Corentin a créé il y a quelques années sa « Start Up » spécialisée dans la fabrication d’escargots surgelés. À cette fin, il a conclu avec un fournisseur spécialisé dans la distribution de produits alimentaires, un contrat d’approvisionnement exclusif en chair d’escargot (en juillet 2019).
Le contrat stipulait que le prix serait fixé par le tarif en vigueur au jour de l’enregistrement de la commande. Corentin est furieux puisque le fournisseur a augmenté ses prix d’environ 10% lors des dernières commandes (septembre 2020). Il s’est en outre rendu compte, en discutant avec d’autres clients, que le fournisseur lui vendait les chairs d’escargot à un prix moyen 25 % plus cher qu’à ses autres clients !
Il se demande s’il peut s’opposer à l’augmentation du prix proposé.
Résolution
Faits : Une entreprise spécialisée dans la vente d’escargots surgelés conclu avec un fournisseur de chair d’escargot un contrat d’approvisionnement exclusif. Ce contrat prévoit que le prix de vente de la chair d’escargot sera déterminé au moment de chaque contrat de commande.
À titre liminaire, il convient de déterminer la loi applicable au contrat litigieux. Selon l’article 9 de l’ordonnance française du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, les contrats conclus avant le 1 octobre demeurent soumis à la loi ancienne et les dispositions de l’ordonnance entrent en vigueur le 1 octobre 2016.
En l’espèce, le contrat ayant été conclu en juillet 2019, soit postérieurement au 1 octobre 2016, il est soumis aux nouvelles dispositions.
Problème de droit : Un contractant peut-il contester le montant du prix fixé par son cocontractant lorsqu’un contrat prévoit que le prix sera fixé unilatéralement par une partie ? Si oui à quelles conditions ?
Solution en droit : Le nouvel article 1163 du code civil français ne fait aucune distinction entre les obligations en nature et les obligations monétaires en disposant que l’obligation « doit être (…) déterminée ou déterminable » (Code civil français, art. 1163 al 2 nouv.) (article 1129 alinéa 1 du code civil en droit positif ivoirien) de sorte que le principe est que le prix comme toute obligation doit être déterminé ou déterminable au moment de la conclusion du contrat.
Toutefois, deux exceptions sont prévues par les articles 1164 et 1165 du Code civil. (Droit positif français)
L’article 1164 nouveau du code civil français précise en effet : « dans les contrats cadre, il peut être convenu que le prix sera fixé unilatéralement par l’une des parties ».
Pour que le texte soit applicable, il faut toutefois caractériser l’existence d’un contrat cadre. Ce type de contrat est défini par le nouvel article 1111 du Code civil français, comme le contrat « par lequel les parties conviennent des caractéristiques générales de leurs relations contractuelles futures. Des contrats d’application en précisent les modalités d’exécution ».
Toutefois, la fixation unilatérale du prix n’est pas libre car l’article 1164 (droit positif français) précise qu’en cas de contestation, il faut que la partie autorisée à fixer ce prix soit en mesure d’en motiver le montant. C’est sur elle que pèse la charge de la preuve de ce que la fixation du prix n’a pas été abusive.
Et l’alinéa 2 ajoute qu’« en cas d’abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d’une demande tendant à obtenir des dommages et intérêts et le cas échéant la résolution du contrat ».
S’agissant de la caractérisation de cet abus dans la fixation du prix, les nouveaux textes du Code civil français ne précisent pas comment le caractériser. Il s’agit vraisemblablement d’une question relevant de l’appréciation souveraine des juges du fond.
Deux méthodes permettent de caractériser un abus :
(1) D’abord, on peut considérer que l’abus peut résulter de l’absence de justification du montant ou de l’augmentation brutale du montant de la part du contractant qui a fixé unilatéralement le prix.
(2) Ensuite, on peut se référer à la jurisprudence antérieure à la réforme concernant cette question. La Cour de cassation avait pu juger que la fixation unilatérale du prix présentait un caractère abusif lorsque le prix était fixé en fonction des propres intérêts de celui qui le fixe et au détriment de ceux de son cocontractant (Com., 15 janv. 2002 ; Civ. 1re, 30 juin 2004 ; Com., 4 nov. 2014).
S’agissant des sanctions de l’abus dans la fixation unilatérale du prix, l’article 1164 du Code civil français n’admet pas la révision du prix par le juge et prévoit simplement la possibilité d’obtenir des dommages et intérêts et le cas échéant la résolution du contrat.
Solution en l’espèce : S’agissant de Solution en l espèce : S agissant de la possibilité de fixer unilatéralement le prix des contrats de commande de chairs d’escargot il faut d’abord s’interroger sur la qualification du contrat conclu entre l’entreprise de Corentin et son fournisseur. Ceux-ci ont convenu par contrat les caractéristiques générales de leurs relations contractuelles futures mais ont renvoyé à des contrats ultérieurs pour préciser les modalités exactes de chacune des commandes de chairs d’escargots. Ainsi, le contrat conclu en juillet 2019 correspond bien à la définition de contrat cadre et pouvait donc valablement comporter une clause permettant au prestataire de fixer unilatéralement le prix de chaque contrat d’application.
Toutefois, Corentin conteste le montant fixé par le fournisseur ce qui implique que ce dernier doive en motiver le montant. Aucune information n’est donnée dans le cas pratique sur les raisons qui ont conduit son fournisseur à augmenter les prix des commandes.
Il faut donc se demander s’il y a eu abus dans la fixation du prix. En l’espèce, l’augmentation de prix pratiquée par le fournisseur est conséquente puisqu’elle est de 10%. Il faudrait déterminer si cette augmentation correspond à la hausse de son propre coût de fabrication de la chair d’escargot. Par ailleurs, le fait que le fournisseur vend à Corentin la chair d’escargot à un prix moyen 25 % plus cher qu’à ses autres clients pourrait plaider en faveur du prix excessif et permettrait de caractériser un abus dans la fixation du prix.
Ainsi, sous réserve de l’appréciation souveraine des juges du fond, il semble a priori possible de considérer que le fournisseur de l’entreprise de Corentin ait abusé de son droit à fixer unilatéralement le prix des contrats de commande.
Conclusion : Corentin pourrait demander au juge une indemnisation pour cette augmentation injustifiée ou, le cas échéant, demander la résolution du contrat.