Le commentaire de texte en droit est un exercice juridique qui fait fréquemment l’objet de partiels et de galop d’essai au cours des études de droit.
De nombreux commentaires de texte doivent être réalisés en première année de droit, notamment en Droit constitutionnel et en Histoire du droit.
Paradoxalement, bien que cet exercice soit fréquemment donné aux étudiants, peu de méthodes détaillées du commentaire de texte sont accessibles.
Pour illustrer cette méthode du commentaire de texte en droit, nous prendrons pour exemple un extrait du texte « La Constitution d’Angleterre. Livre XI, chapitre VI » rédigé par Montesquieu. Ce texte porte sur le thème de la séparation des pouvoirs.
I. Comprendre l’exercice du commentaire de texte en droit
En droit, le commentaire de texte consiste à expliquer, analyser et apprécier (2) un texte juridique (1) selon une méthode comportant plusieurs étapes obligatoires (3).
J’ai bien conscience que cette définition ne doit pas grandement vous aider…
Reprenons concrètement chacun de ces points.
A. Les « textes juridiques », objets du commentaire de texte
Les textes que vos professeurs peuvent vous demander de commenter sont divers. Il peut s’agir d’un :
- Texte doctrinal extrait d’un livre ou d’une revue juridique ;
- Extrait d’une loi ;
- Article codifié d’une loi ;
- Extrait d’un débat parlementaire ;
- Extrait d’un discours politique ;
- Ou d’une décision jurisprudentielle : Conseil d’État, Cour de cassation, Conseil constitutionnel…
Il faut noter deux choses :
1. On peut mettre de côté le commentaire de « décision jurisprudentielle », puisqu’il s’agit en réalité du commentaire d’arrêt qui suit une méthode spécifique. Les arrêts sont bien des « textes », mais dont l’analyse nécessite de suivre une méthode spéciale.
2. On peut également mettre de côté le « commentaire d’article ». La méthode du commentaire d’article et celle du commentaire de texte sont presque similaires en tout point, mais le commentaire d’article présente quelques spécificités. Il peut exister certaines astuces à connaître bien que la méthode soit presque la même.
B. Les objectifs du commentaire de texte en droit : Expliquer, analyser, apprécier
Expliquer. Le commentaire de texte a d’abord pour objectif d’expliquer les propos et la pensée de l’auteur.
Exemple : « La liberté politique, dans un citoyen, est cette tranquillité d’esprit qui provient de l’opinion que chacun a de sa sûreté ». Que veut-dire l’auteur ? Est-ce qu’il définit la liberté politique comme un simple sentiment subjectif ? Une simple tranquillité d’esprit ?
Analyser. Le commentaire de texte sert ensuite à analyser les propos de l’auteur. Vous devez faire une étude minutieuse et précise des éléments constituant la pensée de l’auteur.
Apprécier. Le commentaire de texte laisse place à l’appréciation. Cet aspect est parfois délicat pour les étudiants. Il s’agit, une fois les propos de l’auteur bien compris, de porter une appréciation critique, qu’elle soit positive ou négative. Ce travail permet d’éclairer les propos de l’auteur pour la personne qui va vous lire et de prendre de la hauteur.
Exemple : « On décèle dans certaines formules utilisées par Montesquieu au sein du chapitre VI, et plus largement dans « De l’esprit des lois », un caractère prescriptif s’agissant de l’objectif de liberté politique (« il faut », « on peut craindre »). Montesquieu souhaite l’établissement de règles et de principes dans un objectif de modération du pouvoir politique. Ces formules semblent démontrer de sa part une nécessité d’ordre logique pour satisfaire l’objectif de liberté politique dans son rapport avec le citoyen ».
C. Les étapes obligatoires du commentaire de texte
Comme pour n’importe quel autre exercice juridique, le commentaire de texte comporte des éléments obligatoires. Ces éléments obligatoires sont imposés aux étudiants, l’idée étant de vous forcer à suivre une méthode rigoureuse pour faire de vous de bons juristes.
Vous l’avez sûrement déjà compris : en droit, on ne se lance jamais dans un exercice juridique en totale improvisation. Par exemple, pour faire une fiche d’arrêt, vous devez impérativement respecter quatre points obligatoires : la présentation des faits, la description de la procédure et des prétentions, la formulation du problème de droit et la retranscription de la solution.
C’est exactement la même chose pour le commentaire de texte en droit !
Comprenez bien le mot « obligatoire » dans « éléments obligatoires ». Ce mot signifie que si vous oubliez un seul de ces éléments dans votre devoir, le correcteur considérera que la méthode n’est pas respectée. Vous perdrez donc des points, même si votre devoir est bon sur le fond.
II. Les parties obligatoires du commentaire de texte
Avant de voir concrètement comment s’organiser pour préparer et rédiger un commentaire de texte, il faut présenter les parties obligatoires de cet exercice juridique.
Ces éléments font partie de la méthodologie du commentaire de texte en droit et doivent obligatoirement figurer dans votre commentaire.
A. L’introduction (« la tête »)
L’introduction (environ 1/3 du devoir) du commentaire de texte juridique est composée de plusieurs éléments :
1. Une phrase d’accroche qui peut être une citation, une phrase illustrant un mouvement général dans lequel s’inscrit le texte…
L’idée est d’accrocher l’attention du correcteur par une phrase qui permet d’introduire le texte / l’article à commenter.
Exemple : Le chapitre VI de l’œuvre « De l’esprit des lois » de Montesquieu avait été initialement intitulé « Des principes de la liberté politique, et comment on les trouve dans la Constitution d’Angleterre ». Si, finalement, la formule, plus neutre, « De La Constitution d’Angleterre » a été retenue, le titre initial avait le mérite de mettre l’accent sur la recherche de la liberté politique par la modération du pouvoir étatique, idée qui traverse l’ensemble de son œuvre, et particulièrement, l’extrait du chapitre VI que nous avons à commenter.
2. Une phrase faisant le lien entre l’accroche et le texte à commenter.
Après votre accroche, vous devez rapidement lier l’accroche au sujet. Beaucoup d’étudiants oublient cette étape qui est pourtant fondamentale.
Exemple : « idée qui traverse l’ensemble de son œuvre, et particulièrement, l’extrait du chapitre VI que nous avons à commenter ».
3. Une brève présentation du texte.
Il faut présenter rapidement le texte. Vous devez identifier :
- Sa nature : texte de doctrine, texte de loi…
- Sa date qui servira par la suite à décrire le contexte ;
- Son auteur ;
- Le cas échéant, sa localisation au sein de l’œuvre (chapitre, section…).
Exemple : « Le texte est extrait d’un traité de théorie politique, fruit de quatorze années de travail rédigé par Montesquieu, intitulé « De l’esprit des lois ». Cette œuvre, qui a connu un très grand succès au point d’inspirer la Constitution de 1791, est à l’origine des doctrines constitutionnelles libérales fondées sur la séparation des pouvoirs. L’auteur, Charles de Secondat de Montesquieu a été magistrat, conseiller à la Cour et président à mortier du Parlement de Bordeaux (1714-1726) et a donc eu l’occasion d’observer de près les pratiques judiciaires de son époque, et d’analyser leurs effets sur la liberté des sujets (…) »
4. Une présentation du domaine général du texte et son sujet précis.
Il faut expliquer rapidement sur quelles questions le texte porte. Si c’est un article, il faut expliquer pourquoi ce texte a été créé.
Cette étape est particulièrement importante. Vous devez décrire :
- Le contexte historique ;
- Le contexte politique ;
- Le contexte juridique ;
- Le contexte social…
L’idée est de communiquer des informations à la personne qui vous lit sur le contexte de ce texte pour qu’il en comprenne mieux le sens.
Presque systématiquement, les paroles d’un auteur sont liées à un contexte.
Par exemple, dans la vie de tous les jours, si vous entendez un couple se dire des méchancetés (« Je te déteste ! »), le sens des paroles prononcées ne sera pas le même en fonction du contexte.
Avoir des éléments d’informations sur la situation du couple, vous permettra d’interpréter et de saisir le sens des paroles prononcées.
Si les paroles ont été prononcées à l’occasion d’une dispute sur la vaisselle ou le ménage, ce n’est pas la même chose qu’une dispute d’un couple en instance de divorce après qu’un des membres du couple ait entretenu plusieurs relations adultères (je force volontairement le trait, mais vous comprenez l’idée).
Exemple : « Le texte se situe dans le contexte du siècle des Lumières (mouvement philosophique, littéraire et culturel promouvant le rationalisme, l’individualisme et le libéralisme qui s’est répandu dans l’ensemble de l’Europe du XVIIIème siècle) sous le règne de Louis XV (1715-1774). Ce mouvement des Lumières est conjugué à l’affaiblissement progressif du pouvoir royal depuis la mort de Louis XIV. La participation de la France à la guerre de Succession d’Autriche, entre 1740 et 1748, engendre des problèmes financiers qui affaiblissent politiquement le roi et, dans le même temps, la fonction du Parlement de Paris qui fait fréquemment usage de son droit de remontrance notamment lorsqu’il s’agit d’enregistrer des édits réclamant des subsides pour financer la guerre, se voit renforcer. Cet affaiblissement permet l’essor d’une réflexion sur d’autres modes de gouvernement, sous l’influence notamment de la monarchie constitutionnelle anglaise depuis la publication de la « Bill of rights » (1689) qui modère le pouvoir du monarque anglais par l’établissement d’un parlement.
L’œuvre de Montesquieu participe ainsi à la remise en cause du pouvoir royal de l’Ancien Régime au profit de valeurs nouvelles. Il critique la confusion des pouvoirs, source de despotisme et symbole de la monarchie absolue telle que construite et exercée par Louis XIV dans laquelle le pouvoir du roi est illimité ».
5. L’intérêt du texte.
Après avoir présenté le contexte dans lequel s’inscrit le texte à commenter, il faut expliquer brièvement les intérêts du sujet.
Le sujet présente toujours un intérêt (à défaut, pourquoi l’auteur aurait pris la peine d’écrire sur ce thème ?).
Vous devez identifier soit un intérêt pratique soit un intérêt théorique.
Exemple : « Montesquieu propose d’opter pour un gouvernement modéré afin de prévenir les individus des dangers pour la liberté que présente ce type de régime politique ».
6. La problématique.
À ce stade, vous devez déceler la problématique soulevée par le texte, de préférence sous forme de question.
L’idée est de déceler la problématique soulevée par l’auteur et non votre propre problématique.
Exemple : « Quelle organisation constitutionnelle permet de satisfaire l’objectif de liberté politique dans un état ? »
7. Annonce de plan.
L’annonce de plan du commentaire de texte est classique. Comme pour un commentaire d’arrêt ou une dissertation, vous devez annoncer uniquement les deux grandes parties principales.
L’annonce de plan ne doit pas contenir de formule de type : « dans une première partie, nous verrons… ».
Ce type d’annonce de plan, utilisé au lycée, n’est pas recommandé en fac de droit.
Exemple : « D’abord, Montesquieu indique que seul un régime politique dans lequel les pouvoirs sont séparés permet d’assurer le respect de la liberté politique (I). Ensuite, à l’inverse, il explique qu’un régime politique dans lequel les pouvoirs sont réunis conduit nécessairement à l’arbitraire, à la tyrannie et au despotisme (II) ».
B. Le contenu du commentaire de texte (« le corps »)
1. Le plan.
Le commentaire de texte doit contenir deux parties et deux sous-parties composées chacune de plusieurs paragraphes (au minimum 3) correspondant à des idées.
Certaines méthodes autorisent des plans en 3 ou 4 parties, mais sauf indication expresse de votre chargé de TD ou de votre professeur de cours magistral, je vous recommande de respecter la règle deux parties / deux sous-parties.
Les titres ne doivent pas contenir de verbes conjugués, être trop longs et doivent coller au texte.
2. Les annonces des sous-parties.
Après le grand I et le grand II, vous devez annoncer vos deux sous-parties en quelques lignes (même règle que pour la dissertation et le commentaire d’arrêt).
3. Les transitions.
À la fin de vos I.A, I.B et II. A, vous devez faire une phrase de transition pour annoncer la sous-partie suivante (même règle que pour la dissertation et le commentaire d’arrêt).
C. Conclusion ? (« les pieds »)
La conclusion n’est généralement pas obligatoire dans un commentaire de texte juridique, donc je vous conseille de ne pas en rédiger, sauf indication expresse contraire de votre université.
III. Méthode / méthodologie pour rédiger concrètement le commentaire de texte
Maintenant que vous connaissez les éléments obligatoires du commentaire de texte (vous n’avez plus aucune excuse pour oublier un seul de ces éléments !), je vais vous présenter une méthode permettant concrètement de le rédiger.
L’idée est de suivre certaines étapes pour savoir comment « commenter » le texte en question.
Première étape : Lecture rapide du texte
Lisez rapidement le texte une ou deux fois pour vous imprégner des propos de l’auteur ou du sens de l’article.
Deuxième étape : Identifier les éléments de cours en rapport avec le texte
Cette étape est FONDAMENTALE.
Dans la pratique, nombreux sont les étudiants qui sautent cette étape et se dirigent tout droit vers un hors sujet.
Comprenez bien une chose : lorsqu’un enseignant vous donne un exercice juridique à faire, il a toujours pour objectif de vous faire travailler sur un thème du cours en particulier.
Sauf rares exceptions, les exercices qu’on vous donne à réaliser ne sont jamais donnés au hasard. Il est donc toujours possible de rattacher le texte à commenter à un thème de votre cours.
Vous devez vous poser les questions suivantes : « Pourquoi m’a-t-on donné ce sujet ? Sur quel thème du cours veut-on me faire travailler ? »
Exemple : Le texte qui sert d’illustration porte sur le thème de la séparation des pouvoirs. Vous ne pourrez pas commenter correctement le texte, si vous ne prenez pas connaissance du contenu de cette partie du cours !
Notez sur votre brouillon tous les éléments de cours en rapport avec le thème sur lequel porte le texte à commenter.
Troisième étape : Identifier les éléments de forme du texte
- Nature du texte. S’agit-il d’un discours politique ? D’un texte doctrinal ?
- Date du texte. Le texte est-il actuel ? S’agit-il de droit prospectif ? S’agit-il d’un texte très ancien ?
- Auteur / origine du texte. Qui a écrit le texte ? Quelle est la tendance politique de l’auteur ? À quel courant doctrinal appartient-il ?
- Support du texte / localisation dans ce texte. Où se trouve ce texte ? Est-il extrait d’un livre ? Est-il retranscrit par un journaliste dans une revue ?
- L’objet du texte. Sur quel thème porte ce texte ? Quel est son intérêt ? Quel est son but ?
Quatrième étape : Analyser le fond du texte
1. La structure grammaticale et logique du texte
Vous devez compter les paragraphes, les alinéas, le cas échéant le nombre de phrases par paragraphe pour tenter de déceler le raisonnement de l’auteur.
Essayez de repérer le « plan invisible » du texte. Bien souvent qu’il s’agisse d’un article ou d’un texte, vous pouvez classer les paragraphes en « plans types » : Principe / Exception, Présentation de la notion / Mise en œuvre de la notion, Notion juridique / Régime juridique, Ressembles / Divergences, etc…
Repérez aussi les connecteurs logiques permettant l’articulation des différentes idées (en outre, par ailleurs, de plus, néanmoins…).
Notez à côté des paragraphes ces catégories pour comprendre le raisonnement de l’auteur.
2. L’analyse des termes du texte
Cette étape est le cœur du commentaire de texte. Vous devez analyser chaque terme utilisé par l’auteur et vous demander « pourquoi l’auteur a-t-il choisi ce terme plutôt qu’un autre ? ».
En droit, cette analyse est beaucoup plus importante que pour les textes qu’on nous faisait apprendre au lycée en français (vous savez ce poème incompréhensible pour lequel le prof de français nous jure que l’auteur a choisi ce mot plutôt qu’un autre ? …).
- Sens juridique. Lisez plus attentivement le texte et repérez les mots qui font référence à une notion de votre cours.
Par exemple, le terme de « personnalité juridique » en droit des personnes doit vous évoquer la définition juridique.
Si vous êtes en droit constitutionnel, la notion de « pouvoirs » doit également vous évoquer une définition juridique.
- Sens courant. Ensuite, faites également attention à certains termes du sens courant.
Distinguez par exemple le verbe « pouvoir » qui fait référence à une règle supplétive de volonté (si quelqu’un « peut » faire quelque chose, c’est que la règle n’est pas obligatoire) et le terme « devoir » (si quelqu’un « doit » faire quelque chose, la règle est impérative et constitue une obligation).
3. L’analyse du contenu du texte
Cette étape est l’étape la plus logique : vous devez analyser le texte en lisant son contenu.
Posez-vous des questions en lisant le texte : Pourquoi ? Comment ? Qui ? Quoi ? Quand ?
Ce travail vous permettra d’y voir plus clair.
Cinquième étape : Le contexte juridique du texte.
Cette étape est fondamentale pour comprendre le sens des propos de l’auteur et servira en outre à rédiger votre introduction (voir plus haut).
Interrogez-vous sur le contexte dans lequel l’auteur a écrit le texte en question.
- AVANT – Qu’il y avait-il avant ce texte ?
- PENDANT – Comment ce texte est-il accueilli ?
- APRÈS – Comment ce texte risque-t-il d’évoluer / de vieillir / d’être reçu par la jurisprudence, par le législateur, par les constituants ?
Sixième étape : La construction du plan.
Le plan doit contenir deux grandes parties composées chacune de deux sous-parties, chaque sous-partie devant être équilibrée.
Par « équilibrée » il faut comprendre que vous devez avoir environ le même nombre d’idées par sous-partie (au minimum trois idées).
I. A.
• Idée 1
• Idée 2
• Idée 3
I. B.
• Idée 1
• Idée 2
• Idée 3
II. A.
• Idée 1
• Idée 2
• Idée 3
II. B.
• Idée 1
• Idée 2
• Idée 3
4. Comment trouver un plan en commentaire de texte ?
À ce stade, vous devriez avoir déjà de nombreuses idées sur votre brouillon.
Pour un commentaire d’arrêt et une dissertation, l’idée est de classer ces idées dans 4 sous-parties équilibrées.
Pour un commentaire de texte juridique, vous avez plusieurs possibilités :
- D’abord, essayez de construire le plan à partir de la structure grammaticale du texte : alinéas, paragraphes, plan déjà présent dans le texte, point-virgule s’il s’agit d’un texte composé de quelques lignes…
- Ensuite, si aucun plan ne ressort, essayez de construire le plan à partir de la structure logique : appliquez les « plans types » aux phrases ou aux paragraphes du texte pour tenter de dégager un plan.
- Enfin, si vous ne trouvez aucun plan, essayez de construire un plan à partir des idées notées sur votre brouillon.
IV. Les erreurs à ne pas commettre en commentaire de texte
Deux principales erreurs sont commises par les étudiants en droit à propos du commentaire de texte.
1. La tendance à disserter
La première chose à ne pas faire est de disserter sur le sujet. Vous ne devez disserter sur un thème en particulier, mais expliquer, analyser et apprécier les propos de l’auteur.
Pour éviter cet écueil :
- Forcez-vous à faire systématiquement référence au texte ;
- Citez certaines phrases du texte de temps en temps dans votre commentaire.
2. La tendance à paraphraser
La deuxième erreur est de faire de la paraphrase sans éclaircir la pensée de l’auteur. Vous ne devez pas vous contenter de décrire le texte sans apporter de valeur ajoutée. Votre valeur ajoutée est de réussir à rendre la pensée de l’auteur compréhensible pour quelqu’un qui vous lit et qui n’a pas lu le texte que vous commentez.
V. Exemple pratique de commentaire de texte en droit intégralement rédigé
Réalisez le commentaire de cet extrait de « De l’esprit des lois ».
Sujet du commentaire de texte : Montesquieu, La Constitution d’Angleterre, Livre XI, chapitre VI.
« Il y a, dans chaque état, trois sortes de pouvoirs ; la puissance législative, la puissance exécutrice des choses qui dépendent du droit des gens, et la puissance exécutrice de celles qui dépendent du droit civil.
Par la première, le prince ou le magistrat fait des lois pour un temps ou pour toujours, et corrige ou abroge celles qui sont faites. Par la seconde, il fait la paix ou la guerre, envoie ou reçoit des ambassades, établit, la sûreté, prévient les invasions. Par la troisième, il punit les crimes, ou juge les différends des particuliers. On appellera cette dernière la puissance de juger ; et l’autre, simplement la puissance exécutrice de l’état.
La liberté politique, dans politique, dans un citoyen, est cette tranquillité d’esprit qui provient de l’opinion que chacun a de sa sûreté : et, pour qu’on ait cette liberté, il faut que le gouvernement soit tel, qu’un citoyen ne puisse pas craindre un autre citoyen.
Lorsque, dans la même personne ou dans le même corps de magistrature, la puissance législative est réunie à la puissance exécutrice, il n’y a point de liberté ; parce qu’on peut craindre que le même monarque ou le même sénat ne fasse des lois tyranniques, pour les exécuter tyranniquement.
Il n’y a point encore de liberté, si la puissance de juger n’est pas séparée de la puissance législative, et de l’exécutrice. Si elle était jointe à la puissance législative, le pouvoir sur la vie et la liberté des citoyens serait arbitraire ; car le juge serait législateur. Si elle était jointe à la puissance exécutrice, le juge pourrait avoir la force d’un oppresseur.
Tout serait perdu, si le même homme, ou le même corps des principaux, ou des nobles, ou du peuple, exerçaient ces trois pouvoirs ; celui de faire des lois, celui d’exécuter les résolutions publiques, et celui de juger les crimes ou les différends des particuliers.
Dans la plupart Dans la plupart des royaumes de l’Europe, le gouvernement est modéré ; parce que le prince, qui a les deux premiers pouvoirs, laisse à ses sujets l’exercice du troisième. Chez les Turcs, où ces trois pouvoirs sont réunis sur la tête du sultan, il règne un affreux despotisme ».
Correction du commentaire de texte
(Accroche) Le chapitre VI de l’œuvre « De l’esprit des lois » de Montesquieu avait été initialement intitulé « Des principes de la liberté politique, et comment on les trouve dans la Constitution d’Angleterre ». Si, finalement, la formule, plus neutre, « De La Constitution d’Angleterre » a été retenue, le titre initial avait le mérite de mettre l’accent sur la notion de liberté politique, idée qui traverse l’ensemble de son œuvre, et particulièrement, l’extrait du chapitre VI que nous avons à i d l h commenter (Lien de l’accroche avec le texte à commenter).
(Présentation du texte) Le texte est extrait d’un traité de théorie politique, fruit de quatorze années de travail, rédigé par Montesquieu, intitulé « De l’esprit des lois ». Cette œuvre, qui a connu un grand succès au point d’inspirer la Constitution de 1791, est à l’origine des doctrines constitutionnelles libérales fondées sur la séparation des pouvoirs. L’auteur, Charles de Secondat de Montesquieu, a été magistrat, conseiller à la Cour et président à mortier du Parlement de Bordeaux (1714-1726) et a donc eu l’occasion d’observer de près les pratiques judiciaires de son époque, et d’analyser leurs effets sur la liberté des sujets. Dans ce traité, publié à Genève en 1748, Montesquieu livre justement une réflexion sur les conditions de la liberté politique en s’intéressant notamment à l’organisation constitutionnelle de différents états. L’extrait, objet de ce commentaire, figure dans le chapitre VI du Livre XI et est intitulé « De la Constitution d’Angleterre » (l’œuvre complète compte 31 livres). Le livre XI intitulé « Des lois qui forment la liberté politique dans son rapport avec la constitution » comprend vingt chapitres. Dans le chapitre VI, Montesquieu intègre dans sa réflexion sur la liberté politique, la description du modèle politique et institutionnel de l’Angleterre.
(Domaine général du texte) Le texte se situe dans le contexte du siècle des Lumières (mouvement philosophique, littéraire et culturel promouvant le rationalisme, l’individualisme et le libéralisme qui s’est répandu dans l’ensemble de l’Europe du XVIIIème siècle) sous le règne de Louis XV (1715-1774). Ce mouvement des Lumières est conjugué à l’affaiblissement progressif du pouvoir royal depuis la mort de Louis XIV. La participation de la France à la guerre de Succession d’Autriche, entre 1740 et 1748, engendre des problèmes financiers qui affaiblissent politiquement le roi et, dans le même temps, la fonction du Parlement de Paris qui fait fréquemment usage de son droit de remontrance notamment lorsqu’il s’agit d’enregistrer des édits réclamant des subsides pour financer la guerre, se voit renforcer. Cet affaiblissement permet l’essor d’une réflexion sur d’autres modes de gouvernement, sous l’influence notamment de la monarchie constitutionnelle anglaise depuis la publication de la « Bill of rights » (1689) qui modère le pouvoir du monarque anglais par l’établissement d’un parlement.
(Domaine restreint du texte) L’œuvre de Montesquieu participe ainsi à la remise en cause du pouvoir royal de l’Ancien Régime au profit de valeurs nouvelles. Il critique la confusion des pouvoirs, source de despotisme et symbole de la monarchie absolue telle que construite et exercée par Louis XIV dans laquelle le pouvoir du roi est illimité.
(Intérêt du texte) Montesquieu propose d’opter pour un gouvernement modéré afin de prévenir les individus des dangers pour la liberté que présente ce type de régime politique.
(Problématique) Quelle organisation constitutionnelle permet de satisfaire l’objectif de liberté politique dans un état ?
(Annonce de plan) Le raisonnement de l’auteur peut être scindé en deux grandes idées. D’abord, Montesquieu indique que seul un régime politique dans lequel les pouvoirs sont séparés permet d’assurer le respect de la liberté politique (I). Ensuite, à l’inverse, il explique qu’un régime politique dans lequel les pouvoirs sont réunis conduit nécessairement à l’arbitraire, à la tyrannie et au despotisme (II).
- LA RECHERCHE DE LA LIBERTE POLITIQUE PAR L’EXISTENCE D’UNE SEPARATION DES POUVOIRS
(Annonce de plan interne) Montesquieu indique qu’une séparation des différents pouvoirs étatiques, au nombre de trois, est nécessaire (A) pour que l’objectif de liberté politique soit satisfait (B).
- L’instauration nécessaire d’une séparation des pouvoirs
Texte : « Il y a, dans chaque état, trois sortes de pouvoirs ; la puissance législative, la puissance exécutrice des choses qui dépendent du droit des gens, et la puissance exécutrice de celles qui dépendent du droit civil.
Par la première, le prince ou le magistrat fait des lois pour un temps ou pour toujours, et corrige ou abroge celles qui sont faites. Par la seconde, il fait la paix ou la guerre, envoie ou reçoit des ambassades, établit, la sûreté, prévient les invasions. Par la troisième, il punit les crimes, ou juge les différends des particuliers. On appellera cette dernière la puissance de juger ; et l’autre, simplement la puissance exécutrice de l’état ».
Dès le début de l’extrait, Montesquieu s’attache à définir et à décrire ce qu’il nomme « pouvoirs ».
Il commence par énumérer les différents types de « pouvoirs » existants au sein d’un état. Il semble utiliser alternativement les termes de « puissance » et de « pouvoir ». Ces termes servent en réalité à désigner des « fonctions étatiques ». Montesquieu se fonde sur l’objet des « puissances » pour les définir.
Il distingue justement ces trois types de « puissance » : « la puissance législative », « la puissance exécutrice des choses qui dépendent du droit des gens », et « la puissance exécutrice de celles qui dépendent du droit civil ». Montesquieu prend également le soin de préciser l’objet de chacune de ces puissances. Il précise que la puissance législative est le « pouvoir de faire des lois », la puissance exécutrice des choses qui dépendent du droit des gens est le « pouvoir d’exécuter des lois » et la puissance exécutrice de celles qui dépendent du droit civil correspond au « pouvoir de juger les différends ». Il distingue ainsi clairement le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire, ce qui lui permettra par la suite de classifier les différents régimes politiques et de plaider pour la mise en place d’un régime politique équilibré.
Il s’assure ensuite de bien décrire le contenu de ces « puissances ». D’abord, s’agissant de la puissance législative, il explique que « le prince ou le magistrat fait des lois pour un temps ou pour toujours, et corrige ou abroge celles qui sont faites ». Montesquieu fait ainsi référence à la possibilité, pour le titulaire du pouvoir législatif, de fixer l’entrée en vigueur d’une loi, de prévoir sa durée d’application, de la modifier ou même de l’abroger (l’abrogation permet de mettre fin à une loi ou de l’anéantir pour l’avenir).
Ensuite, s’agissant de la « puissance exécutrice des choses qui dépendent du droit des gens », il l’appelle la « puissance exécutrice de l’état ». Il explique que le prince « fait la paix ou la guerre, envoie ou reçoit des ambassades, établit la sûreté, prévient les invasions ».
Enfin, s’agissant du « pouvoir de juger les différends », il le qualifie de « puissance de juger ». Il explique que le prince « punit les crimes, ou juge les différends des particuliers ». Montesquieu vise ici aussi bien la justice civile que la justice pénale. Si, John Lock est considéré comme le premier auteur à avoir théorisé la séparation des pouvoirs en distinguant le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir fédératif (Essai sur le gouvernement civil, 1690), Montesquieu développe ici l’analyse et identifie clairement le pouvoir judiciaire.
(Transition) L’identification et la distinction de ces trois pouvoirs permet à Montesquieu de plaider pour la mise en place d’un régime politique équilibré, seul régime permettant de satisfaire l’objectif de liberté politique.
- L’objectif nécessaire de liberté politique
Texte : « La liberté politique, dans un citoyen, est cette tranquillité d’esprit qui provient de l’opinion que chacun a de sa sûreté : et, pour qu’on ait cette liberté, il faut que le gouvernement soit tel, qu’un citoyen ne puisse pas craindre un autre citoyen ».
On décèle dans certaines formules utilisées par Montesquieu au sein du chapitre VI, et plus largement dans « De l’esprit des lois », un caractère prescriptif s’agissant de l’objectif de liberté politique (« il faut », « on peut craindre »). Montesquieu souhaite l’établissement de règles et de principes dans un objectif de modération du pouvoir politique. Ces formules semblent démontrer de sa part une nécessité d’ordre logique pour satisfaire l’objectif de liberté politique dans son rapport l i avec le citoyen.
L’analyse de la pratique de la séparation des pouvoirs en Angleterre lui permet donc de poser les critères permettant d’identifier la mise en place d’un régime politique modéré, et de satisfaire cet objectif de « liberté politique ».
Toutefois, dans cet extrait, Montesquieu ne définit pas clairement la notion de liberté politique. Tout au plus, il explique que cette liberté politique, dans son rapport avec le citoyen, est « cette tranquillité d’esprit qui provient de l’opinion que chacun a de sa sûreté ». Cette liberté politique aurait donc un caractère subjectif, l’essentiel étant le sentiment ressenti de « sûreté » de chacun et la tranquillité d’esprit. Le sujet doit éprouver le sentiment de vivre sous la protection des lois. Or, s’il définit la liberté politique comme un sentiment subjectif, il indique toutefois que cette liberté ne peut s’obtenir qu’en vertu de l’organisation du gouvernement. En effet, il précise que cette liberté ne peut s’obtenir que lorsque le gouvernement est tel « qu’un citoyen ne puisse pas craindre un autre citoyen ». Pour Montesquieu, la liberté politique résulte ainsi de l’organisation constitutionnelle de l’état, envisagée objectivement. La liberté politique est donc un sentiment subjectif (« cette tranquillité d’esprit qui provient de l’opinion que chacun a de sa sûreté ») obtenu grâce à une organisation constitutionnelle envisagée objectivement. En d’autres termes, pour Montesquieu, le mécanisme constitutionnel doit être agencé de telle manière que ses rouages soient en mesure de se faire opposition en cas de tentative d’oppression.
(Transition) En tout état de cause, pour satisfaire cet objectif, il convient selon Montesquieu d’éviter à tout prix les hypothèses de confusion des pouvoirs.
- La prévention de l’arbitraire par l’absence de confusion des pouvoirs
(Annonce de plan interne) Selon l’auteur, afin de préserver la liberté politique, il faut éviter que deux des trois pouvoirs étatiques, et à plus forte raison les trois, soient réunis en une seule personne ou un seul organe. Il évoque deux situations de confusion des pouvoirs : une confusion partielle des pouvoirs lorsqu’au moins deux puissances sont réunies (A) et une confusion totale des pouvoirs lorsque tous les pouvoirs sont réunis dans une l i l seule main ou un seul organe (B).
- Les dangers d’une confusion partielle des pouvoirs
Texte : « Lorsque, dans la même personne ou dans le même corps de magistrature, la puissance législative est réunie à la puissance exécutrice, il n’y a point de liberté ; parce qu’on peut craindre que le même monarque ou le même sénat ne fasse des lois tyranniques, pour les exécuter tyranniquement.
Il n’y a point encore de liberté, si la puissance de juger n’est pas séparée de la puissance législative, et de l’exécutrice. Si elle était jointe à la puissance législative, le pouvoir sur la vie et la liberté des citoyens serait arbitraire ; car le juge serait législateur. Si elle était jointe à la puissance exécutrice, le juge pourrait avoir la force d’un oppresseur ».
L’auteur évoque les différentes situations de confusion des pouvoirs qu’il convient d’éviter pour préserver la liberté politique des citoyens.
D’abord, il évoque la situation dans laquelle « la même personne » ou « le même corps de magistrature » possède « la puissance législative » et la « puissance exécutrice ». Un organe ou une même personne réunit donc à la fois le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Selon lui, cette situation conduirait à l’absence de liberté « parce qu’on peut craindre que le même monarque ou le même sénat ne fasse des lois tyranniques, pour les exécuter tyranniquement ». On retrouve ici l’idée principale de Montesquieu que beaucoup d’auteurs résument avec cette citation « pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ». Un organe ou une personne qui possède le pouvoir de faire les lois et celui de les exécuter ne rencontre aucun pouvoir susceptible de l’arrêter, ce qui conduit nécessairement à un régime politique tyrannique (du grec « turannos » signifiant « maître », « dominateur »), c’est-à-dire dans lequel un organe ou une personne exerce une autorité de manière absolue et oppressive. En effet, une loi devient tyrannique lorsqu’elle n’exprime qu’un intérêt particulier et qu’en dépit de sa forme générale son contenu est déterminé en vue de son application à des cas particuliers.
Lorsqu’il évoque « le même monarque », il vise une situation de confusion des pouvoirs dans laquelle l’exécutif dispose de ces deux pouvoirs (dictature de l’exécutif) et lorsqu’il évoque « le même sénat », il vise l’hypothèse d’un organe comme une assemblée disposant de ces deux pouvoirs.
Ensuite, Montesquieu vise deux autres hypothèses différentes de confusion des pouvoirs. Il évoque les hypothèses de confusion des pouvoirs entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir législatif ou le pouvoir exécutif. Il distingue l’hypothèse du « juge législateur », synonyme d’arbitraire, et celle du « roi-juge » synonyme d’oppression. Montesquieu emploie le verbe « séparer » (« Il n’y a point encore de liberté, si la puissance de juger n’est pas séparée de la puissance législative, et de l’exécutrice »). Pour Montesquieu, la puissance judiciaire doit nécessairement être séparée des deux autres puissances.
S’agissant de la première hypothèse, Montesquieu nous dit que si la « puissance de juger » était « jointe à la puissance législative, le pouvoir sur la vie et la liberté des citoyens serait arbitraire ». Il indique que dans un tel cas le « juge serait législateur » : le juge aurait en effet le pouvoir de se prononcer sur des lois qu’il aurait lui-même édictées. Montesquieu ne définit pas la notion d’arbitraire dans cet extrait, mais on comprend que, de la même manière qu’une loi tyrannique, une loi arbitraire présente un danger pour la liberté des individus. Une loi devient arbitraire lorsque son rapport à la nature de la chose à laquelle elle s’applique n’est qu’arbitraire, c’est-à-dire qu’elle ne répond à aucune règle logique prédéfinie et résulte de la volonté et du bon plaisir d’une personne ou d’un organe. En l’occurrence, si le juge était en même temps législateur, on pourrait craindre qu’il produise une loi en vue du jugement qu’il souhaite prononcer. Montesquieu nous indique qu’il est nécessaire, par conséquent, que la puissance de juger soit séparée de la puissance législative. À défaut, les jugements, loin d’être l’application de la loi, risqueraient d’être l’expression de l’opinion du juge.
S’agissant de la deuxième hypothèse, Montesquieu évoque l’hypothèse d’une confusion entre le pouvoir judiciaire et la « puissance exécutrice ». Dans cette hypothèse du « roi-juge », « le juge pourrait avoir la force d’un oppresseur ». En effet, si le juge détenait la force publique (le pouvoir exécutif), on pourrait craindre qu’il envisage d’arrêter un homme en vue de le déclarer coupable. Le jugement qui résulterait d’une telle arrestation consisterait simplement à valider une décision déjà prise par avance. C’est dans ce sens que Montesquieu nous dit que « le juge pourrait avoir la force d’un oppresseur ». Montesquieu indique qu’il est nécessaire, par conséquent, que la puissance de juger soit séparée de la puissance exécutrice.
(Transition) Mais, selon Montesquieu, la pire des hypothèses est celle de la réunion des trois pouvoirs au sein d’une même personne ou d’un même corps.
- Les dangers d’une confusion totale des pouvoirs
Texte : « Tout serait perdu, si le même homme, ou le même corps des principaux, ou des nobles, ou du peuple, exerçaient ces trois pouvoirs ; celui de faire des lois, celui d’exécuter les résolutions publiques, et celui de juger les crimes ou les différends des particuliers.
Dans la plupart des royaumes de l’Europe, le gouvernement est modéré ; parce que le prince, qui a les deux premiers pouvoirs, laisse à ses sujets l’exercice du troisième. Chez les Turcs, où ces trois pouvoirs sont réunis sur la tête du sultan, il règne un affreux despotisme ».
Montesquieu évoque une situation de confusion totale des pouvoirs qu’il semble considérer comme la plus dangereuse pour la liberté des individus. Le cumul des trois pouvoirs à savoir « celui de faire des lois, celui d’exécuter les résolutions publiques, et celui de juger les crimes ou les différends des particuliers » entre les mains d’une même personne, d’un même organe (« même corps »), des « nobles » ou même du « peuple » conduirait à un régime despotique.
Montesquieu souligne le caractère particulièrement dangereux de cette hypothèse de confusion totale des trois pouvoirs en utilisant plusieurs formules relevant d’un champ lexical presque apocalyptique : « Tout serait perdu », « il règne un affreux despotisme ».
Ainsi, le cumul de ces trois pouvoirs, bien loin de l’objectif de modération du pouvoir politique qu’il préconise, conduirait à un régime despotique. Il prend l’exemple des Turcs « où ces trois pouvoirs sont réunis sur la tête du sultan ». Il indique qu’il y « règne un affreux despotisme » contrairement à « la plupart des royaumes de l’Europe » dans lesquels le gouvernement est modéré « parce que le prince, qui a les deux premiers pouvoirs, laisse à ses sujets l’exercice du troisième ». Le troisième pouvoir auquel Montesquieu fait référence est le pouvoir judiciaire.
Montesquieu cherche à prévenir le lecteur qu’il est nécessaire d’empêcher la concentration des pouvoirs en une seule autorité afin de protéger la liberté politique. De la même manière, le Perse dans les « Lettres Persanes » de Montesquieu, estimait que « de tous les gouvernements du monde, celui des Turcs ou celui de notre auguste Sultan plairait le mieux [à Louis XIV] ». Montesquieu visait alors la monarchie absolue de Louis XIV.
Une réponse
Bonjour. Je me nomme : Omar fucou/ bac + 5. Je mène des travaux sur la diplomatie.