L’objet de cet article est pragmatique : présenter une méthode de rédaction du commentaire d’arrêt permettant d’obtenir systématiquement des bonnes notes. Vous devez maitriser la méthodologie du commentaire d’arrêt pour au moins deux raisons :
- Il s’agit d’un exercice juridique incontournable faisant l’objet de nombreux examens,
- Alors qu’il est presque impossible d’obtenir une bonne note en cas pratique ou en dissertation, sans connaissances de cours, une bonne connaissance de la méthodologie et de quelques astuces que vous trouverez dans ce cours vous permettront d’obtenir la moyenne à n’importe quel commentaire d’arrêt, même avec de très faibles connaissances de cours.
I. Comprendre la méthode du commentaire d’arrêt (ce que le correcteur attend de vous)
L’objectif est d’expliquer la méthode classique du commentaire d’arrêt en évoquant, au fur et à mesure, tous les points souvent passés sous silence dans les manuels de méthodologie classiques et qui résultent de l’expérience que j’ai acquise au cours de mes études et des cours de droit dispensés.
A. La définition du commentaire d’arrêt
Le commentaire d’arrêt est un exercice juridique consistant à tester les capacités d’un étudiant à analyser un arrêt ou une décision de justice. L’étudiant doit alors présenter (1), expliquer (2) et critiquer (3) l’arrêt à la lumière de ses connaissances de cours.
- Présenter l’arrêt
Il s’agit de présenter l’arrêt à quelqu’un qui ne l’a pas lu de la manière la plus simple et concise possible. La présentation de l’arrêt commence dès l’introduction du commentaire d’arrêt. En effet, cette introduction se compose de trois parties parmi lesquelles figure la fiche de l’arrêt. Or la fiche d’arrêt ne constitue rien d’autre que la méthode juridique communément admise pour la présentation d’un arrêt. Il suffit donc seulement de maîtriser parfaitement cette méthode
- Expliquer l’arrêt
Encore une fois, il s’agit d’expliquer la décision rendue par les juges à quelqu’un qui ne l’a pas lu de la manière la plus simple (ce qui suppose la rédaction d’un plan) et concise possible (ce qui suppose un style de rédaction privilégiant des phrases courtes). L’explication d’un arrêt consiste à retranscrire le raisonnement suivi par les juges pour rendre leur décision. Le cheminement intellectuel du juriste est toujours le même :
- Première étape : appliquer à une situation de fait un fondement juridique. Il faut alors identifier ce fondement juridique : s’agit-il d’une loi, d’un décret, d’une jurisprudence ?
- Deuxième étape : qualifier juridiquement cette situation de fait. Il faut alors se poser la question de la pertinence de cette qualification : les juges auraient-ils pu donner une autre qualification juridique à la situation de fait qu’ils ont eu à traiter?
- Troisième étape : appliquer les effets juridiques liés à cette qualification juridique. Il faut se poser la question de la concordance de la qualification juridique et des effets juridiques en procédant à un raisonnement par analogie : est-ce que dans des arrêts similaires une telle qualification conduisait aux mêmes effets juridiques ?
- Critiquer l’arrêt
Critiquer revient à présenter les avantages et les inconvénients de la solution. Il s’agit donc de critiquer la solution :
- D’un point de vue juridique : Le raisonnement des juges est-il pertinent ? La solution est-elle viable ? Le droit va-t-il évoluer sur la question ?
- D’un point de vue économique et sociétal : Quelles sont les conséquences économiques et sociétales d’une telle solution ?
B. Les 4 objectifs du commentaire d’arrêt
- Évaluer votre capacité à argumenter
Le commentaire d’arrêt à un point en commun avec tous les autres exercices juridiques que vous devez réaliser à l’université : il faut savoir argumenter (ensemble d’arguments pour soutenir, étayer une idée) pour obtenir une bonne note. Qu’il s’agisse d’un cas pratique, d’une dissertation ou d’un commentaire d’arrêt vous devez apprendre à rédiger correctement vos arguments. Le bon juriste est celui qui a appris à développer son esprit critique et qui est capable de mener un raisonnement juridique sur n’importe quel sujet !
- Évaluer votre capacité à rédiger
Tous les exercices juridiques nécessitent la maîtrise d’une rédaction de qualité. Cette maîtrise passe par le respect des règles d’orthographe et de syntaxe et par l’acquisition d’un vocabulaire juridique et d’un style concis.
(!) Prenez très au sérieux ces conseils ! Dans toutes les universités, les fautes d’orthographe et de syntaxe sont sanctionnées par une perte de points variant selon l’irritabilité du correcteur !
- Évaluer votre faculté à relier l’arrêt aux connaissances
Le commentaire d’arrêt est un exercice qui ne nécessite pas nécessairement de grandes connaissances de cours. Ce constat est pour vous une bonne nouvelle : si vous maîtrisez la méthode, vous pourrez systématiquement obtenir la moyenne quand bien même vous auriez des lacunes sur le fond du cours. En revanche, si vous ne la maîtrisez pas, vous pourriez obtenir une mauvaise note alors même que vous connaissiez votre cours sur le bout des doigts…
L’objectif est donc de réussir à relier certains éléments de cours à l’arrêt en effectuant un perpétuel va et vient entre vos connaissances et l’arrêt ce qui nécessite plusieurs entrainements dans les conditions réelles de l’examen.
- Juger votre faculté à organiser vos idées à travers l’élaboration d’un plan
Le commentaire d’arrêt est l’exercice juridique qui demande le plus de réflexion sur la confection du plan. Vous devez expliquer de la manière la plus simple possible l’arrêt en confectionnant un plan en deux parties, elles-mêmes divisées en deux sous-parties.
II. S’organiser en examen pour bien rédiger son commentaire d’arrêt
Avant même d’étudier chacune des parties du commentaire d’arrêt, un point sur la manière de s’organiser en examen pour rédiger le commentaire s’impose.
Le but ici est de vous proposer une méthode pour vous organiser le jour de l’examen. Ces règles d’organisation sont tirées de mon expérience personnelle ; aucun manuel de méthodologie ne peut prétendre posséder la méthode qui convient à tous les étudiants. Ces règles n’ont donc qu’une simple valeur indicative. En réalité vous aurez intérêt à découvrir vous même, au fur et à mesure de vos entrainements, l’organisation qui vous convient le mieux.
- Première étape : la lecture de l’arrêt (deux fois)
Cette phase est évidente : avant toute chose commencez par la décision. L’idéal est de procéder à une première lecture rapide de la décision puis à une deuxième lecture plus approfondie.
- Deuxième étape : la rédaction de la fiche d’arrêt
Il est judicieux de rédiger la fiche d’arrêt avant même de chercher le plan et le contenu du commentaire d’arrêt. Lorsque vous aurez fini de rédiger votre fiche d’arrêt vous y verrez déjà beaucoup plus clair ce qui facilitera votre recherche de plan.
- Troisième étape : la rédaction du brouillon (plan + contenu du commentaire)
Une fois la fiche d’arrêt rédigée, vous devez noter sur un brouillon toutes les idées qui vous viennent afin de trouver un plan et le contenu de votre commentaire.
- Quatrième étape : la rédaction du commentaire
Une fois le brouillon rédigé, il vous faut passer à l’étape la plus délicate : la rédaction du commentaire. Cette phase ne nécessite pas le même temps selon les étudiants. Si vous avez tendance à écrire lentement, il vous faudra passer un peu moins de temps sur le brouillon.
- Cinquième étape : la relecture du commentaire
Cette phase est de loin la plus ennuyante mais elle est nécessaire ! Deux écueils sont impérativement à éviter.
→ Le premier est simple : il s’appelle la flemme : Lorsqu’on termine son commentaire d’arrêt il est normal de se sentir complètement épuisé par l’effort intellectuel fourni. Ne vous découragez pas à la fin de l’épreuve : une relecture permet presque systématiquement de corriger des erreurs qui pourraient, si vous ne les corrigez pas, vous couter quelques points (fautes d’orthographe, faute de syntaxe, coquilles etc…).
→ Le deuxième réside dans la mauvaise gestion du temps : Vous devez impérativement prévoir de consacrer au moins dix minutes de votre temps à la relecture de votre commentaire d’arrêt. Ces différentes règles d’organisation étant précisées, voyons désormais le contenu des différentes phases du commentaire d’arrêt.
III. Réaliser un commentaire d’arrêt (la méthode complète étape par étape)
Vous devez chronologiquement rédiger une introduction (1) puis rédiger les éléments de votre contenu (2) et ces éléments dans un plan (3). La conclusion n’est pas nécessaire.
A. L’introduction du commentaire d’arrêt : comment bien la rédiger ?
- Premier élément de l’introduction : l’accroche
L’accroche constitue le premier paragraphe du commentaire d’arrêt. Il s’agit d’éveiller l’attention du lecteur par une phrase mettant en exergue l’intérêt du sujet. À mon sens deux techniques peuvent être utilisées pour trouver une bonne accroche.
- La première technique consiste, lors de l’élaboration de vos fiches de révisions, à noter systématiquement une accroche sur chaque thème / chapitre composant votre cours. Cette technique nécessite une organisation rigoureuse ainsi qu’une bonne mémoire.
- La deuxième technique permet de vous sortir de la situation dans laquelle tout étudiant se trouve confronté un jour ou l’autre : l’absence d’idées. Il suffit alors de procéder à la rédaction d’une accroche en « entonnoir » (voir plus bas). Cette technique nécessite toutefois de connaître au minimum son plan de cours.
Quels sont les différents types d’accroches ?
- L’accroche historique : Il s’agit d’amener le sujet en évoquant l’intérêt historique qui y est attaché.
- L’accroche d’actualité : Il s’agit d’amener le sujet en éveillant l’intérêt du lecteur à travers l’évocation d’une actualité récente qui y est liée.
- L’accroche citation / adage : Il s’agit d’amener le sujet en éveillant l’intérêt du lecteur à travers la retranscription d’une citation ou d’un adage.
- L’accroche en entonnoir : Il s’agit d’amener le sujet en éveillant l’intérêt du lecteur en replaçant le sujet dans le contexte de son cours.
- Deuxième élément de l’introduction : la fiche d’arrêt
Vous devez rédiger intégralement la fiche de l’arrêt commenté (faits ; problème de droit ; procédure/prétentions ; solutions).
- Troisième élément de l’introduction : l’annonce de plan
Après avoir évoqué la solution de la juridiction (dernière étape de la fiche d’arrêt) vous devez annoncer le plan de votre commentaire d’arrêt. Il suffit d’annoncer vos deux parties principales. Mais vous ne pouvez pas utiliser la formule « dans un premier temps nous verrons (…) puis dans un second temps nous verrons (…) ». Votre annonce de plan doit prendre la forme suivante :
Exemple : 2e Civ, 22 fév. 2007, 06-10.131
« Par cet arrêt, la Cour de cassation refuse d’appliquer la responsabilité civile pour la réparation d’un préjudice illicite (I) et considère que de la nullité du contrat de jeux aurait dû découler une absence d’indemnisation (II) ».
B. Le contenu du commentaire d’arrêt : quels sont les éléments essentiels à prendre en compte ?
Ces deux phases sont liées. En réalité, c’est le contenu de votre commentaire qui détermine votre plan. Il faut donc commencer par le contenu. Il existe des astuces simples qui permettent de trouver systématiquement un contenu c’est- à-dire de la « matière » pour rédiger votre commentaire d’arrêt. Il va falloir noter plusieurs éléments sur votre brouillon :
- Premier élément : les notions de cours qui vous viennent à l’esprit
II est possible d’obtenir une note correcte au commentaire d’arrêt avec des connaissances minimes. Mais si vous ne connaissez absolument pas votre sujet l’exercice s’avèrera délicat ! Faites l’effort de vous rappeler les principaux éléments de cours sur le thème de l’arrêt en question.
- Deuxième élément : le plan de cours dans lequel s’inscrit cet arrêt
Noter le plan de ce cours peut vous éviter un hors sujet et vous sera utile au moment de la rédaction du plan.
- Troisième élément : le contexte de l’arrêt
Noter les éléments de contexte de l’arrêt constitue une démarche fondamentale. Dans un commentaire d’arrêt vous devrez, à un moment ou un autre, évoquer le droit antérieur, le droit actuel et le droit postérieur.
- Le droit antérieur
- Quel était le droit positif avant que soit rendu l’arrêt en question ?
- S’agit-il d’un revirement de jurisprudence ou d’une jurisprudence constante ?
- S’agit-il d’un arrêt contra legem ?
- Le droit actuel
- S’agit-il d’une jurisprudence constante ?
- Si oui l’arrêt présente-t-il tout de même certaines particularités ?
- Le droit postérieur
- Cette solution est-elle viable ?
- Aura-t-elle vocation à évoluer ?
- Si oui l’évolution viendra de la jurisprudence ou du législateur ?
- Quatrième élément : les éléments permettant de critiquer cet arrêt
Il peut s’agir soit d’éléments de doctrine que vous connaissez sur le sujet soit d’éléments de votre réflexion personnelle.
- Cinquième élément : les éléments relatifs à la portée de l’arrêt
Il existe des astuces permettant d’obtenir des éléments d’informations sur n’importe quel arrêt rendu par la Cour de cassation quand bien même vous ne maîtrisez pas le cours sur lequel il porte. Il vous faut connaître certains éléments de base relatifs à la structure des arrêts rendus par la Cour de cassation.
« Comprendre un arrêt de la Cour de cassation rendu en matière civile par Jean-François WEBER, président de chambre à la Cour de cassation ».
Première question : Quel type d’arrêt ? Arrêt de rejet ou arrêt de cassation ?
Les éléments d’information à extraire de l’arrêt diffèrent selon que l’on se trouve face à un arrêt de rejet ou face à un arrêt de cassation.
- L’arrêt de rejet est l’arrêt dans lequel la Cour de cassation rejette le pourvoi intenté contre l’arrêt rendu par la Cour d’appel.
- L’arrêt de cassation est l’arrêt qui casse la décision rendu par la Cour d’appel.
Pourquoi est-il important pour le commentaire de l’arrêt de savoir distinguer entre l’arrêt de rejet et l’arrêt de cassation ?
- La première différence concerne les moyens du pourvoi. Dans un arrêt de cassation, les moyens du pourvoi ne sont pas véritablement utiles pour rédiger votre commentaire puisque la solution de la Cour de cassation ira dans le même sens. Dans un arrêt de rejet, les moyens du pourvoi ont une importance certaine ; ils permettent de comprendre la thèse adverse. Plus ces moyens vous paraissent pertinents sur le plan juridique plus la solution rendue par la Cour de cassation sera critiquable. Vous pourrez alors reprendre à votre compte les arguments développés par les moyens du pourvoi lorsque vous devrez critiquer la solution rendue par la Cour de cassation.
- La deuxième différence concerne la structure des arrêts
- Le syllogisme d’un arrêt de rejet se présente ainsi :
- Chef de dispositif de la décision attaquée ;
- Moyens exposant les raisons juridiques de la critique ;
- Réfutation par la Cour de cassation de ces critiques.
- Le syllogisme d’un arrêt de cassation se présente ainsi :
- La règle est celle-ci (le visa et le chapeau) ;
- La juridiction du fond a dit cela ;
- En statuant ainsi, elle a violé la règle (le conclusif).
Deuxième question : Quels sont les différents contrôles exercés par le Cour de cassation ?
→ L’absence de contrôle : lorsque les juges de fond disposent d’un pouvoir discrétionnaire.
Exemple : pour refuser de modérer une clause pénale (art. 1152 C.civ), pour refuser une demande de sursis à statuer.
→ Le contrôle restreint à l’existence d’une motivation, compte tenu du pouvoir souverain des juges du fond.
Exemple : l’évaluation du préjudice et des modalités de sa réparation.
Ces arrêts sont identifiables par les formules suivantes : « a souverainement relevé … » ; « a souverainement retenu… » ; « a souverainement décidé… ».
→ Le contrôle léger : Il s’agit d’un contrôle de légalité qui « intervient lorsque la cour d’appel a tiré́ une conséquence juridique de ses constatations de fait qui était possible mais qui aurait pu être différente sans pour autant encourir la critique ».
Ces arrêts sont identifiables par les formules suivantes : « a pu retenir… a pu en déduire… a pu décider que… ; ».
→ Le contrôle lourd : Il s’agit du contrôle intervenant lorsque la cour d’appel ne pouvait, à partir de ses constatations de fait, qu’aboutir à la solution retenue, sous peine de voir son arrêt cassé pour violation de la loi.
Ces arrêts sont identifiables par les formules suivantes : « a exactement retenu… en a exactement déduit… ou a retenu à bon droit… en a déduit à bon droit… a décidé à bon droit… ».
La portée d’un arrêt dans lequel la Cour de cassation exerce un contrôle lourd est bien plus important que lorsqu’elle exerce un contrôle léger. Il faudrait alors le noter dans votre commentaire d’arrêt.
Troisième question : s’agit-il d’un arrêt de principe ?
Les arrêts de principe ont une importance certaine dans un commentaire d’arrêt puisqu’ils modifient (ou « ont déjà modifié ») l’état du droit positif.
Avant même de savoir comment repérer un arrêt de principe retenez trois éléments fondamentaux sur les arrêts de principe que vous pourriez, le cas échéant, rappelez en commentaire d’arrêt.
- Les choses à savoir sur les arrêts de principe
Premier point : La question des arrêts de principe soulève l’épineuse critique du « gouvernement des juges ».
En effet, le principe en droit français réside dans la prohibition des arrêts de règlement (« les arrêts de règlement désignent une pratique courante jusqu’en 1789, par laquelle les Parlements d’Ancien Régime rendaient une décision solennelle de portée générale, abstraite et qu’il s’imposait aux juridictions inférieures. Ces arrêts valaient pour l’avenir et à l’égard de tous, au même titre que la loi »).
En effet, l’article 5 du Code civil énonce qu’« il est défendu aux juges de prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises ». Si vous êtes confronté à un arrêt de principe qui pose une solution générale en l’absence de tout texte législatif ou règlementaire vous pourriez, le cas échéant, évoquer cette question.
Deuxième point : la question des arrêts de principe peut soulever la question des revirements de jurisprudence. Si vous êtes face à un arrêt de principe qui prend le contrepied d’une jurisprudence antérieure posez-vous également la question de l’atteinte portée par ces revirements de jurisprudence au principe de sécurité juridique des justiciables.
- Comment repérer un arrêt de principe ?
Trois éléments principaux peuvent vous permettre d’identifier l’importance d’un arrêt.
- Le visa dans l’arrêt
D’abord regardez si l’arrêt contient un visa. Le visa désigne cette partie figurant, au début de d’un jugement ou d’un arrêt par laquelle le juge énonce les références des textes de lois ou auxquelles il se réfèrent.
- L’attendu de principe
Ensuite regardez si l’arrêt contient un attendu de principe. L’attendu de principe constitue une règle de droit général appelée à s’appliquer dans toutes les situations similaires.
Il se trouve généralement au début de l’arrêt dans les arrêts de cassation après le visa. Exemple : dans l’arrêt “Cass., Soc., 2 oct. 2001, n° 99-42.942”
Il se trouve généralement après le « mais attendu que… » dans les arrêts de rejet. Exemple : Cass., Soc., 25 nov. 2015, 14-24.444
- Les lettres
Les mentions « P.B.R.I » permettent de hiérarchiser les arrêts de la Cour de cassation. Elles définissent la nature de la publication, qui est décidée par les magistrats de la chambre à l’issue du délibéré.
C. Le plan du commentaire d’arrêt : comment classer ces différents éléments dans vos sous-parties ?
Comprendre ce que signifie concrètement le tryptique “sens, valeur, portée”
- Sens de l’arrêt
L’explication d’un arrêt consiste à retranscrire le raisonnement suivi par les juges pour rendre leur décision.
- La valeur de l’arrêt
Apprécier la valeur d’un arrêt revient à évaluer la pertinence de la solution rendue par les juges c’est-à-dire à présenter les avantages et les inconvénients de la solution. D’abord vous devez évaluer la pertinence du raisonnement juridique :
- Le raisonnement des juges est-il pertinent ? Qu’en dit la doctrine ?
- Le fondement ou la qualification juridiques retenus par les juges sont-ils pertinents ?
- Les juges ont-ils tirés les effets juridiques qui s’imposaient ?
- La solution est-elle particulière par rapport aux autres décisions antérieurs rendus sur le même thème ?
- La solution porte-t-elle atteinte au principe de sécurité juridique ?
- La solution soulève-t-elle la question du gouvernement des juges ?
Ensuite vous devez évaluer la pertinence de la solution d’un point de vue sociétal et économique :
- Quelles sont les conséquences économiques de la solution ?
- Quelles sont les conséquences sociétales de la solution ?
- La portée de l’arrêt
Evaluer la portée d’un arrêt revient à expliquer les effets futurs de la solution :
- La solution va-t-elle considérablement modifier l’état du droit positif ?
- La solution est-elle viable ?
- Existe-t-il des projets de réforme sur la question ?
- S’il s’agit d’un arrêt de principe s’agit-il d’un sujet sur lequel les pouvoirs publics semblent trop frileux pour légiférer (exemple : le sexe neutre).
- Si des évolutions sont prévues sont-elles souhaitables ? A l’inverse si rien n’est prévu est- ce qu’une évolution serait souhaitable ?
Ces différents éléments doivent figurer dans les différentes sous-parties du commentaire d’arrêt.
- Le contenu des différentes sous-parties : exemples
Le contenu des différentes sous-parties peut être résumé comme ci-dessous :
Le I. A.
Il s’agit dans cette sous-partie d’amener progressivement l’arrêt. Il faudra y faire figurer les définitions des notions importantes et décrire le droit antérieur. Pour éviter de « dériver en dissertation » l’idéal est de commencer par une phrase qui cite l’arrêt.
Exemple sur l’arrêt du 25 novembre 2015 relatif à l’obligation de sécurité de l’employeur : « L’arrêt du 25 novembre que nous avons à commenter est relatif à l’obligation de sécurité de l’employeur prévue par l’article L.4121-1 du code du travail (annonce du thème).
En effet, cet article rend l’employeur débiteur d’une obligation de sécurité envers ses salariés puisqu’il doit « prendre les mesures nécessaires pour assurer et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». À cet égard, ce même article prévoit justement trois types de mesures et notamment des actions de préventions, d’information, de formation ainsi que la mise en place d’une organisation… (définitions).
Avant cet arrêt du 25 novembre 2015 (citer à nouveau l’arrêt) la jurisprudence considérait que cette obligation de sécurité était une obligation de résultat. Il semble, à la lecture de la solution rendue par la Cour de cassation, que l’employeur ne soit désormais seulement débiteur que d’une obligation de moyen « renforcé » (état du droit antérieur) ».
Une fois ces éléments précisés, vous pouvez expliquer rapidement la solution de la cour. Faites attention cependant à ne pas trop en dire ; gardez-en pour le I. B !
Le I.B.
Il va s’agir dans cette partie d’expliquer plus en détail la solution de la Cour de cassation. Pour reprendre l’exemple cité précédemment sur l’obligation de sécurité de l’employeur il faudra expliquer concrètement ce qui a poussé́ la Cour de cassation à modifier sa jurisprudence. À ce stade vous devez commencer à vous interroger sur la pertinence du raisonnement juridique mené par les juges.
Le II.A
Dans le II.A vous devez non seulement continuer l’explication de la solution mais surtout vous poser la question de la valeur de cette décision. Cette solution vous parait-elle logique au regard des arrêts précédemment rendu ? Est-elle critiquable d’un point de vue juridique, sociétal, économique ? Est-elle compréhensible ?
Exemple : Cass. Civ. 1ère, ‘ mai 2017, n 16 17.189 : la Cour de cassation a récemment rendu un arrêt dans lequel elle refusait de reconnaître la mention dans l’état civil du « sexe neutre ».
Cette solution était critiquable juridiquement car comme le soutenait un moyen du pourvoi : « L’article 57 du code civil impose seulement que l’acte de naissance énonce « le sexe de l’enfant » ; que cette disposition ne prévoit aucune liste limitative des sexes pouvant être mentionnés pour son application ».
Cependant, la solution se comprend car cette reconnaissance aurait entrainé́ de trop grandes conséquences juridiques de sorte, qu’en réalité, il ne revient pas au juge mais au législateur de se prononcer sur ce sujet : « que la reconnaissance par le juge d’un ” sexe neutre ” aurait des répercussions profondes sur les règles du droit français construites à partir de la binarité des sexes et impliquerait de nombreuses modifications législatives de coordination »
Le II.B
Dans le II.B vous allez devoir vous interroger sur les conséquences de l’arrêt sur l’état du droit positif ; il faut ici s’intéresser à la portée de l’arrêt.
Exemple sur l’arrêt ci-dessus à propos du sexe neutre : Vous pouvez vous interroger sur une éventuelle future reconnaissance par le législateur d’un « sexe neutre ». Vous pouvez évoquer les inconvénients et les avantages qu’une telle reconnaissance produiraient. De même vous pouvez terminer le commentaire en évoquant les pays ayant déjà admis la mention dans l’état civil d’un « sexe neutre » etc…
- Comment trouver un plan pour son commentaire d’arrêt ?
Il faut vous imaginer expliquer à quelqu’un de votre famille qui sollicite vos conseils sur une décision de justice qu’il ne comprend pas (je reconnais… ça n’arrive pas à chaque repas de famille…).
L’objectif sera de lui expliquer de la manière la plus accessible possible ; quoi de mieux qu’un plan permettant de classer vos informations de manière équilibrée pour lui expliquer ?
Première méthode : l’analyse de l’attendu
Une première méthode consiste à analyser l’attendu final de la Cour de cassation. En fonction de l’arrêt à commenter deux solutions sont possibles:
- Soit l’arrêt répond à deux questions de droit distinctes ; il suffit alors de consacrer chacune des parties à un des problèmes de droit.
- Soit l’attendu final peut être découpé en deux parties.
Reprenons l’exemple vu précédemment :
Il serait ici possible de découper du salarié
- La caractérisation d’une violation du droit au respect de la vie privée du salarié
- L’illicéité de la preuve recueillie en violation du droit au respect de la vie privée
Deuxième méthode : la retranscription de plans d’annales
Il peut s’avérer extrêmement judicieux d’apprendre par cœur des corrections de plans de commentaires d’arrêts. Regardez les annales dans votre matière. Il est très fréquent de tomber sur des arrêts similaires. Vous gagnerez alors un temps précieux le jour de l’examen et vous serez en principe assurés d’obtenir une bonne note.
Troisième méthode : l’utilisation de plans types
Elle consiste à appliquer à l’arrêt des plans types que vous avez appris par cœur en personnalisant les titres pour coller à l’arrêt. Les plans types peuvent vous servir pour votre I. ou II. mais aussi pour vos sous-parties.
Une liste non exhaustive de ces plans :
- Principe / Exception
- Domaine / Régime
- Notion / Fonction
- Avant / Après
- Qualification / Sanction
- Caractérisation / Effet
Une fois que vous avez trouvé́ votre plan il vous faut environ quatre idées par sous-parties que vous pouvez numéroter afin d’être certain :
- Que le contenu de votre commentaire soit suffisant ;
- Que les différentes sous-parties soient équilibrées.
IV. Réussir son commentaire d’arrêt (erreurs à éviter et conseils d’un enseignant)
Vous allez enfin découvrir quelles sont les principales difficultés rencontrées par les étudiants en droit et des astuces méconnues pour progresser sur la méthodologie du commentaire d’arrêt.
A. Les 4 erreurs à éviter pour la réalisation du commentaire d’arrêt
Il ne s’agit pas d’une liste exhaustive des difficultés susceptibles d’être rencontrées pendant la rédaction de votre commentaire ; rien ne remplace l’expérience que vous obtiendrez au fur et à mesure de vos entrainements.
- L’élaboration du plan
La conception du plan peut parfois prendre beaucoup de temps… et lorsque les idées ne viennent pas cette perte de temps peut vous empêcher de terminer votre II. B. ce qui signifie une note en dessous de la moyenne…
Il est impératif de connaître PAR CŒUR les méthodes présentées ci-dessus.
Un écueil fréquent est de s’entrainer à faire des commentaires avec les plans types devant les yeux. Apprenez les plans et faîtes votre commentaire dans les mêmes conditions que celles du jour de l’examen c’est-à-dire sans aucun document mis à part votre code.
- L’absence de connaissance de cours
La deuxième difficulté susceptible de se poser est d’être interrogé sur un thème que vous n’avez pas bien appris…
L’avantage du commentaire d’arrêt est que vous pouvez TOUJOURS obtenir la moyenne en connaissant la méthode. Relisez et comprenez bien comment sont structurés les arrêts rendus par la Cour de cassation. Ce sont ces connaissances qui vous permettront de comprendre et d’expliquer l’arrêt ainsi rendu.
- La gestion du temps
La gestion de son temps est fondamentale le jour de l’examen. Combien d’étudiants n’obtiennent pas la moyenne à cause d’un II.B inachevé… Réglez ce problème avant les examens en vous entrainant pour comprendre ce qui vous prend le plus de temps (la réflexion ? la rédaction ? la confection du plan ?).
- La tendance à disserter
La tendance à disserter est un problème qui revient très fréquemment pour beaucoup d’étudiants. Il est en effet tentant lorsqu’on connait bien son cours de l’étaler dans son commentaire. Il faut coller à l’arrêt. Une bonne technique de faire référence à la Cour de cassation et à l’arrêt toutes les 5/6 lignes.
B. Les conseils d’un enseignant pour réussir son commentaire d’arrêt
- Conseil n°1 : Soignez la forme de votre copie – Soignez la forme de votre copie : écrivez en noir ou bleu, sautez des lignes et faites un alinéa entre chaque partie ou nouvelle idée.
- Conseil n°2 : Apprenez par cœur vos plans – Apprenez les plans d’annales et les plans types par cœur
- Conseil n°3 : Entraînez-vous en conditions réelles d’examen – Avant l’examen, faites au minimum trois entrainements corrigés dans le MÊMES conditions que l’examen.
- Conseil n°4 : Apprenez des phrases types
Apprenez des phrases types réutilisables dans tous vos commentaires. Par exemple, après votre accroche, vous pouvez utiliser la phrase suivante : « L’arrêt du 2 février 2018 rendu par la Cour de cassation nous en offre une belle illustration ».
V. Exemple pratique d’une fiche d’arrêt intégralement rédigé
L’arrêt Clément Bayard est un arrêt classique, dont la plupart des étudiants en droit vont devoir faire la fiche d’arrêt, dès le début de la première année de licence. Vous trouverez, dans cette partie, la fiche corrigée et expliquée de cet arrêt, afin de vous permettre de progresser. Consulter l’arrêt sans les annotations : Cour de Cassation, Chambre des requêtes, du 3 août 1915, 00-02.378, Inédit
Les phrases en gras sont des annotations pour vous aider à comprendre. Elles ne doivent pas figurer dans la fiche d’arrêt.
- Faits
Le propriétaire d’un terrain (qualification juridique de « Clément Bayard ») construit en 1909 un hangar pour ballons dirigeables. Le propriétaire du terrain voisin (Qualification juridique de « Coquerel ») fait construire sur sa propre propriété une série de piquets en bois surplombés de pics de fer. Lors d’une sortie, un des dirigeables se déchire à l’occasion d’une collision avec le dispositif ainsi mis en place.
- Procédure / Prétentions
À la suite de cet évènement, le propriétaire du hangar (demandeur à l’action) engage une action en responsabilité civile fondée sur l’article 1382 du Code civil contre son voisin (défendeur à l’action) devant le Tribunal civil de Compiègne afin d’obtenir d’une part la réparation du préjudice subi et d’autre part la suppression de la totalité des installations litigieuses.
Aucune information n’est donnée sur la juridiction de première instance. La Cour d’appel a jugé qu’il y avait un abus de propriété résultant de l’installation litigieuse destinée à empêcher le propriétaire du fonds voisin de pénétrer chez lui ou de tirer de son fonds un usage quelconque et de l’intention malveillante du propriétaire.
Ce n’est pas la peine ici de détailler la solution de la Cour d’appel puisque la Cour de cassation reprend l’argumentation de la Cour d’appel (arrêt de rejet). L’argumentation retenue par la Cour d’appel apparaitra donc dans la solution de la Cour de cassation.
Le propriétaire de l’installation litigieuse forme un pourvoi contre l’arrêt devant la Cour de cassation reprochant à la Cour d’appel d’avoir violé les articles 544 et 552 du Code civil sur le droit de propriété et les articles 1382 et suivants du Code civil ainsi que l’article 7 de la loi du 20 Avril 1810.
Retenez cette formule « forme un pourvoi contre l’arrêt devant la Cour de cassation » car vous l’utiliserez pendant toute la durée de vos études de droit !
Il reproche à la Cour d’appel d’une part d’avoir caractérisé un abus du droit de propriété alors qu’un propriétaire a le droit absolu de construire sur son terrain tels ouvrages de défense ou de clôture qu’il lui plait pour éviter toute incursion sur son terrain, et qu’il ne peut y avoir abus de droit que si le propriétaire exécute chez lui, sans aucun profit pour lui-même, un acte qui apporte un trouble au propriétaire du fonds voisin restant dans les limites de sa propriété. En outre il reproche à la Cour d’appel de n’avoir pas répondu à la théorie de droit formulée dans le dispositif des conclusions d’appel.
Pour rédiger cette partie référez-vous aux arguments du pourvoi au-dessus de l’arrêt.
- Problème de droit : Le droit de propriété envisagé à l’article 544 du Code civil peut-il dégénérer en abus ?
- Solution de la fiche d’arrêt
La Cour de cassation rejette le pourvoi (Retenez cette phrase type : dans la solution de la Cour de cassation vous aurez soit cette formule « la Cour de cassation rejette le pourvoi au motif que … » soit cette formule « la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel au motif que … » ) formé par le propriétaire de l’installation litigieuse et décide que la Cour d’appel a valablement pu retenir qu’il y avait eu abus de son droit en retenant que le dispositif ne présentait pour l’exploitation du terrain aucune utilité et n’avait été érigée que dans l’unique but de nuire à son voisin, sans d’ailleurs, à la hauteur à laquelle il avait été élevé, constituer au sens de l’article 647 du code civil, la clôture que le propriétaire est autorisé à construire pour la protection de ses intérêts légitimes.
Elle approuve donc la Cour d’appel d’une part d’avoir condamné le propriétaire de l’installation litigieuse à la réparation du dommage causé à un ballon dirigeable et d’autre part, d’avoir ordonné l’enlèvement des tiges de fer surmontant les carcasses en bois.
Elle décide cependant que l’arrêt a pu refuser la destruction du surplus du dispositif dont la suppression était également réclamée, par le motif qu’il n’était pas démontré que ce dispositif eût jusqu’à présent causé du dommage au propriétaire du hangar et dût nécessairement lui en causer dans l’avenir (Cette partie n’est pas essentielle mais l’objectif est de faire une fiche d’arrêt complète en mentionnant tous les éléments (même ceux dont l’importance est subsidiaire).
Elle conclut en décidant que « l’arrêt trouve une base légale dans ces constatations ; que, dûment motivé, il n’a point, en statuant ainsi qu’il l’a fait, violé ou faussement appliqué les règles de droit ou les textes visés au moyen ».
Me Luc KOUASSI
Juriste Consultant Bilingue | Formateur | Spécialiste en rédaction de contrats, d’actes extrajudiciaires, d’articles juridiques et des questions relatives au droit du travail | Politiste | Bénévole humanitaire.
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