Cédric a été condamné en appel à 2 ans d’emprisonnement ferme le 25 juin 2019. Son avocat lui explique qu’il ne peut bénéficier d’aucun aménagement de sa peine, car depuis la loi du 23 mars 2019, entrée en vigueur le 24 mars 2020, la mesure d’aménagement de peine n’est offerte notamment qu’aux personnes condamnées à une peine d’emprisonnement ferme d’une année maximum.
Ce dernier a pourtant entendu parler un avocat à la télévision qui expliquait qu’avant l’entrée en vigueur de cette loi, le Code de procédure pénale permettait à toute personne condamnée à une peine d’emprisonnement ferme au maximum à deux ans de bénéficier d’un aménagement de peine.
Cédric souhaite savoir si son avocat et raison pour savoir si un pourvoi et raison pour savoir si un pourvoi en cassation pourrait s’avérer intéressant.
N. B. : La loi du 23 mars 2019, entrée en vigueur le 24 mars 2020, prévoit que la mesure d’aménagement de peine n’est offerte notamment qu’aux personnes condamnées à une peine d’emprisonnement ferme d’une année maximum. Avant cette loi, le Code de procédure pénale et le Code pénal permettaient à toute personne condamnée à une peine d’emprisonnement ferme au maximum à deux ans de bénéficier d’un aménagement de peine.
Résolution
Faits : Un prévenu a été condamné en appel à 2 ans d’emprisonnement ferme le 25 juin 2019. À la suite de l’entrée en vigueur de la loi du 23 mars 2019, le 24 mars 2020, ne permettant une mesure d’aménagement de peine qu’aux personnes condamnées à une peine d’emprisonnement ferme d’une année maximum, il souhaite savoir s’il aurait pu bénéficier d’un aménagement de peine conformément à la loi en vigueur au moment de la commission de l’infraction permettant à toute personne condamnée à une peine d’emprisonnement ferme au maximum à deux ans de bénéficier d’un aménagement de peine.
Problème de droit : Une personne condamnée à une peine d’emprisonnement ferme supérieure à un an, mais inférieure à deux ans pour des faits commis antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 23 mars 2019 peut-il prétendre à un aménagement ab initio de sa peine?
Solution en droit : Le principe de non-rétroactivité de la loi pénale de fond plus sévère, prévu par l’article 8 de la DDHC de 1789, l’article 7 paragraphe 1 de la CEDH et l’article 112-1 du Code pénal français, est le corolaire du principe de légalité des délits et des peines.
L’article 112-1 du Code pénal français (Article 24 alinéa 2 du code pénal ivoirien) , relatif aux lois pénales de fond, prévoit ainsi que « sont seuls punissables les faits constitutifs d’une infraction à la date à laquelle ils ont été commis ». Par exception (rétroactivité in mitius), une loi nouvelle est applicable à des faits commis avant son entrée en vigueur lorsqu’elle est plus douce, c’est-à-dire moins sévère (Code pénal français, art. 121-1, al. 3), (Code pénal ivoirien, Article 24 alinéa 1).
Le Code pénal prévoit des dispositions différentes s’agissant des lois pénales de formes à l’article 112-2 du code pénal français (Articles 23 et 24 du code pénal ivoirien). Cet article pose le principe de l’application immédiate des lois pénales de forme à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur. L’idée générale derrière cette règle est que les lois pénales de forme permettent le bon fonctionnement de la justice.
L’article 112-2 du Code pénal distingue plusieurs types de lois de forme et vise notamment à l’alinéa 3 « les lois relatives au régime d’exécution et d’application des peines ». Le principe est donc l’application immédiate de ce type de lois à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur.
Toutefois, par exception, l’alinéa 3 de l’article prévoit que « lorsqu’elles auraient pour résultat de rendre plus sévères les peines prononcées par la décision de condamnation» ces lois ne sont applicables qu’aux condamnations prononcées pour des faits commis postérieurement à leur entrée en vigueur.
La distinction entre lois pénales de fond et lois pénales de procédure est parfois délicate. La Cour de cassation a récemment jugé que « l’aménagement de peine constitue-t-il, même lorsqu’il émane de la juridiction de jugement, un dispositif relatif au régime d’exécution et d’application des peines » et que « l’application dans le temps d’une telle mesure obéit par conséquent aux règles définies par l’article 112-2, 3° du code pénal » (Crim., 20 octobre 2020, n° 19-84.754).
Enfin, pour déterminer le caractère plus sévère ou non d’une loi, on plus sévère ou non d une loi, on retient classiquement qu’est plus sévère une loi qui crée une nouvelle incrimination, étend la définition d’une infraction existante, met en place une nouvelle peine ou aggrave une peine encourue pour une infraction. Dans l’arrêt précité, la Cour de cassation a jugé que la loi du 23 mars 2019 qui interdit tout aménagement des peines d’emprisonnement sans sursis d’une durée comprise entre un et deux ans est plus sévère.
Solution en l’espèce : En l’espèce, il existe ici un conflit de loi dans le temps à résoudre. Antérieurement à la loi du 23 mars 2019 et son entrée en vigueur, toute personne condamnée à une peine d’emprisonnement ferme au maximum à deux ans pouvait bénéficier d’un aménagement de peine. Or, depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle rédaction de ces textes, soit depuis le 24 mars 2020, la mesure d’aménagement de peine ne peut bénéficier qu’aux personnes condamnées à une peine d’emprisonnement ferme d’une année maximum.
Trois étapes doivent être respectées pour déterminer la loi applicable.
D’abord, il est nécessaire d’identifier le type de loi dont il s’agit (loi pénale de fond ou loi s agit (loi pénale de fond ou loi pénale de procédure) pour déterminer les dispositions applicables. En l’espèce, les dispositions de la loi du 23 mars 2019 relative à l’aménagement de la peine relèvent selon la Cour de cassation de l’article 112-2 alinéa 3 du Code pénal en tant que loi relative au régime d’exécution et d’application des peines.
Ensuite, il faut déterminer le moment de la commission de l’infraction ainsi que l’entrée en vigueur de la loi nouvelle. Il ressort des faits que l’infraction a été commise avant l’entrée en vigueur de la loi (24 mars 2020).
Enfin, il faut déterminer le caractère plus sévère ou non de loi du 23 mars 2019. En l’espèce, cette loi interdit tout aménagement des peines d’emprisonnement sans sursis d’une durée comprise entre un et deux ans alors qu’un tel aménagement était antérieurement possible. Elle est donc plus sévère. La Cour de cassation s’est d’ailleurs déjà prononcée dans ce sens. La loi du 23 mars 2019 n’est donc applicable qu’aux condamnations prononcées pour des faits commis postérieurement à son entrée en vigueur, soit le 24 mars 2020.
Conclusion : Ainsi, Cédric aurait intérêt à former un pourvoi devant la Cour de cassation contre l’arrêt de la Cour d’appel.
NB : Analyse basée majoritairement sur le droit positif français.