Faut-il donner un nom à son contrat ? Analyse juridique et implications pratiques

Dans la vie quotidienne comme dans les affaires, il est fréquent que les parties qui concluent un contrat choisissent de lui attribuer un nom précis. Ainsi, une personne qui achète une voiture signe ce qu’elle appelle un « contrat de vente ». Celle qui loue un appartement signe un « contrat de bail », et celle qui sollicite un prêt signe un « contrat de prêt ». Cette pratique paraît évidente et naturelle. Elle est si ancrée dans les usages qu’elle ne suscite presque jamais d’interrogation.

Cependant, en droit, la question de la dénomination contractuelle dépasse le simple usage linguistique ou commercial. En réalité, donner un nom à son contrat engage des conséquences juridiques importantes, car chaque type contractuel est régi par un ensemble de règles légales spécifiques, parfois impératives, auxquelles les parties ne peuvent se soustraire. Ainsi, attribuer un nom à son contrat revient à appeler un régime juridique et à accepter implicitement l’application des obligations, sanctions et droits correspondants.

Cette problématique revêt un intérêt pratique majeur car elle interroge le rapport entre la volonté déclarée des parties et la réalité objective de leurs engagements. Peut-on échapper à un régime juridique simplement en choisissant une dénomination différente ? La réponse du droit est sans équivoque : le juge n’est jamais lié par la dénomination choisie. Il a l’obligation de rechercher la véritable nature juridique de la convention et de l’interpréter conformément à son objet réel et à ses effets.

La doctrine comme la jurisprudence enseignent que le nom donné au contrat n’est qu’un indice de la volonté des parties. Il permet de comprendre l’objectif poursuivi par celles-ci et d’orienter l’interprétation de l’acte. Toutefois, cet indice ne saurait être décisif, car il pourrait être utilisé de façon abusive pour dissimuler la réalité juridique.

Selon l’article 1156 du Code civil ivoirien, le juge doit rechercher la commune intention des parties plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes employés. Cette règle fondamentale impose au juge d’examiner l’ensemble du contrat pour en déduire la véritable qualification[1][2]. De la même manière, l’article 1188 du Code civil français dispose que « le contrat s’interprète d’après la commune intention des parties plutôt qu’en s’arrêtant au sens littéral de ses termes ».

Ainsi, même si deux parties désignent leur contrat comme un « prêt », si le contenu de l’accord révèle qu’il s’agit d’une location moyennant loyer, le juge retiendra la qualification de bail et appliquera les règles impératives du bail, notamment celles relatives à la protection du locataire.

En droit civil, les contrats sont classés en contrats nommés, qui disposent d’un régime juridique propre (vente, bail, prêt, dépôt, mandat, entreprise…), et en contrats innommés, qui sont soumis aux règles générales des obligations. Toutefois, même dans les contrats innommés, le juge vérifie toujours si un contrat nommé ne s’y dissimule pas en réalité.

Cette exigence s’explique par la volonté de protéger l’ordre public contractuel, qui interdit aux parties de déroger par des artifices de forme aux règles impératives fixées par la loi, notamment lorsqu’elles visent la protection des parties faibles telles que le consommateur, le salarié ou le locataire[3].

L’affaire suivante illustre parfaitement cette problématique. Mme DUBUZZ a conclu avec sa nièce un contrat intitulé « prêt de chose immobilière », par lequel sa nièce s’engageait à lui verser chaque mois la somme de 150.000 FCFA en échange de la jouissance d’un studio vide pendant une durée de deux ans. Au terme de ce délai, Mme DUBUZZ, souhaitant louer le studio à un couple d’immigrés nigérians prêts à payer un loyer deux fois supérieur, demande à sa nièce de libérer les lieux. Face au refus de cette dernière, qui n’a pas encore trouvé de logement, Mme DUBUZZ la menace d’expulsion immédiate, arguant que le contrat conclu n’était pas un bail mais un simple « prêt de chose immobilière ».

Si l’on s’en tient à la dénomination, il s’agirait d’un prêt à usage (commodat). Cependant, l’analyse du contenu révèle la présence des trois éléments constitutifs d’un bail :

  1. La mise à disposition d’une chose : ici, un studio vide mis à la disposition de la nièce.
  2. Un prix convenu : 150.000 FCFA par mois.
  3. Une durée déterminée : deux ans.

Or, selon l’article 1709 du Code (ivoirien et francais), le louage des choses est un contrat par lequel l’une des parties s’oblige à faire jouir l’autre d’une chose pendant un certain temps et moyennant un certain prix[4].

Le juge, saisi d’une telle affaire, procédera à la requalification du contrat en bail d’habitation. Cette requalification emporte l’application des règles impératives du bail d’habitation prévues par la loi n°2019-576 du 26 juin 2019 en Côte d’Ivoire, laquelle impose notamment pour les locations à usage d’habitation principale, des règles strictes en matière de résiliation et d’expulsion[5].

La France consacre également ce principe dans la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, qui interdit toute stipulation contraire visant à réduire les droits du locataire en matière de durée, de renouvellement et de préavis[6]. Par ailleurs le droit positif français impose notamment une durée minimale de trois ans pour les locations à usage d’habitation principale.

La requalification judiciaire repose sur un principe fondamental : la primauté de la réalité sur l’apparence. La qualification retenue par les parties n’est pas opposable si elle contredit la réalité économique et juridique de l’opération. Ce principe vise à éviter tout détournement de la loi par un abus de qualification visant à échapper à un régime juridique contraignant[7].

Ce principe est utilisé notamment en droit du travail, où le juge requalifie des contrats de prestation de services ou de sous-traitance en contrats de travail lorsque la réalité révèle l’existence d’un lien de subordination juridique[8]. De même, en droit fiscal, l’administration fiscale opère des requalifications pour écarter les montages visant l’optimisation abusive.

Une mauvaise qualification peut entraîner une nullité partielle ou totale du contrat si elle dissimule une fraude ou un objet illicite. Elle peut également engager la responsabilité contractuelle ou délictuelle de la partie à l’origine de la mauvaise qualification.

La rédaction et la qualification d’un contrat nécessitent donc vigilance et compétence juridique. Les parties, notamment lorsqu’elles sont non-professionnelles, doivent se faire accompagner par un avocat ou un juriste expérimenté pour éviter toute erreur ou omission susceptible de remettre en cause la validité et l’efficacité de leur engagement[9].

Attribuer un nom à un contrat n’est jamais un acte neutre. La qualification contractuelle engage l’application d’un régime juridique précis, parfois impératif, qui dépasse la simple volonté des parties. Le juge, chargé d’interpréter la véritable nature de l’acte, ne s’arrête pas aux mots utilisés mais examine le contenu réel et l’objet du contrat. Ainsi, la sécurité juridique des parties exige une rédaction soignée et conforme à la réalité de l’opération envisagée.

La prudence commande donc de ne pas se limiter à un intitulé séduisant ou stratégique, mais de veiller à ce que le contrat reflète fidèlement la relation juridique effectivement voulue et à respecter l’ensemble des dispositions légales applicables.

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Me Luc KOUASSI

Juriste Consultant Bilingue | Formateur | Spécialiste en rédaction de contrats, d’actes extrajudiciaires, d’articles juridiques et des questions relatives au droit du travail | Politiste | Bénévole humanitaire.

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[1] Code civil ivoirien, art. 1156

[2] Code civil français, art. 1188.

[3] Ph. Malaurie et L. Aynès, Les obligations, LGDJ, 12e éd., 2021, p. 121.

[4] Code civil ivoirien, art. 1709.

[5] Loi n°2019-576 du 26 juin 2019 relative au bail d’habitation en Côte d’Ivoire

[6] Loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs en France

[7] Y. Lequette, Droit des contrats, PUF, 2018, p. 102.

[8] B. Teyssié, Droit du travail, LexisNexis, 2020, p. 524.

[9] F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Les obligations, Dalloz, 12e éd., 2018, p. 321.

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Peut-on imposer des obligations non prévues par le contrat ?

Le principe fondamental du droit des contrats en droit civil, aussi bien ivoirien que français, énonce que « le contrat est la loi des parties ». Cette formule consacrée signifie que le contrat crée des obligations juridiques entre les parties qui l’ont librement conclu, et que ces obligations s’imposent à elles comme la loi elle-même. Ainsi, même lorsque les stipulations d’un contrat sont désavantageuses pour l’une des parties, celles-ci s’appliquent dès lors qu’elles ont été librement consenties et ne sont pas contraires à la loi ou à l’ordre public[1].

Cependant, ce principe d’autonomie de la volonté, qui fonde la force obligatoire du contrat, connaît d’importantes atténuations et limites. En effet, il arrive que la réalité contractuelle crée une situation d’inégalité manifeste entre les parties, notamment lorsque l’une d’elles se trouve en situation de faiblesse économique, juridique ou psychologique. C’est le cas, par exemple, du consommateur face au professionnel, du salarié face à l’employeur, ou du client profane face à une banque ou un professionnel du droit.

Dans de telles situations, la question se pose de savoir si la loi ou le juge peuvent imposer à une partie des obligations qui ne sont pas expressément prévues par le contrat, dans un souci d’équité, de justice contractuelle ou de protection des plus faibles. La réponse est positive, mais elle mérite une analyse approfondie, tant les conditions d’une telle imposition sont strictes et encadrées par la jurisprudence et la doctrine.

Le principe de la force obligatoire du contrat est énoncé en droit ivoirien par l’article 1134 alinéa 1er du Code civil, aux termes duquel « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites »[2]. Ce principe est également consacré en droit français à l’article 1103 du Code civil, issu de l’ordonnance de réforme du droit des contrats de 2016.

Cette règle signifie que les obligations contractuelles sont celles que les parties ont expressément stipulées. Les juges ne peuvent en principe ajouter de nouvelles obligations à celles qui résultent de l’accord de volonté, sous peine de méconnaître le principe d’autonomie contractuelle, pilier du droit des obligations[3].

Cependant, ce principe connaît des exceptions. En effet, certains textes du Code civil imposent aux parties des obligations qui ne sont pas nécessairement stipulées dans le contrat, mais qui sont inhérentes à sa nature ou qui résultent de l’équité, de l’usage ou de la loi. Ainsi, l’article 1135 du Code civil ivoirien dispose que « Les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature »[4][5]. Le Code civil français reprend exactement la même formulation à l’article 1194.

De plus, l’article 1104 du Code civil français dispose que « Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi », règle qualifiée d’ordre public[6]. Le droit ivoirien exprime la même exigence dans l’article 1134 alinéa 3. Cela signifie que même si une obligation n’a pas été stipulée, elle peut être imposée par le juge dès lors qu’elle découle de la bonne foi contractuelle.

Les obligations imposées aux parties par le juge, sans qu’elles aient été prévues expressément dans le contrat, sont qualifiées d’obligations accessoires. Elles sont inhérentes à la nature du contrat ou résultent des usages professionnels. Elles visent à assurer l’efficacité et la moralité des rapports contractuels, ainsi qu’à protéger la partie faible.

La jurisprudence française et ivoirienne impose ainsi de nombreuses obligations accessoires, notamment :

  • L’obligation de sécurité : dans les contrats de transport, l’organisateur est tenu d’assurer la sécurité des passagers, même si cette obligation n’est pas stipulée[7][8].
  • L’obligation de renseignement et d’avertissement : la banque doit avertir l’emprunteur profane des risques d’une opération financière complexe[9].
  • L’obligation de conseil : le professionnel (banquier, notaire, avocat, médecin) doit conseiller son client profane de manière adaptée à sa situation[10].
  • L’obligation de surveillance : par exemple, la banque qui loue un coffre-fort doit veiller à sa sécurité[11].
  • L’obligation de loyauté et de bonne foi : chaque partie doit coopérer loyalement à l’exécution du contrat, même si le texte ne le précise pas.

Ces obligations trouvent leur fondement dans l’article 1135 du Code civil ivoirien et l’article 1194 du Code civil français, qui imposent aux parties de respecter les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent au contrat[12]. Elles découlent également du principe de bonne foi contractuelle, consacré par l’article 1104 du Code civil français et l’article 1134 alinéa 3 du Code civil ivoirien.

Présentation des faits : M. AZALAKAPINHOU, homme âgé et sans emploi, a été sollicité par un professionnel de l’immobilier peu scrupuleux qui l’a incité à investir dans un projet aléatoire nécessitant un emprunt bancaire. Malgré sa précarité financière et l’absence de perspectives professionnelles, une banque lui a accordé un prêt de 30.000.000 FCFA. Incapable de rembourser, il fait désormais l’objet d’une procédure de saisie immobilière de son bien.

Analyse juridique : Dans cette affaire, la banque a-t-elle manqué à une obligation non stipulée mais qui s’imposait à elle ? La réponse est oui. La jurisprudence française considère depuis l’arrêt « Vilgrain » (Cass. com. 27 janvier 1998) que la banque a une obligation d’avertissement à l’égard de l’emprunteur profane. Elle doit vérifier sa capacité financière et l’avertir des risques de l’opération[13].

Ainsi, même si le contrat de prêt conclu entre M. AZALAKAPINHOU et la banque ne contenait aucune clause imposant à la banque de l’avertir, cette obligation lui était imposée par la jurisprudence au nom de la protection du consommateur et de l’équité contractuelle.

Conséquences pratiques : En cas de manquement à cette obligation d’avertissement, la banque engage sa responsabilité contractuelle. Elle peut être condamnée à indemniser l’emprunteur pour le préjudice subi, tel que la perte de son bien immobilier ou l’aggravation de son endettement. Le juge appréciera souverainement le montant de l’indemnisation, en fonction de la gravité de la faute et des conséquences économiques pour la victime[14].

Il convient de souligner que toutes les obligations accessoires ne sont pas imposées par le juge. Le sentiment d’injustice ressenti par une partie ne suffit pas. Le juge impose ces obligations uniquement lorsqu’elles résultent de la nature du contrat, des usages professionnels ou des exigences de bonne foi et d’équité. Elles ne doivent pas être contraires à l’autonomie de la volonté, principe fondamental du droit des contrats[15].

Pour éviter des surprises ou des sanctions financières lourdes, il est essentiel de consulter un professionnel du droit (avocat ou juriste spécialisé) avant de conclure un contrat important, notamment lorsqu’il engage des sommes importantes ou qu’il est conclu avec un professionnel plus expérimenté.

L’idée selon laquelle le contrat crée uniquement les obligations expressément prévues par ses clauses est inexacte. Certes, le contrat est la loi des parties, mais cette loi contractuelle s’intègre dans l’ordre juridique global, qui impose des obligations inhérentes à la nature du contrat, à l’équité et à la bonne foi. La jurisprudence a ainsi dégagé un ensemble d’obligations accessoires, telles que l’obligation de conseil, de renseignement ou de loyauté, destinées à moraliser les relations contractuelles et à protéger la partie la plus faible.

Il convient donc, dans toute relation contractuelle, de veiller non seulement à la rédaction précise des clauses mais aussi au respect des obligations implicites imposées par la loi et la jurisprudence. C’est à cette condition que le contrat pourra pleinement produire ses effets dans un climat de sécurité juridique, d’équité et de loyauté.

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[1] Ph. Malaurie et L. Aynès, Les obligations, LGDJ, 12e éd., 2021, p. 110.

[2] Code civil ivoirien, art. 1134.

[3] Y. Lequette, Droit des contrats, PUF, 2018, p. 97.

[4] Code civil ivoirien, art. 1135.

[5] Code civil français, art. 1194.

[6] Code civil français, art. 1104.

[7] Cass. civ. 1ère, 21 nov. 1968, Bull. civ. I, n° 366.

[8] J. Ghestin, Traité de droit civil, La formation du contrat, LGDJ, 1993, p. 978.

[9] Cass. com. 27 janv. 1998, n° 95-18692, Vilgrain.

[10] B. Teyssié, Droit des obligations, LexisNexis, 2020, p. 421.

[11] Cass. civ. 1ère, 15 nov. 1988, Bull. civ. I, n° 318.

[12] F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Les obligations, Dalloz, 12e éd., 2018, p. 321.

[13] Cass. com. 27 janv. 1998, préc.

[14] Cass. com. 23 janv. 2007, n° 05-17200.

[15] J. Mestre, Les obligations, Dalloz, 2019, p. 212.

L’accès à l’emploi en droit ivoirien : la liberté de recrutement, le débauchage illicite et la clause de non-concurrence

L’accès à l’emploi, en tant que première étape du rapport de travail, est un domaine hautement encadré par le législateur ivoirien, qui cherche à concilier la liberté d’entreprendre des employeurs et la protection des travailleurs contre certaines dérives. La législation du travail, notamment dans son volet relatif au recrutement, illustre parfaitement cet équilibre. Cet article se propose d’analyser, dans une perspective scientifique et pédagogique, la liberté d’embaucher, l’interdiction du débauchage illicite et la clause de non-concurrence telles qu’organisées par le Code du travail ivoirien.

La liberté d’embauche est un corollaire de la liberté d’entreprendre. Elle signifie que tout employeur est libre de choisir ses collaborateurs selon ses besoins et la politique de développement de son entreprise. L’article 11.1 du Code du travail ivoirien consacre explicitement cette liberté en prévoyant que l’employeur peut embaucher directement ses travailleurs[1]. Il peut également recourir aux services de l’organisme public de placement (notamment l’Agence Emploi Jeunes) ou à ceux des bureaux ou offices privés de placement agréés[2]. Cette liberté assure la fluidité du marché du travail et permet à l’employeur d’adapter son personnel aux évolutions technologiques et économiques.

Cependant, cette liberté n’est pas absolue. Elle est encadrée par un ensemble de mesures destinées à protéger l’accès des nationaux à l’emploi. Ainsi, avant tout recrutement, l’employeur doit effectuer une déclaration de vacance de poste auprès de l’organisme public de placement[3]. Cette formalité administrative permet aux autorités de disposer de statistiques fiables sur les emplois disponibles et de réguler l’offre et la demande d’emploi. Par ailleurs, l’employeur est tenu de publier l’offre dans un quotidien national à grand tirage. L’objectif est de garantir une diffusion large et accessible à tous les candidats potentiels, contribuant ainsi à l’égalité des chances sur le marché du travail[4].

La législation ivoirienne établit un principe de priorité nationale. Ainsi, ce n’est qu’à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la première publication de l’offre d’emploi et si aucun national ne satisfait au profil requis, que l’employeur peut recruter un travailleur étranger[5]. Cette règle traduit la volonté du législateur de protéger l’emploi des nationaux, tout en maintenant une ouverture raisonnée au recrutement international lorsque la compétence requise n’est pas disponible localement. Ce mécanisme d’équilibre est conforme aux standards internationaux qui recommandent aux États de veiller prioritairement à l’insertion professionnelle de leurs ressortissants tout en évitant toute discrimination excessive à l’égard des étrangers qualifiés[6].

Le débauchage illicite désigne la situation dans laquelle un employeur engage un travailleur qui a rompu de façon abusive son contrat de travail avec un précédent employeur. Le législateur ivoirien, à travers l’article 14.7 du Code du travail, incrimine ce comportement en instituant une responsabilité solidaire du nouvel employeur avec le travailleur fautif[7]. Cette disposition vise à protéger la stabilité des contrats de travail et à prévenir la concurrence déloyale entre entreprises.

Trois hypothèses sont prévues par la loi. La première survient lorsque le nouvel employeur est intervenu activement dans le processus de débauchage, par exemple en incitant le salarié à rompre son contrat sans respecter la procédure de démission[8]. La deuxième concerne le cas où l’employeur recrute sciemment un salarié encore lié par un contrat de travail en cours. À cet égard, le nouvel employeur a l’obligation de vérifier la situation juridique du candidat avant son embauche[9]. Enfin, la troisième hypothèse correspond au maintien du salarié à son poste par le nouvel employeur après avoir appris que celui-ci était toujours lié à son ancien employeur. Cependant, la responsabilité n’est pas engagée si, à la date où l’employeur est averti, le contrat de travail initial est arrivé à expiration, soit par terme (pour un CDD), soit par expiration du préavis, ou si un délai de quinze jours s’est écoulé depuis la rupture du contrat[10].

Cette réglementation s’explique par la nécessité d’assurer la sécurité juridique des relations de travail. Le contrat de travail, en tant qu’accord bilatéral, crée des obligations réciproques dont la violation peut causer un préjudice économique à l’entreprise. La solidarité instaurée par l’article 14.7 sanctionne le comportement du nouvel employeur qui, en profitant d’une rupture abusive, participe indirectement au dommage subi par l’ancien employeur[11]. Elle vise également à promouvoir une éthique des affaires fondée sur la loyauté et la concurrence saine.

Le Code du travail ivoirien reconnaît au salarié la liberté d’exercer, en dehors de son temps de travail, toute activité professionnelle qui ne concurrence pas son employeur et n’entrave pas l’exécution correcte de ses obligations principales[12]. Cette disposition consacre le principe de liberté du travail, permettant au salarié de diversifier ses sources de revenus, notamment dans un contexte socio-économique marqué par la recherche de la pluriactivité pour faire face aux charges sociales et familiales[13].

En revanche, l’article 16.5 du Code du travail interdit formellement toute clause interdisant au salarié d’exercer une quelconque activité à l’expiration de son contrat[14]. Une telle clause est frappée de nullité absolue. Cette prohibition vise à préserver la liberté fondamentale du travailleur d’exercer une activité professionnelle pour subvenir à ses besoins après la rupture de son contrat de travail[15]. Elle empêche ainsi l’employeur d’imposer une forme d’asservissement économique au-delà de la relation contractuelle.

Il convient toutefois de préciser qu’une clause de non-concurrence peut être admise si elle répond à des conditions strictes de validité, notamment la limitation dans le temps et dans l’espace ainsi que le versement d’une contrepartie financière au salarié, conditions exigées par la jurisprudence et la doctrine comparée en droit OHADA et français[16][17]. Cette position, bien que non explicitement prévue par le Code du travail ivoirien, s’inscrit dans une logique de protection équilibrée des intérêts légitimes de l’employeur (protection du savoir-faire, de la clientèle, des secrets d’affaires) et du droit fondamental du travailleur à l’emploi.

Ainsi, la législation ivoirienne en matière d’accès à l’emploi consacre une liberté de recrutement tout en imposant des limites destinées à préserver l’ordre public social et la stabilité des relations contractuelles. L’encadrement strict du débauchage illicite et la nullité des clauses de non-concurrence absolues illustrent la volonté du législateur d’assurer un équilibre entre les intérêts économiques de l’employeur et la protection du salarié. Ce cadre juridique répond aux exigences d’un droit du travail moderne, garant d’une économie compétitive mais socialement responsable.

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[1] Article 11.1, Code du travail ivoirien.

[2] Article 11.2, Code du travail ivoirien.

[3] Ibid.

[4] KONE, Karamoko, Droit du travail ivoirien, Abidjan : CERAP Editions, 2020, p. 73.

[5] Article 11.1, alinéa 4, Code du travail ivoirien.

[6] OIT, Liberté d’emploi et priorités nationales, Rapport général, Conférence internationale du Travail, Genève, 2016.

[7] Article 14.7, Code du travail ivoirien.

[8] DAOUDA, Kouakou, Le droit du travail ivoirien commenté, Les Classiques Africains, 2018, p. 85.

[9] Ibid.

[10] Article 14.7, Code du travail ivoirien.

[11] TIA, Lucien, Traité de droit du travail ivoirien, L’Harmattan, 2019, p. 145.

[12] Article 16.4, Code du travail ivoirien.

[13] YAPO, Martial, Droit du travail et pluriactivité en Côte d’Ivoire, Revue ivoirienne de droit, n°12, 2019, p. 22.

[14] Article 16.5, Code du travail ivoirien.

[15] OIT, Liberté de travail et clauses restrictives, Recommandation n°198, Genève, 2006.

[16] Voir en ce sens : Cass. soc. France, 10 juillet 2002, n° 00-45135.

[17] TIA, Lucien, op. cit., p. 147.

Le champ d’application du Code du travail ivoirien et l’articulation des sources du droit du travail

Le Code du travail ivoirien[1] constitue l’ossature juridique qui encadre les relations professionnelles dans le pays. Sa compréhension, tant dans sa portée spatiale et matérielle que dans son articulation avec d’autres sources, est indispensable à tout praticien, étudiant, salarié, employeur ou consultant RH désireux d’appréhender la régulation du travail en Côte d’Ivoire.

Le Code du travail ivoirien s’applique à l’ensemble du territoire de la République de Côte d’Ivoire, sans distinction de région, de localité ou de situation administrative[2]. Il constitue ainsi un texte à vocation nationale, garantissant l’uniformité des règles du travail sur tout le territoire. Cependant, il arrive que des salariés soient temporairement employés en Côte d’Ivoire alors que leur lieu habituel d’exécution de contrat se trouve à l’étranger. À cet égard, l’article 1er alinéas 3 et 4 introduit une règle de droit international privé de grande simplicité : tout contrat de travail exécuté de façon occasionnelle en Côte d’Ivoire est régi par le Code du travail ivoirien[3]. Autrement dit, même si le contrat a été conclu à l’étranger, dès lors qu’il s’exécute temporairement en Côte d’Ivoire, ses clauses et modalités doivent respecter la législation ivoirienne.

Cependant, la loi prévoit une exception notable à ce principe. Les travailleurs détachés (appelés « déplacés » par le législateur) en contrat à durée indéterminée, mais exécutant une mission temporaire n’excédant pas trois mois en Côte d’Ivoire, ne sont pas soumis aux règles du Code du travail ivoirien[4]. Ce régime particulier se justifie par le caractère éphémère de leur mission, qui ne crée pas un rattachement suffisant à l’ordre juridique national.

S’agissant de son champ matériel, le Code du travail régit les relations entre employeurs et salariés nées du contrat de travail. La loi définit le travailleur ou salarié comme « toute personne physique qui s’est engagée à mettre son activité professionnelle, moyennant rémunération, sous la direction et l’autorité d’une autre personne physique ou morale, publique ou privée, appelée employeur »[5]. Cette définition classique met en avant la notion de subordination juridique, considérée comme le critère déterminant du salariat. La subordination implique que l’employeur exerce un pouvoir de direction et de contrôle sur l’activité du travailleur, lui donnant des ordres, directives et instructions, tout en sanctionnant ses fautes éventuelles[6].

Il est important de noter que ni le statut juridique de l’employeur, ni celui du salarié n’a d’incidence sur la qualification de contrat de travail[7]. Ainsi, peu importe que l’employeur soit une société anonyme, une ONG, une personne physique exerçant en nom propre ou même une administration publique pour ce qui concerne ses agents contractuels. De la même manière, le statut social, administratif ou fiscal du travailleur n’a pas d’impact sur sa qualification en qualité de salarié, dès lors qu’il existe un lien de subordination.

Cependant, cette généralité souffre d’une exception majeure : le Code du travail ne s’applique pas aux personnes nommées dans un emploi permanent au sein d’une administration publique[8]. Ces agents relèvent plutôt de la législation relative à la fonction publique. De plus, les travailleurs employés au service de l’État ou des personnes morales de droit public, et qui bénéficient d’un statut particulier, échappent partiellement au Code du travail, dans la limite des dispositions de leur statut et des principes généraux du droit administratif[9].

La loi de 2015 réaffirme également que son champ personnel concerne tous les salariés du secteur privé sans aucune distinction de sexe, de race ou de nationalité[10]. Cette précision traduit l’attachement du législateur ivoirien aux principes d’égalité et de non-discrimination, piliers essentiels du droit du travail moderne. Toutefois, l’application du Code est partielle pour certaines catégories comme les apprentis et les personnes en insertion professionnelle, encadrées spécifiquement aux articles 13.1 à 13.22 du Code du travail[11].

Un autre point fondamental réside dans l’articulation du Code avec les autres sources du droit du travail, notamment les conventions collectives, les décisions unilatérales de l’employeur, les contrats individuels et les usages professionnels. Les articles 8 et 9 consacrent ici le principe de faveur, pilier du droit social. Ils disposent que, sauf dérogation expresse, les dispositions du Code du travail sont d’ordre public[12]. Ainsi, toute clause, convention ou décision unilatérale qui viendrait à prévoir des conditions moins favorables que celles prévues par le Code est réputée nulle de plein droit[13].

Toutefois, le principe d’ordre public social n’interdit pas aux employeurs ou aux conventions collectives d’accorder des droits plus favorables aux travailleurs. Bien au contraire, la logique protectrice du droit du travail encourage l’adoption de garanties supplémentaires. Ainsi, une entreprise peut décider d’octroyer un congé de maternité plus long que celui prévu par le Code, ou d’instaurer une prime de rendement plus avantageuse que celle fixée dans la convention collective. Dans ce cas, la norme la plus favorable s’applique au salarié[14].

De plus, la loi de 2015 a pris soin de préserver les avantages acquis par les travailleurs avant son entrée en vigueur. Les salariés qui bénéficiaient déjà de droits ou garanties supérieurs en vertu d’un contrat, d’une convention collective, d’un accord d’établissement ou d’une décision unilatérale continuent à en bénéficier pendant la durée d’application de ces avantages[15]. Ce mécanisme garantit une sécurité juridique et sociale aux travailleurs, en évitant que la réforme du Code du travail n’entraîne une réduction des acquis sociaux antérieurs.

Ainsi, le Code du travail ivoirien présente un champ d’application étendu, tant sur le plan territorial que personnel et matériel. Son articulation avec les autres sources juridiques se fait sous l’empire du principe de faveur, traduisant la vocation éminemment protectrice du droit social. Toute pratique qui méconnaîtrait ces principes essentiels serait sanctionnée par la nullité et exposerait l’employeur à un contentieux potentiellement lourd. En définitive, cette architecture normative vise un objectif clair : assurer aux travailleurs de Côte d’Ivoire un cadre juridique stable, protecteur et conforme aux standards internationaux du travail.

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Me Luc KOUASSI

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[1] Loi n° 2015‑532 du 20 juillet 2015 portant Code du travail ivoirien.

[2] Article 1er, alinéa 1, Code du travail ivoirien.

[3] Article 1er, alinéas 3 et 4, Code du travail ivoirien.

[4] Ibid.

[5] Article 2, alinéa 1, Code du travail ivoirien.

[6] TIA, Lucien, Traité de droit du travail ivoirien, L’Harmattan Côte d’Ivoire, 2019, p. 14.

[7] Article 2, alinéa 2, Code du travail ivoirien.

[8] Article 2, dernier alinéa, Code du travail ivoirien.

[9] Ibid.

[10] Ibid.

[11] Articles 13.1 à 13.22, Code du travail ivoirien.

[12] Articles 8 et 9, Code du travail ivoirien.

[13] Ibid.

[14] DAOUDA, Kouakou, Le droit du travail ivoirien commenté, Les Classiques Africains, Abidjan, 2018, p. 52.

[15] Article 9, Code du travail ivoirien.

Le rétablissement d’identité en Côte d’Ivoire : Un mécanisme juridique de régularisation et de justice sociale

En Côte d’Ivoire, l’identification des citoyens demeure une problématique de grande importance, tant pour les pouvoirs publics que pour les justiciables. L’absence d’un acte de naissance, l’usage d’un faux ou d’un acte appartenant à un tiers a longtemps été une réalité tolérée dans les familles, parfois par nécessité, notamment pour permettre la scolarisation ou l’accès aux soins. Toutefois, ces pratiques engendrent une insécurité juridique manifeste et rendent illisible l’état civil. C’est pour faire face à cette situation que l’État ivoirien a mis en place une procédure exceptionnelle appelée rétablissement d’identité, consacrée par la loi n° 2018-863 du 19 novembre 2018, relative à la transcription des actes de naissance, à l’établissement des extraits et au rétablissement d’identité. Cette procédure permet aux personnes ayant utilisé un acte civil inauthentique ou étranger à leur identité véritable de revenir à celle-ci, tout en conservant les droits et avantages acquis sous la fausse identité.

Le présent article se propose d’analyser ce mécanisme, tant sur le plan juridique que sociopolitique, en mettant en lumière son fondement légal, ses conditions de mise en œuvre, ses effets juridiques, ainsi que les garanties offertes aux bénéficiaires.

Le rétablissement d’identité est prévu par les articles 11 à 15 de la loi n° 2018-863 du 19 novembre 2018. Cette loi vise globalement à permettre la transcription des actes de naissance non enregistrés, l’établissement d’extraits d’actes disparus, mais surtout, à régulariser la situation des personnes ayant utilisé une autre identité que la leur.

Le législateur ivoirien a voulu, par cette disposition, répondre à une urgence nationale : celle de lutter contre l’irrégularité massive de l’état civil, tout en respectant les droits fondamentaux des individus, notamment le droit à l’identité reconnu par l’article 7 de la Convention relative aux droits de l’enfant ratifiée par la Côte d’Ivoire en 1991[1]. Le mécanisme du rétablissement d’identité répond également à une exigence de fiabilisation du Registre national des personnes physiques (RNPP), instrument clé de l’identification biométrique des citoyens ivoiriens[2].

Le champ d’application de la loi couvre toute personne née sur le territoire national ivoirien et qui, pour diverses raisons, a utilisé une identité qui n’est pas la sienne, ou un acte falsifié. La loi concerne également ceux dont l’acte de naissance n’a jamais été établi ou a été détruit, perdu, ou non accessible.

La procédure de rétablissement d’identité est accessible à toute personne remplissant les conditions susmentionnées. La requête peut être introduite par l’intéressé lui-même s’il est majeur, ou par son représentant légal s’il est mineur. Elle peut également être introduite par toute personne y ayant intérêt ou par le Procureur de la République[3][4].

La juridiction compétente est le tribunal du lieu de résidence du requérant. Le Président du tribunal, ou un magistrat délégué, statue sur la base d’une requête écrite accompagnée de toutes pièces justificatives. Il peut s’agir de certificats médicaux, de témoignages, de photographies, d’attestations scolaires ou de tout autre élément permettant d’établir la véritable identité du requérant.

Il faut souligner que la procédure est gratuite, conformément aux directives du Ministère de la Justice[5]. De plus, la loi offre une amnistie à toute personne ayant fait usage d’un faux acte ou d’un acte d’autrui dans le cadre de cette régularisation. Aucune poursuite pénale ne peut donc être engagée contre ces personnes tant que la procédure est engagée dans le délai fixé par la loi[6].

Le principal effet de la procédure est la restitution de l’identité réelle du bénéficiaire dans les registres de l’état civil. Une fois l’ordonnance de rétablissement rendue, celle-ci est transmise à l’officier de l’état civil compétent pour inscription sur les registres. La mention marginale de l’ancienne identité est également apposée, ce qui permet de conserver une trace des changements effectués.

Il est important de noter que les droits, acquis sous l’identité usurpée, sont conservés. Cela signifie que les diplômes, contrats de travail, actes de propriété, titres scolaires ou professionnels établis sous l’ancienne identité demeurent valides[7][8]. L’ordonnance permet d’établir un lien juridique entre les deux identités, garantissant ainsi la continuité de la personnalité juridique.

La loi opère donc une conciliation remarquable entre la nécessité d’exactitude de l’état civil et la protection des droits de la personne. Elle évite que le changement d’identité n’entraîne une « mort civile » ou une disqualification sociale du requérant.

Initialement, la loi n° 2018-863 devait être applicable pour une durée d’un an. Toutefois, face à l’ampleur de la tâche et au nombre important de cas à traiter, le gouvernement ivoirien a prorogé le délai d’application jusqu’en 2025 par décret[9]. Passé ce délai, les personnes n’ayant pas régularisé leur situation s’exposent aux sanctions prévues par le Code pénal ivoirien, notamment en matière de faux et usage de faux en écriture publique, infraction punie de peines d’emprisonnement pouvant aller de 1 à 5 ans et d’une pouvant aller de 100 000 FCFA à 2 000 000 FCFA[10].

Le caractère exceptionnel de cette loi est donc clairement affirmé : il s’agit d’une fenêtre temporaire de régularisation, à l’issue de laquelle la rigueur du droit commun reprendra toute sa vigueur.

Le rétablissement d’identité est aussi une mesure de justice sociale. En Côte d’Ivoire, de nombreux enfants n’ont pas été déclarés à la naissance, notamment dans les zones rurales, du fait de l’éloignement géographique, de la pauvreté ou de l’ignorance. Ces enfants, devenus adultes, ont été contraints d’utiliser les actes d’état civil d’autres personnes, souvent avec la complicité des familles ou de proches. Cette situation les place dans une précarité juridique constante, les privant de leurs droits civiques, sociaux et économiques.

En permettant à ces personnes de retrouver leur véritable identité sans être punies, le législateur ivoirien pose un acte de réparation, tout en assainissant les bases du système d’état civil. La procédure de rétablissement est donc aussi un outil de lutte contre la fraude identitaire à long terme.

Elle s’inscrit également dans la dynamique de l’identification unique des citoyens, conformément aux normes internationales. Le futur Registre national des personnes physiques (RNPP), fondé sur des données biométriques fiables, exige que chaque Ivoirien soit identifié une seule fois et sous sa véritable identité[11].

Le rétablissement d’identité en droit ivoirien est une innovation législative de grande portée. Il offre à de nombreux citoyens la possibilité de se réconcilier avec leur véritable identité, sans crainte de répression, tout en permettant à l’État d’améliorer la fiabilité de son système d’état civil. La loi n° 2018-863 constitue ainsi un véritable tournant, à la fois juridique et social, dans la gouvernance de l’identité en Côte d’Ivoire. Il importe désormais que l’information sur cette mesure exceptionnelle soit largement diffusée, et que les citoyens concernés soient accompagnés pour initier les démarches nécessaires avant l’échéance de 2025.

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[1] Convention relative aux droits de l’enfant, art. 7, ratifiée par la Côte d’Ivoire en février 1991.

[2] Déclaration du Ministère de l’Intérieur, disponible sur le site de l’ONECI : https://www.oneci.ci.

[3] Loi n° 2018-863 du 19 novembre 2018, articles 11 & 13.

[4] https://www.gouv.ci/_actualite-article.php?recordID=12967&d=1

[5] Communiqué du Ministère de la Justice, Direction des affaires civiles et du sceau, février 2022.

[6] Loi n° 2018-863 du 19 novembre 2018, article 12, qui précise qu’aucune poursuite ne peut être engagée contre les personnes ayant fait usage d’un faux dans le cadre de cette régularisation.

[7] Cour de cassation, arrêt n° 23/2021, chambre civile, sur les effets de la reconnaissance rétroactive d’identité.

[8] Loi n° 2018-863 du 19 novembre 2018, article 15.

[9] Décret n° 2021-905 du 22 décembre 2021, prorogeant l’application de la loi n° 2018-863 jusqu’au 4 avril 2025.

[10] Code pénal ivoirien, articles 281 et suivants relatifs au faux en écriture publique et usage de faux.

[11] Projet de modernisation de l’état civil, Plan National de Développement 2021-2025 (PND), volet gouvernance administrative.

Contrat et contradictions internes : Que faire en cas de clauses contradictoires ?

Le développement du commerce et la complexification des relations économiques ont entraîné une explosion du nombre de contrats rédigés de manière standardisée. Cette évolution, dictée par la recherche de rapidité et d’efficacité, a pourtant pour effet pervers d’introduire dans de nombreux contrats des clauses contradictoires ou ambiguës. Ces incohérences contractuelles sont bien souvent le fruit de pratiques de copier-coller non maîtrisées, réalisées par des rédacteurs peu expérimentés, qui utilisent des modèles tout faits sans adaptation suffisante à la situation concrète des parties.

Or, un contrat n’est pas un simple document administratif : il est la loi des parties. Il engage, structure les droits et obligations réciproques, et sa mauvaise rédaction peut avoir des conséquences juridiques majeures, particulièrement en cas de litige. Dès lors, lorsqu’une clause semble contredire une autre, quelle doit être la clause à appliquer ? Autrement dit, qu’est-ce qui prime dans un contrat lorsqu’il y a contradiction entre deux dispositions ?

Dans la pratique, la source la plus fréquente des contradictions contractuelles réside dans l’utilisation mal encadrée de modèles de contrats préexistants. Bien que ces outils permettent de gagner du temps, ils deviennent un véritable piège lorsque leur contenu n’est pas vérifié avec attention. Il en résulte des formulations redondantes, des incohérences, voire des stipulations qui se contredisent ouvertement.

À titre d’exemple, un contrat de travail ou une police d’assurance peut contenir des conditions générales indiquant une chose, tandis que les conditions particulières stipulent le contraire. Ce type de situation engendre un flou juridique qui rend difficile, voire impossible, la compréhension exacte des droits et obligations de chacune des parties.

Il ne s’agit pas seulement d’un problème de forme : en cas de litige, ces contradictions peuvent engager la responsabilité du professionnel, ou tout au moins l’exposer à une décision de justice défavorable. Le consommateur, ou toute autre partie non professionnelle, pourrait ainsi tirer avantage de cette mauvaise rédaction.

Heureusement, le législateur a prévu des règles spécifiques pour protéger les personnes qui n’ont pas la compétence juridique nécessaire pour déchiffrer des contrats techniques ou confus. Dans les contrats dits de consommation, c’est-à-dire entre un professionnel et un non-professionnel ou un consommateur, le bénéfice du doute revient systématiquement au consommateur.

C’est ce que prévoit explicitement l’article L.211-1 du Code de la consommation français, selon lequel « en cas de doute, les clauses s’interprètent dans le sens le plus favorable au consommateur »[1]. Cette disposition repose sur une logique simple et équitable : celui qui rédige un contrat doit en assumer la clarté. Il est donc tenu de prévoir des clauses compréhensibles, précises et non contradictoires.

De manière parallèle, l’article 1162 du Code civil ivoirien pose une règle analogue en indiquant que « dans le doute, la convention s’interprète contre celui qui a stipulé, et en faveur de celui qui a contracté »[2]. En d’autres termes, c’est celui qui impose un contrat (souvent le professionnel) qui subira les conséquences d’une rédaction confuse ou contradictoire.

Lorsqu’un contrat contient des formulations incompatibles entre elles, et qu’aucune règle légale spécifique ne permet de trancher automatiquement, c’est au juge qu’il revient d’interpréter le contenu du contrat. Cette tâche d’interprétation n’est pas libre : elle est encadrée par le droit positif.

Le principe fondamental consiste à rechercher la véritable intention des parties au moment de la conclusion du contrat. En France comme en Côte d’Ivoire, cette règle est codifiée à l’article 1188 du Code civil français et 1156 du Code civil ivoirien. Ces articles précisent que le contrat doit être interprété « d’après la commune intention des parties, plutôt qu’en s’arrêtant au sens littéral des termes »[3].

Lorsque cette intention est indéterminable, le juge peut alors s’appuyer sur d’autres éléments, comme l’attitude des parties pendant l’exécution du contrat, ou même des usages et pratiques locales (en vertu de l’article 1159 du Code civil ivoirien)[4]. Il appliquera alors le critère de la personne raisonnable, c’est-à-dire qu’il donnera aux clauses le sens qu’aurait compris une personne sensée placée dans la même situation.

Par ailleurs, les clauses doivent être lues les unes à la lumière des autres, pour garantir une cohérence d’ensemble du contrat (article 1189 C. civ. fr. et 1161 C. civ. iv)[5].

Enfin, et cela est capital, si une clause est claire et non ambiguë, le juge ne peut pas l’interpréter à sa manière : il doit s’en tenir à son sens littéral, conformément à l’article 1192 du Code civil français[6]. Ce principe vise à respecter la volonté des parties, lorsque celle-ci est exprimée de manière explicite.

Prenons un cas concret pour illustrer les implications juridiques d’un contrat contenant des clauses contradictoires.

M. ZAMANA, salarié ivoirien, avait souscrit une assurance perte d’emploi, dans le but d’être indemnisé en cas de licenciement. Malheureusement, il fut effectivement licencié pour motif personnel, sans que cela soit dû à une faute. Il se tourne donc vers son assureur pour demander une indemnisation.

L’assureur lui oppose le fait que les conditions générales du contrat prévoient que seules les pertes d’emploi pour motif économique sont indemnisables. Mais en consultant les conditions particulières, M. ZAMANA y lit pourtant une clause différente : en cas de licenciement pour motif personnel, une indemnisation réduite à 30 % est possible sauf en cas de faute lourde.

La question est donc de savoir quelle clause prévaut. La jurisprudence et la doctrine sont constantes : les conditions particulières priment sur les conditions générales, car elles sont censées personnaliser le contrat[7]. Dès lors, l’assureur ne peut pas faire abstraction de la clause spécifique qui prévoit une indemnisation partielle.

De plus, en cas de doute, la clause la plus favorable à l’assuré (ici M. ZAMANA) doit s’appliquer, notamment si celui-ci a souscrit le contrat en tant que consommateur ou non-professionnel. L’article L.211-1 du Code de la consommation, combiné à l’article 1162 du Code civil ivoirien, renforce cette logique protectrice.

M. ZAMANA est donc fondé à revendiquer une indemnisation partielle, comme le stipulent les conditions particulières. Le refus de l’assureur apparaît dès lors juridiquement infondé.

Il ressort clairement de ce qui précède qu’un professionnel ne peut pas se réfugier derrière la complexité ou la contradiction de ses contrats pour échapper à ses responsabilités. L’article 1602 du Code civil, applicable en droit ivoirien comme en droit français, est catégorique : « Le vendeur est tenu d’expliquer clairement ce à quoi il s’oblige. Tout pacte obscur ou ambigu s’interprète contre le vendeur »[8].

Ce principe est applicable à tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur. Il impose au rédacteur de veiller à la cohérence et à la lisibilité de son document. En cas de litige, ce manquement peut entraîner la nullité partielle ou totale du contrat, ou son interprétation contre les intérêts du professionnel.

Cette exigence rejoint une tendance plus large du droit moderne, tant en France qu’en Côte d’Ivoire, qui vise à moraliser les pratiques contractuelles et à équilibrer les rapports de force entre parties.

La présence de clauses contradictoires dans un contrat n’est pas une fatalité, mais elle constitue une faille juridique sérieuse. Elle expose le professionnel à des interprétations défavorables et renforce la position du consommateur ou du cocontractant faible. Le droit positif, en France comme en Côte d’Ivoire, fournit des outils efficaces pour interpréter les clauses ambigües : présomption d’intention commune, lecture cohérente des stipulations, faveur au débiteur ou au consommateur, etc.

Mais au-delà de la réponse juridique, cette problématique invite à une réflexion de fond : rédiger un contrat est un acte sérieux, qui engage moralement, économiquement et juridiquement. La rigueur, la clarté et la personnalisation des clauses ne doivent jamais être sacrifiées sur l’autel de la facilité.

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[1] Code de la consommation français, art. L.211-1.

[2] Code civil ivoirien, art. 1162.

[3] Code civil français, art. 1188 ; Code civil ivoirien, art. 1156.

[4] Code civil ivoirien, art. 1159.

[5] Code civil français, art. 1189 ; Code civil ivoirien, art. 1161.

[6] Code civil français, art. 1192.

[7] Voir : Ph. Malaurie et L. Aynès, Les Obligations, LGDJ, 12e éd., 2021, p. 256 ; Y. Lequette, Droit des contrats, PUF, 2018.

[8] Code civil français et ivoirien, art. 1602.

Résumé du webinaire (présentation des résultats de recherches d’un mémoire de Master)  du 13 juin 2025 sur le thème : « Le juge étatique et la procédure arbitrale dans l’espace OHADA ».

Le vendredi 13 juin 2025 à 19h, le Cabinet LDJ SARL a proposé un séminaire en ligne (Google Meet) de haut niveau portant sur l’interaction entre la justice étatique et l’arbitrage dans la zone OHADA, une question d’actualité qui a suscité un vif intérêt parmi les participants. Le thème a proprement dit était : « Le juge étatique et la procédure arbitrale dans l’espace OHADA ». Cet événement s’inscrivait dans la continuité de leur démarche de promotion du droit des affaires et de ses mécanismes alternatifs de résolution de conflits, et a réuni un public varié, composé de juristes, étudiants et praticiens africains, tous attentifs à l’évolution du droit arbitral.

Me TONDJO Komlanvi, doctorant-chercheur, a assuré la présentation. Fondée sur les prémices de son propre mémoire, son intervention a débuté en posant la question centrale : si l’arbitrage fonctionne par le consentement des parties et l’autonomie de la décision arbitrale, quel rôle reste-t-il au juge étatique dans un territoire OHADA où l’arbitrage gagne du terrain ? La question est d’importance, car elle touche au cœur même de l’équilibre entre liberté contractuelle et encadrement juridique.

Avant d’explorer les réponses, Me Tondjo a pris soin de clarifier deux notions fondamentales. Il a d’abord distingué le juge étatique, magistrat investi par l’État dans les juridictions nationales ou supranationales (telles que la CCJA) du juge arbitrage. Ensuite, il a posé l’arbitrage comme un mode alternatif de règlement des différends, choisi par les parties et animé par des arbitres, tout en se revendiquant comme une justice privée avec autorité de chose jugée, sanctionnée par des sentences contraignantes. Cette mise au point a bénéficié à tous, en assurant une compréhension commune des concepts techniques.

Dans un premier temps, l’orateur a expliqué que la procédure arbitrale, fondée sur la volonté contractuelle des protagonistes, semble volontairement exclure l’intervention du juge national. Les arbitres sont choisis par les parties, les règles de procédure sont définies d’un commun accord, dans le respect du contradictoire et de l’égalité des armes, et leurs décisions sont souveraines. Le mécanisme de compétence‑compétence, selon lequel le tribunal arbitral se déclare compétent lui-même, ainsi que l’effet de chose jugée attaché à la sentence, conduisent à percevoir l’arbitrage comme une justice privée autogérée, en marge de la justice étatique.

Cette description a conduit à un constat pertinent : théoriquement, la justice d’État est évincée dans l’arbitrage. Les conflits litigieux sont tricotés à l’intérieur d’un cadre volontairement autonome, avec pour objectif de garantir la célérité, la confidentialité et l’expertise juridique.

Mais le cœur de l’exposé portait sur un renversement d’apparence : l’intervention fondamentale du juge étatique à deux niveaux essentiels. D’abord dans l’assistance à la procédure : le juge peut être sollicité pour désigner un arbitre en cas de désaccord, ou pour prescrire des mesures conservatoires. Il intervient également s’agissant de l’administration des preuves – par exemple, pour ordonner des saisies conservatoires ou diligenter des expertises contraignantes.

Ensuite, à la fin du procès, la sentence arbitrale doit obtenir un exequatur délivré par un tribunal national pour revêtir force exécutoire. Ce n’est pas une formalité, mais un contrôle réel : le juge vérifie l’existence de la sentence et son respect de l’ordre public. S’ouvre alors, pour les perdants éventuels, une porte soit celle de l’exécution, soit celle du recours en annulation, fondé sur les motifs limitativement énumérés par l’article 26 de l’acte uniforme OHADA : nullité de la convention d’arbitrage, incompétence, absence de contradictoire, atteinte à l’ordre public, etc.

Ainsi, loin d’être définitivement évincé, le juge national revient en scène à la fois comme assistant, garant et contrôleur de la régularité de la justice arbitrale.

La complexité de ce confort juridique a été enrichie par une séance de questions-réponses remarquablement dense. Les participants ont interrogé Me Tondjo sur l’éligibilité des litiges fonciers ou fiscaux à l’arbitrage, sur la possibilité pour le juge étatique de diriger vers l’arbitrage, ou encore sur les spécificités du contentieux bancaire et des investissements dans la région OHADA. À chaque question, Me Tondjo a offert des réponses précises, appuyées d’exemples concrets, montrant que l’arbitrage, même accepté, est canalisé par le juge étatique selon un encadrement juridique solide.

Pour clore son exposé, Me TONDJO a rappelé que l’arbitrage, même s’il affirme la suprématie de l’autonomie contractuelle, ne fonctionne pas en vase clos. Le juge étatique continue de jouer un rôle indispensable, garantissant la sécurité juridique, le respect des droits fondamentaux et la régularité procédurale. L’interaction entre justice privée et justice publique, au sein de l’espace OHADA, révèle ainsi un système juridique hybride, offrant un juste équilibre entre choix et contrôle.

Ce webinaire a eu pour mérite de dépasser le simple exposé théorique en développant une réflexion structurée, pragmatique et actualisée sur l’arbitrage en Afrique francophone. Il a démontré que le juge étatique n’est pas en concurrence, mais en synergie avec la justice arbitrale.

La pertinence des échanges et la qualité de l’intervention de Me Tondjo confirment l’importance d’une formation juridique continue, ancrée dans les réalités OHADA. Les prochaines initiatives du cabinet dans ce domaine pourraient enrichir encore le débat et former davantage de praticiens à ce droit hybride en pleine mutation.

Très chaleureusement, la modératrice, Mlle DAKOURI, a remercié l’audience et salué la qualité de l’intervention et des échanges. En clôture, elle a rappelé que le Cabinet LDJ SARL reste à la disposition de tous pour des formations complémentaires ou des conseils personnalisés en droit OHADA. Les coordonnées (téléphone et email) ont été rappelées, marquant ainsi le sérieux et l’accessibilité de l’offre du cabinet.

  • Par téléphone : (+225) 27 23 23 21 64 / 01 52 90 45 19 / 05 96 11 90 94 / 07 05 06 67 04
  • Ou par  e-mail : cabinetldjsarl@gmail.com

Ce mot de fin a permis de conclure le webinaire sur une note à la fois chaleureuse et enrichissante.

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