Le recouvrement des créances est une préoccupation majeure pour les acteurs économiques, notamment les entreprises, qui ont besoin de se faire payer rapidement et efficacement les sommes qui leur sont dues par leurs cocontractants. Or, dans l’espace OHADA, le recouvrement des créances se heurtait à de nombreux obstacles, tels que la lenteur et la complexité des procédures judiciaires, l’insuffisance des voies d’exécution, ou encore l’insolvabilité des débiteurs.
Face à ces difficultés, l’OHADA a entrepris une réforme de son Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution (AUPSRVE), adopté en 1998 et révisé en 2014. Cette réforme vise à renforcer l’efficacité du recouvrement des créances dans l’espace OHADA, en simplifiant les procédures, en diversifiant les moyens d’action du créancier, et en renforçant la protection du débiteur.
Nous nous proposons d’analyser cette réforme OHADA sur le recouvrement des créances, en mettant en évidence ses apports et ses limites. Pour ce faire, nous verrons d’abord comment la réforme a simplifié les procédures de recouvrement des créances (I), puis comment elle a diversifié et renforcé les moyens d’action du créancier (II).
I) La simplification des procédures de recouvrement des créances
La réforme OHADA a simplifié les procédures de recouvrement des créances, en facilitant l’accès au juge (A) et en accélérant le traitement des affaires (B).
A) La facilitation de l’accès au juge
La réforme OHADA a facilité l’accès au juge pour le créancier qui souhaite obtenir le recouvrement de sa créance. En effet, elle a assoupli les conditions d’introduction de la procédure d’injonction de payer, qui permet au créancier d’obtenir une ordonnance du juge lui enjoignant de payer sa dette. Ainsi, selon l’article 1 de l’AUPSRVE révisé, le recouvrement d’une créance certaine, liquide et exigible peut être demandé suivant la procédure d’injonction de payer, sans qu’il soit nécessaire que la créance résulte d’un contrat écrit ou qu’elle soit constatée par un acte authentique ou sous seing privé. Il suffit que le créancier justifie sa créance par tout moyen. Par exemple, il peut produire des factures signées par le débiteur, ou une reconnaissance de dette notariée. Par ailleurs, la réforme OHADA a élargi la compétence territoriale du juge saisi de la demande d’injonction de payer. Selon l’article 3 de l’AUPSRVE révisé, le juge compétent est celui du lieu où demeure le débiteur ou celui du lieu d’exécution de l’obligation. Cette disposition permet au créancier de choisir le juge le plus proche ou le plus favorable à sa demande.
B) L’accélération du traitement des affaires
La réforme OHADA a accéléré le traitement des affaires relatives au recouvrement des créances, en imposant des délais plus courts au juge et aux parties. Ainsi, selon l’article 4 de l’AUPSRVE révisé, le juge doit statuer sur la demande d’injonction de payer dans un délai maximum de quinze jours à compter de sa saisine. Ce délai était auparavant de trente jours. De même, selon l’article 6 de l’AUPSRVE révisé, le débiteur dispose d’un délai maximum de quinze jours à compter de la notification de l’ordonnance pour former opposition devant le juge qui l’a rendue. Ce délai était auparavant de trente jours. En outre, selon l’article 7 de l’AUPSRVE révisé, le juge doit statuer sur l’opposition dans un délai maximum de trente jours à compter de sa saisine. Ce délai n’était pas prévu par l’ancien AUPSRVE. Ces délais plus courts visent à éviter les lenteurs et les blocages dans le recouvrement des créances, et à garantir une justice plus rapide et plus efficace.
La réforme OHADA a donc simplifié les procédures de recouvrement des créances, en facilitant l’accès au juge et en accélérant le traitement des affaires. Mais elle a aussi diversifié et renforcé les moyens d’action du créancier, en lui offrant de nouvelles voies d’exécution et en améliorant leur efficacité.
II) La diversification et le renforcement des moyens d’action du créancier
La réforme OHADA a diversifié et renforcé les moyens d’action du créancier, en créant de nouvelles voies d’exécution (A) et en améliorant leur efficacité (B).
A) La création de nouvelles voies d’exécution
La réforme OHADA a créé de nouvelles voies d’exécution, qui permettent au créancier de procéder au recouvrement forcé de sa créance, en saisissant les biens ou les comptes du débiteur. Il s’agit de la saisie-attribution des créances (SAC) et de la saisie-conservatoire des biens meubles corporels (SCBMC).
La SAC est une procédure qui permet au créancier muni d’un titre exécutoire (par exemple, une ordonnance d’injonction de payer non frappée d’opposition) de saisir entre les mains d’un tiers détenteur (par exemple, une banque) les sommes d’argent ou les créances que celui-ci doit au débiteur. La SAC rend indisponible la somme ou la créance saisie, qui est attribuée au créancier jusqu’à concurrence de sa créance. La SAC est régie par les articles 50 à 69 de l’AUPSRVE révisé, qui ont été introduits par la réforme OHADA. La SAC présente plusieurs avantages pour le créancier : elle lui permet de bloquer les comptes bancaires du débiteur, elle lui évite de recourir à un huissier de justice, elle lui assure le paiement intégral ou partiel de sa créance, elle lui évite les frais et les risques liés à la vente des biens saisis.
La saisie-conservatoire des biens meubles corporels (SCBMC) est une procédure qui permet au créancier muni d’une autorisation judiciaire (par exemple, une ordonnance sur requête) de saisir conservatoirement les biens meubles corporels du débiteur (par exemple, des véhicules, des machines, des marchandises). La SCBMC rend indisponible le bien saisi, qui est placé sous la garde d’un tiers séquestre ou du créancier lui-même.
La SCBMC est régie par les articles 70 à 85 de l’AUPSRVE révisé, qui ont été introduits par la réforme OHADA. La SCBMC présente plusieurs avantages pour le créancier : elle lui permet de préserver la valeur du bien saisi, elle lui donne un droit de préférence sur le produit de la vente du bien saisi, elle lui permet de se faire payer avant les autres créanciers.
B) L’amélioration de l’efficacité des voies d’exécution
La réforme OHADA a apporté des changements significatifs pour renforcer l’efficacité des voies d’exécution. Elle a impacté les différents acteurs par le renforcement des Pouvoirs du Juge et du Créancier.
Concernant les pouvoirs du Juge,La réforme a conféré au juge des pouvoirs accrus pour accélérer les procédures d’exécution. Il peut désormais prendre des mesures plus rapides et efficaces pour garantir le recouvrement des créances. Il peut ordonner des saisies, des ventes aux enchères, et des mesures conservatoires sans délai excessif.
Quant aux pouvoirs du créancier,il bénéficie d’une procédure plus fluide pour obtenir l’exécution de sa créance et peut demander au juge d’ordonner la saisie des biens du débiteur, la vente forcée, ou d’autres mesures d’exécution.
La réforme OHADA a également Limitée les Recours du Débiteur par une restriction des possibilités de contestation du débiteur et cela s’observe par des délais raccourcis , Les délais pour contester une procédure d’exécution ont été réduits. Le débiteur dispose de moins de temps pour s’opposer, En plus de cela, Les motifs de contestation sont désormais plus stricts. Le débiteur ne peut pas invoquer des raisons dilatoires pour retarder l’exécution. Si le débiteur entrave volontairement l’exécution, des sanctions plus sévères peuvent être appliquées, telles que des amendes ou des mesures coercitives.
La réforme OHADA sur le recouvrement des créances constitue une étape cruciale vers une justice commerciale plus efficace et harmonisée au sein de la région. En examinant les principaux aspects de cette réforme, nous pouvons tirer des conclusions significatives pour les acteurs économiques, les praticiens du droit et les investisseurs. Elle ouvre de nouvelles perspectives pour le développement économique et commercial en Afrique. Elle incite à l’investissement, à la croissance des entreprises et à la confiance dans le système judiciaire.
Sources :
- Actes Uniformes de l’OHADA, textes officiels publiés au Journal officiel le 15 novembre 2023 en vigueur depuis le 16 février 2024.
- Conférence sur le nouveau cadre juridique du recouvrement des créances et de l’exécution forcée entre en vigueur dans les Etats membres de l’OHADA du 16 février 2024 à 09h30
Jacques VANIE
Juriste privatiste spécialisé en droit economique des affaire,
Bénévole au sein du Cabinet La Documentation Juridique (LDJ)