Pascaline DELAPOUBELLE, une petite fille de 5 ans, a commencé son enfance d’une triste manière. Son père, Cédric DELAPOUBELLE, a été condamné par une cour d’assises à 15 ans de réclusion criminelle pour viols et agressions sexuelles sur mineures de quinze ans, dont sa fille âgée de 3 ans à l’époque des faits.
Ne supportant pas que sa fille ait à porter le nom d’un homme ayant commis des agissements de cette nature, sa mère a formulé une demande de changement de nom de famille pour le compte de Pascaline.
• Pascaline peut-elle obtenir le changement de nom de famille ?
Résolution
Faits : Une fille souhaite changer de nom de famille au motif que son père, dont elle porte le nom de famille, a été condamné à 15 ans de réclusion criminelle pour viols et agressions sexuelles sur sa personne et sur d’autres mineures
Problème de droit : La condamnation par une cour d’assises d’un homme pour des faits de viols et d’agressions sexuelles peut-elle constituer un intérêt légitime à changer de nom de famille pour l’enfant qui porte son nom ?
Solution en droit : Le prénom et le nom de famille sont des appellations permettant d’individualiser une personne. Le nom permet d’individualiser la personne au sein de la société et le prénom permet de l’individualiser au sein de sa famille.
Le principe est l’immutabilité du nom de famille, ce qui signifie qu’une personne ne peut pas changer de nom de famille par un acte de volonté privée. Cette immutabilité est justifiée par le fait que le nom est un élément de l’état civil et par une nécessité de police civile.
Plusieurs exceptions sont toutefois prévues par la loi et permettent à une personne, dans certains cas, d’obtenir le changement de son nom de famille.
En droit positif ivoirien, l’article 18 du code civil dispose que toute personne peut demander pour son compte et pour celui de ses enfants mineurs nés ou à naître, à porter le nom de ses ascendants, sans donner plus de précisions y relatives. C’est en cela que nous appliquons à ce cas, les règles du droit positif français.
Ainsi, selon le droit positif français, une personne peut changer de nom dans plusieurs situations :
1. En cas de changement de filiation (C. civ, art 61 al. 3) ;
2. En cas de changement de nom lorsqu’une personne acquiert la nationalité (Loi du 8 janvier 1993)
3. En cas de relèvement de nom de citoyens mort pour la France ;
4. En cas de relèvement d’un nom menacé d’extinction en prenant celui d’un ascendant ou d’un collatéral (C. civ, art 61 al. 2).
5. En cas d’intérêt légitime à changer de nom.
S’agissant de cette dernière possibilité, la loi du 8 janvier 1993 a introduit dans le Code civil les articles 60 et suivants du Code civil permettant un changement de nom en cas d’intérêt légitime.
D’après la jurisprudence, cet intérêt peut consister à :
– Délaisser un nom à consonance ridicule ou injurieuse ;
– Abandonner un nom
Le Conseil d’Etat a spécifiquement jugé qu’un enfant avait un intérêt légitime à changer de nom de famille au regard de la gravité des agissements pour lesquels son père a été condamné. En l’espèce, il s’agissait d’une condamnation pour viols et agressions sexuelles sur mineures de moins de 15 ans (CE, 4 déc. 2009, n° 309004)
Cette jurisprudence du Conseil d’État se trouve dans les annotations du Code civil français sous l’article 61.
La procédure est administrative. Une demande doit être adressée au garde des Sceaux qui peut demander l’avis du Conseil d’État et le changement de nom est autorisé par un décret.
La publication fait courir un délai de deux mois durant lequel tout intéressé peut faire opposition devant le Conseil d’État (C. civ, art 61-3).
Solution en l’espèce : En l’espèce, le père de Pascaline a été condamné par une cour d’assises pour des agissements particulièrement graves (viols et agressions sexuelles sur mineures de moins de 15ans).
Or, le Conseil d’État a déjà pu juger qu’une telle condamnation constituait un intérêt légitime à changer de nom au sens de l’article 61 du Code civil.
Conclusion : Pascaline pourra sûrement obtenir le changement de son nom de famille.
NB : Analyse basée sur le droit positif français.