La capacité à contracter est une condition fondamentale de la validité des contrats. Elle détermine si une personne physique ou morale possède les aptitudes légales nécessaires pour s’engager juridiquement. Explorons dans ce numéro les différentes facettes de la capacité à contracter, y compris les critères légaux, les exceptions, et les implications de l’incapacité juridique.
I. Définition et principes généraux de la capacité à contracter
La capacité juridique est la faculté reconnue à une personne de jouir de ses droits et de les exercer elle-même. En matière contractuelle, cela signifie qu’une personne doit avoir la capacité d’entrer en relation juridique et d’assumer les obligations qui en découlent. En droits positifs ivoirien comme français, le principe est que toute personne jouit de la capacité juridique dès sa naissance. Ce principe est énoncé dans l’article 1145 du Code civil français (Article 1123 du code civil ivoirien) : « Toute personne physique peut contracter sauf en cas d’incapacité prévue par la loi. » De même, les personnes morales, telles que les sociétés et les associations, ont une capacité limitée par leur objet social et les dispositions légales qui les régissent. L’article 98 de l’Acte uniforme OHADA relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique précise que les sociétés jouissent de la personnalité juridique à compter de leur immatriculation au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier, et peuvent, dès lors, exercer leurs droits et obligations.
II. Les personnes physiques et la capacité à contracter
En principe, toute personne majeure a la pleine capacité juridique pour contracter. Cependant, il existe des exceptions où la capacité peut être restreinte.
D’abord, les majeurs protégés. Certains majeurs peuvent être placés sous un régime de protection en raison de leur état de santé ou de leur vulnérabilité. En droits ivoirien et français, la sauvegarde de justice est un régime de protection temporaire pour les personnes qui ont besoin d’une protection immédiate. Ces personnes conservent l’essentiel de leur capacité juridique, mais les actes qu’elles accomplissent peuvent être rescindés ou réduits en cas de lésion. Quant à la curatelle, c’est un régime intermédiaire où la personne protégée conserve sa capacité, mais doit être assistée par un curateur pour certains actes importants et la tutelle (Articles 52 et suivants de la Loi n°2019-572 du 26 juin 2019 relative à la minorité) est le régime le plus restrictif où la personne protégée est représentée par un tuteur pour la plupart des actes juridiques. Les articles 425 à 430 du Code civil français encadrent ces mesures de protection.
Ensuite, les personnes condamnées. Certaines condamnations pénales peuvent entraîner une incapacité juridique partielle, limitant la capacité de contracter, notamment pour les actes de gestion patrimoniale. En droit ivoirien, le Code pénal prévoit que certaines condamnations peuvent entraîner une incapacité d’exercer certains droits civils, politiques et de famille.
Concernant la capacité des mineurs, ces derniers sont présumés incapables de contracter seuls en vertu de leur jeune âge. Cependant, il existe des exceptions et des mécanismes permettant aux mineurs de conclure certains types de contrats. Les mineurs peuvent accomplir seuls les actes de la vie courante, comme acheter des biens de consommation courante, à condition que ces actes soient adaptés à leur âge et à leur maturité. L’émancipation, qui peut être obtenue par décision judiciaire ou par mariage, confère au mineur une capacité juridique similaire à celle d’un majeur. L’article 413-2 du Code civil français dispose que « le mineur émancipé est capable, comme un majeur, de tous les actes de la vie civile ». Pour les actes importants, les mineurs peuvent contracter avec l’autorisation de leurs parents ou de leur tuteur. Cette autorisation est nécessaire pour les actes de disposition, tels que la vente ou l’achat de biens immobiliers.
III. Les personnes morales et la capacité à contracter
Les personnes morales sont des entités juridiques distinctes de leurs membres, dotées de droits et d’obligations. Elles peuvent contracter en leur propre nom, dans les limites fixées par leur objet social et les lois qui les régissent.
La capacité des personnes morales est limitée par leur objet social, c’est-à-dire l’ensemble des activités pour lesquelles elles ont été constituées. Toute activité ou contrat dépassant cet objet social est susceptible d’être déclaré nul. En droit OHADA, l’Acte uniforme relatif aux sociétés commerciales et au groupement d’intérêt économique précise que les actes accomplis par les dirigeants de la société doivent être conformes à l’objet social sous peine de nullité.
De plus, les personnes morales ne peuvent agir que par l’intermédiaire de leurs représentants légaux, tels que les dirigeants, les administrateurs ou les mandataires. Ces représentants doivent agir dans le cadre de leurs pouvoirs statutaires et légaux. Un acte accompli en dehors de ces pouvoirs peut être inopposable à la personne morale. L’Acte uniforme relatif aux sociétés commerciales et au groupement d’intérêt économique dispose que « les actes pris par les dirigeants en dehors de l’objet social sont inopposables à la société, sauf ratification par celle-ci ».
IV. Les conséquences de l’incapacité à contracter
Un contrat conclu par une personne incapable est généralement entaché de nullité relative, c’est-à-dire qu’il peut être annulé à la demande de la partie protégée ou de son représentant légal. Cette nullité vise à protéger les intérêts de la personne incapable, mais elle peut être confirmée si l’incapacité disparaît ou si la personne protégée ratifie le contrat.
En cas de nullité du contrat pour incapacité, les parties doivent restituer les prestations reçues. Si la restitution en nature est impossible, une indemnité équivalente peut être exigée. L’article 1312 du Code civil français prévoit que « la restitution des prestations en nature ou par équivalent est de droit en cas de nullité du contrat ».
Enfin, les cocontractants d’une personne incapable peuvent être tenus responsables s’ils ont contracté de mauvaise foi, c’est-à-dire en connaissance de l’incapacité. Cette responsabilité peut entraîner des dommages-intérêts pour la partie protégée. En droit ivoirien, l’article 1382 du Code civil dispose que « celui qui cause un dommage à autrui par sa faute est tenu de le réparer ».
La capacité des parties à contracter est un élément essentiel de la validité des contrats en droit positif. Elle repose sur des principes généraux de capacité juridique, mais comporte de nombreuses exceptions et particularités en fonction des situations personnelles et des types de personnes concernées. La reconnaissance de l’incapacité vise principalement à protéger les individus vulnérables et à garantir l’équité dans les relations contractuelles. La compréhension et le respect de ces règles sont indispensables pour assurer la sécurité juridique des transactions et prévenir les litiges liés à l’incapacité des parties à contracter.
Références
Code civil français
- Article 1145 : « Toute personne physique peut contracter sauf en cas d’incapacité prévue par la loi. »
- Articles 425 à 430 : Dispositions relatives aux mesures de protection des majeurs.
- Article 413-2 : « Le mineur émancipé est capable, comme un majeur, de tous les actes de la vie civile. »
- Article 1312 : « La restitution des prestations en nature ou par équivalent est de droit en cas de nullité du contrat. »
Code civil ivoirien
- Article 1123 : Capacité de contracter.
- Article 1382 : « Celui qui cause un dommage à autrui par sa faute est tenu de le réparer. »
- Articles 52 et suivants de la Loi n°2019-572 du 26 juin 2019 relative à la minorité
Acte uniforme OHADA relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique
- Article 98 : « Les sociétés jouissent de la personnalité juridique à compter de leur immatriculation au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier. »
- Dispositions relatives aux actes accomplis par les dirigeants de la société.
- Les actes pris par les dirigeants en dehors de l’objet social sont inopposables à la société, sauf ratification par celle-ci.
Doctrine
- Malaurie, P., Aynès, L., & Stoffel-Munck, P. (2019), Droit des obligations, LGDJ.
- Terré, F., Simler, P., & Lequette, Y. (2018), Les obligations, Dalloz.
- Ghestin, J., & Loiseau, G. (2016), Traité de droit civil : La formation du contrat, LGDJ.
Jurisprudence
- Cass. civ. 1re, 13 mars 2008, n° 06-20.104 : sur la nullité relative des contrats conclus par des incapables.
- Cass. civ. 1re, 18 mai 2005, n° 03-17.675 : sur la responsabilité des cocontractants ayant contracté de mauvaise foi.
Luc Kouassi
Juriste Consultant Bilingue | Formateur | Spécialiste en rédaction de contrats, d’actes extrajudiciaires, d’articles juridiques et des questions relatives au droit du travail et des baux | Politiste en formation | Bénévole humanitaire.
+225 07 79 57 04 35 / +90 539 115 55 28