Jean BLONBLON n’a décidément pas de chances. Quelques mois après son accident, il apprend qu’il est licencié pour motif économique. Il est cependant certain qu’il a été licencié en raison de son âge et que son licenciement est discriminatoire. Il décide de prendre rendez-vous avec un avocat spécialisé en droit du travail pour intenter une action à l’encontre de son employeur.
Alors qu’il se rend chez son avocat il gare sa voiture dans un parking. Mais, pendant qu’il est en rendez-vous avec son avocat, un véhicule en stationnement, positionné près du sien, prend feu et l’incendie se propage jusqu’à son véhicule qui prend feu également. On ignore si l’incendie a été provoqué volontairement ou s’il s’agit d’un accident.
Quels recours peut-il exercer contre le propriétaire du véhicule ayant pris feu pour obtenir la réparation de ses préjudices ?
Résolution
Faits : Un véhicule en stationnement dans un parking prend feu. L’incendie se propage à d’autres véhicules en stationnement, dont celui de Jean BLONBLON. Il souhaiterait intenter une action en réparation de son préjudice matériel.
L’action pourrait être intentée sur le fondement de l’article 1242 alinéa 2 relatif à la communication d’incendie et sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985 (Loi badinter) relative à l’indemnisation des accidents de la circulation.
La loi sur les accidents de la circulation étant exclusive de tout autre fondement, il convient d’abord de vérifier si cette loi est ou non applicable.
Problème de droit : La loi du 5 juillet 1985 est-elle applicable à la réparation du dommage subi par un véhicule incendié en stationnement dans un parking?
Solution en droit : Quatre conditions sont nécessaires pour que la loi du 5 juillet 1985 puisse trouver application : aux termes de ses articles 1 et 2, elle s’applique aux victimes d’un accident de la circulation, dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur souhaitant agir en réparation de leur préjudice contre le conducteur ou le gardien du véhicule impliqué.
S’agissant du véhicule terrestre à moteur, cette notion s’entend de tout engin doté d’un moteur destiné à se mouvoir sur le sol et capable de transporter des personnes ou des choses (Ex.: Civ. 2e, 22 octobre 2015).
S’agissant de la notion d’accident de la circulation, l’accident est un événement fortuit et imprévu ce qui implique qu’il n’y ait pas d’accident en cas de dommage lié à une action volontaire de l’auteur.
La Cour de cassation a jugé que la loi de 1985 est exclue en cas d’incendie volontaire du véhicule, car il n’y a alors pas d’accident (Civ., 2 , 15 mars 2001, 99- 16.852). Lorsque le caractère volontaire des dégradations est incertain la Cour de cassation semble retenir qu’il s’agit bien d’un accident de la circulation (Civ 2 , 8 janvier 2009, 08-10.074).
L’accident de circulation implique que le dommage soit lié à la fonction de déplacement du véhicule.
La Cour de cassation retient que l’accident de la circulation est caractérisé lorsqu’il est survenu alors que le véhicule était en stationnement dans un lieu privé destiné au stationnement des véhicules (Civ. 2e, 8 janvier 2009).
La Cour de cassation a même décidé que constituait un accident de la circulation, l’accident survenu à un véhicule terrestre à moteur en stationnement dans le parking d’un immeuble (Civ. 2 8 janvier 2009).
S’agissant de l’implication du véhicule dans l’accident, deux situations doivent être distinguées :
- Lorsqu’il y a contact du véhicule avec le siège du dommage et que le VTAM est en mouvement, l’implication est irréfragablement présumée (Civ. 2 , 19 février 1986). La même solution vaut lorsqu’il y a contact du véhicule sans qu’il ne soit en mouvement (Civ. 2 , 25 janvier 1995).
- Lorsqu’il n’y a aucun contact, la victime doit rapporter la preuve que le VTAM est intervenu à quelque titre que ce soit dans la survenance de l’accident (Civ. 2e, 13 déc. 2012).
S’agissant du conducteur ou du gardien du VTAM, l’action doit être engagée à l’encontre du conducteur ou du gardien du véhicule impliqué (art. 2 de la loi) dans l’accident. Le propriétaire du VTAM est présumé gardien.
Deux conditions sont ensuite nécessaires pour engager la responsabilité de l’auteur de l’accident:
- Il faut d’abord établir l’existence d’un dommage certain et direct et que les préjudices qui en résultent soient légitimes.
- Il faut ensuite établir l’imputation du dommage à l’accident, c’est à dire que le dommage dont la victime demande réparation doit avoir été causé par l’accident.
Solution en l’espèce : S’agissant du véhicule terrestre à moteur, l’incendie concerne des voitures qui constituent bien des véhicules terrestres à moteur, même s’ils étaient en stationnement au moment du dommage.
S’agissant de la notion d’accident de la circulation, la Cour de de la circulation, la Cour de cassation a déjà retenu que constituait un accident de la circulation, l’accident survenu à un véhicule terrestre à moteur en stationnement dans le parking d’un immeuble de sorte que cette condition ne devrait pas poser problème. Par ailleurs, en l’espèce on ignore si l’incendie a été provoqué volontairement ou non. Dans un tel cas, la Cour de cassation a déjà pu juger qu’il s’agissait d’un accident de la circulation.
S’agissant de l’implication du véhicule dans l’accident, en l’espèce la présomption ne jouera pas, en l’absence de contact et Jean BLOBLON devra rapporter la preuve de l’implication. Il n’aura pas de difficultés à prouver que le véhicule ayant incendié les autres voitures est intervenu dans la production du dommage puisque l’incendie s’est propagé jusqu’à son véhicule. Cette condition est donc satisfaite.
S’agissant du conducteur ou du gardien du VTAM, Jean BLONBLON devra engager l’action à l’encontre du gardien du véhicule en sachant que le propriétaire du VTAM est présumé gardien.
Enfin s’agissant des deux conditions nécessaires pour engager la responsabilité de l’auteur de l’accident :
- Jean BLONBLON a bien subi un dommage certain car la destruction de son véhicule a été constatée après l’accident et direct car la destruction de son véhicule est la suite directe de l’incendie s’étant déclenché.
Par ailleurs, le préjudice matériel résultant du dommage est légitime.
- Enfin, il ne fait aucun doute que le dommage, à savoir la destruction du véhicule, est imputable à l’accident.
Si les faits du cas pratique laissaient envisager la possibilité, pour l’auteur de l’accident, de s’exonérer de sa responsabilité, il faudrait envisager cette possibilité dans un deuxième temps. En l’espèce, l’article 5 de la loi prévoit que la faute de la victime est de nature à limiter ou exclure son droit à réparation des dommages subis par ses biens. Or, Jean BLONBLON a bien subi des dommages matériels et non corporels puisque seule sa voiture a été endommagée. Ainsi, s’il avait commis une faute, celle-ci pourrait entrainer une réduction du montant de son indemnité. Jean BLONBLON ne semble toutefois pas avoir commis de faute. Ainsi, son droit à réparation devrait être intégral.