Le mardi 25 mars 2025, les sénateurs ivoiriens se sont réunis à Yamoussoukro, sous la présidence de Son Excellence Madame Kandia Kamissoko Camara, Présidente du Sénat, afin d’examiner et d’adopter cinq projets de loi majeurs. Ces textes, validés à l’unanimité à l’issue de débats approfondis, traduisent la volonté des autorités de moderniser le système judiciaire, de renforcer la lutte contre la corruption, et d’améliorer la gestion administrative de l’état civil et du logement.
Préparées en commission les 13 et 14 mars 2025, ces réformes ont été soumises à l’approbation de la séance plénière du Sénat, marquant ainsi une nouvelle étape dans le processus d’amélioration de l’appareil judiciaire ivoirien.
1. Clarification des procédures d’exécution forcée et des saisies conservatoires
La ratification de l’ordonnance n°2024-102 du 28 février 2024 vient encadrer avec davantage de rigueur les procédures de saisie et d’exécution forcée. Cette réforme vise à accélérer le règlement des litiges économiques, à réduire les contentieux interminables, et à garantir une meilleure sécurité juridique dans les transactions commerciales. Elle répond notamment à une demande forte des investisseurs et des milieux d’affaires.
2. Renforcement du Pôle Pénal Économique et Financier
Par la modification de l’article 4 de la loi n°2022-193 du 1er mars 2022, les compétences du Pôle Pénal Économique et Financier sont élargies pour lui permettre de lutter plus efficacement contre les infractions économiques, le blanchiment de capitaux et la corruption. Cette évolution s’inscrit dans une démarche de transparence et d’assainissement du climat des affaires, répondant aux exigences des partenaires internationaux et des institutions de gouvernance.
3. Réorganisation des juridictions : désengorger et rapprocher la justice des justiciables
Une loi a été adoptée en vue d’une refonte de la carte judiciaire. Elle vise à une meilleure répartition des affaires entre les juridictions, à désengorger les tribunaux surchargés et à rapprocher les structures judiciaires des citoyens. Ce texte permettra d’améliorer sensiblement l’accessibilité à la justice, tout en favorisant des délais de traitement plus raisonnables et un service public de justice plus équitable.
4. Modernisation de l’état civil : une avancée majeure pour l’inclusion sociale
La révision de la loi n°2018-862 du 19 novembre 2018 sur l’état civil vient simplifier et digitaliser les démarches liées aux événements majeurs de la vie (naissance, mariage, décès). Cette modernisation est particulièrement cruciale pour des millions d’Ivoiriens encore dépourvus d’identité légale. En facilitant leur enregistrement à l’état civil, la réforme contribue directement à l’exercice effectif des droits fondamentaux (éducation, santé, participation politique, etc.) et à la lutte contre l’apatridie.
5. Encadrement des expulsions locatives : un équilibre entre droit de propriété et protection du locataire
Le cinquième texte porte sur la définition d’un cadre juridique clair applicable au contentieux locatif, notamment les expulsions. Il s’agit d’un pas important vers une meilleure sécurisation des relations contractuelles entre bailleurs et locataires. En encadrant les procédures, la loi tend à éviter les abus et à préserver la stabilité résidentielle des personnes les plus vulnérables, tout en garantissant le respect des droits des propriétaires.
6. Une dynamique de transformation institutionnelle saluée
Le ministre de la Justice, Jean Sansan Kambilé, a salué avec emphase l’adoption de ces cinq textes législatifs. Selon lui, ces réformes traduisent l’ambition du gouvernement de rendre la justice plus crédible, plus accessible, et plus conforme aux standards internationaux. Il a notamment mis en avant l’importance de la réforme de l’état civil pour résoudre durablement les problématiques liées à l’apatridie et à l’exclusion administrative.
De son côté, un membre de la Commission des Affaires Générales, Institutionnelles et des Collectivités Territoriales (CAGICT) a souligné les avancées notables en matière de justice économique, affirmant que les nouvelles règles sur les saisies et exécutions forcées contribueront à accroître la confiance des investisseurs.
7. Conclusion : entre espoirs et vigilance
L’adoption de ces cinq lois par le Sénat ivoirien constitue indéniablement une avancée majeure vers une justice plus moderne, plus humaine et plus performante. En s’attaquant simultanément aux défis du droit économique, de l’accessibilité à la justice, de la protection des locataires, et de l’identification civile, ces réformes marquent une volonté politique affirmée de réconcilier les citoyens avec leurs institutions.
Cependant, leur succès dépendra étroitement de la capacité de l’État à assurer une mise en œuvre rigoureuse sur l’ensemble du territoire. Des défis persistants demeurent : formation des acteurs judiciaires, infrastructures adéquates, financement pérenne, sensibilisation des populations.
Dès lors, une question centrale subsiste : ces réformes suffiront-elles à fonder un modèle de justice véritablement moderne, inclusive et durable ? Le futur et les ajustements législatifs à venir permettront d’en mesurer l’impact réel sur la vie des Ivoiriens et la consolidation de l’État de droit.