La réforme judiciaire engagée par le Décret n°2025-633 du 30 juillet 2025, signé par le Président de la République, Alassane Ouattara, vient consacrer un tournant majeur dans l’organisation et le fonctionnement du système judiciaire ivoirien.
Ce texte, pris sur rapport du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, érige plusieurs sections détachées existantes en véritables Tribunaux de Première Instance (TPI), dotés d’un siège, d’un ressort territorial clairement défini et d’une composition complète.
Cette initiative répond à un impératif fondamental : rapprocher la justice des citoyens et rendre son accès plus rapide, plus équitable et mieux adapté aux réalités locales.
I. Un fondement juridique solide et cohérent
Le Décret n°2025-633 s’inscrit dans une chaîne normative déjà bien établie. Il se fonde notamment sur :
- La Constitution qui consacre le droit d’accès à la justice et l’égalité devant la loi ;
- La loi n°2025-219 du 28 mars 2025 portant organisation des juridictions, qui redéfinit les structures judiciaires pour répondre aux défis contemporains ;
- Le décret n°80-1197 du 28 octobre 1980 qui, depuis plus de quatre décennies, encadre la création et l’organisation des juridictions de première instance et d’appel, régulièrement modifié pour s’adapter aux évolutions du pays ;
- Les textes récents fixant l’organisation du Ministère de la Justice et la composition du Gouvernement, confirmant la volonté politique d’améliorer l’efficacité institutionnelle.
Ainsi, ce décret n’est pas un acte isolé, mais bien l’aboutissement d’un processus planifié de réforme et de modernisation de l’appareil judiciaire.
II. De simples sections détachées à de véritables Tribunaux de Première Instance
Jusqu’ici, les sections détachées jouaient un rôle important dans la gestion des affaires judiciaires locales, mais elles restaient administrativement rattachées à un tribunal principal.
Le décret du 30 juillet 2025 opère un changement de statut : 35 sections détachées sont élevées au rang de TPI autonomes, avec leur propre siège, compétence territoriale et structure.
Cette transformation permettra :
- Une indépendance administrative et organisationnelle plus grande ;
- Une réduction des délais de traitement des affaires ;
- Un désengorgement des tribunaux mères, souvent saturés par le volume d’affaires.
III. Répartition géographique des nouveaux TPI
Les nouveaux TPI couvrent toutes les régions du pays, assurant ainsi une meilleure représentativité territoriale et un accès facilité pour les populations des zones éloignées.
Parmi eux, on compte :
- Dans le Sud et le Sud-Est : Aboisso, Adzopé, Agboville, Grand-Bassam, Tiassalé, Yamoussoukro ;
- Dans le Centre : Béoumi, Bocanda, Dabakala, M’Bahiakro, Tiébissou, Katiola, Bouandiali, Zuénoula, Toumodi, Oumé, Sinfra ;
- Dans l’Ouest et le Sud-Ouest : Tabou, Sassandra, Soubré, San Pedro, Guiglo, Danané, Man, Biankouma ;
- Dans le Nord et le Nord-Est : Ferkessédougou, Bondoukou, Bouna, Tengréla, Odienné, Mankono ;
- Dans l’Est et le Centre-Est : Bongouanou, Issia, Lakota, Dabou.
Cette répartition stratégique vise à réduire les distances que les justiciables doivent parcourir, parfois sur des centaines de kilomètres, pour accéder à un tribunal compétent.
IV. Modifications annexes et portée juridique
L’article 2 du décret annexe les Tableaux A et B modifiant ceux du décret de 1980, afin de mettre à jour la liste officielle des tribunaux, leur siège, leur ressort territorial et leur composition.
L’article 3 abroge toutes les dispositions contraires, assurant la primauté de ce nouveau dispositif.
L’article 4 confie au Garde des Sceaux la mise en œuvre effective de la réforme, avec publication au Journal Officiel de la République de Côte d’Ivoire.
V. Enjeux et perspectives de la réforme
Cette réforme a des conséquences concrètes sur le plan social, économique et juridique :
- Proximité et accessibilité : Les justiciables pourront saisir plus facilement un tribunal compétent, ce qui renforce l’égalité devant la justice.
- Célérité : Le désengorgement des anciennes juridictions mères permettra de réduire les délais de procédure.
- Renforcement institutionnel : Chaque TPI aura les moyens administratifs et humains d’exercer pleinement ses missions.
- Développement local : L’implantation d’un tribunal est un moteur de dynamisme local, générant des emplois et stimulant les services connexes.
Cependant, pour que cette réforme porte tous ses fruits, elle devra être accompagnée de :
- Recrutements supplémentaires de magistrats, greffiers et personnel judiciaire ;
- Investissements dans les infrastructures, équipements et outils numériques ;
- Formation continue des acteurs judiciaires pour harmoniser les pratiques sur tout le territoire.
VI. Conclusion
Le Décret n°2025-633 du 30 juillet 2025 est bien plus qu’un simple ajustement administratif : il marque un progrès structurel majeur dans la décentralisation judiciaire ivoirienne.
En élevant 35 sections détachées au rang de Tribunaux de Première Instance, l’État démontre sa volonté ferme de rapprocher la justice des citoyens, de renforcer l’État de droit et de garantir un service public judiciaire plus efficace et plus équitable.
Sur ces 35 nouveaux TPI, 26 sont déjà fonctionnels et 9 restent non fonctionnels. Ainsi, la Côte d’Ivoire dispose désormais de 39 tribunaux de première instance opérationnels, dont 26 nouvellement créés et 13 anciens, tandis que 9 attendent encore leur mise en service.
Pour le Cabinet LDJ SARL, cette réforme constitue un signal fort : celui d’un engagement politique à offrir à chaque citoyen, où qu’il se trouve sur le territoire, un accès réel, rapide et de qualité à la justice.
Référence légale : Décret n°2025-633 du 30 juillet 2025 portant érection des sections détachées de tribunaux en Tribunaux de Première Instance et fixant leur siège, leur ressort territorial et leur composition.


