Lorsqu’on parle de licenciement, il faut rappeler qu’il doit toujours reposer sur un motif légitime. En d’autres termes, l’employeur ne peut pas mettre fin au contrat de travail d’un salarié sans raison valable reconnue par la loi. Dans le cas particulier de la Côte d’Ivoire, une situation très spécifique pose parfois question : celle de l’ivoirisation d’un emploi. Mais que signifie exactement ce terme ? Et surtout, est-ce que l’ivoirisation d’un emploi peut justifier le licenciement d’un travailleur étranger ?
I. Que veut dire « ivoirisation » d’un emploi ?
Le concept d’ivoirisation désigne une politique mise en place par l’État ivoirien qui vise à favoriser l’accès des Ivoiriens aux emplois, notamment aux postes de responsabilité, dans les entreprises installées sur le territoire national.
En d’autres termes, il s’agit d’un mouvement qui encourage le remplacement des travailleurs étrangers par des travailleurs ivoiriens. Cela répond à un objectif clair : réduire le chômage parmi les Ivoiriens et renforcer la présence nationale dans l’économie du pays.
L’ivoirisation des postes est donc un choix politique et social : il ne s’agit pas simplement d’une préférence personnelle des employeurs, mais d’une orientation soutenue par le Gouvernement ivoirien.
II. Le licenciement d’un travailleur étranger pour ivoirisation : une pratique en principe discriminatoire
Dans la logique générale du droit du travail, licencier un salarié uniquement en raison de sa nationalité est considéré comme une discrimination. En droit du travail classique, toute forme de discrimination fondée sur la race, l’origine, la nationalité ou tout autre critère personnel est interdite et rend le licenciement abusif.
Par conséquent, licencier un travailleur étranger juste parce qu’il n’est pas Ivoirien, pour le remplacer par un national, serait normalement illégal.
En principe, un tel licenciement devrait être annulé par le juge et donner droit à une indemnisation pour le salarié victime de la discrimination.
III. Pourtant, les juges ivoiriens admettent l’ivoirisation comme un motif légitime de licenciement
Malgré ce principe, les juges ivoiriens ont adopté une position particulière en matière d’ivoirisation. Ils considèrent que le licenciement d’un travailleur étranger pour remplacer ce dernier par un Ivoirien est un licenciement légitime.
Autrement dit, dans ce cas précis, la règle générale contre la discrimination ne s’applique pas de la même manière. L’ivoirisation est acceptée comme un motif valable, ce qui rend le licenciement non abusif. Pourquoi cette exception ?
Les juges justifient cette position par des raisons politiques et sociales. Ils reconnaissent que le développement de l’emploi national est une priorité d’intérêt général pour la Côte d’Ivoire. En acceptant l’ivoirisation comme un motif légitime de licenciement, ils accompagnent ainsi la volonté du Gouvernement qui a fait de l’ivoirisation un pilier important de sa politique sociale et économique.
IV. Quels sont les droits du travailleur étranger licencié pour ivoirisation ?
Un travailleur étranger qui est licencié pour cause d’ivoirisation n’est pas laissé sans protection. Même si son licenciement est jugé légitime, il conserve plusieurs droits importants :
- Il a droit à toutes ses indemnités de rupture de contrat de travail prévues par la loi (indemnité de licenciement, paiement des jours de congé non pris, indemnité de préavis si celui-ci n’est pas effectué, etc.) ;
- En revanche, il ne peut pas réclamer de dommages-intérêts pour licenciement abusif.
Cela signifie que, juridiquement, le licenciement est valable et que le travailleur n’a pas été victime d’une injustice qui lui donnerait droit à une réparation supplémentaire.
Ainsi, l’ivoirisation permet de rompre le contrat de manière régulière, en respectant les droits économiques du salarié licencié, mais sans ouvrir droit à des compensations pour préjudice moral ou matériel au-delà des indemnités ordinaires.
V. Illustration concrète pour mieux comprendre
Prenons un exemple simple : Monsieur Yao est un ressortissant sénégalais qui travaille depuis 8 ans comme chef de service dans une entreprise ivoirienne.
Un jour, son employeur reçoit une recommandation du Ministère du Travail encourageant l’ivoirisation des postes de direction. L’entreprise décide donc de confier son poste à un jeune cadre ivoirien, fraîchement formé. Monsieur Yao est alors licencié. Dans ce cas :
- Le licenciement est jugé légitime puisqu’il s’inscrit dans une démarche d’ivoirisation reconnue par la politique de l’État ivoirien.
- Monsieur Yao recevra toutes ses indemnités de licenciement.
- Il ne pourra pas demander des dommages-intérêts pour licenciement abusif car, aux yeux de la justice ivoirienne, son renvoi repose sur un motif accepté par la loi.
VI. Conclusion : l’ivoirisation, une exception politique au principe d’égalité dans l’emploi
En résumé, l’ivoirisation d’un emploi est bel et bien reconnue comme un motif légitime de licenciement en droit ivoirien, même si cela semble aller à l’encontre des règles habituelles contre la discrimination au travail. Cette situation exceptionnelle est motivée par :
- Un objectif de politique nationale : favoriser l’emploi des Ivoiriens ;
- Un souci d’équilibre social : réduire le chômage national ;
- Un choix assumé par le Gouvernement et soutenu par les juridictions.
Ainsi, dans ce contexte, le droit du travail ivoirien fait primer l’intérêt général du pays sur l’intérêt individuel du travailleur étranger. Le salarié étranger licencié bénéficie de ses droits économiques, mais ne peut pas contester son licenciement sur le terrain de l’abus ou de la discrimination.
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Luc KOUASSI
Juriste Consultant Bilingue | Formateur | Spécialiste en rédaction de contrats, d’actes extrajudiciaires, d’articles juridiques et des questions relatives au droit du travail | Politiste | Bénévole humanitaire.