Le meilleur ami de Corentin, Jean BLONBLON, lui a promis de partager avec lui la moitié de ses gains à un jeux de hasard s’il venait à remporter le gros lot « Je te dois bien ça Corentin. Tu m’as souvent avancé les sommes me permettant de jouer… Ce serait ma manière de te remercier ». Il se trouve que Jean BLONBLON a gagné une forte somme mais refuse aujourd’hui de lui reverser la moitié des gains. Corentin, qui a en sa possession un courrier de son ami dans lequel ce dernier s’engage à lui reverser la moitié des sommes en cas de gain, souhaite le forcer à lui verser les sommes en question.
Résolution
Faits : Un homme s’engage à reverser à un ami la moitié des sommes en cas de gain à un jeux de hasard s’estimant redevable pour des raisons personnelles. Il gagne finalement au jeux de hasard mais refuse de respecter sa promesse.
Deux fondements sont envisageables dans cette situation :
(1) Soit l’accord est constitutif d’un contrat auquel cas il est possible de solliciter son exécution forcée.
(2) Soit la promesse, ne constituant pas un contrat, peut constituer une obligation naturelle susceptible de obligation naturelle susceptible de devenir une obligation juridique dans certains cas.
Sur l’accord constitutif d’un contrat
Problème de droit : L’accord par lequel deux personnes prévoient de partager une certaine somme en cas de gain à un jeux de hasard peut-il constituer un contrat susceptible d’exécution forcée?
Solution en droit : Pour qu’un accord soit constitutif d’un contrat, il faut un accord de volonté sur les éléments essentiels du contrat.
En droit positif français, selon l’article 894 du Code civil (En droit positif ivoirien, Article 1er alinéa 1, article 2 de la loi n°2020-669 du 10 septembre 2020, relative aux libéralités), le contrat de donation suppose un transfert de propriété sans contrepartie (élément matériel) qui résulte d’une intention libérale (élément moral). Par ailleurs, l’article 931 du Code civil français (En droit positif ivoirien, Article 1er alinéa 2, article 8 et suivants de la loi n°2020-669 du 10 septembre 2020, relative aux libéralités) prévoit que la donation est un contrat solennel c’est-à-dire que sa validité nécessite le respect de la forme authentique.
Solution en l’espèce : En l’espèce, l’accord conclu entre Corentin et Jean BLONBLON prévoit un appauvrissement de Jean BLONBLON et un enrichissement corrélatif de Corentin à hauteur de la moitié des gains (élément matériel de la donation) et manifeste la volonté de Jean BLONBLON de s’appauvrir sans contrepartie (élément moral). L’accord ainsi conclu pourrait constituer un contrat de donation mais comme cet accord n’a pas pris la forme d’un acte authentique le contrat de donation n’est pas valable.
Conclusion : Il est impossible d’en demander l’exécution forcée devant un juge.
Sur le fondement de l’obligation naturelle
Problème de droit : La promesse par laquelle une personne s’engage envers une autre à partager avec elle une certaine somme d’argent en cas de gain à un jeux de hasard peut-elle faire l’objet d’une exécution forcée?
À titre liminaire, il convient de déterminer la loi applicable au contrat litigieux. En droit positif français, selon l’article 9 de l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, les contrats conclus avant le 1er octobre demeurent soumis à la loi ancienne et les dispositions de l’ordonnance entrent en vigueur le 1er octobre 2016.
En l’espèce, la promesse a été faite postérieurement au 1 octobre 2016, donc elle est soumise aux nouvelles dispositions.
Selon l’article 1100 al. 1 du Code civil français « Les obligations naissent d’actes juridiques, de faits juridiques ou de l’autorité seule de la loi ». Toutefois l’alinéa 2 dispose « Elles peuvent naître de l’exécution volontaire ou de la promesse d’exécution d’un devoir de conscience envers autrui ».
Cet alinéa reprend l’ancienne jurisprudence selon laquelle le débiteur d’une obligation naturelle qui s’engage volontairement à l’exécuter peut se voir contraint par un juge d’exécuter son obligation (1ère Civ, 15 oct. 1995, 93-20.300, arrêt « FRATA »).
Ainsi, antérieurement à la réforme (Civ., 1 , 10 oct. 1995) la Cour de cassation avait jugé qu’un parieur au tiercé qui avait promis à son collègue de lui verser une partie du gain puis s’était rétracté, était tenu de s’exécuter dans la mesure où son obligation naturelle s’était transformée en obligation civile du fait d’un engagement unilatéral de volonté.
Toutefois, antérieurement à la réforme la jurisprudence relative à l’exécution ou la promesse d’exécution d’une obligation naturelle reposait sur l’engagement unilatéral. Désormais la loi en fait une source d’obligations autonome.
Solution en l’espèce : En l’espèce, Jean BLONBLON s’est engagé à verser à Corentin la moitié de ses gains puisqu’il estimait avoir un devoir de conscience envers lui du fait qu’il lui avait avancé plusieurs fois les sommes lui permettant de jouer. Il s’agit donc pour Jean BLONBLON de satisfaire un devoir de conscience.
Par ailleurs, Jean BLONBLON lui a promis d’exécuter ce devoir de conscience de sorte que ce devoir de conscience est devenu une obligation civile obligatoire pour lui.
Conclusion : Corentin pourrait donc, sur ce fondement, obtenir en justice que Jean BLONBLON lui verse la somme promise.