Plusieurs amis se sont réunis chez Pierre pour une soirée «entre hommes ». La soirée se passe bien, mais les amis décident pour s’amuser de jouer à un jeu qu’ils ont vu sur YouTube: un concours de lancer de couteau sur une cible. L’idée est simple: chacun leur tour, ils doivent prendre un couteau et viser au centre de la cible.
Le jeu va toutefois rapidement tourner au drame. Après quelques essais, Kévin qui ne faisait pas attention, croyant viser la cible, atteint son ami Julian qui passait près de la cible pour ramasser son couteau en pleine tête. Julian s’effondre et ne se relève pas. Les amis, pris de panique, appellent rapidement une ambulance.
Malheureusement, Julian, conduit en urgence à l’hôpital, décédera finalement dans la nuit.
Kévin, poursuivi pour homicide involontaire par imprudence, souhaiterait savoir s’il risque réellement de faire l’objet d’une sanction pénale alors qu’il n’a jamais souhaité faire de mal à son ami et reste profondément attristé par son décès.
NB : pour la résolution du cas pratique, vous partirez du principe qu’il n’existe aucune obligation légale interdisant le lancer de couteau dans un cadre privé.
Résolution
Faits : Un homme cause la mort d’un ami au cours d’un jeu consistant à lancer des couteaux sur une cible en l’atteignant à la tête, par inattention.
Sur la caractérisation de l’infraction d’homicide involontaire
Problème de droit : Quels sont les éléments constitutifs de l’infraction d’homicide involontaire?
Solution en droit : En droit positif français et ivoirien, pour caractériser l’infraction pénale d’homicide involontaire, trois éléments doivent être caractérisés : un élément matériel, un élément moral et un élément légal.
S’agissant de l’élément légal, l’homicide involontaire est une infraction prévue par l’article 221-6 du Code pénal français et l’article 392 alinéa 1 du code pénal ivoirien qui disposent : « le fait de causer par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, la mort d’autrui constitue un homicide involontaire».
L’élément matériel de l’homicide involontaire, c’est-à-dire le comportement, actif ou passif,
décrit par l’article 221-6 du Code pénal français et l’article 392 alinéa 1 du code pénal ivoirien est le fait de causer la mort d’autrui.
S’agissant de l’élément moral, l’infraction d’homicide involontaire est une infraction non intentionnelle qui renvoie à l’article 121-3 du Code pénal français. Cet article envisage le cas de l’infraction non intentionnelle en distinguant, s’agissant des personnes physiques, deux situations différentes.
La première situation vise l’existence d’un lien de causalité directe entre le comportement de l’auteur de l’infraction et le dommage. Dans ce cas, une faute simple suffit à engager sa responsabilité pénale.
Il n’existe pas de définition légale de la causalité directe, mais selon la doctrine il y aurait lien de causalité direct lorsque le comportement de l’auteur serait la cause exclusive, immédiate ou déterminante du dommage. La faute simple est, selon l’article 121-3 du Code pénal français et le droit positif ivoirien, une « faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ». Cette faute est appréciée in concreto selon « la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens » dont disposait l’auteur des faits.
La deuxième situation vise l’existence d’un lien de causalité indirecte entre le comportement de l’auteur de l’infraction et le dommage. Dans ce cas, une faute qualifiée est nécessaire pour pouvoir engager sa responsabilité pénale. La faut qualifiée peut être soit une faute délibérée soit une faute caractérisée.
La causalité indirecte est définie à l’alinéa 4 de l’article 121-3 du Code pénal français : « celui qui a créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage, ou qui n’a pas pris les mesures permettant de l’éviter ».
Solution en l’espèce : En l’espèce, l’élément matériel de l’infraction d’homicide involontaire correspond au fait de causer la mort d’autrui. Dans notre cas, Kévin a lancé un couteau qui a atteint la tête de Julian, ce qui a causé sa mort. Cet élément est donc caractérisé.
S’agissant de l’élément moral, il faut d’abord déterminer la nature du lien de causalité entre l’acte et le dommage. En l’espèce, le lancer de couteau par Kévin est la cause exclusive et immédiate et déterminante de la mort de Julian de sorte que le décès de Julian est directement lié à l’acte de Kévin. Le lien de causalité est donc direct.
Ainsi, une faute simple doit, selon l’article 121-3 du Code pénal français et le droit positif ivoirien, être rapportée pour que Kévin puisse voir sa responsabilité pénale engagée. En d’autres termes, une simple faute d’imprudence ou de négligence suffit pour engager sa responsabilité pénale. Dans notre cas, Kévin n’a pas fait attention à son ami qui venait récupérer son couteau après son lancer de couteaux. Il a donc commis une faute d’imprudence.
Conclusion : La responsabilité pénale de Kévin pour l’infraction d’homicide volontaire par imprudence pourra être engagée.
Sur la répression de l’homicide involontaire l homicide involontaire
Problème de droit : Quelles sont les peines encourues pour la commission d’un homicide involontaire?
Solution en droit : En droit positif français, l’homicide involontaire est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
Toutefois, l’article 221-6 du Code pénal prévoit qu’en cas de violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, les peines encourues sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende.
En droit positif ivoirien, l’article 392 du code pénal dan son entièreté dispose : « Est puni d’un emprisonnement de trois mois à trois ans et d’une amende de 100.000 à 1.000.000 de francs, quiconque, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou inobservation des règlements commet involontairement un homicide ou en est involontairement la cause.
La peine est d’un mois à un an d’emprisonnement et l’amende de 50.000 à 500.000 francs, s’il en est résulté une incapacité totale de travail personnel pendant plus de six jours.
Les peines prévues aux deux alinéas précédents sont également applicables au cas où l’homicide ou les blessures ont été occasionnés ou provoqués par un incendie causé involontairement ».
En d’autres termes, la faute délibérée est à la fois une condition de la responsabilité d’une personne physique (lorsque la causalité est indirecte) et une circonstance aggravante de l’infraction.
La faute de mise en danger délibérée est définie par le texte. Il s’agit de la violation par l’agent « de façon manifestement délibérée » d’une «obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ». Il y a donc quatre conditions pour caractériser une faute délibérée :
1. Il faut caractériser une obligation de sécurité ou de prudence;
2. Il faut qu’une obligation soit prévue par la loi ou le règlement ;
3. Il faut que l’obligation soit « particulière » ;
4. Il faut que l’obligation soit manifestement délibérée : l’agent doit avoir eu une réelle volonté de méconnaître l’obligation.
Solution en l’espèce : En l’espèce, il a été démontré que Kévin encourt en droit positif français une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende et en droit positif ivoirien, une peine allant de trois mois à trois ans et d’une amende de 100.000 à 1.000.000 de francs.
Pour savoir si la peine encourue peut être aggravée, il faut vérifier si Kévin a violé « de façon manifestement délibérée » une « obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ». Aucune indication n’est donnée sur l’existence ou non d’une obligation de ne pas procéder au lancer de couteaux dans un cadre privé. En l’absence d’éléments, il semble qu’une telle obligation n’est pas prévue par la loi ou par le règlement.
En tout état de cause, la violation d’une telle obligation, même si elle existait, ne semble pas avoir été manifestement volontaire puisque Kévin ne semble pas avoir eu connaissance d’une telle obligation.
Conclusion : En droit positif français, Kévin encourt une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende tandis qu’en droit positif ivoirien, il encourt une peine allant de trois mois à trois ans et d’une amende de 100.000 à 1.000.000 de francs.