Le bail à usage d’habitation est un contrat dans lequel une personne appelée bailleur décide de mettre à la disposition d’une autre, appelée locataire, un immeuble ou un local servant d’habitation, moyennant une contrepartie financière mensuelle appelée loyer.
I. Tout savoir sur le bail à usage d’habitation
A. Le contrat de bail doit-il être fait nécessairement par écrit pour être valable ?
Depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2018-575 du 13 juin 2018 relative au bail à usage d’habitation, le contrat de bail doit être passé par écrit. Avant l’entrée en vigueur de ladite loi, on pouvait louer par écrit ou verbalement. La preuve du contrat de bail passé verbalement étant inefficace et peu fiable, a sans doute poussé le Législateur à exiger la forme écrite, jugée plus avantageuse.
Ainsi, cette exigence transparait-elle désormais à travers la lecture de l’alinéa 1 de l’article 414 du nouveau Code de la construction et de l’habitat : « Le contrat de bail à usage d’habitation est écrit. Il peut être conclu à durée déterminée ou à durée indéterminée« . Faut-il ajouter que l’exigence de la forme écrite du bail, vient faciliter cette opposabilité des baux supérieurs à trois ans qui doivent être inscrits pour être opposables aux tiers acquéreurs et aux créanciers hypothécaires. Faute, d’inscription, les locataires risquent d’être expulsés par le nouveau propriétaire.
Aussi, le bail écrit permet-il de pratiquer saisie conservatoire sur les biens du locataire en cas d’impayé sans avoir à recourir à une autorisation du juge.
B. Quelles sont les réparations qui sont à la charge du bailleur et du locataire pendant la durée du bail ? (Art. 1754, 1755 du Code Civil ; Art. 431, 432 et suivants du Code de la construction et de l’Habitat.)
Le bailleur est tenu de faire toutes les grosses réparations, sauf les réparations d’entretien appelées parfois réparations locatives. Ces réparations dites locatives ou de menu entretien sont à titre d’exemple le recrépissement du bas des murailles des appartements et autres lieux d’habitation, à la hauteur d’un mètre, les pavés et carreaux des chambres, lorsqu’il y a quelques-unes cassées, les vitres à moins qu’elles ne soient cassées par un accident extraordinaire et de force majeure, dont le locataire ne peut être tenu, les portes, portes de cloison ou les fermetures et serrures. Mais, aucune de ces réparations locatives n’est à la charge du locataire si elles sont dues à la vétusté ou à un cas de force majeure. Le bailleur devra alors effectuer les réparations.
Le bailleur est tenu en outre de faire les grosses réparations notamment celles concernant les murs porteurs ou de soutènement, les voûtes, les toitures, les poutres, les murs de clôture, les canalisations et fosses d’aisance, les puisards, les installations encastrées, les ascenseurs, les escaliers, les planchers, la vétusté de l’immeuble ou du local, le ravalement des façades de l’immeuble ou du local loué, et également tous travaux rendus nécessaires par un cas de force majeure. Toutefois, il en est dispensé si celles-ci sont rendues nécessaires par la faute du locataire.
C. Que peut faire le locataire lorsque le bailleur refuse de procéder aux réparations lui incombant ? (Art. 1142 du Code Civil ; Alinéas 1, 2, 3, 4 et de l’art. 431 du Code de la construction et de l’Habitat)
Généralement, le locataire retient les loyers sans autorisation de la justice et prétend les utiliser pour effectuer les réparations. Cette pratique est illégale. En effet, le locataire dispose, après une mise en demeure infructueuse, des voies légales suivantes :
- La condamnation du bailleur à lui payer des dommages-intérêts, puisque le bailleur ne remplit pas ses obligations contractuelles et légales à son égard.
- Il peut demander à la justice de l’autoriser à procéder à ces réparations lui-même, mais aux frais du bailleur après avoir informé ce dernier par tout moyen. Le locataire se remboursera par prélèvements échelonnés, sur le loyer dû.
- Le locataire peut solliciter devant la juridiction compétente la réduction du loyer proportionnellement à l’atteinte portée à la jouissance de l’immeuble ou du local loué.
- Il peut enfin demander la résiliation du contrat de bail pour défaut des travaux incombant au bailleur.
D. Un état des lieux est-il utile lors de l’entrée dans les lieux ? (Art. 1730, 1731 du Code Civil ; Art. 427 al. 2 et 3, du Code de la construction et de l’Habitat)
Il est nécessaire pour le locataire de faire établir un état des lieux, contradictoirement avec le bailleur lors de son entrée et de sa sortie. En effet, l’absence d’état des lieux ou de constat fait présumer, à l’avantage du bailleur, que les lieux ont été remis en bon état de réparations locatives au preneur.
En outre, si un état des lieux a été fait à l’entrée, le locataire doit rendre la maison louée telle qu’il l’a reçue, suivant l’état qui a été dressé excepté ce qui a péri ou a été dégradé par vétusté ou force majeure.
Avec le nouveau Code de la construction et de l’Habitat, le bailleur est tenu (dans l’obligation) de faire un état des lieux contradictoire de l’immeuble ou du local à usage d’habitation loué en présence du locataire ou de son représentant dûment mandaté, en début et en fin de bail.
E. Le locataire doit-il souscrire obligatoirement une assurance ? (Art. 1733 du Code Civil)
La loi ne fait pas obligation au locataire de souscrire une assurance. Les parties au contrat peuvent cependant convenir que le locataire devra souscrire une assurance. Cette disposition contractuelle présente un intérêt en cas de sinistre. La souscription d’une assurance permettra d’indemniser le propriétaire et / ou le locataire en cas de sinistre.
Surtout qu’il faut noter qu’en cas d’incendie, le locataire répond de celui-ci, à moins qu’il ne prouve que l’incendie est arrivé par cas fortuit ou force majeure ou par vice de construction ou encore que le feu a été communiqué par une maison voisine.
F. Peut-on fixer et augmenter librement le prix d’un loyer à usage d’habitation ? (Art. 424 et 425 du Code de la construction et de l’Habitat)
Le loyer peut être révisé à la hausse ou à la baisse, tous les trois (3) ans. La partie qui sollicite une augmentation ou une réduction du loyer doit préalablement notifier son intention à l’autre partie par tout moyen, au moins trois (3) mois avant la date d’effet de ladite augmentation et après la troisième année de la conclusion du contrat de bail ou de la précédente augmentation, sous peine de nullité de la clause contractuelle consacrant ladite augmentation.
Cependant, pour la révision, à défaut d’accord entre les parties, le prix est fixé judiciairement eu égard à toute considération de fait notamment à la situation économique.
G. Qui bénéficie du droit au maintien dans les lieux ? (Textes « Baux » Art. 2 Loi n° 774-995 du 18.12.77 ; Art. 439 du Code de la construction et de l’Habitat) Et quelle est la prescription en matière de loyers impayés ? (Art. 2271, 2277 du Code Civil)
A l’expiration du bail écrit les occupants de bonne foi des locaux d’habitation bénéficient de plein droit sans l’accomplissement d’aucune formalité du maintien dans les lieux loués, aux clauses et conditions du contrat primitif. Sont considérés comme occupants de bonne foi, les locataires, sous-locataires ainsi que les occupants qui habitant dans les lieux en vertu ou en suite d’un bail écrit, d’une sous-location régulière, exécutent leurs obligations, notamment le paiement du loyer exigible.
En matière de loyers impayés, la prescription est de 5 ans, sauf en matière de location en garni (pension de famille, hôtel) où la prescription est de 6 mois. Le locataire qui est poursuivi pour le paiement de loyers qui remontent à plus de 5 ans ou 6 mois selon les cas sus énoncés peut soulever « in limine litis » la prescription.
II. Procédure d’expulsion d’un locataire pour loyers impayés
L’expulsion d’un locataire qui ne paie pas son loyer est une procédure juridique délicate et rigoureusement encadrée par la loi. Cet article détaillé vous guidera à travers les étapes nécessaires pour réussir cette procédure, en se basant sur les dispositions de la loi n°2019-576 régissant le code de la construction et de l’habitat. Il est important de suivre chaque étape avec précision pour éviter toute complication juridique.
A. La résiliation du bail
La première étape pour expulser un locataire en défaut de paiement est l’envoi d’un courrier de résiliation du bail. Ce courrier doit être remis au locataire, et pour qu’il soit juridiquement valable, le locataire doit signer pour accuser réception. Si le locataire refuse de signer, il est essentiel de faire appel à un huissier, appelé dorénavant commissaire de justice en Côte d’Ivoire . Le commissaire de justice délivrera alors le courrier de résiliation du bail, ce qui constitue la première étape officielle de la procédure d’expulsion.
Ainsi, le bailleur doit-il tout d’abord transmettre une lettre de demande de résiliation au locataire qui informe celui-ci de son intention de mettre fin au contrat de bail en raison du non-paiement du loyer ou d’autres manquements.
Contrairement à d’autres procédures, il n’est pas nécessaire d’attendre un délai de contestation de la résiliation du bail. Le bailleur peut immédiatement engager la procédure d’expulsion forcée.
B. L’assignation en expulsion (Article 445)
Après avoir envoyé le courrier de résiliation du bail, la deuxième étape consiste à procéder à une assignation en expulsion. Il existe deux types d’assignations en expulsion, selon que vous ayez ou non un contrat écrit avec le locataire :
- Sans contrat écrit : Vous devez passer par la procédure d’assignation en expulsion qui se tient tous les lundis au tribunal d’Abidjan-Plateau. Cette procédure est nécessaire lorsque vous n’avez pas de contrat écrit avec le locataire.
- Avec contrat écrit : Vous pouvez opter pour l’assignation en référé expulsion, une procédure plus rapide qui permet d’obtenir une décision d’expulsion en environ deux à trois mois.
Dans les deux cas, une fois l’assignation envoyée, le juge statuera sur l’expulsion du locataire.
C. Obtention et exécution de la décision de justice
Une fois que le juge a rendu sa décision d’expulsion, il est crucial de retirer la décision de justice. Cette décision doit ensuite être signifiée au locataire par un commissaire de justice, qui donnera généralement au locataire un délai de 24 heures pour quitter les lieux.
D. Recours à la force publique
Si le locataire refuse de quitter le logement après la signification de la décision de justice, le commissaire de justice pourra avoir recours à la force publique pour procéder à l’expulsion. Cette étape est souvent nécessaire lorsque le locataire fait preuve de mauvaise foi et refuse de se conformer à la décision de justice.
III. Action du locataire condamné (Articles 446 et 447)
Le locataire condamné à être expulsé a la possibilité de demander un délai de grâce et la suspension de la procédure d’expulsion en saisissant le juge des référés. Le juge des référés peut donc lui accorder ce délai de grâce uniquement pour un motif légitime. Lorsque le juge des référés accorde le délai de grâce, la décision suspend la procédure d’expulsion pour la période fixée par le juge, qui ne peut excéder trois mois.
À l’échéance du terme du délai de grâce, l’expulsion peut reprendre, soit à l’initiative du bailleur ou de son représentant dûment mandaté. Aucune prorogation du délai de grâce ne peut être accordée au locataire ou à tout occupant de son chef après l’expiration du délai initialement fixé. L’ordonnance du juge des référés accordant un délai de grâce n’est pas susceptible de recours.
IV. Procédure d’expulsion d’un locataire à jour dans le paiement de son loyer
L’expulsion d’un locataire qui est à jour dans le paiement de son loyer suit une procédure différente et plus complexe, nécessitant le respect de délais spécifiques et la justification de la reprise du logement.
A. Envoi d’un congé de trois mois
Pour expulser un locataire qui paie son loyer régulièrement, il faut d’abord lui envoyer un congé de trois mois. Ce congé doit préciser les raisons de la reprise du logement, qui peuvent inclure :
- Habiter le logement soi-même.
- Faire habiter un proche parent (en précisant la relation exacte, comme un enfant ou un parent direct).
- Réaliser des travaux dans le logement.
B. Courrier de résiliation du bail
Après l’envoi du congé de trois mois, il est obligatoire de signifier un courrier de résiliation du bail. Ce courrier peut être remis en main propre, mais pour être juridiquement valable, il doit être signé par le locataire. Si le locataire refuse de signer, l’intervention d’un commissaire de justice est nécessaire.
C. Assignation en validité du congé
La dernière étape consiste à lancer une assignation en validité du congé. Cette procédure permet au juge de statuer sur la validité du congé et d’ordonner l’expulsion du locataire. Une fois la décision rendue, elle doit être retirée et signifiée au locataire par un commissaire de justice.
D. Recours à la force publique
Comme dans le cas des locataires en défaut de paiement, si le locataire refuse de quitter les lieux après la signification de la décision de justice, le commissaire de justice pourra faire appel à la force publique pour procéder à l’expulsion.
L’expulsion d’un locataire, qu’il soit en défaut de paiement ou à jour, est une procédure complexe qui requiert une compréhension approfondie des démarches juridiques. Il est essentiel de suivre chaque étape avec rigueur pour assurer une expulsion légale et éviter tout problème supplémentaire. En cas de doute, il est toujours recommandé de consulter un professionnel du droit pour obtenir des conseils adaptés à votre situation spécifique.
N.B : Le Conseil des ministres du mercredi 12 juin 2024 a adopté deux projets de loi au titre du Ministère de la Justice et des Droits de l’Homme.
Le premier projet de loi détermine les procédures applicables au contentieux relatif au bail à usage d’habitation et à l’exécution des décisions d’expulsion d’un immeuble.
Ce projet de loi vise à instituer des règles de procédure spécifiques aux litiges pouvant survenir entre bailleur et locataire ou toute autre personne impliquée dans un contrat de bail à usage d’habitation. Il a pour objectif de simplifier et d’accélérer la gestion de ce type de contentieux tout en protégeant au mieux les droits de toutes les parties au litige.
Pour ce faire, le projet de loi prévoit des délais obligatoires pour les juridictions compétentes afin de rendre leurs décisions, ainsi que pour les commissaires de justice dans l’accomplissement de leurs actes. De plus, des délais sont fixés pour que les parties puissent exercer les recours qui leur sont ouverts.
En outre, le projet de loi établit la procédure de mise en œuvre des mesures d’exécution des décisions éventuelles d’expulsion par les commissaires de justice, garantissant ainsi une protection accrue des intérêts des parties ainsi que des intérêts des tiers, notamment ceux dont les biens pourraient être en possession du locataire expulsé.
Ces nouvelles dispositions sont également prévues pour s’appliquer aux baux à usage professionnel, comblant ainsi le vide juridique laissé par l’Acte uniforme de l’OHADA portant sur le Droit commercial.
Luc Kouassi
Juriste Consultant Bilingue | Formateur | Spécialiste en rédaction de contrats, d’actes extrajudiciaires, d’articles juridiques et des questions relatives au droit du travail et des baux | Politiste en formation | Bénévole humanitaire.
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