M. SONGO a travaillé en tant que salarié dans la société « Appel moi pour tout », société spécialisée dans l’entretien de canalisations. Après une altercation avec M. BATARD, il a finalement donné sa démission et décidé de s’installer à son compte en qualité de plombier chauffagiste.
M. BATARD, furieux de voir son ancien salarié créer son activité décide de l’assigner au nom de la société aux fins de cessation d’agissements de concurrence déloyale devant le tribunal de commerce.
M. SONGO vient vous voir pour vous demander des conseils juridiques.
Il est convaincu d’être artisan et non-commerçant et a lu des articles sur internet affirmant qu’un autre tribunal est compétent pour les litiges concernant les artisans.
M. SONGO vous précise :
- Qu’il travaille seul sans main-d’œuvre interne ou externe ;
- Qu’il exerce principalement une activité de prestation de services ;
- Qu’il tire une faible partie de ses revenus pour revendre de marchandises (environ 10% de son résultat d’exploitation).
- Qu’en est-il ? M. BATARD peut-il assigner M. SONGO devant le tribunal de commerce ?
Résolution
Faits : Un ancien salarié reconverti plombier-chauffagiste fait l’objet, à la suite de la création de son activité, d’une action aux fins de cessation d’agissements de concurrence déloyale devant le tribunal de commerce intentée par son ancien employeur. L’homme travaille seul, exerce principalement une activité de prestation de services et tire 10% de ses revenus de la revente de marchandises.
Annonce de plan : Il convient d’abord de se pencher sur la qualification professionnelle de M. SONGO (I), avant d’envisager la question de la juridiction compétente (II).
I – Sur la qualification professionnelle de M. SONGO
Problème de droit : À quelles conditions peut-on qualifier l’activité professionnelle d’artisan ?
Solution en droit (majeure) : L’activité d’artisan a une nature civile et échappe au droit commercial.
Deux conditions permettent de qualifier un artisan :
D’abord, la nature de l’activité de l’artisan doit exclure les opérations de spéculation. L’artisan doit réaliser un travail manuel sans recourir à la spéculation (Com. 18 févr. 1980, n° 78-15.102). S’il recherche le profit, il pourra être requalifié en commerçant. C’est notamment le cas lorsqu’il spécule :
- sur les marchandises lorsque l’essentiel de l’activité consiste à acheter pour revendre (Com. 17 juin 1970, n° 69-10.475) ;
- sur le travail d’autrui ou sur le travail des machines, par exemple lorsque l’activité requiert l’emploi d’un matériel important (Com. 2 mai 1972, n° 69-10.475).
Ensuite, la taille de l’entreprise d’un artisan est limitée à 10 salariés. Ce critère rejoint en réalité le critère précédent, car l’idée est qu’au-delà d’une certaine taille, l’artisan spécule sur le travail d’autrui. Il convient toutefois de préciser qu’il ne s’agit pas d’un critère permettant de qualifier une activité d’artisanale ou de commerciale, mais simplement de déterminer l’exigence d’immatriculation de l’artisan au registre des métiers.
Solution en l’espèce (mineure) : En l’espèce, M. SONGO effectue un travail manuel en tant que plombier-chauffagiste.
Il ne semble pas effectuer d’activité de spéculation puisqu’il ne spécule pas :
- Sur le travail d’autrui, car il travaille seul sans main-d’œuvre interne (salarié) ou externe (prestataires de service)
- Sur les marchandises, car il ne tire que 10% de ses revenus de la revente de marchandise.
- Sur le travail des machines, car les faits ne précisent pas que son activité requiert un matériel important.
Il semble donc bien effectuer un travail manuel, sans recourir à la spéculation.
Conclusion : M. SONGO pourra donc bien être qualifié d’artisan.
II – Sur la question de la juridiction compétente
Problème de droit : Les litiges entre un artisan et un commerçant relèvent-ils de la juridiction commerciale ?
Solution en droit (majeure) : L’artisan relève du droit civil. Les règles du droit commercial ne lui sont pas applicables.
Par exception, l’artisan est soumis à certaines règles du droit commercial. Ainsi, les instances introduites entre artisans, ou entre artisans et commerçants relèvent de la compétence matérielle du tribunal de Commerce et toute saisine d’une autre juridiction est sanctionnée par une décision d’incompétence.
Solution en l’espèce (mineure) : En l’espèce, M. SONGO se trompe en affirmant qu’une autre juridiction est compétente, car le tribunal de commerce est compétent pour les litiges entre les artisans et les commerçants. Or, il peut lui-même être qualifié d’artisan.
Conclusion : Le tribunal de commerce pourra être compétent pour connaître du litige entre M. SONGO et M. BATARD.