Dans un contexte économique en constante mutation, où la compétitivité et la stabilité juridique sont devenues des leviers essentiels d’attractivité pour les investisseurs, la Côte d’Ivoire poursuit résolument ses efforts de modernisation de son arsenal législatif. C’est dans cette optique que le Conseil des Ministres, sous la houlette du Ministère de la Justice et des Droits de l’Homme, a adopté un important projet de loi portant modification de la loi n°2017-727 du 09 novembre 2017, relative à la répression des infractions aux actes uniformes de l’OHADA.
Ce projet de loi vient adapter le droit national aux évolutions les plus récentes du droit des affaires africain, à la lumière des réformes adoptées par l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), véritable pilier de l’intégration juridique et économique sur le continent. Il s’inscrit dans une dynamique de renforcement de la sécurité juridique, de consolidation de la transparence économique et de promotion de la bonne gouvernance dans les relations commerciales.
I. Des réformes structurantes à l’échelle régionale
Depuis décembre 2022, le corpus des actes uniformes OHADA s’est enrichi de deux réformes majeures, reflétant la volonté des États membres de renforcer l’efficacité du droit applicable aux entités économiques. Il s’agit, d’une part, de l’Acte uniforme relatif au système comptable des entités à but non lucratif (SYSCEBNL), adopté le 22 décembre 2022 à Niamey, qui pose les jalons d’une meilleure gouvernance financière et d’une comptabilité adaptée aux spécificités du secteur non marchand. Ce texte ambitionne d’encadrer plus rigoureusement les activités des ONG, fondations et associations à but non lucratif, afin d’éviter les dérives et de garantir une utilisation efficiente des ressources.
D’autre part, les réformes du 17 octobre 2023, adoptées à Kinshasa, ont profondément revu les procédures simplifiées de recouvrement et les voies d’exécution, en vue d’accélérer le traitement des contentieux commerciaux et d’améliorer l’efficacité des décisions de justice. Entrées en vigueur respectivement le 1er janvier 2024 et le 16 février 2024, ces nouvelles dispositions ont introduit ou redéfini un certain nombre d’incriminations, jusque-là absentes ou imprécises dans le droit positif, notamment en matière d’obstruction à l’exécution forcée, de manœuvres dilatoires ou encore de falsification de documents comptables.
II. Une réponse juridique à un environnement économique exigeant
En adoptant ce projet de loi, la Côte d’Ivoire entend non seulement se conformer aux nouvelles exigences du droit communautaire OHADA, mais aussi prévenir les incertitudes et les lacunes juridiques susceptibles de fragiliser la confiance des opérateurs économiques. Le texte prévoit l’intégration explicite dans la législation nationale des sanctions pénales liées aux nouvelles infractions introduites par les actes uniformes réformés, répondant ainsi à l’obligation des États membres de donner force exécutoire à ces dispositions.
Cette initiative législative revêt donc une portée stratégique : elle permet de clarifier les comportements répréhensibles dans le domaine économique, de mieux encadrer les pratiques commerciales, de garantir une justice économique plus prévisible et plus efficace, et d’accroître la sécurité juridique indispensable à l’essor des investissements locaux et étrangers.
III. Vers un environnement des affaires plus compétitif et transparent
Les acteurs du secteur privé, les juridictions, les avocats, les experts-comptables et les investisseurs voient dans ce projet de loi un signal fort de la volonté de l’État ivoirien de favoriser un climat des affaires attractif, stable et conforme aux standards internationaux. En renforçant l’arsenal juridique contre les comportements délictueux dans les relations commerciales, le gouvernement entend également lutter plus efficacement contre la corruption, les fraudes économiques et les détournements de fonds, qui freinent le développement et nuisent à la compétitivité des économies africaines.
Par ailleurs, cette modernisation du cadre juridique devrait avoir un impact positif sur la résolution des litiges commerciaux, en facilitant l’exécution des décisions judiciaires et en réduisant les délais de traitement des dossiers, facteurs déterminants pour la confiance des investisseurs et des opérateurs économiques.
IV. Une avancée pour la justice économique en Afrique
Au-delà des frontières ivoiriennes, cette réforme traduit une prise de conscience collective des États membres de l’OHADA quant à l’importance d’un droit des affaires moderne, harmonisé et effectif, au service du développement. Elle témoigne d’une volonté politique de faire du droit un outil de régulation économique, de cohésion sociale et de souveraineté économique régionale.
En somme, le projet de loi adopté par la Côte d’Ivoire s’inscrit dans une vision à long terme : celle d’un État de droit renforcé, d’une justice économique performante et d’un environnement des affaires où la transparence, la responsabilité et la sécurité juridique constituent les fondements d’une croissance inclusive et durable. Il s’agit là d’une étape majeure dans la construction d’un écosystème économique résilient et d’une gouvernance juridique à la hauteur des ambitions de la Côte d’Ivoire et de l’Afrique toute entière.