L’Etat exerce une double fonction. Une fonction politique et une fonction juridique. Alors que la première fonction s’appréhende au plan de la finalité de l’Etat, la seconde se situe quant à elle au plan des moyens au service de la finalité poursuivie par l’Etat. On relève au plan de la fonction politique, une opposition quant à la finalité de l’Etat. Mais quelle que soit l’option adoptée, la fonction juridique apparaît comme complémentaire de la fonction politique.
L’opposition conceptuelle quant à la fonction politique de l’Etat : la conception libérale et la conception marxiste.
En considération de la conception libérale, selon ST THOMAS D’ACQUIN, »les Etats doivent rechercher le bien commun ». Autrement dit, l’Etat est censé poursuivre l’intérêt général. Dans cette quête, le rôle joué par l’Etat a connu une évolution notable : de l’Etat simple spectateur du jeu social, on est passé aujourd’hui à l’Etat acteur principal de ce même jeu social.
L’Etat comme spectateur, gendarme ou arbitre.
Ces trois qualificatifs ont été appliqués à l’Etat jusqu’à la première guerre mondiale et même jusqu’au crash boursier de 1929. Ces différents qualificatifs évoquent une situation dans laquelle l’Etat est cantonné dans les fonctions strictes de défense de la communauté à l’égard des agressions d’origine extérieure ainsi que de police à l’intérieur de la communauté considérée. Une telle conception du rôle de l’Etat, essentiellement amorphe, négative, était en fait liée d’une part à la doctrine économique capitaliste du »laissez faire, laissez aller », laquelle était créditée d’immenses mérites par les économistes d’alors.
D’autre part, les citoyens qui venaient de triompher et d’acquérir vers la fin du 18ème siècle des libertés individuelles au prix de maintes révolutions sanglantes dirigée contre toute puissance de l’Etat monarchique, avaient le souci de les préserver dorénavant non seulement en les proclamant, mais surtout en prévenant toute intervention malveillante d’un pouvoir autoritaire qui remettait en cause l’acquis révolutionnaire. LE principe a été posé dès lors de l’interdiction faite à l’Etat d’intervenir dabs le jeu des forces sociales et économiques. Il convient toutefois de corriger légèrement cette présentation par des personnes privées (assistance publique, institution publique, etc.). Cette intervention négligeable; timide au départ, va s’accroître avec le temps et l’on va assister à un glissement de l’Etat spectateur vers l’Etat, acteur du jeu social.
L’Etat comme acteur, interventionniste ou l’Etat providence.
Au départ de cette évolution, de cette mutation profonde dans la conception du rôle de l’Etat, on trouve des citoyens eux-mêmes, notamment les couches sociales défavorisées qui sollicitent, exigent l’intervention salvatrice de l’Etat. l’Etat ne doit plus se contenter d’assister en spectateur neutre au jeu social. Il doit désormais s’impliquer directement dans le déroulement du jeu social, afin d’apporter un »mieux-être, un changement qualitatif »’ dans la vie des citoyens. Outre ses fonctions traditionnelles de gendarme qui demeurent, l’Etat est investi dans de missions sociales, économiques ; garantie de l’emploi, formation professionnelle, législation sociale, distribution de ressources à des catégories défavorisées, santé publique, enseignement, direction de la vie économique, etc. L’origine de cette conception peut être située dans la prise de conscience après le crash boursier de 1929, des dangers potentiels d’un potentiels d’un libéralisme échevelée, essentiellement nocif.
Aujourd’hui, cette conception qui implique de la part de l’Etat un comportement positif, dynamique en est à considérer que l’Etat a une fonction de développement. L’Etat a pour objet et pour devoir d’assurer un développement économique et social harmonieux. On voit l’Etat dans cette perspective de maîtrise de toutes les activités nationales afin de les canaliser vers l’objectif de développement, mettre en place une politique de planification économique.
Mais le revers de cet interventionnisme croissant de l’Etat est que l’individu, le citoyen, assiste à un envahissement par l’Etat de toute la sphère sociale. Il perd en autonomie ce qu’il gagne en mieux-être et en sécurité. Il s’ensuit de nos jours la revendication d’une déréglementation.
En considération de la conception marxiste, l’Etat contrairement à la vision libérale ne cherche pas le bien être général. Il cherche plutôt le bien d’une classe sociale donnée, dont il n’est que l’instrument. Dabs l’Etat capitaliste, l’Etat est un instrument au service des intérêts de la bourgeoisie. l’Etat est essentiellement un appareil d’oppression, utilisé par la bourgeoisie pour asseoir sa domination sur les classes exploitées (notamment la classe ouvrière). Pourtant en U.R.S.S., malgré la proclamation officielle par le 22ème congrès du P.C.U.S. en 1961, de la fin de la dictature du prolétariat; l’Etat n’a pas disparu ; bien au contraire, il s’est renforcé. Il a été soutenu qu’il est désormais »l’Etat du peuple tout entier » du fait de la réalisation de l’homogénéité sociale. Cet Etat a donc une autre mission, celle d’assurer le passage du socialisme au communisme. Finalement, cette doctrine se rapproche de la doctrine libérale dans la mesure où l’Etat soviétique (donc marxiste) a désormais vocation à assurer le bien-être de tous et non plus d’une seule classe.
La complémentarité quant à la fonction juridique de l’Etat.
Elle procède traditionnellement par une triple distinction des fonctions juridiques de l’Etat. Mais une telle analyse doit être corrigée et précisée eu égard à la pratique. On distingue en théorie la fonction législative, celle exécutive et celle judicaire.
La fonction législative consiste pour l’Etat à formuler des règles de droit de portée générale et impersonnelle notamment les lois de l’Assemblée Nationale. Elle est donc le fait de l’organe législatif, c’est-à-dire du parlement ou de l’Assemblée Nationale. Il faut y ajouter cependant, si l’on s’en tient à la notion matérielle de loi (portée générale et impersonnelle), les décrets réglementaires du gouvernement et de certains organes de direction issus de corps de l’Etat qui édictent des ordonnances législatives.
Quant à la fonction exécutive, elle consiste à assurer l’application (par des mesures individuelles) des règles générales et impersonnelles formulées par le législateur. Cette fonction relève de l’organe exécutif, c’est-à-dire du gouvernement.
En ce qui concerne la fonction juridictionnelle, elle consiste à résoudre les conflits nés de l’application de la loi entre particuliers, entre particuliers et personnes publiques ou entre personnes publiques. Elle est le fait de l’organe judicaire (tribunaux) qui procède par des mesures individuelles. Les décisions du juge ont »l’autorité de la chose jugée » c’est-à-dire qu’elles sont définitives, obligatoires et exécutoires (utilisation au besoin de la force publique). Sauf pour la fonction juridictionnelle, la distinction classique se présente dans la pratique sous un autre schéma. Sur plusieurs points, l’analyse traditionnelle doit être revue et nuancée.
Concernant l’organe et la fonction législative, tous les actes ne sont pas nécessairement des lois, c’est-à-dire des règles générales et impersonnelles. Il pose le également des actes individuels. Exemples : distinction honorifique d’un individu, ou bien d’un contrat d’aménagement des bureaux de l’Assemblée Nationale. En outre, l’organe législatif ne remplit pas seul la fonction législative. L’organe exécutif aussi y participe (initiative de lois, projet de lois, domaine réservé au règlement). Enfin, l’organe législatif joue un rôle important de contrôle de l’activité gouvernementale (critique, vote du budget, responsabilité ministérielle dans certains régimes). Il est donc plis indiqué de parler de fonction parlementaire.
Concernant l’organe et la fonction exécutive, tous les actes de cet organe n’ont pas forcément une portée individuelle. Il peut aussi prendre des actes de portée générale et impersonnelle : domaine réglementaire réservé (loi au sens matériel). Exemple : organisation administrative. En outre, l’exécution ne se contente pas d’exécuter les lois. Non seulement il participe à la fonction législative, mais aussi et surtout il a un rôle d’impulsion de la vie politique et économique qui lui confère un pouvoir énorme de décision et une place prépondérante. Alors qu’au départ (révolution française de 1789) on cherchait à rabaisser la fonction exécutive à un rôle subalterne, aujourd’hui on assiste à un véritable renversement de la situation. Ce sont les parlements qui sont dessaisis de leurs fonctions et ramenés à jouer les seconds rôles. De sorte qu’au lieu de parler de fonction exécutive, il apparaît plus indiqué aujourd’hui de parler de fonction gouvernementale.