formelle. Ces directives pourraient s’inspirer des Lignes directrices IBA 2024 et des Guidelines du CIArb.
Option 3 : IntĂ©gration dans le RĂšglement d’arbitrage de la CCJA. Le RĂšglement d’arbitrage de la CCJA pourrait ĂȘtre rĂ©visĂ© pour inclure une disposition similaire Ă l’article 11(7) du RĂšglement ICC, imposant la divulgation du TPF dans les arbitrages administrĂ©s par la CCJA.
Option 4 : Approche graduĂ©e. Une combinaison des options ci-dessus, avec une reconnaissance progressive de la pratique accompagnĂ©e d’un encadrement normatif adaptĂ© aux spĂ©cificitĂ©s du contexte juridique et Ă©conomique africain.
L’adoption d’un cadre rĂ©glementaire clair en matiĂšre de TPF dans l’espace OHADA prĂ©senterait plusieurs avantages[81] :
- Renforcer l’attractivitĂ© de la CCJA comme centre d’arbitrage rĂ©gional ;
- Faciliter l’accĂšs Ă l’arbitrage pour les PME et les parties aux ressources limitĂ©es ;
- Harmoniser les pratiques entre les Ătats membres ;
- PrĂ©venir les conflits d’intĂ©rĂȘts et protĂ©ger l’intĂ©gritĂ© du processus arbitral ;
- Contribuer au dĂ©veloppement d’une jurisprudence cohĂ©rente sur les questions liĂ©es au TPF.
Pour lâespace OHADA, lâadoption dâun cadre rĂ©glementaire clair â quâil passe par la rĂ©vision de lâActe uniforme, les Directives de la CCJA ou la modification du RĂšglement dâarbitrage â est impĂ©rative pour renforcer lâattractivitĂ© de la rĂ©gion et garantir un accĂšs Ă©quitable Ă lâarbitrage. Lâalignement sur les standards internationaux en matiĂšre de divulgation permettrait de prĂ©venir les conflits dâintĂ©rĂȘts tout en exploitant le TPF comme un levier de dĂ©veloppement Ă©conomique et judiciaire. Cet alignement sâinscrit dans un ensemble plus large de recommandations visant un encadrement global.
Lâanalyse des modĂšles nationaux et institutionnels permet de synthĂ©tiser les meilleures pratiques. Il est dĂ©sormais possible de formuler un ensemble de recommandations concrĂštes et Ă©quilibrĂ©es visant Ă assurer la pĂ©rennitĂ© et lâintĂ©gritĂ© du financement par des tiers dans le contentieux international.
4. Recommandations pour un encadrement équilibré
Sur la base de l’analyse comparative des diffĂ©rents modĂšles rĂ©glementaires et des enjeux identifiĂ©s, plusieurs recommandations peuvent ĂȘtre formulĂ©es pour un encadrement Ă©quilibrĂ© du financement par des tiers en arbitrage[82] :
Recommandation 1 : Obligation de divulgation. Instaurer une obligation claire de divulgation de l’existence d’un accord de financement et de l’identitĂ© du financeur, applicable dĂšs le dĂ©but de la procĂ©dure et de maniĂšre continue. Cette divulgation devrait ĂȘtre faite au tribunal arbitral, aux co-arbitres, aux parties adverses et, le cas Ă©chĂ©ant, Ă l’institution arbitrale[83].
Recommandation 2 : Limites de la divulgation. La divulgation devrait se limiter Ă l’existence et Ă l’identitĂ© du financeur, sans exiger la rĂ©vĂ©lation des termes commerciaux de l’accord de financement (montant investi, pourcentage de rĂ©munĂ©ration), afin de prĂ©server la confidentialitĂ© commerciale lĂ©gitime[84].
Recommandation 3 : Gestion des conflits d’intĂ©rĂȘts. Adopter des protocoles stricts pour identifier et gĂ©rer les conflits d’intĂ©rĂȘts potentiels entre arbitres et financeurs, en s’inspirant des Lignes directrices IBA 2024. Les arbitres devraient avoir l’obligation de vĂ©rifier l’existence de liens avec les financeurs divulguĂ©s[85].
Recommandation 4 : Protection de l’indĂ©pendance de l’avocat. Ătablir des rĂšgles dĂ©ontologiques claires interdisant :
- La reprĂ©sentation simultanĂ©e du financeur et du client par le mĂȘme avocat ;
- L’intĂ©rĂȘt financier direct de l’avocat dans le fonds de financement ;
- La subordination des décisions stratégiques du client aux volontés du financeur[86].
Recommandation 5 : PrĂ©servation du secret professionnel. Clarifier que la divulgation d’informations au financeur doit respecter le secret professionnel de l’avocat et que toute transmission d’information doit ĂȘtre autorisĂ©e par le client et limitĂ©e aux informations strictement nĂ©cessaires[87].
Recommendation 6: Encadrement de la security for costs. Ătablir des principes directeurs pour l’octroi d’une security for costs en prĂ©sence de TPF, Ă©vitant Ă la fois l’octroi systĂ©matique (qui annulerait le bĂ©nĂ©fice du financement) et le refus systĂ©matique (qui exposerait injustement la partie adverse)[88].
Recommandation 7 : Allocation des coûts. Développer une jurisprudence cohérente sur la récupérabilité des frais de financement, en distinguant entre :
- Les frais directs d’arbitrage (toujours rĂ©cupĂ©rables) ;
- Les frais d’avocat (rĂ©cupĂ©rables dans la mesure du raisonnable) ;
- Les frais de financement proprement dits (à évaluer au cas par cas selon des critÚres objectifs)[89].
Recommandation 8 : Qualification professionnelle des financeurs. Envisager, Ă terme, un systĂšme de qualification ou d’agrĂ©ment des financeurs, garantissant leur capacitĂ© financiĂšre, leur intĂ©gritĂ© et leur adhĂ©sion Ă un code de conduite professionnelle[90].
Les recommandations formulĂ©es, centrĂ©es sur lâobligation de divulgation limitĂ©e Ă lâidentitĂ© du financeur, le respect strict de lâindĂ©pendance de lâavocat et de lâarbitre, et lâencadrement des mĂ©canismes de coĂ»ts (rĂ©cupĂ©rabilitĂ©, security for costs), dessinent un cadre normatif idĂ©al pour le TPF. Cet ensemble de mesures, combinant hard law (lĂ©gislations nationales) et soft law (rĂšglements institutionnels), est la condition sine qua non pour que le financement par des tiers soit durablement acceptĂ©, non pas comme une menace, mais comme un outil performant au service de la justice arbitrale.
Lâanalyse de lâimpact du TPF sur la procĂ©dure arbitrale a confirmĂ© que, si le financement par des tiers introduit des risques procĂ©duraux rĂ©els (influence stratĂ©gique, incertitude sur la rĂ©cupĂ©rabilitĂ© des frais, besoin accru de security for costs), ces risques sont largement gĂ©rables par un encadrement normatif adĂ©quat. Les modĂšles lĂ©gislatifs (Singapour/Hong Kong) et les Ă©volutions des rĂšglements institutionnels (CCI/CIRDI) convergent vers un mĂȘme principe directeur : la transparence contrĂŽlĂ©e. Le TPF reprĂ©sente une innovation irrĂ©versible et nĂ©cessaire pour lâaccĂšs Ă la justice dans un contexte dâarbitrage coĂ»teux. Le dĂ©fi pour lâavenir est de sâassurer que sa lĂ©galisation ne soit pas synonyme dâune commercialisation excessive du procĂšs, mais quâelle soit subordonnĂ©e Ă la primautĂ© des principes Ă©thiques et dĂ©ontologiques qui garantissent la confiance dans lâarbitrage international.
CONCLUSION
Le financement par des tiers en arbitrage international constitue une innovation financiĂšre majeure qui rĂ©pond Ă un besoin rĂ©el d’accĂšs Ă la justice arbitrale dans un contexte de coĂ»ts procĂ©duraux croissants. Cette Ă©tude a dĂ©montrĂ© que, malgrĂ© les prohibitions historiques du champerty et du pacte de quota litis, le TPF peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme juridiquement lĂ©gitime dans la mesure oĂč il se distingue fondamentalement de ces pratiques prohibĂ©es par sa structure tripartite et sa nature sui generis.
Toutefois, la lĂ©gitimitĂ© juridique du TPF ne saurait occulter les dĂ©fis dĂ©ontologiques et procĂ©duraux qu’il soulĂšve. L’analyse a rĂ©vĂ©lĂ© trois tensions fondamentales :
PremiĂšrement, la tension entre l’indĂ©pendance professionnelle et l’influence Ă©conomique. Les avocats et arbitres doivent prĂ©server leur indĂ©pendance et leur impartialitĂ© tout en Ă©voluant dans un environnement oĂč un tiers financier poursuit des objectifs de rentabilitĂ©. Cette tension peut ĂȘtre gĂ©rĂ©e par des rĂšgles dĂ©ontologiques claires et des mĂ©canismes de divulgation robustes.
DeuxiĂšmement, la tension entre confidentialitĂ© et transparence. L’arbitrage repose traditionnellement sur un principe de confidentialitĂ©, tandis que la prĂ©vention des conflits d’intĂ©rĂȘts exige une transparence accrue concernant l’identitĂ© des financeurs. L’Ă©quilibre doit ĂȘtre trouvĂ© en limitant la divulgation Ă l’existence et Ă l’identitĂ© du financeur, sans exiger la rĂ©vĂ©lation des termes commerciaux de l’accord.
TroisiĂšmement, la tension entre lâaccĂšs Ă la justice et lâĂ©quitĂ© procĂ©durale. Le TPF facilite l’accĂšs Ă l’arbitrage pour les parties aux ressources limitĂ©es, mais peut crĂ©er un dĂ©sĂ©quilibre procĂ©dural si la partie adverse est exposĂ©e Ă des risques accrus sans protection adĂ©quate. Des mĂ©canismes comme la security for costs, appliquĂ©s de maniĂšre nuancĂ©e, peuvent contribuer Ă rĂ©tablir cet Ă©quilibre.
L’analyse comparative des diffĂ©rents modĂšles rĂ©glementaires (Singapour, Hong Kong) et des instruments normatifs rĂ©cents (Lignes directrices IBA 2024, RĂšglement ICC 2021, RĂšglement ICSID 2022, Guidelines CIArb 2025) rĂ©vĂšle une convergence progressive vers un consensus international sur certains principes fondamentaux :
- Reconnaissance de la licéité du TPF en arbitrage international ;
- Obligation de divulgation de l’existence et de l’identitĂ© du financeur ;
- Prise en compte du TPF dans l’analyse des conflits d’intĂ©rĂȘts ;
- Protection de l’indĂ©pendance des avocats et des arbitres ;
- Respect de la confidentialitĂ© des termes commerciaux de l’accord de financement.
Pour l’espace OHADA, cette Ă©tude plaide en faveur d’une clarification normative progressive, combinant Ă©ventuellement une rĂ©vision de l’Acte uniforme de 2017, l’adoption de directives par la CCJA et la modification du RĂšglement d’arbitrage de la CCJA. Un tel cadre rĂ©glementaire harmonisĂ© contribuerait Ă renforcer l’attractivitĂ© de l’arbitrage OHADA et Ă faciliter l’accĂšs Ă la justice pour les opĂ©rateurs Ă©conomiques africains.
En dĂ©finitive, le financement par des tiers n’est ni une panacĂ©e ni une menace existentielle pour l’arbitrage international. C’est un outil financier qui, correctement encadrĂ© par des rĂšgles transparentes et des principes dĂ©ontologiques solides, peut contribuer positivement Ă la dĂ©mocratisation de l’accĂšs Ă la justice arbitrale tout en prĂ©servant l’intĂ©gritĂ© et la lĂ©gitimitĂ© du processus arbitral. L’hypothĂšse de recherche initiale est donc confirmĂ©e : le TPF constitue un mĂ©canisme lĂ©gitime Ă condition qu’un cadre normatif appropriĂ© soit Ă©tabli.
Les perspectives de recherche futures pourraient utilement porter sur :
- L’analyse empirique de l’impact du TPF sur les taux de succĂšs et les montants allouĂ©s dans les sentences arbitrales ;
- L’Ă©tude comparative de l’efficacitĂ© des diffĂ©rents modĂšles rĂ©glementaires nationaux ;
- L’analyse de la jurisprudence arbitrale Ă©mergente sur l’allocation des coĂ»ts de financement ;
- L’Ă©valuation de l’impact du TPF sur l’Ă©quilibre entre pays dĂ©veloppĂ©s et pays en dĂ©veloppement dans l’arbitrage d’investissement.
Par Président OBAMBI Wilfrid Vivien
Magistrat et Conseiller Ă la Cour dâAppel de Dolisie (Congo). Ancien Juge au Tribunal de Grande Instance de Pointe-Noire, il a Ă©galement exercĂ© la fonction de PrĂ©sident du Tribunal du travail de Pointe-Noire.
Il est par ailleurs Secrétaire adjoint du Réseau Africain des Magistrats de Propriété Intellectuelle (RAMPI), ainsi que Secrétaire chargé des affaires administratives, juridiques et du contentieux du Réseau des Experts en Propriété Intellectuelle du Congo (REPIC).
Enfin, il figure sur la liste des mĂ©diateurs neutres de lâOrganisation Mondiale de la PropriĂ©tĂ© Intellectuelle (OMPI).
Linkedin : https://linkedin.com/in/wilfrid-vivien-obambi
[1] Gary B. BORN, International Commercial Arbitration, 3e éd., Wolters Kluwer, 2021, pp. 1-45.
[2] Club des juristes, Financement de l’arbitrage par un tiers. Rapport du groupe de travail, fĂ©vrier 2014, p. 7.
[3] Vanina FRIGNATI, « Ethical implications of third-party funding in international arbitration », Arbitration International, vol. 32, n° 3, 2016, p. 506.
[4] Khaled MECHANTAF, Financement de l’arbitrage par un tiers: une approche française et internationale, ThĂšse de doctorat, UniversitĂ© Paris 1 PanthĂ©on-Sorbonne, 2019, pp. 45-78.
[5] Yihua CHEN, Third-Party Funding in International Arbitration: A Transnational Study of Ethical Implications and Responses, ThÚse de doctorat, Université Erasmus de Rotterdam, 2022, pp. 15-32.
[6] Thibault DE BOULLE, Third-Party Funding in International Commercial Arbitration, Mémoire de Master, Université de Gand, 2014, p. 118.
[7] International Bar Association, IBA Guidelines on Conflicts of Interest in International Arbitration, approuvĂ©es par le Conseil de l’IBA, 25 mai 2024.
[8] Chambre de Commerce Internationale, RĂšglement d’arbitrage de la CCI, 1er janvier 2021, article 11(7).
[9] ICSID, ICSID Arbitration Rules, en vigueur le 1er juillet 2022, Rule 14.
[10] CNUDCI, Possible reform of investor-State dispute settlement (ISDS): Third-party funding, Document de travail A/CN.9/WG.III/WP.172, 2019.
[11] Club des juristes, op. cit., note 2, pp. 12-15.
[12] Ibid., pp. 13-14.
[13] Code civil français, article 1102.
[14] Université de LiÚge, Le financement par des tiers en arbitrage international, Travail universitaire, 2016-2017, pp. 28-32.
[15] Acte uniforme relatif au droit de lâarbitrage, OHADA, Conakry, 23 novembre 2017.
[16] Khaled MECHANTAF, op. cit., note 4, pp. 95-142.
[17] Robert HOWIE et Garth MOYSA, « Financing disputes: Third-party funding in litigation and arbitration », Alberta Law Review, vol. 57, n° 2, 2019, pp. 492-495.
[18] Factortame Ltd and Others v. Secretary of State for Transport [1991] 1 AC 603 (House of Lords).
[19] Civil Law (Amendment) Act 2017, Singapour, Act No. 2 of 2017; Civil Law (Third-Party Funding) Regulations 2017, S 68/2017.
[20] Arbitration and Mediation Legislation (Third Party Funding) (Amendment) Ordinance 2017, Hong Kong, Ordinance No. 6 of 2017.
[21] Barreau de Paris, Le financement par un tiers en matiĂšre dâarbitrage â Rapport de la Commission Arbitrage, fĂ©vrier 2017, pp. 18-20.
[22] Club des juristes, op. cit., note 2, pp. 16-18.
[23] Ibid., pp. 19-22.
[24] Ibid., pp. 54-56.
[25] Ibid., p. 55.
[26] Acte uniforme relatif au droit de lâarbitrage, op. cit., note 15.
[27] Yihua CHEN, op. cit., note 5, pp. 145-187.
[28] Barreau de Paris, op. cit., note 21, p. 28.
[29] Club des juristes, op. cit., note 2, pp. 25-27.
[30] Ordre des Barreaux Flamands, Aanbevelingen over third party funding in arbitragezaken, 2023, p. 7.
[31] Barreau de Paris, op. cit., note 21, p. 30.
[32] Vanina FRIGNATI, op. cit., note 3, pp. 515-520.
[33] Université de LiÚge, op. cit., note 14, pp. 52-58.
[34] CNUDCI, op. cit., note 10, p. 12.
[35] Barreau de Paris, op. cit., note 21, p. 32.
[36] Ordre des Barreaux Flamands, op. cit., note 30, p. 9.
[37] Thibault DE BOULLE, op. cit., note 6, pp. 78-82.
[38] Yihua CHEN, op. cit., note 5, pp. 189-245.
[39] Convention pour la reconnaissance et lâexĂ©cution des sentences arbitrales Ă©trangĂšres, New York, 10 juin 1958, article V(1)(d).
[40] CNUDCI, op. cit., note 10, p. 8.
[41] Université de LiÚge, op. cit., note 14, pp. 62-67.
[42] Kelsie MASSINI, « The Increasing Use of Third Party Funders in International Arbitration », Penn State Journal of Law & International Affairs, vol. 7, n° 1, 2019, pp. 335-340.
[43] IBA, IBA Guidelines on Conflicts of Interest in International Arbitration, op. cit., note 7.
[44] Ibid., General Standard 7(a), p. 12.
[45] Ibid., Explanation to General Standard 6(b), p. 11.
[46] Muhammet Ăap & Sehil InĆaat Endustri ve Ticaret Ltd. Sti. V. Turkmenistan, ICSID Case No. ARB/12/6, DĂ©cision sur la compĂ©tence, 13 fĂ©vrier 2015.
[47] Kelsie MASSINI, op. cit., note 42, pp. 345-352.
[48] Elena V. SITKAREVA, Yulia A. ARTEMYEVA et Svetlana MENDOSA-MOLINA, « Third-party Funding: Practical, Ethical and Procedural Issues », in Integration and Clustering for Sustainable Economic Growth, Springer, 2019, pp. 188-190.
[49] CNUDCI, op. cit., note 10, p. 14.
[50] Université de LiÚge, op. cit., note 14, pp. 72-76.
[51] Club des juristes, op. cit., note 2, pp. 28-30.
[52] Barreau de Paris, op. cit., note 21, p. 30.
[53] Sebastian BATIFORT, Matthew HARWOOD et Chrystalla TRAHANAS, « Third-party funding: security for costs and other key issues », Transnational Dispute Management, vol. 14, n° 5, 2017, pp. 1-3.
[54] Gary B. BORN, op. cit., note 1, pp. 3645-3702.
[55] Essar Oilfields Services Limited v. Norscot Rig Management Pvt Limited, Award on Costs, 2016, paras. 35-42.
[56] Sebastian BATIFORT et al., op. cit., note 53, pp. 8-12.
[57] Essar Oilfields, op. cit., note 55.
[58] Sebastian BATIFORT et al., op. cit., note 53, pp. 10-11.
[59] Ibid., pp. 3-8.
[60] Gary B. BORN, op. cit., note 1, pp. 2948-2965.
[61] Sebastian BATIFORT et al., op. cit., note 53, p. 5.
[62] South American Silver Limited v. Bolivia, PCA Case No. 2013-15, Sentence sur la compétence, 18 novembre 2016, paras. 155-178.
[63] Robert HOWIE et Garth MOYSA, op. cit., note 17, pp. 510-512.
[64] Khaled MECHANTAF, op. cit., note 4, pp. 285-328.
[65] Civil Law (Amendment) Act 2017, op. cit., note 19 ; Civil Law (Third-Party Funding) Regulations 2017, op. cit., note 19.
[66] Arbitration and Mediation Legislation (Third Party Funding) (Amendment) Ordinance 2017, op. cit., note 20.
[67] Khaled MECHANTAF, op. cit., note 4, pp. 310-325.
[68] Thibault DE BOULLE, op. cit., note 6, pp. 105-112.
[69] Yihua CHEN, op. cit., note 5, pp. 247-298.
[70] ICC, RĂšglement d’arbitrage de la CCI, op. cit., note 8, article 11(7).
[71] Kelsie MASSINI, op. cit., note 42, pp. 352-355.
[72] ICSID, ICSID Arbitration Rules, op. cit., note 9, Rule 14.
[73] CNUDCI, Groupe de travail III, Draft provisions on procedural and cross-cutting issues, Document A/CN.9/WG.III/WP.253, 2023, pp. 28-32.
[74] IBA, IBA Guidelines, op. cit., note 7, Introduction, paras. 2-3.
[75] Ibid., Explanation to General Standard 6(b), p. 11.
[76] Kelsie MASSINI, op. cit., note 42, pp. 345-357.
[77] CIArb, Guideline on Third-Party Funding, 2025.
[78] Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage, op. cit., note 15.
[79] OHADA, disponible sur : https://www.ohada.org
[80] Analyse dĂ©veloppĂ©e par l’auteur sur la base des modĂšles comparatifs Ă©tudiĂ©s.
[81] Ibid.
[82] SynthĂšse des recommandations formulĂ©es par le Club des juristes, le Barreau de Paris, l’Ordre des Barreaux Flamands et les travaux de la CNUDCI.
[83] IBA, IBA Guidelines, op. cit., note 7, General Standard 7(a).
[84] Club des juristes, op. cit., note 2, pp. 48-50.
[85] IBA, IBA Guidelines, op. cit., note 7, Explanation to General Standard 6(b).
[86] Ordre des Barreaux Flamands, op. cit., note 30, pp. 7-10.
[87] Barreau de Paris, op. cit., note 21, pp. 32-35.
[88] Sebastian BATIFORT et al., op. cit., note 53, pp. 12-15.
[89] Gary B. BORN, op. cit., note 1, pp. 3680-3702.
[90] Civil Law (Third-Party Funding) Regulations 2017 (Singapour), op. cit., note 19, Regulations 4-6.
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