Jean vient de rencontrer Céline, une femme qui lui plait beaucoup et avec qui il a rendez- vous au restaurant. Jean souhaite tellement la séduire qu’il envisage de lui sortir le grand jeu en l’invitant dans un restaurant gastronomique très réputé. Le problème est qu’il n’a toujours pas un sou en poche et que le rendez-vous est le soir même…
Alors qu’il sort de son appartement, il a l’idée de pénétrer dans l’appartement de son voisin, qui est un ami, et qui lui a confié récemment qu’il gardait toujours de l’argent en liquide chez lui. Alors qu’il tente de forcer la serrure de son voisin avec un pied-de-biche, un autre voisin qui avait observé discrètement la scène appelle la police. Après dix minutes, Jean, se pensant pourtant seul sur le palier, n’ayant toujours pas réussi à forcer la serrure de la porte, se fait appréhender par la police…
Que risque-t-il ?
Résolution
Faits : Un homme tente de forcer la serrure d’un appartement afin d’y voler de l’argent liquide. Il est appréhendé par la police avant d’avoir pu forcer la serrure.
Sur l’infraction de vol
Problème de droit : À quelles conditions l’infraction de vol est-elle caractérisée?
Solution en droit : Le vol est défini à l’article 311-1 du Code pénal français comme « la soustraction frauduleuse de la chose d’autrui ». Il en est de même à l’article 457 du code pénal en droit positif ivoirien.
Pour caractériser l’infraction pénale de vol, il est nécessaire de caractériser un élément matériel et un élément moral.
Matériellement, le vol nécessite la réunion de trois éléments :
- L’existence d’une chose ;
- L’existence d’une chose appartenant à autrui ;
- La soustraction de cette chose entendue comme une interversion matérielle de possession.
Sur le plan de l’élément moral, le vol requiert l’intention d’appropriation de cette chose et de se comporter en propriétaire.
Solution en l’espèce : En l’espèce, même si l’élément moral semble être caractérisé puisque Jean avait bien l’intention de voler l’argent de son voisin et de se comporter en propriétaire de cet argent, l’élément matériel n’existe pas puisqu’il n’y a aucune soustraction frauduleuse, Jean n’ayant pas réussi à pénétrer dans l’appartement.
Conclusion : L’infraction de vol n’est donc pas constituée. Il faut donc regarder si les faits permettent de caractériser une tentative de vol.
Sur la tentative de vol
Problème de droit : À quelles conditions la tentative de vol est-elle punissable?
Solution en droit : La tentative est prévue par la loi aux articles 121-4 et suivants du Code pénal français (article 161; article 458 et suivants du code pénal en droit positif ivoirien).
D’abord, s’agissant de l’élément légal, selon l’article 121-4 du Code pénal français (article 161 du code pénal ivoirien), la tentative de crime est toujours punissable, mais la tentative de délit ne l’est que lorsqu’un texte pénal le prévoit. La tentative de vol est punissable, car l’article 311-13 du code pénal français le prévoit expressément.
En droit positif ivoirien, selon les termes de l’alinéa 1er de l’article 461 du Code Pénal, le vol est qualifié de délit. Mais, même considéré comme tel, le législateur a prévu deux régimes de vol: les vols simples et les vols aggravés.
Ensuite, s’agissant de l’élément matériel, la tentative suppose un commencement d’exécution. La Cour de cassation a retenu une conception mixte du commencement d’exécution comprenant un élément objectif et un élément subjectif: «accomplissement d’actes tendant directement et immédiatement à la réalisation de l’infraction (élément objectif) et effectués avec l’intention de la commettre (élément subjectif) » (Crim. 25 oct. 1962, arrêts Lacour / Schieb et Bénamar).
Enfin, s’agissant de l’élément moral, la tentative suppose une absence de désistement volontaire de l’agent. Le résultat de l’infraction ne doit pas être évité en raison de circonstances indépendantes de la volonté de l’agent.
S’agissant de la répression en droit positif français, la tentative de vol est punie des mêmes peines que l’infraction consommée de vol selon l’article 313-13 du Code pénal, soit trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Les peines sont aggravées dans certains cas (C. pén., art. 311- 4) notamment lorsqu’il est précédé, accompagné ou suivi d’un acte de destruction, dégradation ou détérioration. Le vol aggravé est alors puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.
En Côte d’Ivoire, de façon générale, on retient deux catégories de vols simples. La première catégorie des vols simples est prévue à l’article 458 du Code Pénal. Ces vols simples sont punis d’un emprisonnement de 5 à 10 ans et d’une amende de 300.000 à 3 000 000 de francs CFA. Et, la tentative de vol est punissable.
Les vols aggravés sont prévus aux articles 459 et 460 du Code Pénal et peuvent également se regrouper en deux catégories. La première catégorie est celle retenue par l’article 459 du Code Pénal. Il s’agit du vol ou de la tentative de vol commis avec l’une des circonstances suivantes :
- Des violences n’ayant pas entraîné de blessures ;
- L’effraction extérieure, usage de fausse clé, escalades ;
- La réunion par au moins deux personnes ;
- L’usage frauduleux, soit de l’uniforme ou du costume d’un agent public, civil ou militaire, soit du titre d’un tel agent public, soit d’un faux ordre de l’Autorité civile ou militaire ;
- L’usage d’un masque, quelle qu’en soit la nature ;
- Le bris de scellés ;
- Le vol ou tentative de vol commis dans une maison habitée ou servant à l’habitation ;
- Le vol ou tentative de vol commis la nuit.
L’alinéa 1er de l’article 459 du Code pénal précise que le vol accompagné par l’une de ces circonstances citées est puni d’une peine d’emprisonnement allant de 10 à 20 ans et d’une amende comprise entre 500.000 et 500.000 de francs CFA.
La deuxième catégorie de vols aggravés est prévue à l’article 460 du Code Pénal. La particularité de ces vols est qu’ils sont réalisés avec l’accomplissement de l’une des circonstances aggravantes qui suit :
- Le vol ou la tentative de vol commis la nuit avec la réunion de deux au moins des circonstances prévues à l’article précédent ;
- Le vol ou la tentative de vol commis avec une arme apparente ou cachée ;
- Le vol ou la tentative de vol avec des violences ayant entrainés la mort ou des blessures, ou lorsque l’auteur a utilisé un véhicule pour faciliter son entreprise, sa fuite, ou est porteur d’un narcotique (bombe à endormir) ;
- Le vol ou la tentative de vol commis avec des actes de violences sexuelles sur la victime.
Pour de tels vols, la peine prévue par l’article 460 du Code pénal est l’emprisonnement à vie. En outre, pour l’ensemble des vols aggravés, interdiction est faite au juge d’appliquer les dispositions de l’article 130 relatives au sursis. De la sorte, celui ou celle qui se rend coupable d’un vol accompagné de l’une de ces circonstance sus énumérée risque impérativement une réclusion qui peut être temporaire ou perpétuelle.
Toutefois, nonobstant la nature criminelle des peines de ces types de vols, les alinéas 2 et 3 de l’article 161 du Code pénal prévoient que ces vols demeurent des délits et la tentative est punissable.
Solution en l’espèce : En l’espèce, le vol constitue bien un délit susceptible de constituer une tentative punissable.
Par ailleurs, la commencement d’exécution est caractérisé car, Jean a utilisé un pied-de-biche pour forcer la serrure de l’appartement de son voisin dans le but de lui voler de l’argent liquide.
Enfin, Jean a eu la volonté de voler l’argent de son voisin et n’a été arrêté que par une circonstance indépendante de sa volonté à savoir l’arrivée de la police. Il n’y a donc aucun désistement volontaire de la part de Jean en l’espèce.
Conclusion : La tentative de vol commise par Jean est donc bien caractérisée. Il encourt ainsi cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende s’agissant d’un vol aggravé puisqu’il est précédé, accompagné ou suivi d’un acte de destruction, dégradation ou détérioration. (Droit positif français)
En droit positif ivoirien, Jean encourt une peine d’emprisonnement allant de 10 à 20 ans et d’une amende comprise entre 500.000 et 500.000 de francs CFA car ayant réuni quelques circonstances aggravantes notamment : effraction extérieure, bris de sceller, vol commis dans une maison servant d’habitation.