Dans cette affaire rendue en 1803 qui est véritablement à l’origine du contrôle de constitutionnalité des lois, un certain nombre de grandes idées sont dégagées et permettent d’établir la légitimité de l’action du juge à l’égard de la loi.
Tout d’abord, le juge démontre la nécessité et même l’obligation de contrôler la régularité de la loi au regard de la constitution. Ceci n’est possible que dans le cadre d’une constitution formelle et rigide. Ainsi, toute loi non conforme à la constitution, ne peut entrer dans l’ordonnancement juridique.
Ensuite selon le juge Marshall, la fonction normale du juge est d’interpréter la loi. Par conséquent, tout juge est juge constitutionnel.
L’on présente généralement l’arrêt Marbury v/ Madison comme celui par lequel la Cour suprême des Etats-Unis institua le mécanisme même du Judicial review. En effet, par cet arrêt, la Cour avait à connaître d’une nomination d’un juge faite par le président, après avis et consentement du Sénat.
Monsieur Marbury avait fait l’objet de la procédure de désignation, son affectation ayant été signée par le Président, l’acte portant le sceau des Etats-Unis, la loi créant l’emploi engendrant pour lui le droit de l’occuper pendant cinq ans. Mais dans cette période historique de grandes turbulences politiques, l’administration n’avait pas eu le temps de notifier à Marbury sa nomination et le nouveau Président, Jefferson, ordonna de ne pas notifier l’acte de nomination, pour le rendre sans effet. Bien que le pouvoir de nomination soit discrétionnaire et soumis simplement à la procédure précitée, Marbury émit la prétention comme quoi il s’agissait d’un abus de pouvoir de la part du nouveau président et saisit la Cour suprême pour qu’il soit fait injonction au nouveau secrétaire d’Etat, Madison, de lui signifier l’acte de nomination comme juge.
On mesure ainsi que le bras de fer était institué entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire. La Cour suprême dans l’arrêt pose que le président, en signant l’acte d’affection de Marbury, l’a investi de ses fonctions, lui conférant ainsi un droit juridiquement protégé à les exercer pendant cinq ans. S’il y met par la suite entrave en ne lui adressant pas l’acte d’affectation, le juge dispose d’une voie de recours devant le juge pour que soit sanctionnée une violation caractérisée de son droit.
Quand bien même le pouvoir de nomination est discrétionnaire, le comportement du secrétaire d’Etat dans l’exercice de ses fonctions est illégal et cause un dommage au juge effectivement nommé par le président alors en place. Le juge, sans en rien contrôler en substance la nomination, va donc ordonner la délivrance de l’acte d’affection car Marbury a un droit acquis à l’obtenir, dont l’exécutif ne peut plus le priver, une fois que celui-ci l’a désigné, dans une fonction où il demeure nommé pour cinq ans.
L’arrêt insiste sur le fait que la Constitution a remis au pouvoir judiciaire le pouvoir de formuler de telles injonctions.
En outre, l’arrêt Marbury V/ Madison pose que la constitution est une norme suprême et inaltérable par des moyens ordinaires. Tous les juges judiciaires sont les gardiens de la constitutionnalité des normes (théorie du contrôle diffus de constitutionnalité). L’arrêt en vient à dire qu’une loi contraire à la Constitution n’est pas du droit.
Vous trouverez dans le remarquable ouvrage les Grands de la Cour suprême des Etats-Unis d’Elisabeth Zoller, coll. Les Grands Arrêts, Dalloz, 1ère éd., 2010, une analyse de l’arrêt (p.1-28). Elle y souligne que de fait l’arrêt est surtout habile, grâce à la casuistique du Président de la Cour suprême John Marshall. L’on retiendra pourtant l’essentiel : tout juge nord-américain contrôle a posteriori la constitutionnalité des lois (système de Judicial review). Nous mesurons que la QPC nous rapproche de ce système. Or, le système politique nord-américain est celui du Check and Balance. Peut-on considérer que le système de votre Etat y va pareillement ?