Dans la dynamique de l’emploi, l’essai occupe une place cruciale tant pour l’employeur que pour le salarié. Pour l’un, il s’agit de vérifier l’aptitude professionnelle et l’adéquation du travailleur au poste proposé ; pour l’autre, l’essai constitue une phase probatoire lui permettant d’apprécier ses conditions d’engagement avant une intégration définitive. En Côte d’Ivoire, la période d’essai est rigoureusement encadrée par le Code du travail, la Convention collective interprofessionnelle et des décrets d’application afin de garantir un équilibre entre flexibilité pour l’employeur et protection pour le salarié.
I. Définition et conditions générales de l’essai
La période d’essai est la période initiale du contrat de travail pendant laquelle chacune des parties peut apprécier l’opportunité de maintenir la relation contractuelle sans être soumise aux contraintes de rupture applicables après confirmation[1]. Elle n’est pas une obligation légale systématique mais une faculté offerte aux parties qui doivent en convenir expressément lors de la formation du contrat.
Le Code du travail ivoirien (art. 14.5) prévoit que la période d’essai est autorisée tant pour les contrats à durée déterminée que pour ceux à durée indéterminée[2]. La durée maximale varie en fonction de la catégorie professionnelle du travailleur :
- 8 jours pour les travailleurs rémunérés à l’heure ou à la journée
- 1 mois pour les travailleurs rémunérés au mois
- 2 mois pour les agents de maîtrise, techniciens et assimilés
- 3 mois pour les ingénieurs, cadres et techniciens supérieurs et assimilés[3]
Ces durées maximales peuvent toutefois être abaissées d’un commun accord lorsque le contrat est temporaire ou à temps partiel, conformément à l’article 3 du décret n°96-195 du 7 mars 1996 relatif à l’engagement à l’essai et à la durée de la période d’essai[4].
La période d’essai doit être expressément stipulée dans le contrat de travail ou la lettre d’embauche. La Convention collective interprofessionnelle ivoirienne (art. 14) impose en effet que soient mentionnés la durée de l’essai ainsi que, le cas échéant, les modalités de son renouvellement[5]. À défaut, la relation de travail est réputée conclue sans période d’essai, le salarié étant considéré comme définitivement embauché dès son entrée en fonction[6].
II. Le renouvellement de la période d’essai
Le renouvellement de la période d’essai est autorisé en droit ivoirien mais strictement encadré. Il ne peut intervenir qu’une seule fois et pour la même durée que celle initialement convenue[7]. Ce renouvellement doit être notifié par écrit et respecter des délais de prévenance variables selon la durée initiale de l’essai :
- 2 jours avant son terme pour une période d’essai de 8 jours
- 8 jours avant son terme pour une période d’essai de 1 mois
- 15 jours avant son terme pour une période d’essai de 2 ou 3 mois[8]
Ces délais visent à garantir au salarié un temps suffisant pour se préparer à l’éventualité d’une prolongation ou d’une rupture prochaine.
Si l’employeur ne respecte pas ces délais de prévenance, le renouvellement ne peut intervenir qu’avec l’accord exprès du travailleur, faute de quoi l’employeur est tenu de verser une indemnité compensatrice[9]. Le montant de cette indemnité varie ainsi :
- 8 jours de salaire lorsque la période d’essai est de 2 mois
- 15 jours de salaire lorsqu’elle est de 3 mois
- 1 mois de salaire lorsqu’elle est de 6 mois[10]
Cette sanction pécuniaire a un effet dissuasif et consacre la dimension protectrice du régime juridique de l’essai.
III. La rupture de la période d’essai
Pendant l’essai, le contrat peut être rompu librement par l’une ou l’autre des parties, sans préavis et sans indemnité[11]. Cette rupture unilatérale ne nécessite aucune motivation particulière. Elle se justifie par la finalité même de l’essai, qui consiste à évaluer l’adéquation entre les besoins de l’employeur et les compétences ou aspirations du salarié[12]. Néanmoins, la jurisprudence ivoirienne impose que la rupture de l’essai ne soit pas abusive, discriminatoire ou vexatoire[13].
Même si la loi prévoit la liberté de rupture durant l’essai, celle-ci ne doit pas être exercée de manière abusive. Ainsi, un licenciement prononcé pour un motif discriminatoire (sexe, grossesse, origine ethnique) reste nul et ouvre droit à des dommages-intérêts au profit du salarié[14][15]. De plus, la rupture doit être notifiée de manière claire et loyale, conformément au principe général de bonne foi contractuelle[16].
IV. Le maintien dans l’emploi après la période d’essai
Lorsque le salarié est maintenu dans son emploi à l’issue de la période d’essai, la relation contractuelle se poursuit automatiquement et devient un contrat à durée indéterminée si elle ne l’était pas déjà[17]. La durée de l’essai, y compris en cas de renouvellement, est prise en compte dans le calcul des droits liés à l’ancienneté tels que l’indemnité de licenciement, le préavis ou le calcul des congés payés[18].
Si l’employeur propose de poursuivre l’emploi à des conditions différentes de celles de la période d’essai (changement de poste, de classification, de rémunération), il doit en informer le salarié par écrit. Ce document mentionne impérativement l’emploi proposé, la classification conventionnelle, la rémunération ainsi que tous les avantages afférents[19]. Ce document doit être contresigné par le salarié, garantissant ainsi son consentement éclairé et protégeant ses droits en cas de litige ultérieur[20].
Conclusion
La période d’essai, si elle constitue un moyen d’adaptation et d’évaluation réciproque, n’est pas un régime d’exception échappant aux règles protectrices du droit du travail ivoirien. Elle reste encadrée dans sa durée, son renouvellement et sa rupture pour éviter toute dérive de précarisation. La rigueur du formalisme, l’exigence d’un renouvellement écrit dans des délais précis et l’interdiction des ruptures abusives traduisent la recherche d’un équilibre harmonieux entre la flexibilité légitime pour l’employeur et la sécurité nécessaire pour le salarié.
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Me Luc KOUASSI
Juriste Consultant Bilingue | Formateur | Spécialiste en rédaction de contrats, d’actes extrajudiciaires, d’articles juridiques et des questions relatives au droit du travail | Politiste | Bénévole humanitaire.
denisjunior690@gmail.com / +225 07 795 704 35 / +90 539 115 55 28
[1] Article 14.5, Code du travail ivoirien.
[2] Ibid.
[3] Décret n°96-195 du 7 mars 1996 relatif à l’engagement à l’essai et à la durée de la période d’essai, art. 2.
[4] Décret n°96-195 du 7 mars 1996 relatif à l’engagement à l’essai et à la durée de la période d’essai, art. 3.
[5] Convention collective interprofessionnelle, art. 14.
[6] KONE, Karamoko, Droit du travail ivoirien, CERAP Editions, 2020, p. 84.
[7] Décret n°96-195 du 7 mars 1996 relatif à l’engagement à l’essai et à la durée de la période d’essai, art. 2.
[8] Décret n°96-195 du 7 mars 1996 relatif à l’engagement à l’essai et à la durée de la période d’essai, art. 4
[9] Décret n°96-195 du 7 mars 1996 relatif à l’engagement à l’essai et à la durée de la période d’essai, art. 5.
[10] Convention collective interprofessionnelle, art. 14.
[11] Article 18.1, Code du travail ivoirien.
[12] DAOUDA, Kouakou, Le droit du travail ivoirien commenté, Les Classiques Africains, 2018, p. 133.
[13] TIA, Lucien, op. cit., p. 115.
[14] Article 5, Code du travail ivoirien.
[15] OIT, Convention n°111 sur la discrimination (emploi et profession), Genève, 1958.
[16] KONE, Karamoko, op. cit., p. 87.
[17] Décret n°96-195 du 7 mars 1996 relatif à l’engagement à l’essai et à la durée de la période d’essai, art. 7.
[18] Ibid.
[19] Convention collective interprofessionnelle, art. 14.
[20] Ibid.